Le lien #31 ... juin 2009

Le Service de révision bijuridique (fiscalité et droit comparé) de la Direction des services législatifs du ministère de la Justice Canada tient à vous informer des plus récents développements en matière d'harmonisation et de bijuridisme.

Jurisprudence

Des précisions quant à la « soi-disant opposition » entre le droit civil et la common law en matière d'emploi

L'arrêt Michel Grimard c. La Reine, 2009 CAF 47, porte sur le statut d'un contribuable pour l'application de la Loi de l'impôt sur le revenu : employé ou travailleur autonome?

Au cours des années en litige (1995 à 1998), le contribuable, un médecin spécialiste, a fourni une prestation de travail comme assesseur médical auprès de la Commission d'appel en matière de lésions professionnelles (la « CALP ») et, à partir de 1998, auprès de la Commission des lésions professionnelles (la « CLP »), organisme qui remplaçait la CALP. Pour ces années, le contribuable a produit des déclarations de revenus dans lesquelles il considérait ses revenus provenant des services rendus à la CALP et à la CLP comme des revenus de profession et il a déduit certaines dépenses encourues dans le cadre de ses fonctions, y compris le loyer d'un appartement à Montréal qui lui servait également de bureau, divers frais de bureau et les frais de déplacement entre Montréal et Sherbrooke où il avait sa résidence principale.

À la suite d'une vérification de la CLP effectuée par le ministère du Revenu du Québec en 1998, ce dernier a déterminé que les assesseurs de la CLP et de son prédécesseur la CALP avaient le statut d'employés. Cette décision a donné lieu à l'émission, par le ministère du Revenu du Québec, de nouvelles cotisations refusant la déduction de divers montants réclamés à titre de dépenses. Le contribuable a contesté ces nouvelles cotisations sans succès. À la Cour du Québec, le juge Barbe a affirmé ce qui suit : « la jurisprudence a dégagé quatre critères principaux qui permettent d'établir s'il existe entre des personnes une relation employeur-employé »Note de bas de page 1. Les critères invoqués par le juge Barbe étaient la propriété des outils, la possibilité de profits et pertes, l'intégration du travailleur à l'entreprise, et le contrôle et la subordination.Note de bas de page 2 En se fondant sur ces critères, la Cour du Québec a conclu que le contribuable était dans une relation d'emploi. La Cour d'appel du Québec a confirmé cette décisionNote de bas de page 3.

L'Agence du revenu du Canada a par la suite établi de nouvelles cotisations et les a confirmées en se basant sur l'arrêt de la Cour d'appel du QuébecNote de bas de page 4. À la Cour canadienne de l'impôt (la « CCI »), le juge Archambault a pris note de la décision de la Cour du Québec ainsi que du fait qu'on y a invoqué les quatre critères généralement reconnus en common law. Pour sa part, le juge Archambault a commencé par exposer la règle énoncée à l'article 8.1 de la Loi d'interprétationNote de bas de page 5 et a ensuite examiné les articles pertinents du Code civil du Québec et les termes du contrat conclu entre les parties. Il a conclu que les règles du droit civil et de la common law portant sur ce sujet n'étaient pas identiques et, qu'en conséquence, il n'y avait pas lieu d'invoquer la jurisprudence de la common law dans l'interprétation du droit civilNote de bas de page 6. En identifiant la présence ou l'absence d'une relation de subordination comme l'élément central qui, en droit civil, distingue un contrat d'emploi d'un contrat de serviceNote de bas de page 7, la CCI est néanmoins parvenue à la même conclusion que la Cour du Québec : la relation de travail entre le contribuable et la CALP (et plus tard la CLP) en était une d'employeur et d'employé, de sorte que la déduction des dépenses a été refusée.

La Cour d'appel fédérale a rejeté l'appel du contribuable. Cependant, ce faisant, la Cour voyait « l'occasion d'apporter certaines précisions…quant à la soi-disant opposition sur la question entre le droit civil du Québec et la common law »Note de bas de page 8. Après avoir déclaré que c'est à bon droit que le juge de la CCI s'est fondé sur le Code civil du Québec dans les circonstances, le juge Létourneau a poursuivi en ajoutant  : « il serait erroné de croire qu'il y a antinomie entre les principes du droit civil québécois sur la question et ce qu'il est convenu d'appeler les critères de common law » malgré la différence de conceptualisation et d'approche entre les deux régimes quant à la caractérisation de la nature du contrat de travail et de celle du contrat d'entrepriseNote de bas de page 9. Plus loin, il a fait le commentaire suivant :

En somme, il n'y a pas, à mon avis, d'antinomie entre les principes du droit civil québécois et les soi-disant critères de common law utilisés pour qualifier la nature juridique de la relation de travail entre deux parties. Dans la recherche d'un lien de subordination juridique, c'est-à-dire de ce contrôle du travail, exigé par le droit civil du Québec pour l'existence d'un contrat de travail, aucune erreur ne résulte du fait que le tribunal prenne en compte, comme indices d'encadrement, les autres critères mis de l'avant par la common law, soit la propriété des outils, l'expectative de profits et les risques de pertes, ainsi que l'intégration dans l'entrepriseNote de bas de page 10.

Cette décision n'a pas été portée en appel.

Le dernier mot dans l'affaire Prévost Car inc.

La Couronne n'a pas demandé l'autorisation de la Cour suprême du Canada d'interjeter appel à l'encontre de la décision de la Cour d'appel fédérale dans La Reine c. Prévost Car inc., 2009 CAF 57. Dans cet arrêt, la Cour d'appel fédérale concluait qu'une société de portefeuille néerlandaise était le « bénéficiaire effectif » de dividendes pour l'application de la Convention fiscale entre le Canada et les Pays-Bas et que, par conséquent, elle était en droit de se prévaloir du taux réduit de retenue d'impôt. Quant à l'affaire Velcro Canada Inc. (2007-1806 (IT)G) qui était en suspens dans l'attente d'une décision finale dans Prévost Car, elle demeure en suspens au moment où le présent numéro est rédigé.

Législation

Sanction royale

La Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 27 janvier 2009 et mettant en oeuvre des mesures fiscales connexes (L.C. 2009, ch. 2) a été sanctionnée le 12 mars 2009. Sur le plan du bijuridisme, nous soulignons la modification du paragraphe 248(3) et l'adoption du nouveau paragraphe 248(3.2), qui éliminent la nécessité de remplir les conditions du droit privé provincial pour établir une fiducie à l'égard des REEIs, REEEs, FERRs, REERs et CELIs régis par le droit de la province de Québec et qui règlent ainsi les problèmes potentiels découlant de l'arrêt ThibaultNote de bas de page 11. Notons aussi le nouveau paragraphe 248(3.1) qui envisage des exceptions à l'application des règles du paragraphe 248(3) lors de certains dons de la nue-propriété d'un immeuble.