Article 33 – Disposition de dérogation
Disposition
33. (1) Le Parlement ou la législature d’une province peut adopter une loi où il est expressément déclaré que celle-ci ou une de ses dispositions a effet indépendamment d’une disposition donnée de l’article 2 ou des articles 7 à 15 de la présente charte.
(2) La loi ou la disposition qui fait l’objet d’une déclaration conforme au présent article et en vigueur a l’effet qu’elle aurait sauf la disposition en cause de la charte.
(3) La déclaration visée au paragraphe (1) cesse d’avoir effet à la date qui y est précisée ou, au plus tard, cinq ans après son entrée en vigueur.
(4) Le Parlement ou une législature peut adopter de nouveau une déclaration visée au paragraphe (1).
(5) Le paragraphe (3) s’applique à toute déclaration adoptée sous le régime du paragraphe (4).
Dispositions similaires
L’article 33 est une disposition unique dans les constitutions des pays de démocratie constitutionnelle. Toutefois, certaines conventions internationales relatives aux droits de la personne contiennent des dispositions de dérogation plus limitées. L’article 4 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, qui lie juridiquement le Canada, comporte une disposition de dérogation.
Voir aussi les instruments régionaux suivants qui ne lient pas juridiquement le Canada et qui prévoient des dispositions de dérogation : l’article 27 de la Convention américaine relative aux droits de l’homme; l’article 15 de la Convention européenne des droits de l’homme.
Analyse
L’article 33 autorise le Parlement ou la législature d’une province à déroger à certaines dispositions de la Charte, nommément l’article 2 (liberté fondamentale), les articles 7 à 14 (garanties juridiques) et l’article 15 (droits à l’égalité). Il ne s’applique pas aux droits démocratiques (article 3 – droit de vote ; ou articles 4 et 5 – séances de la Chambre des communes ou des autres assemblées législatives du Canada), à la liberté de circulation et d’établissement (article 6) ou aux droits linguistiques (articles 16 à 23). L’inapplicabilité de l’article 33 à l’égard de ces droits témoigne de l’importance particulière que leur ont accordée les personnes chargées de la rédaction de la Charte (Frank c. Canada (Procureur général), [2019] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 25; Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique c. Colombie-Britannique, 2020 CSC 13, au paragraphe 148).
Lorsqu’elle est invoquée, la disposition de dérogation empêche un tribunal de déclarer que le texte de loi visé par une déclaration conforme à l’article 33 est sans force ni effet, malgré toute incompatibilité du texte de loi avec les droits ou les libertés prévus dans les articles de la Charte énumérés. Une déclaration en vertu de l’article 33 n’est valide que pendant cinq ans. Après cette période, elle cesse d’avoir effet, sauf si elle est adoptée de nouveau.
L’article 33 établit des exigences de forme seulement. En invoquant l’article 33, le législateur n’est pas tenu de préciser les dispositions de la loi susceptibles de porter atteinte aux droits et libertés spécifiés ni de justifier l’utilisation de la dérogation (Ford c. Québec (Procureur général), [1988] 2 R.C.S. 712, au paragraphe 33).
Une déclaration en vertu de l’article 33 est valide si elle mentionne, de façon générale, les articles 2 et 7 à 15 sans préciser les dispositions auxquelles on entend déroger. Une loi d’ensemble n’aura pas d’effet à l’égard de la validité de la déclaration (Ford, précité).
Lorsque l’intention du législateur n’est de déroger qu’à une partie de la disposition ou des dispositions d’un alinéa, d’un paragraphe ou d’un article de la Charte, il faut qu’il indique clairement ce qui fait l’objet de la dérogation (Ford, précité).
La règle générale d’interprétation ayant trait à la non-rétroactivité de la loi s’applique à l’article 33 de la Charte : l’article 33 a été interprété par la Cour suprême comme permettant une dérogation prospective seulement. Si l’adoption d’une loi vise à donner un effet rétroactif aux dispositions dérogatoires de la Charte, cette loi est, dans cette mesure, sans force ni effet (Ford, précité; Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927).
Recours à l’article 33 par le gouvernement
Jusqu’à maintenant, le gouvernement fédéral n’a pas invoqué la disposition de dérogation.
L’article 33 a été invoqué à l’occasion par des gouvernements provinciaux. Il fut d’abord invoqué en 1982 lorsque le Québec a adopté une loi d’ensemble abrogeant toutes les lois adoptées avant l’entrée en vigueur de la Charte et les adoptant de nouveau après avoir ajouté une disposition type déclarant que la loi s’applique sans égard à l’article 2 et aux articles 7 à 15 de la Charte. La loi ajoutait aussi cette disposition type dans toutes les lois adoptées après l’entrée en vigueur de la Charte. La déclaration dans la loi d’ensemble était censée avoir un effet rétroactif à compter du 17 avril 1982. Cette loi d’ensemble a fait l’objet de l’arrêt Ford, précité. Elle n’a pas été adoptée de nouveau après son expiration.
La Saskatchewan, le Yukon, l’Ontario et l’Alberta ont également fait des déclarations relatives à l’article 33. Ce ne sont pas toutes les lois dans lesquelles ces déclarations ont été faites qui ont été mises en vigueur.
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