GOUVERNEMENT ET ADMINISTRATION
Le mot anglais « government » a un champ sémantique très vaste, et son rendu en français pose souvent problème du fait qu’il en va tout autrement de son cousin français « gouvernement ». Archaïsant ou d’emploi très limité dans ses autres acceptions, celui-ci désigne en effet, dans les régimes parlementaires, la « partie du pouvoir exécutif qui est responsable devant le Parlement; le corps des ministres (par opposition au chef de l’État, irresponsable) » (GROB). Autrement dit, le « gouvernement », c’est ce qu’il est convenu d’appeler le « gouverneur en conseil », c’est-à-dire, dans les faits, le représentant de la souveraine agissant sur avis du Conseil des ministres ou du Cabinet. Dans les lois québécoises, d’ailleurs, la notion de « lieutenant-gouverneur en conseil » a été remplacée il y a quelques années par celle de « gouvernement ». Exemple :
2 La présente loi s’applique à tout projet de règlement et à tout règlement qui peut être édicté ou approuvé par le gouvernement, le Conseil du trésor, un ministre ou un organisme […] (Loi sur les règlements, RLRQ, ch. R-18.1, art. 2).
C’est donc commettre un anglicisme que d’employer le mot « gouvernement » dans un sens plus large. En français, les ministères et organismes publics forment l’administration, entité distincte du gouvernement, chargée d’exécuter les décisions de celui-ci. Ainsi, les fonctionnaires travaillent pour l’administration et non <pour le gouvernement>. L’administration se subdivise à son tour : à l’administration dite « centrale » s’opposent les organismes administratifs autonomes, personnes de droit public distinctes – notamment les sociétés d’État et les établissements publics – qui constituent collectivement l’administration « non centrale » ou « décentralisée ». À noter que la décentralisation peut être fonctionnelle ou territoriale.
Il va sans dire par ailleurs que si l’idée d’inclure les institutions législatives ou judiciaires dans la notion anglaise de « government » ne surprend personne, elle constitue ni plus ni moins qu’une hérésie lorsqu’on essaie de l’appliquer au terme français « gouvernement ». En effet, dans la mesure où celui-ci désigne la fonction exécutive, il correspond à l’une des trois composantes de l’État, tout à fait distincte, par définition, des fonctions législative et judiciaire.
Les remarques qui précèdent valent également pour l’adjectif correspondant, « gouvernemental », qui désigne ce qui est « relatif au pouvoir exécutif » (CAPUT), (GROB), c’est-à-dire au gouvernement au sens propre. Selon le contexte, on lui préférera : « public », « administratif », « fédéral », « d’État », etc.
Inversement, mais pour les mêmes raisons, il est incorrect d’employer « administration » pour parler du gouvernement. Ainsi, on entend beaucoup parler, dans les médias, de <l’administration Bush> pour désigner le gouvernement du président Bush. Consacré par l’usage en ce qui touche le régime américain, cet emploi reste abusif et devrait être évité en dehors de ce contexte précis.
Au sujet de l’expression « ordre de gouvernement », voici ce qu’on peut lire dans le Grand dictionnaire terminologique (GDT) :
Au Canada, le fédéral et le provincial constituent des ordres de gouvernement. Les termes palier, niveau et échelon de gouvernement, qui sont courants dans la langue générale, ne sont pas retenus dans la terminologie officielle du système parlementaire canadien parce qu’ils se réfèrent à une organisation hiérarchique, alors que les gouvernements fédéral et provincial sont tous les deux souverains dans leurs champs de compétence respectifs.
Ajoutons que, si l’expression semble inusitée au-delà des frontières canadiennes, on trouve dans la langue juridique des emplois très voisins du mot « ordre », au sens d’« ensemble ordonné, considéré sous le double rapport de son existence comme entité distincte (classe, catégorie) et de son organisation interne […] (CORNU) ». Ainsi, on parle d’« ordres de juridiction », parmi lesquels figurent l’« ordre judiciaire » (ensemble des juridictions judiciaires) et l’« ordre administratif » (ensemble des juridictions administratives).
Enfin, une remarque s’impose au sujet du mot « gouvernance », en vogue depuis quelques années. Naguère considéré comme un anglicisme au sens d’« action de gouverner; manière de gérer, d’administrer », il est de plus en plus courant dans les médias et figure maintenant dans l’édition 2002 du Petit Larousse. Dans ces conditions, son emploi ne devrait plus susciter de scrupule, à condition que le contexte s’y prête, bien entendu.
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