« Il faudrait qu'il y ait une loi !» – Un aperçu des questions concernant la sélection des instruments de politique

2 Les instruments de politique : Un inventaire

2. Les instruments de politique : Un inventaire

Qu'est-ce que le gouvernement cherche à faire avec ses instruments de politique ? C'est une question beaucoup trop complexe, et c'est peu dire, pour que nous puissions l'examiner ici dans le détail, mais il nous faut quelques orientations pour ce qui suivra. Si nous supposons que les gouvernements visent à obtenir certains résultats par suite d'une politique, quels sont les principales cibles ou les sujets sur lesquels ils peuvent agir pour réaliser ces résultats ?

Le comportement des individus :
les actions des individus, mais pas les motifs sous-jacents (la mendicité : l'action de mendier dans la rue, pas la croyance que c'est un comportement acceptable ou efficace).
Les normes :
les croyances sur lesquelles sont basées le comportement (la mendicité : la croyance que c'est acceptable ou efficace de mendier).
Le processus :
l'interaction des comportements et des normes, ou des intérêts divers (la mendicité : l'interaction entre les mendiants et les personnes qui leur donnent de l'argent, et entre les mendiants et les commerçants propriétaires des magasins où la mendicité a lieu).

Prescrire des règles relatives au comportement, aux normes ou au processus semble une manière raisonnable de tenter d'atteindre certains résultats. Toutefois, il y a plusieurs facteurs qui, bien que fondamentaux, sont souvent considérés comme acquis.

2.1 La loi en tant qu'instrument de politique

La plupart des actions d'un gouvernement sont incorporées dans une loi d'une façon ou d'une autre. La question qui nous concerne ici est le recours à une loi ou à des règlements pour atteindre des objectifs stratégiques, c'est-à-dire pour influer efficacement sur le comportement, les normes ou le processus. Prescrire des règles relatives au comportement, aux normes ou au processus semble une manière raisonnable de tenter d'atteindre certains résultats. Toutefois, il y a plusieurs facteurs qui, bien que fondamentaux, sont souvent considérés comme acquis.  Le premier est le fait qu'il y a différentes sortes d'instruments juridiques. Il est possible de faire une distinction entre les instruments suivants :

Généralement, la législation quasi judiciaire n'a pas force obligatoire, mais les bulletins et autres documents qui interprètent les lois peuvent avoir des effets d'ordre pratique et faire autorité à tel point qu'ils sont admis par les tribunaux.

On peut faire une distinction entre ces instruments en fonction de leur effet juridique et des procédures employées pour les formuler. L'effet juridique a deux aspects : la portée générale (le nombre de personnes visées) et la force obligatoire (imposition d'une menace ou d'une sanction). En règle générale, les lois touchent un grand nombre de personnes et sont obligatoires. Il en est de même pour la législation par délégation, mais il y a une contrainte du fait que les tribunaux exigeront une base juridique claire pour la justifier. Les décisions sont des instruments qui ne font pas la loi, mais qui l'appliquent. Elles sont précises plutôt que générales. Les contrats ont un champ d'application encore plus restreint : ils ne s'appliquent qu'aux parties contractantes. Généralement, la législation quasi judiciaire n'a pas force obligatoire, mais les bulletins et autres documents qui interprètent les lois peuvent avoir des effets d'ordre pratique et faire autorité à tel point qu'ils sont admis par les tribunaux. En dernier lieu, l'incorporation par renvoi peut constituer une forme d'élaboration de règlements plutôt efficace et souple parce qu'elle permet de combiner des instruments qui seraient autrement distincts et de leur conférer une force obligatoire. Par exemple, une loi incorporant un code de déontologie élaboré par une association industrielle lui confère une force obligatoire. En outre, suivant la manière dont la loi a été élaborée, l'incorporation peut être dynamique en ce sens que toute modification subséquente du code suivant l'adoption de la loi entraînerait une modification automatique de l'instrument juridique (point qui soulève une certaine controverse pour des raisons évidentes). La loi sans le code est un instrument distinct, et vice versa. Réunis, ces deux instruments forment un hybride plus important que la somme de ses composants.

La logique est que plus l'effet juridique est grand et la nature de la règle obligatoire, plus on se rapproche des institutions autorisées et généralement représentatives comme le Parlement.

On peut aussi établir un rapport entre la sorte d'instrument et la procédure employée pour l'établir parce que les caractéristiques de l'organe qui établit un instrument juridique déterminent dans quelle mesure il est apte à le faire. Par exemple, le degré d'observation d'une règle est habituellement tributaire du fait que le public visé en est informé et l'accepte, et lorsqu'il a l'occasion de participer à l'élaboration de la règle, le degré de connaissances et d'acceptation augmente. Certains organes de décision sont plus aptes à susciter la participation de certains groupes que d'autres. La logique est que plus l'effet juridique est grand et la nature de la règle obligatoire, plus on se rapproche des institutions autorisées et généralement représentatives comme le Parlement. Habituellement, la législation par délégation et la législation quasi judiciaire ne sont pas aussi efficaces potentiellement à faire intervenir le public dans le processus décisionnel que le Parlement. Plus l'effet juridique est restreint et plus le consensus entre un petit groupe de participants est important, plus on comptera sur des formes de règles qui approchent de la législation quasi judiciaire ou de la partie discrétionnaire du continuum.

Les principales raisons de recourir à la législation quasi judiciaire sont toujours les mêmes : la souplesse et l'absence de technicité. La souplesse signifie que les règles peuvent être modifiées facilement et rapidement. Bien entendu, ce qui apparaît comme de la souplesse et de la simplicité d'un point de vue peut sembler comme de la « législation déguisée » et de la confusion d'un autre. La base de la législation quasi judiciaire est la persuasion et le consensus puisque les règles sont typiquement non obligatoires dans un certain sens juridique fondamental. L'acceptation de toutes les parties et les mécanismes pour y parvenir sont donc des éléments essentiels des processus qui y sont associés.

Une autre distinction existe entre les règles qui prescrivent ou interdisent des comportements et celles qui établissent des normes, des droits et des obligations.

Une autre distinction existe entre les règles qui prescrivent ou interdisent des comportements et celles qui établissent des normes, des droits et des obligations. Les normes peuvent porter sur des questions d'ordre pratique comme, par exemple, l'obligation de rouler d'un côté de la rue, mais même dans ce cas, les normes pratiques peuvent en venir à déterminer ce qui est « correct » et, par conséquent, prendre une dimension quasi-morale. La Charte des droits et libertés et les codes provinciaux relatifs aux droits de la personne visent manifestement à établir des normes et des droits moraux, mais plusieurs sortes de législation définissent des catégories de personnes (p. ex., conjoint, statut d'Indien, jeune, résident, personne âgée) et, par conséquent, leurs droits et les sortes de revendications qu'elles peuvent formuler à l'égard des autres et du gouvernement. Bien que les gouvernements puissent recourir à des instruments juridiques de cette manière pour influer sur les normes morales, il doit y avoir un certain équilibre entre les normes sociales existantes, ou le consentement de payer le prix si ces normes ne concernent qu'un groupe restreint mais déterminé. À différentes occasions, les gouvernements qui ont tenté de changer les normes sociales relatives à l'égalité raciale ou ethnique, ou entre les hommes et les femmes, ont trouvé de la résistance. Mais avec le temps, ces normes ont changé grâce, en partie, à la législation.

Si un facteur essentiel est la sorte de règles, l'autre est le coût de la mise en oeuvre. Prenons encore une fois l'exemple de la mendicité, tout dépend dans quelle mesure le comportement interdit peut être clairement défini. S'il n'est pas possible de distinguer clairement la mendicité d'autres formes de sollicitations en faveur d'organismes de bienfaisance, il y aura des problèmes au niveau de l'exécution. Et même si la distinction est possible, les coûts de la mise à exécution pourraient être élevés selon la fréquence de la mendicité et l'intensité des personnes qui s'y livrent.

La notion qu'« il faudrait qu'il y ait une loi ! » dépend donc de l'objet de la loi, des sortes de loi et du processus qui seraient appropriés à la cible, et des coûts de mise en ouvre et d'exécution.

La notion qu'« il faudrait qu'il y ait une loi ! » dépend donc de l'objet de la loi, des sortes de loi et du processus qui seraient appropriés à la cible, et des coûts de mise en ouvre et d'exécution. Voici certaines conclusions :

Le recours à un instrument juridique est clairement limité dans certaines circonstances, et parfois coûteux et inefficace dans d'autres. Quelles sont les solutions de remplacement?