Projet de loi C-15 : Rapport sur ce que nous avons appris


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Table des matières

Sommaire

Le 3 décembre 2020, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, avec l’appui de la ministre des Relations Couronne-Autochtones, a déposé le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Le projet de loi C-15 concrétise l’engagement du gouvernement du Canada à présenter un projet de loi pour faire avancer la mise en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration des Nations Unies) avant la fin de 2020. Ce projet de loi donne également suite aux appels à l’action nos 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA).

À l’appui de l’engagement du gouvernement du Canada à présenter un projet de loi pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies, une série de séances de mobilisation virtuelles ont eu lieu sur une période de six semaines, entre le 30 septembre et le 6 novembre 2020, avec des dirigeants des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse, des signataires de traités modernes, des organisations autochtones régionales et des associations de femmes autochtones et de jeunes Autochtones. Le processus de mobilisation comprenait également des séances de discussion virtuelles avec les secteurs de l’industrie des ressources naturelles et avec toutes les provinces et tous les territoires. Les discussions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont déroulées conformément au cadre de confidentialité habituel. Les détails de ces discussions ne sont pas présentés dans le présent rapport.

Au total, plus de 70 séances virtuelles ont eu lieu. L’objectif principal des séances était d’obtenir des commentaires et des conseils sur les améliorations pouvant être apportées à la version provisoire du projet de loi fondé sur l’ancien projet de loi C-262 émanant d’un député, notamment sur les modifications techniques mineures qui avaient été apportées à la version provisoire du projet de loi par rapport à l’ancien projet de loi C-262.

Tout au long de la consultation, les participants ont été invités à soumettre des commentaires écrits dans une boîte de réception générique gérée par Justice Canada. La plupart des commentaires reçus comprenaient des recommandations précises sur le libellé de la version provisoire du projet de loi créée à des fins de consultations, mais les participants ont également profité de l’occasion pour faire part de leurs points de vue et de leurs recommandations sur l’élaboration d’un plan d’action. Plus de 50 mémoires contenant des recommandations sur la version provisoire ont été reçus au cours du processus, principalement de la part d’organisations autochtones.

En général, la Déclaration des Nations Unies ainsi que l’intention et les efforts du gouvernement du Canada pour la mettre en œuvre au Canada ont reçu un solide appui. Cependant, bon nombre de ceux qui ont participé aux consultations et aux discussions ont exprimé des préoccupations au sujet du processus, principalement en ce qui concerne le délai limité pour examiner la version provisoire du projet de loi et formuler des commentaires utiles à son sujet, ainsi que leur désir d’avoir un processus plus complet et inclusif.

Malgré ces préoccupations, de nombreuses séances ont comporté des discussions riches et libres, et les participants ont formulé de nombreux commentaires sur les améliorations possibles à la version provisoire du projet de loi. Les recommandations comprenaient des dispositions améliorées dans le préambule, comme des références aux droits inhérents, au droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale et à l’importance de reconnaître et de respecter les droits issus des traités. De nombreux participants ont également recommandé l’inclusion de références à l’Enquête nationale sur les FFADA et de références explicites aux jeunes, aux enfants, aux personnes handicapées, aux femmes et aux personnes bispirituelles et de genres divers. De plus, de nombreux participants ont souligné l’importance de faire référence à la discrimination et au racisme systémiques auxquels sont confrontés les peuples autochtones, ainsi que l’importance de faire référence au développement durable et aux changements climatiques. Les participants ont également fourni des commentaires sur la disposition liée à la production de rapports annuels sur les progrès. Le gouvernement du Canada a entendu parler de l’importance d’adopter une approche fondée sur les distinctions pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies et d’y inclure des références explicites à la diversité des peuples autochtones et des identités, cultures, langues, coutumes, pratiques, droits et traditions en matière de droit des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse. Bon nombre des participants ont également exprimé la nécessité d’explorer les mesures de responsabilisation, de transparence et de surveillance dans le cadre de la mise en œuvre.

Certains participants ont dit craindre que la version provisoire limite l’exercice de certains droits inhérents ou empiète sur ces droits. Ils ont également insisté sur la nécessité d’un financement adéquat des ressources et des capacités pour les peuples autochtones afin d’appuyer la mise en œuvre de la loi après son adoption. Le gouvernement du Canada a également entendu des points de vue sur la vaste portée de la version provisoire, l’utilisation de la Déclaration des Nations Unies dans l’interprétation des lois canadiennes, et les répercussions possibles sur les pouvoirs des secteurs de compétence. Les répercussions possibles du consentement libre, préalable et éclairé, notamment dans le secteur des ressources naturelles, ont également fait l’objet de discussions.

Les commentaires reçus ont beaucoup contribué à l’amélioration du projet de loi C-15, lequel se fondait en très grande partie sur l’ancien projet de loi d’initiative parlementaire C-262. Ces améliorations comprennent l’ajout de contenu au préambule, y compris la reconnaissance des droits inhérents, la diversité des sexes, la mise en œuvre possible de la Déclaration afin d’appuyer le développement durable, l’importance de respecter les traités et les accords, et la nécessité de tenir compte de la diversité des peuples autochtones dans la mise en œuvre de la loi. Le projet de loi C-15 comprend également, entre autres choses, une disposition de déclaration d’objet qui mentionne les principaux objectifs de la loi, l’ajout de certaines définitions, ainsi qu’une plus grande clarté en ce qui concerne le contenu futur, l’élaboration et le dépôt du plan d’action et des rapports annuels.

Introduction

Le 3 décembre 2020, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, avec l’appui de la ministre des Relations Couronne-Autochtones, a présenté le projet de loi C-15, Loi concernant la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones qui concrétise l’engagement du gouvernement du Canada à présenter un projet de loi pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration des Nations Unies) avant la fin de 2020. Ce projet de loi donne également suite aux appels à l’action 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (FFADA). De plus, la loi fédérale concernant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies est conforme à l’article 38 de la Déclaration, qui exige que les États collaborent avec les peuples autochtones à la conception de mesures adaptées, y compris des mesures législatives, afin d’atteindre les objectifs de la Déclaration.

La Déclaration des Nations Unies est un instrument international exhaustif sur les droits des peuples autochtones du monde entier. Elle a été élaborée avec la participation directe de peuples, d’organisations et d’experts autochtones. En 2016, le gouvernement du Canada a souscrit sans réserve à la Déclaration des Nations Unies et s’est engagé à sa pleine mise en œuvre. Cet engagement reconnaît que les droits autochtones sont des droits de la personne, et que la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies permettra de protéger et de défendre ces droits.

Au moyen de 24 paragraphes de préambule et de 46 articles, la Déclaration des Nations Unies établit un large éventail de droits collectifs et individuels qui constituent les normes minimales pour protéger les droits des peuples autochtones et pour contribuer à leur survie, à leur dignité et à leur bien-être. Il s’agit notamment des droits suivants :

La Déclaration des Nations Unies et sa mise en œuvre au Canada sont d’une importance capitale pour tous les peuples autochtones et le Canada dans son ensemble. La Déclaration des Nations Unies est un outil précieux pour élaborer des stratégies et prendre des mesures en vue de garantir que les lois et les politiques canadiennes respectent les normes minimales en matière de droits de la personne énoncées dans la Déclaration. La Déclaration des Nations Unies est aussi utilisée régulièrement par des organes des Nations Unies chargées des droits de la personne pour évaluer le respect des droits de la personne au Canada.

En 2016, le député Romeo Saganash a déposé le projet de loi d’initiative parlementaire C-262, Loi visant à assurer l’harmonie des lois fédérales avec la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones qui a fait l’objet d’un examen exhaustif et qui a été adopté par la Chambre des communes. Toutefois, le Sénat n’avait pas adopté le projet de loi avant la fin de la session parlementaire en juin 2019. À ce moment-là, le gouvernement du Canada s’est engagé à présenter une loi semblable à titre de projet de loi du gouvernement, en misant sur l’appui notable à l’égard de l’ancien projet de loi d’initiative parlementaire C-262 et en indiquant que celui-ci serait la « base » de toute législation future.

Comme il a été mentionné dans les discours du Trône de 2019 et de 2020, la Déclaration des Nations Unies est essentielle pour faire progresser la réconciliation au Canada. Elle répond également aux appels à l’action n 43 et 44 de la Commission de vérité et réconciliation, qui demandent la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies comme cadre de réconciliation, et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les FFADA.

Bien qu’il faille du temps pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies, bon nombre des droits qui y sont affirmés sont déjà pris en compte dans les lois canadiennes existantes. Citons par exemple l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, les dispositions sur les droits à l’égalité de l’article 15 de la Charte, les protections contre la discrimination prévues par la Loi canadienne sur les droits de la personne, ainsi que d’autres lois particulières, comme celle en matière de langues autochtones, de services à l’enfance et à la famille autochtones et de participation des Autochtones aux évaluations des répercussions environnementales. Cependant, les peuples autochtones et les organismes des Nations Unies responsables des droits de la personne ont exhorté le Canada à en faire plus et à se conformer davantage à la Déclaration des Nations Unies. À cet égard, le gouvernement du Canada croit qu’un cadre législatif fédéral pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies devrait s’inspirer de la reconnaissance nationale, tout en la renforçant.

Tel que mentionné dans le préambule et l’article 4 du projet de loi C-15, les lois canadiennes devraient être interprétées en fonction de la Déclaration des Nations Unies. Toutefois, le projet de loi C-15 reconnaît également que l’harmonisation parfaite des lois fédérales à la Déclaration des Nations Unies exigera dans certains cas des modifications aux lois existantes ou l’adoption de nouvelles lois, en collaboration avec les peuples autochtones, conformément à l’article 5 du projet de loi. Toute modification aux lois existantes ou adoption de nouvelles lois se fera selon le processus législatif habituel.

Le projet de loi C-15 fournit un cadre pour la mise en œuvre de ce processus au fil du temps, grâce à la consultation et à la coopération continues avec les peuples autochtones. Il exige l’élaboration d’un plan d’action et la prise de mesures pour veiller à ce que les lois fédérales existantes soient conformes à la Déclaration des Nations Unies. Le gouvernement du Canada devra également tenir compte de la Déclaration des Nations Unies dans l’élaboration de nouvelles lois et politiques, ou la modification des politiques et des lois existantes.

Conformément à ce que nous avons appris pendant les consultations sur la version provisoire, le projet de loi C-15 vise fondamentalement à améliorer la vie des peuples autochtones, à protéger et à promouvoir les droits des Autochtones en tant que droits de la personne, y compris les droits à l’autodétermination, à l’autonomie gouvernementale, à l’égalité et à la non-discrimination, comme base de l’établissement d’une relation encore plus solide avec les peuples autochtones. Il peut également jouer un rôle déterminant pour lutter contre le racisme systémique et la discrimination, et contrer les répercussions de la colonisation vécues par les peuples autochtones.

Aperçu du processus de mobilisation

En décembre 2019, le ministre de la Justice et procureur général du Canada, appuyé par la ministre des Relations Couronne-Autochtones, a reçu du premier ministre le mandat de présenter des mesures législatives élaborées conjointement afin de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies avant la fin de 2020. En juin 2020, des directives supplémentaires ont été reçues demandant d’entreprendre des consultations en vue d’élaborer un projet de loi qui s’appuie sur le projet de loi d’initiative parlementaire C-262, et de présenter un tel projet de loi le plus tôt possible. Le discours du Trône du 23 septembre 2020 a renforcé l’engagement de présenter un projet de loi sur la Déclaration des Nations Unies d’ici la fin de décembre 2020. À cette fin, l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis, l’Inuit Tapiirit Kanatami et d’autres partenaires autochtones ont fourni des commentaires techniques.

L’objectif du processus de mobilisation consistait à solliciter les points de vue des peuples autochtones concernant le cadre législatif proposé pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies. Les renseignements contenus dans le présent document constituent un résumé des points de vue, des facteurs à prendre en compte et des propositions entendus lors des séances de mobilisation avec les partenaires et les groupes autochtones. Le présent document ne se veut pas un compte rendu exhaustif de tous les commentaires formulés, et il n’attribue aucun point de vue, facteur et proposition à des personnes ou à des organismes en particulier. Parallèlement au processus de mobilisation avec les partenaires et les groupes autochtones, des discussions ont eu lieu avec des intervenants du secteur de l’industrie et les provinces et territoires pour obtenir leurs commentaires et échanger de l’information.

La pandémie de COVID-19 a obligé le gouvernement du Canada à tenir des séances virtuelles de mobilisation et de discussion. Fort de l’enthousiasme et de l’appui des peuples autochtones suscités par les consultations sur l’ancien projet de loi d’initiative parlementaire C-262 et de l’examen approfondi de ce dernier dans le cadre de la législature précédente, le gouvernement a utilisé un processus de mobilisation ciblé pour rassembler un éventail de points de vue auprès des titulaires de droits, des organisations autochtones, des femmes autochtones, des jeunes autochtones, des membres autochtones des communautés 2ELGBTQQIA+ et des peuples autochtones vivant en milieu urbain. De plus, le processus de mobilisation comprenait des discussions avec le secteur des ressources naturelles ainsi que les provinces et territoires. Les discussions avec les gouvernements provinciaux et territoriaux se sont déroulées conformément au cadre de confidentialité habituel. Les détails de ces discussions ne sont pas présentés dans le présent du rapport.

De nombreux participants ont soulevé des préoccupations importantes, exprimant souvent de la frustration et de la déception, en ce qui concerne le calendrier de mobilisation comprimé et la possibilité limitée d’examiner la version provisoire du projet de loi et de formuler des commentaires à son sujet avant le dépôt du projet de loi. En outre, certains participants ont exprimé des préoccupations au sujet de l’éventail des organisations et des groupes participant au processus, indiquant qu’il ne reflétait pas suffisamment les points de vue de tous les titulaires de droits et des peuples autochtones. Des participants ont en outre soulevé le manque de financement offert aux partenaires et aux groupes autochtones pour leur permettre de participer au processus de mobilisation.

D’autre part, la majorité des participants ont souligné l’urgence pour le Canada de prendre des mesures concrètes pour harmoniser ses lois, ainsi que ses processus de consultation et de mobilisation, avec la Déclaration des Nations Unies et l’article 35 de la Constitution. Même s’il ne répond pas complètement aux préoccupations exprimées à propos du processus, le projet de loi C-15, s’il était adopté, obligerait le gouvernement du Canada à prendre de telles mesures.

Version provisoire du projet de loi

La version provisoire du projet de loi (annexe A) ressemblait grandement au projet de loi d’initiative parlementaire C-262 et a fourni un point de départ pour la mobilisation. Les séances visaient à trouver des améliorations possibles à la version provisoire du projet de loi créée à des fins de consultation, et cette version se fondait sur l’ancien projet de loi d’initiative parlementaire C-262, avec quelques changements techniques mineurs.

La version provisoire du projet de loi comprenait un préambule qui énonçait des faits, des principes et d’autres énoncés pertinents à la compréhension du projet de loi, et six dispositions proposées :

Mobilisation

Des séances de mobilisation virtuelles ont eu lieu avec des dirigeants des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse, des partenaires des traités modernes et de l’autonomie gouvernementale, des organisations autochtones régionales, des organisations de femmes autochtones et de jeunes autochtones (annexe B). Ces sessions ont contribué à des ajouts de fond à l’ébauche final du projet de loi, notamment des références à la discrimination systémique, à l'examen, à la reconnaissance et au respect des droits issus des traités.

Le processus de mobilisation comprenait également des séances de discussion virtuelles avec les secteurs des ressources naturelles (annexe C) et avec toutes les provinces et tous les territoires (PT). Certains gouvernements autochtones et certaines organisations autochtones ont aussi tenu des séances de mobilisation en plus des séances menées par le gouvernement. Dans certains cas, des fonctionnaires ont pu y participer afin d’échanger de l’information et bénéficier directement des points de vue exprimés par les participants. De plus, les participants à la consultation et les gouvernements provinciaux et territoriaux ont été invités à présenter des commentaires écrits sur la version provisoire du projet de loi. En octobre et novembre 2020, plus de 50 mémoires écrites ont été reçues, principalement de la part d’organisations autochtones.

La section suivante résume les séances de mobilisation organisées par le gouvernement et d’autres discussions sur la version provisoire du projet de loi. Au total, 72 séances ont eu lieu.

Ce que nous avons appris – Mobilisation des partenaires autochtones

En général, la Déclaration des Nations Unies a reçu un appui solide et des efforts ont été déployés pour la mettre en œuvre au Canada. De nombreux groupes ont été heureux de voir le Canada s’engager à présenter un projet de loi comme pierre angulaire et feuille de route pour la poursuite de la collaboration avec les peuples autochtones et de l’amélioration de leurs droits de la personne. Les participants ont reconnu que le projet de loi pourrait favoriser des relations harmonieuses et coopératives et contribuer à la réconciliation au Canada.

De nombreux représentants des Premières Nations, de la Nation métisse et des Inuits ont souligné le rôle et le potentiel de la Déclaration des Nations Unies pour faire avancer le Canada grâce aux progrès réalisés en matière de développement durable, de lutte contre les changements climatiques et de lutte contre la discrimination, y compris la discrimination systémique et le racisme auxquels sont confrontés, les Autochtones, y compris les Aînés, les jeunes, les enfants, les personnes handicapées, les femmes, les hommes, les personnes de diverses identités de genre et les personnes bispirituelles. Toutefois, comme il a été souligné précédemment, les participants ont également soulevé d’importantes préoccupations au sujet de l’échéancier serré de mobilisation et de la possibilité limitée d’examiner la version provisoire du projet de loi et de formuler des commentaires à ce sujet avant le dépôt du projet de loi.

Résumé des commentaires

Thème 1 – Reconnaissance des droits des Autochtones et adoption d’une approche fondée sur les distinctions

De nombreux participants ont souligné l’importance de reconnaître la diversité des peuples autochtones – Premières Nations, Inuits et Nation métisse – et la nécessité d’adopter une approche de mise en œuvre fondée sur les distinctions et de tenir compte de leurs langues, cultures, coutumes, pratiques distinctes, droits, traditions juridiques et autres différences tout au long de sa mise en œuvre. C’est ce qu’ont exprimé à plusieurs reprises l’Assemblée des Premières Nations, le Ralliement national des Métis et l’Inuit Tapiriit Kanatami, de même que de nombreux autres groupes nationaux et régionaux dont nous avons entendu parler. Quelques participants ont laissé entendre qu’il fallait aussi que leur autonomie se reflète dans la législation, pas seulement leur diversité. Certains ont proposé l’adoption du libellé de la Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act de la Colombie-Britannique concernant la diversité des peuples autochtones.

Plusieurs participants ont soulevé des questions relativement à l’harmonisation entre la définition des peuples autochtones et celle des « peuples autochtones du Canada » donnée à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Certains ont également demandé qu’on fasse référence à la résidence et à la géographie pour mieux refléter les réalités des Autochtones vivant en milieu urbain par rapport à ceux qui vivent dans les réserves ou dans les collectivités rurales et éloignées, ainsi que les réalités de ceux dont les territoires traditionnels chevauchent la frontière canado-américaine.

Un certain nombre de participants, surtout ceux des Premières Nations, ont soulevé l’importance de respecter et de promouvoir les droits affirmés dans les traités, tout comme la nécessité de veiller à ce que la loi ne soit pas appliquée d’une manière qui compromet les droits autochtones reconnus et confirmés à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. Dans la même veine, des préoccupations ont été exprimées quant au fait que la loi mine d’une quelconque façon les relations et les droits issus de traités. Aussi, certains participants ont suggéré d’inclure des dispositions qui soulignent l’importance de respecter et de protéger les droits des peuples autochtones et ont demandé un libellé plus clair qui permettrait à la ministre des Relations Couronne-Autochtones de conclure des ententes ou des ententes constructives avec les organismes de gouvernance autochtones afin de faire avancer et de faciliter la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies.

De plus, de nombreux participants ont réclamé un préambule qui reconnaît les droits de la personne collectifs et individuels, et qui reflète clairement les droits inhérents des peuples autochtones, y compris le droit à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, le tout dérivé de leurs structures politiques, économiques et sociales, ainsi que de leurs cultures, de leurs langues, de leur histoire, de leurs traditions, de leur droit à la terre, de leurs ressources, de leurs territoires et d’autres caractéristiques. Au cours de la table ronde avec les jeunes autochtones, les participants ont proposé l’inclusion d’une définition de l’autodétermination dans la loi.

Même si de nombreux participants étaient d’avis que le projet de loi C-15 pourrait améliorer et renforcer les droits inhérents, certains se sont dits préoccupés par le fait que le projet de loi pourrait limiter ou minimiser l’exercice de certains droits inhérents. D’autres ont dit craindre que l’article 46 de la Déclaration des Nations Unies puisse constituer un obstacle, étant donné la perception de pouvoir qu’il accorde aux États de restreindre l’exercice des droits énoncés dans la Déclaration des Nations Unies.

Un groupe régional a proposé la création d’un « comité du savoir » chargé de fournir des conseils sur ce que signifient vraiment les droits inhérents et les droits issus de traités pour veiller à ce que le projet de loi ne réduise pas les droits.

Thème 2 – Langage renforcé et inclusif

Des organisations de peuples autochtones ont demandé que le libellé soit renforcé dans le préambule et dans la version provisoire du projet de loi en général, laissant entendre que certains termes étaient vagues et ambigus. Nous avons également entendu parler de la nécessité de clarifier l’objet du projet de loi et sa portée, son application et son interaction avec d’autres lois fédérales. Certains ont demandé un libellé plus clair concernant le rôle que la Déclaration des Nations unies jouerait dans l’interprétation des lois canadiennes, en particulier la Constitution. D’autres ont soutenu que le projet de loi devrait mentionner clairement que la loi n’aurait pas d’effet juridique direct, mais qu’elle confirmerait plutôt les droits établis en plus d’être utilisée comme source par les tribunaux, les législateurs et les praticiens en matière de politiques pour interpréter les lois provinciales et fédérales.

Nous avons également entendu des Premières Nations, de la Nation métisse et des Inuits de nombreux appels en faveur de l’utilisation d’un libellé plus inclusif dans le préambule et dans l’ensemble du projet de loi, y compris l’ajout de références explicites aux femmes, aux filles, aux personnes de diverses identités de genre, aux personnes des communautés 2ELGBTQQIA+ et aux aînés. Les jeunes autochtones qui ont participé étaient également fortement en faveur de l’ajout d’un libellé plus inclusif qui reflète la diversité sexuelle et la diversité de genre, notant l’absence d’un tel libellé dans l’article 22 de la Déclaration des Nations Unies, qui ne mentionne pas explicitement les personnes transgenres et bispirituelles, par exemple.

Il y a eu un désir répété d’inclure une référence aux appels à la justice du rapport final de l’Enquête nationale sur les FFADA, ainsi qu’une référence aux appels à l’action de la CVR. Certains participants ont proposé de souligner clairement les difficultés éprouvées par les groupes marginalisés et la discrimination que les femmes et les filles autochtones subissent depuis longtemps. En outre, de nombreuses personnes ont réclamé des références explicites aux injustices historiques et persistantes subies par les peuples autochtones, découlant de la colonisation et de la dépossession de leurs terres, territoires et ressources.

Beaucoup ont également demandé que le préambule soit renforcé en tenant compte des répercussions des changements climatiques sur les peuples autochtones et de leur rôle dans la contribution au développement durable, y compris des références à Transformer notre monde : Le Programme de développement durable à l’horizon 2030 des Nations Unies, qui est, à leur avis, l’instrument international le plus important.

Les participants ont émis des commentaires forts reflétant l’importance de consulter les femmes, les filles, les membres des communautés 2ELGBTQQIA+ et de diverses identités de genre, les personnes handicapées et les aînés autochtones et de solliciter leur point de vue sur toutes les questions qui touchent les peuples autochtones, ainsi que leur rôle central dans la contribution à la mise en œuvre de la loi.

Thème 3 – Mise en œuvre et élaboration d’un plan d’action

La nécessité d’une approche coordonnée entre tous les ordres de gouvernement pour la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies a été soulevée régulièrement tout au long du processus de mobilisation. Plusieurs modifications ont été suggérées, y compris la nécessité de fournir des détails supplémentaires sur la mise en œuvre et d’ajouter une disposition plus solide sur l’élaboration d’un plan d’action, y compris pour définir son processus et ses objectifs et établir une liste non exhaustive de questions qui seraient abordées. Nous avons également entendu parler de l’importance d’élaborer un plan d’action qui adopte une approche fondée sur les distinctions et qui repose sur une optique sexospécifique qui tient compte des expériences des femmes, des filles et des membres des communautés 2ELGBTQQIA+.

Les participants ont proposé de préciser clairement dans le projet de loi que la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies au Canada devrait comprendre des mesures pour lutter contre les inégalités sociales, les préjugés, le racisme et toutes les formes de discrimination envers les Autochtones, y compris la discrimination systémique et les formes de discrimination ciblant les femmes, les hommes, les jeunes, les aînés, les personnes handicapées, les personnes de diverses identités de genre et les personnes bispirituelles. Plusieurs participants ont suggéré d’établir et d’inclure dans le projet de loi des délais raisonnables relatifs à l’élaboration du plan d’action et à la présentation de bilans périodiques au Parlement au sujet du plan d’action.

De nombreux participants ont souligné que le plan d’action permettrait de cerner et de combler les lacunes en matière d’éducation, d’emploi, de logement, de sécurité alimentaire, de soins de santé, de bien-être et de sécurité des enfants, qui contribuent toutes aux inégalités auxquelles les Autochtones font face, en particulier les femmes autochtones. Les participants ont aussi émis des commentaires sur la mise en œuvre de mesures visant à préserver la culture et la langue autochtones. En outre, le gouvernement a entendu de certains que le plan d’action pourrait donner l’occasion de développer une compréhension commune du consentement libre, préalable, éclairé.

Les participants ont souligné l’importance d’élaborer le plan d’action en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones de partout au Canada pour veiller à ce que les droits et les besoins uniques soient pris en compte et pour adopter des stratégies qui pourraient faciliter un engagement significatif à cet égard. Certains ont soulevé la nécessité d’indiquer clairement que le plan d’action serait élaboré conjointement avec les peuples autochtones et d’adopter un ensemble de principes clés, en collaboration avec les peuples autochtones, pour aider à orienter son élaboration. Certains jeunes Autochtones ont exprimé l’importance d’appliquer une analyse intersectionnelle et comparative entre les sexes tout au long de la mobilisation sur la mise en œuvre pour tenir compte de la diversité des collectivités autochtones (p. ex., dans les réserves, hors réserve, en milieu urbain, dans les collectivités éloignées).

En ce qui concerne la mise en œuvre et l’élaboration du plan d’action, certains participants ont exprimé des préoccupations en matière de capacité, notamment en ce qui concerne la disponibilité de financement et de ressources pour appuyer la mise en œuvre et faciliter une mobilisation significative et accessible (surtout dans un contexte de pandémie mondiale) qui favorise la participation des plus petites nations et collectivités. Certains ont également exprimé des préoccupations au sujet de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies en droit canadien en général et se sont demandé si elle aiderait réellement le Canada à atteindre les objectifs des appels à l’action de la CVR.

Les fonctionnaires fédéraux ont entendu parler de l’importance pour le gouvernement du Canada de travailler en collaboration avec les provinces et les territoires pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies, et certains participants ont demandé que le libellé proposé indique clairement qu’une approche pangouvernementale doit être adoptée.

Dans la même optique, plusieurs participants ont exprimé des préoccupations au sujet des répercussions du projet de loi sur les provinces et territoires et demandé comment le gouvernement du Canada encouragerait les provinces et territoires à mettre en œuvre efficacement la législation dans leurs champs de compétences. Les participants ont demandé au gouvernement de jouer un rôle de chef de file actif à cet égard (c.-à-d. pour obliger les provinces et les territoires à mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies au moyen de la législation). Divers participants, notamment ceux de la Colombie-Britannique, ont également demandé qu’il soit clair que le projet de loi et le plan d’action fédéral n’entraveraient pas ou ne retarderaient pas les efforts provinciaux de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies. Certains ont suggéré de tirer parti des leçons découlant de l’expérience de mise en œuvre en Colombie-Britannique.

Les jeunes autochtones ont entre autres souligné le rôle essentiel que le système d’éducation pourrait jouer au niveau de la sensibilisation à la Déclaration des Nations Unies, aux appels à l’action de la CVR et aux appels à la justice de l’Enquête nationale sur les FFADA. Ils ont de plus soulevé l’importance d’avoir du matériel éducatif accessible et en langage clair pour renseigner les Canadiens de différentes origines sur la Déclaration des Nations Unies et pour reconnaitre l’importance de la Déclaration pour tous les Canadiens, pas seulement pour les peuples autochtones.

Thème 4 – Cohérence entre les lois fédérales et la Déclaration des Nations Unies

Beaucoup étaient favorables à l’inclusion d’une clause de cohérence, reconnaissant qu’il s’agit d’un élément nécessaire pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies. L’article 4 de la version provisoire du projet de loi exigeait que le gouvernement concerte les peuples autochtones afin de veiller à ce que les lois fédérales soient conformes à la Déclaration des Nations Unies, mais certains ont critiqué le manque de détails. Les participants ont exprimé l’importance d’améliorer le libellé et la nécessité de définir et de communiquer le processus qui serait entrepris pour harmoniser les lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies. Certains participants ont recommandé d’élargir la portée pour inclure toutes les politiques et mesures administratives, pas seulement les lois fédérales, et ont insisté sur l’importance de la transparence tout au long du processus et de l’établissement d’un échéancier pour la mise en œuvre de cet engagement.

Les participants ont généralement reconnu qu’un tel engagement impliquerait tous les ministres et ministères fédéraux et qu’une procédure solide serait nécessaire à sa bonne exécution. Ils ont demandé une approche pangouvernementale coordonnée et bien articulée, entreprise en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones. Certains participants ont souligné les lois ou les politiques qui, selon eux, doivent être examinées, notamment la Politique sur les droits inhérents (1996) de RCAANC, la Loi sur le ministère de la Justice, la Loi sur les Indiens et la Loi d’interprétation.

Quelques groupes ont recommandé d’ajouter un libellé à l’article 4 de la version provisoire du projet de loi afin de donner aux tribunaux le pouvoir d’invalider les lois fédérales jugées incompatibles avec la Déclaration des Nations Unies ou d’indiquer clairement que la Déclaration des Nations Unies prévaudrait en cas d’incompatibilité.

Thème 5 – Clarté entourant le consentement libre, préalable et éclairé

Un certain nombre de participants voulaient examiner davantage la signification et l’application du consentement libre, préalable et éclairé et la façon dont cela serait interprété dans le contexte canadien, y compris en ce qui concerne l’exploitation des terres et des ressources naturelles et d’autres questions touchant les peuples autochtones et leurs droits. Les participants ont souligné à plusieurs reprises que le consentement libre, préalable et éclairé était une question de processus respectueux et efficaces pour obtenir un consensus. Certains ont proposé d’inclure des dispositions qui en faciliteraient l’application, y compris des dispositions sur la conclusion d’ententes et d’accords.

Tout au long des consultations, les participants ont parlé de la nécessité de clarifier la notion de consentement libre, préalable et éclairé et d’établir une compréhension commune avec les peuples autochtones quant à la façon dont elle serait mise en œuvre. Les participants ont aussi signalé qu’il était important de poursuivre le dialogue en vue d’établir un processus qui protège les droits des Autochtones et identifié que l’élaboration du plan d’action serait l’occasion de le faire. Certains participants ont proposé de concevoir des outils pour assurer l’uniformité de la mise en œuvre des exigences en la matière. Quelques groupes ont suggéré que le gouvernement du Canada adopte la façon dont la loi de la Colombie-Britannique (Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act) traite de cette question, qui est fondée sur un mécanisme permettant au gouvernement de conclure des ententes avec les gouvernements autochtones en ce qui a trait à un processus décisionnel commun.

Dans le contexte de l’exploitation des terres et des ressources naturelles, quelques participants nous ont également dit que le gouvernement du Canada devrait explorer les possibilités de partager les recettes fiscales générées par ces projets avec les gouvernements autochtones, par exemple, en élaborant une politique nationale de partage des recettes.

Thème 6 – Mécanisme de responsabilisation et de règlement des différends du gouvernement du Canada

Un thème commun abordé tout au long du processus de mobilisation par les participants des Premières Nations, des Inuits et de la Nation métisse était d’inclure un libellé qui imposerait une pression accrue quant à l’engagement du Canada de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies. De nombreux participants étaient d’avis qu’un langage plus fort était nécessaire pour tenir le gouvernement du Canada responsable de la réalisation de ses engagements. Dans cette optique, les participants ont proposé d’inclure des échéanciers précis pour que le gouvernement du Canada harmonise les lois fédérales avec la Déclaration des Nations Unies, crée le plan d’action et l’élabore et présente des rapports annuels au Parlement qui mesureraient les progrès réalisés au niveau de la mise en œuvre.

La version provisoire du projet de loi prévoyait un délai de 20 ans pour la présentation de rapports annuels au Parlement; cependant, la majorité des participants, y compris les jeunes qui ont participé à la table ronde virtuelle, nous ont dit qu’une telle exigence ne devrait pas être limitée par un délai précis. Les participants ont exprimé des préoccupations au sujet d’un futur gouvernement qui n’appuierait pas le processus une fois le délai écoulé, et indiqué que les rapports annuels sur les progrès devraient se poursuivre indéfiniment ou jusqu’à ce qu’un accord mutuel entre le Canada et les peuples autochtones ait été conclu pour que de tels rapports ne soient plus requis.

Certains participants ont exprimé le besoin d’un solide processus de reddition de compte et recommandé que les rapports annuels soient dirigés par un ombudsman indépendant, une entité indépendante semblable ou par un comité permanent sur la Déclaration des Nations Unies à la Chambre des communes pour en assurer l’exactitude.

Presque tous les participants qui ont partagé leurs points de vue au sujet des rapports annuels ont également indiqué l’importance de les élaborer en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones et que le processus se déroule de façon transparente. Pour aider à mesurer les progrès, il a été suggéré que les collectivités définissent des « indicateurs mesurables clairs » qui peuvent être évalués pour déterminer l’incidence de la mise en œuvre sur les réalités socioéconomiques auxquelles font face les peuples autochtones.

De nombreux participants ont également remis en question l’absence d’un mécanisme de règlement des différends et de mesures de surveillance et d’application dans la version provisoire du projet de loi. Ils ont demandé l’établissement immédiat d’un recours ou d’un autre mécanisme de surveillance. Les Inuits ont fortement insisté sur ce point, mais bien d’autres participants ont exprimé des préoccupations similaires. À leur avis, l’absence d’un tel mécanisme ou d’une telle surveillance pourrait réduire l’importance de la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies et pourrait avoir une incidence négative sur la coopération avec les peuples autochtones puisque le gouvernement du Canada ne serait redevable qu’à lui-même. Quelques participants ont proposé l’établissement d’un mécanisme de règlement des différends à l’extérieur du Canada, tandis que d’autres ont indiqué qu’un organisme mixte Couronne-Autochtones pourrait être créé comme solution de rechange au système judiciaire traditionnel afin de faciliter l’accès à la justice en temps opportun.

Dialogue avec les secteurs de l’industrie

Résumé des commentaires

Dans le cadre d’un effort de collaboration, Ressources naturelles Canada (RNCan), Justice Canada et RCAANC ont organisé quatre tables rondes avec l’industrie des ressources naturelles pour échanger de l’information sur le projet de loi et pour mieux comprendre et tenir compte des points de vue de l’industrie. Ces séances sectorielles ont réuni des représentants de l’Assemblée des Premières Nations, de Inuit Tapiriit Kanatami et du Ralliement national des Métis, ainsi que des représentants des secteurs des minéraux et des métaux, de l’énergie propre, de la foresterie et du pétrole, et des gouvernementaux de divers ministères, dont l’Agence canadienne d’évaluation d’impact (ACEI).

À chaque table ronde, les différents secteurs ont apporté une perspective unique et contribué à un dialogue productif sur la façon dont la Déclaration peut être utilisée comme un cadre de réconciliation qui mise en misant sur les expériences et les relations existantes qui ont été établies entre l’industrie et les peuples autochtones dans les secteurs des ressources naturelles.

Thème 1 – Processus d’harmonisation des lois et des politiques fédérales avec la Déclaration des Nations Unies

Les représentants de l’industrie ont demandé des précisions sur le calendrier de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies et sur l’harmonisation des lois et des politiques fédérales existantes. Les représentants craignaient qu’après l’obtention de la sanction royale, la loi ait un effet immédiat sur les lois et règlements existants touchant leurs activités.

Thème 2 – Comprendre le consentement libre, préalable et éclairé

Au cours de ces échanges, les participants ont examiné dans quelle mesure le consentement préalable, libre et éclairé est une garantie fondamentale des droits collectifs des peuples autochtones. C’est un aspect du droit des peuples autochtones à l’autodétermination qui est central à la Déclaration des Nations Unies.

Le consentement libre, préalable et éclairé fait couramment l’objet de discussions dans le contexte de l’exploitation des ressources naturelles et a inévitablement été un point de discussion d’un grand intérêt dans toutes les tables rondes.

Lorsqu’il est question d’approbation de projets, les participants ont partagé que le consentement libre, préalable et éclairé est souvent mal interprété par certains comme un droit de veto sur les décisions prises par les gouvernements non autochtones. Cette mauvaise interprétation pourrait présenter un risque pour un investissement potentiel dans le secteur des ressources naturelles, si une telle interprétation était juste. Au cours des tables rondes, les participants ont discuté de l’interprétation du consentement libre, préalable et éclairé, et reconnu qu’il ne s’agit pas d’un veto absolu; la voie à suivre pour un consentement libre, préalable et éclairé consiste plutôt à conclure des partenariats et à établir des relations constructives avec les peuples autochtones.

L’industrie a fait ressortir qu’il fallait clarifier la différence entre le consentement libre, préalable et éclairé et l’obligation constitutionnelle de consulter et, s’il y a lieu, d’accommoder. Les participants ont également demandé des conseils sur l’opérationnalisation du consentement : qui doit donner son consentement (p. ex. dirigeants héréditaires et élus) et que se passe-t-il lorsque tous les peuples autochtones consultés ne donnent pas leur consentement? De plus, certains intervenants de l’industrie ont soulevé des préoccupations au sujet des révisions judiciaires futures et de la possibilité pour les peuples autochtones d’utiliser la loi et le consentement libre, préalable et éclairé pour contester les approbations de projets de grande envergure.

Les représentants nationaux de peuples et de nations autochtones du Canada ont souligné à l’industrie que la nécessité d’un consentement libre, préalable et éclairé est un moyen de réaliser le droit à l’autodétermination et représente plus généralement l’esprit de partenariat et de respect mutuel préconisé dans la Déclaration des Nations Unies.

De nombreux représentants de l’industrie comprenaient la nature contextuelle du consentement libre, préalable et éclairé et le fait que sa concrétisation puisse prendre de nombreuses formes, comme le démontrent déjà divers exemples dans l’ensemble des secteurs. La majorité des participants étaient généralement d’accord pour dire que l’opérationnalisation du consentement libre, préalable et éclairé ou de certains de ses aspects pourrait faire partie du plan d’action qui sera élaboré dans le cadre de la loi.

Thème 3 – Processus d’élaboration et de mise en œuvre du plan d’action

Lors de chaque table ronde, des représentants de l’industrie ont exprimé leur intérêt à participer à de futures discussions sur la création du plan d’action, certains citant des expériences récentes relatives à l’élaboration de politiques internes visant à s’aligner sur les objectifs de la Déclaration des Nations Unies. Les représentants nationaux de peuples et de nations autochtones ont réitéré que le plan d’action devrait être dirigé par des peuples autochtones et qu’il devrait leur accorder la priorité et être dirigé par ceux-ci. De plus, la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies va au-delà des ressources naturelles. Les entreprises et les associations industrielles autochtones ayant pris part aux discussions ont manifesté un intérêt à jouer un rôle clé dans ce domaine alors que le gouvernement du Canada explore de nouvelles façons novatrices de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies.

Les participants ont soulevé le fait que, parallèlement à la loi, du financement pour le renforcement des capacités devrait être fourni aux peuples autochtones pour assurer leur participation significative à l’élaboration du plan d’action. Ils ont également répété qu’il serait essentiel de mobiliser les voix de partout au pays. En outre, les participants ont soulevé des préoccupations au sujet de la capacité actuelle du gouvernement fédéral et des gouvernements, collectivités et organisations autochtones afin de participer efficacement à la mobilisation et à la consultation dans le domaine de l’exploitation des ressources naturelles, y compris pendant la mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies. L’industrie a signalé que le gouvernement devrait accroître sa capacité de dotation et mieux faire connaître la Déclaration des Nations Unies afin de faciliter sa mise en œuvre sur le terrain. Le plan d’action devrait aussi prévoir un financement pour le renforcement des capacités afin de permettre aux promoteurs autochtones de grands projets de participer aux processus de consultation et de mobilisation. Les représentants nationaux de peuples et de nations autochtones ont fait écho aux commentaires formulés par l’industrie, réitérant l’importance d’accorder du financement pour renforcer les capacités de nombreuses collectivités qui éprouvent une lassitude à l’égard des consultations.

Thème 4 – Rôle des provinces et des territoires

Une question commune soulevée par l’industrie au cours de toutes les séances portait sur la façon dont la loi fédérale proposée interagirait avec les compétences provinciales et territoriales existantes et tiendrait compte de la Loi sur le transfert des ressources naturelles (LTRN). Les participants ont également soulevé des préoccupations au sujet d’une approche fragmentée de mise en œuvre de la Déclaration des Nations Unies, à mesure que diverses lois et politiques sont créées dans l’ensemble du pays. Par exemple, en 2019, la Colombie-Britannique est devenue la première province à adopter une loi pour mettre en œuvre les objectifs de la Déclaration des Nations Unies (Declaration on the Rights of Indigenous Peoples Act) et la province est toujours en train d’élaborer son propre plan d’action.

Autres commentaires

Les participants représentant divers secteurs ont soulevé des préoccupations propres à leur secteur. Par exemple, les discussions dans le cadre de la table ronde sur l’énergie propre ont porté davantage sur les obstacles systémiques à la participation des Autochtones et sur la façon dont les diverses politiques pour le secteur, selon les provinces et les territoires, pourraient entraîner une application incohérente de la Déclaration des Nations Unies et du consentement libre, préalable et éclairé. La table ronde sur la foresterie a mis en lumière le fait que le secteur a été un pionnier en ce qui concerne les relations à long terme avec les collectivités autochtones et la gestion conjointe. Compte tenu de la façon dont le secteur forestier est réglementé par les provinces et les territoires, les participants voulaient savoir quelles seraient les répercussions de la législation fédérale sur ces administrations.

Conclusion

Le processus de consultation sur la version provisoire du projet de loi a joué un rôle essentiel dans l’élaboration du projet de loi C-15. Le 3 décembre 2020, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-15 – version améliorée du projet de loi d’initiative parlementaire C-262 – grâce à une grande contribution des Autochtones. Bien qu’il reste encore beaucoup à faire, le dépôt du projet de loi C-15 représente une étape importante dans notre cheminement commun vers la réconciliation, étape qui n’aurait pas été possible sans le dialogue franc et les commentaires reçus tout au long de la mobilisation. Depuis le dépôt du projet de loi C-15, le gouvernement du Canada continue de recevoir des commentaires qui continueront à être révisés et pris en considération.

Tout au long des séances de mobilisation, les participants ont fait part de divers points de vue et ont formulé des recommandations qui ont contribué à façonner le projet de loi C-15. Tel que mentionné sur le site Web sur la Déclaration des Nations Unies qui a été lancé au moment du dépôt du projet de loi C-15, ces améliorations comprennent ce qui suit :

La mise en œuvre de la Déclaration des Nations unies au Canada est un processus qui prendra du temps. Comme ce processus de mobilisation nous l’a rappelé, l’un des principaux défis auxquels nous continuons de faire face – et que ce projet de loi vise à aider à relever – est la nécessité de mécanismes efficaces grâce auxquels le gouvernement du Canada et les peuples autochtones peuvent collaborer à l’élaboration de lois et règlements. Le gouvernement du Canada s’est engagé à tirer parti de ce processus de mobilisation pour s’améliorer dans ce domaine. Travailler ensemble pour faire progresser la réconciliation en vue de mettre en œuvre la Déclaration des Nations Unies nous aidera tous à bâtir un avenir et un Canada meilleurs pour les générations d’aujourd’hui et de demain.

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