Protocole régissant la conduite de consultations ministérielles sur l’intérêt public par le procureur général du Canada dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Loi sur le directeur des poursuites pénales

Objet de ce protocole

À titre de premier conseiller juridique de l’État, le procureur général du Canada supervise les poursuites fédérales dans le cadre de la Loi sur le directeur des poursuites pénales1. La Loi sur le directeur des poursuites pénales a structuré le rôle du procureur général du Canada dans les poursuites fédérales en confiant au directeur des poursuites pénales la responsabilité principale d’engager et de mener des poursuites, sous l’autorité et pour le compte du procureur général du Canada.

Le procureur général du Canada reçoit les demandes d’information sur les poursuites menées par le directeur des poursuites pénales, le plus souvent dans des affaires très médiatisées. Ces demandes d’information sont courantes et nécessaires pour aider les ministères à comprendre la nature de la procédure. Dans des cas exceptionnels, il peut arriver que des ministres ou des fonctionnaires aient des préoccupations d’intérêt public à soulever relativement à des poursuites qui sont en cours ou qui pourraient être intentées. Puisque le fait de soulever ces préoccupations peut avoir un lien avec l’exercice des pouvoirs que la Loi sur le directeur des poursuites pénales confère au procureur général du Canada, il importe de fournir des lignes directrices claires sur la façon dont celui-ci doit traiter ces cas. En pratique, s’il faut tenir des consultations pour déterminer l’intérêt public dans une poursuite en particulier, c’est le directeur des poursuites pénales qui le fait. Il est rare que le procureur général du Canada mène des consultations relatives à l’intérêt public, mais la doctrine Shawcross le lui permet.

Le présent protocole vise à préserver l’indépendance du procureur général du Canada. Plus précisément, il vise à assurer le respect du principe constitutionnel d’indépendance de la poursuite dans les consultations relatives à des poursuites particulières ou à des interventions fondées sur la Loi sur le directeur des poursuites pénales, tout en veillant à ce que le procureur général du Canada soit en mesure d’obtenir les points de vue appropriés d’acteurs du gouvernement sur des questions pertinentes en matière d’intérêt public. C’est pourquoi le protocole s’applique aux ministres personnellement, y compris le Premier Ministre, au Bureau du greffier du Conseil privé et à la fonction publique.

Le protocole vient répondre aux questions suivantes :

La Loi sur le directeur des poursuites pénales autorise le procureur général du Canada à participer aux poursuites de trois façons :

Dans ses décisions concernant les poursuites, notamment à savoir s’il y participera conformément à la Loi sur le directeur des poursuites pénales, le procureur général du Canada doit tenir compte des considérations d’intérêt public et doit éviter que des considérations partisanes entrent en ligne de compte. C’est un principe que l’on appelle habituellement la « doctrine Shawcross » et qui a été reconnu par la Cour suprême du Canada (dans l’arrêt Krieger c. Law Society of Alberta, [2002] 3 R.C.S. 372).2

La doctrine Shawcross peut essentiellement être résumée ainsi : a) le procureur général du Canada ne peut pas se faire donner d’instructions en matière de poursuites pénales; b) les considérations partisanes ne doivent pas entrer en ligne de compte dans ses décisions en la matière; c) au regard de ces décisions, les consultations portant sur la question de l’intérêt public peuvent inclure la consultation des membres du Cabinet.

Décision de tenir une consultation ministérielle sur l’intérêt public

Processus de consultation sur l’intérêt public

Lorsqu’il décide de consulter des ministres pour déterminer l’incidence qu’une poursuite ou une intervention en particulier pourrait avoir sur l’intérêt public, ou lorsqu’il accepte qu’un ministre le consulte à cet égard, le procureur général du Canada doit déterminer le processus à suivre, conformément aux principes suivants :

Décision du procureur général du Canada après la consultation des ministres sur la question de l’intérêt public

Une fois qu’il a pris sa décision de prendre aucune mesure, de donner des directives, d’intervenir ou de prendre en charge la poursuite en question, le procureur général du Canada communique cette décision par écrit au ministre ou aux ministres ayant pris part à la consultation. Le procureur général du Canada n’est pas tenu de justifier sa décision, mais il peut arriver qu’une justification soit utile pour des raisons relatives aux politiques générales. Par la suite, le ou les ministres ayant pris part à la consultation ne doivent plus communiquer avec le procureur général au sujet de la poursuite ou de l’intervention en question.

Il y a une seule exception à cette restriction quant aux communications ultérieures avec le procureur général du Canada : s’il se produit un changement de contexte important et pertinent ou si de nouveaux faits se présentent après que sa décision a été prise et communiquée. Le cas échéant, le ministre demandeur peut soumettre une nouvelle demande écrite de consultation ministérielle sur l’intérêt public, en y expliquant l’importance et la pertinence du changement de contexte ou des nouveaux faits. C’est toutefois au procureur général du Canada qu’il revient de déterminer s’il est nécessaire de tenir une nouvelle consultation ministérielle sur l’intérêt public. Si c’est le cas, c’est encore le processus énoncé ci-dessus qui s’applique.

David Lametti, C.P., député fédéral
Procureur général du Canada

Date :


Notes de fin de page

1 De son côté, le ministre des Affaires étrangères est responsable du développement du droit international, et le juge-avocat général exerce des fonctions de conseiller juridique en matière de droit militaire.

2 À la différence du présent protocole, qui s’applique seulement à des poursuites en particulier – et notamment aux pouvoirs exercés en vertu du paragraphe 10(1), de l’article 14 et du paragraphe 15(1) de la Loi sur le directeur des poursuites pénales –, la doctrine Shawcross s’applique aussi aux consultations relatives à l’intérêt public que peut mener le procureur général du Canada relativement à l’éventualité de donner au Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) des directives sur les poursuites en général, en vertu du paragraphe 10(2) de la Loi.