Projet de loi C-21 : Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu)

Déposé à la Chambre des communes le 21 juin 2022
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-21, Loi modifiant certaines lois et d’autres textes en conséquence (armes à feu), afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-21 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.
Aperçu
Le projet de loi C-21 propose un certain nombre de modifications au Code criminel, à la Loi sur les armes à feu et à d’autres lois fédérales qui visent à concrétiser les engagements du gouvernement du Canada en lien avec le contrôle des armes à feu et à protéger les Canadiens contre les préjudices liés aux armes à feu.
Voici les principaux droits et libertés protégés par la Charte qui sont susceptibles d’être touchés par les mesures proposées :
- Liberté d’expression (alinéa 2b)) – L’alinéa 2b) de la Charte protège la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris le principe de la publicité des débats judiciaires. En vertu de ce principe, il est présumé que les procédures judiciaires sont ouvertes à la fois au public et aux médias.
- Droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne (article 7) – L’article 7 de la Charte garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Parmi ces principes, on retrouve les notions de caractère arbitraire, de portée excessive et de disproportion exagérée. Une mesure législative est arbitraire lorsqu’elle a des répercussions sur les droits garantis par l’article 7 qui n’ont aucun lien rationnel avec son objectif. La portée d’une mesure est excessive lorsque cette mesure s’applique si largement qu’elle vise certains actes qui n’ont aucun lien avec son objet. Une mesure législative est exagérément disproportionnée si ses répercussions sur les droits garantis par l’article 7 sont graves au point d’être « sans rapport aucun » avec son objectif.
- Droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives (article 8) – L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives. Il vise à protéger l’attente raisonnable des particuliers en matière de vie privée contre l’ingérence abusive de l’État. La fouille, la perquisition ou la saisie ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle‑même est raisonnable, en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l’intérêt de l’État, et si la fouille est effectuée de façon raisonnable.
- Droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires (article 9) – L’article 9 de la Charte garantit à chacun le droit à la protection contre la détention ou l’emprisonnement arbitraires. L’objet de l’article 9 est la protection de la liberté individuelle contre l’ingérence injustifiée de l’État.
- Droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités (article 12) – L’article 12 de la Charte garantit à chacun le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Dans le contexte de la détermination de la peine, l’article 12 interdit les peines exagérément disproportionnées.
Aux fins du présent Énoncé concernant la Charte, les modifications du projet de loi ont été classées selon les catégories suivantes : modifications au Code criminel, modifications à la Loi sur les armes à feu et modifications à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Modifications au Code criminel
Assimiler certaines armes à feu à des dispositifs prohibés
Aux termes du projet de loi, toute arme à feu non réglementée conçue de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu réglementée ou à la reproduire le plus fidèlement possible serait réputée être un « dispositif prohibé » pour l’application des articles 99 à 101, 103 à 107 et 117.03 du Code criminel. Tous ces articles du Code criminel, à l’exception de l’article 117.03 (saisie d’armes à feu à défaut de présenter l’autorisation attestant leur possession légitime), sont des infractions relatives aux armes qui visent également les comportements en lien avec des armes à feu ou des dispositifs prohibés. Chacune de ces infractions est passible d’une peine d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité, y compris des peines d’emprisonnement obligatoires pour les infractions de trafic et de contrebande d’armes prévues aux articles 99, 100 et 103. Comme l’effet de la disposition déterminative élargirait la portée de la responsabilité criminelle pour certaines infractions relatives aux armes à feu – dont certaines comprennent des peines minimales obligatoires – cette disposition touche au droit à la liberté garanti par l’article 7 et au droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités garanti par l’article 12 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de la disposition déterminative avec les articles 7 et 12. La disposition vise à combler une lacune du Code criminel en ce qui concerne toute « réplique » d’arme à feu dont l’importation, l’exportation, la cession et la vente sont actuellement interdites au Canada. La définition actuelle du terme « réplique » n’englobe que les fusils de faible puissance qui ont l’apparence exacte d’une arme à feu, mais qui ne sont pas suffisamment puissants pour répondre à la définition d’une « arme à feu » au sens du Code criminel, en ce qu’ils ne sont pas susceptibles d’infliger des lésions corporelles graves ou la mort à une personne. La disposition déterminative ferait en sorte que l’importation, l’exportation, la vente et la cession d’une arme à feu non réglementée conçue de façon à avoir l’apparence exacte d’une arme à feu réglementée ou à la reproduire le plus fidèlement possible (comme certains fusils à vent) seraient interdites au Canada. Les peines prévues pour les infractions de trafic et de contrebande d’armes, y compris dans le cas de peines progressives pour les récidivistes, reconnaissent la gravité du comportement et la menace que posent, pour la sécurité publique, les armes à feu, les armes et les autres dispositifs cédés illégalement ou introduits clandestinement. Les dispositifs nouvellement réputés être des dispositifs prohibés présentent les mêmes risques pour la sécurité publique que les répliques d’armes à feu, surtout dans des situations d’urgence, étant donné qu’on ne peut les distinguer des armes à feu réglementées et qu’ils peuvent être utilisés pour commettre des infractions criminelles. Cette mesure favoriserait l’important objectif en matière de sécurité publique que constitue la lutte contre l’utilisation criminelle de ces dispositifs. Les particuliers qui possèdent actuellement de tels dispositifs seraient toujours autorisés à les posséder et à les utiliser légalement, à condition que ce ne soit pas à des fins d’importation, d’exportation, de vente ou de cession.
Nouvelle infraction relative à la modification d’un chargeur
Le projet de loi érigerait en infraction le fait de modifier un chargeur de façon à excéder sa capacité légale sans excuse légitime. Quiconque commet cette infraction pourrait être reconnu coupable : 1) soit d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de cinq ans, 2) soit d’une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire passible d’une amende maximale de 5 000 $ ou d’un emprisonnement maximal de deux ans moins un jour, ou des deux.
Comme la disposition créant l’infraction prévoirait des accusations criminelles et la possibilité d’emprisonnement, elle touche au droit à la liberté garanti par l’article 7. Lorsqu’il a examiné la disposition, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’incompatibilité éventuelle entre la mesure et les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée de l’infraction est adaptée à son objectif de réduire les risques pour la sécurité publique et, sur déclaration de culpabilité, un juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine adaptée et appropriée.
Ordonnances d’interdiction d’urgence et ordonnances de restriction d’urgence
Le projet de loi établirait un régime permettant à toute personne de demander à un tribunal une ordonnance d’interdiction d’urgence ou une ordonnance de restriction d’urgence contre une autre personne pour des raisons de sécurité publique. Une ordonnance d’interdiction d’urgence interdirait temporairement à la personne visée d’avoir en sa possession des armes à feu ainsi que d’autres armes (telles qu’elles seraient précisées dans l’ordonnance) s’il y a des motifs raisonnables de croire qu’il ne serait pas souhaitable pour la sécurité qu’elle continue d’avoir ces armes en sa possession, par exemple, en raison de la possibilité qu’elle cause un préjudice à sa personne ou à toute autre personne. Une ordonnance de restriction d’urgence imposerait à la personne visée des conditions précises relativement à son utilisation ou à sa possession d’armes à feu et d’autres armes (tel qu’il serait précisé dans l’ordonnance) dans des circonstances précises. Une telle ordonnance pourrait être rendue lorsqu’il y a des motifs raisonnables de croire que la personne visée habite ou a des rapports avec un particulier qui est sous le coup d’une ordonnance lui interdisant d’avoir en sa possession des armes à feu, des munitions ou des armes, et qui aurait ou pourrait avoir accès à de tels objets que celle-ci a en sa possession. Si l’une ou l’autre de ces ordonnances d’urgence était accordée, elle prendrait effet immédiatement à la date à laquelle le juge rendrait l’ordonnance et serait valide pour une période d’au plus trente jours à compter de cette date.
Le projet de loi autoriserait la perquisition et la saisie de tout objet (tel qu’une arme à feu ou une autre arme) ou de tout document connexe (tel qu’un permis ou un certificat d’enregistrement) qui est mentionné dans l’ordonnance d’urgence rendue par le juge. Les agents de la paix seraient autorisés à perquisitionner et à saisir ces objets – avec ou sans mandat – dans des circonstances précises. Le projet de loi prévoirait que les nouveaux mandats peuvent être demandés par des moyens de télécommunication (« télémandats ») en vertu du paragraphe 487.1(1) du Code criminel si le projet de loi S-4, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur l’identification des criminels et apportant des modifications connexes à d’autres lois entre en vigueur. Les nouveaux pouvoirs de perquisition et de saisie et la modification concernant les télémandats pourraient faire intervenir l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité des mesures avec l’article 8. Ces mesures visent à assurer la sécurité des personnes en interdisant aux individus qui présentent un risque pour leur sécurité ou celle des autres d’avoir en leur possession des armes à feu ainsi que d’autres armes et en limitant leur accès à des armes à feu par l’intermédiaire d’un tiers. Un juge aurait le pouvoir discrétionnaire de délivrer un mandat de perquisition et de saisie pour les objets indiqués dans une ordonnance d’urgence. Il faudrait qu’il y ait des motifs raisonnables de croire qu’il n’est pas souhaitable pour la sécurité de la personne visée par l’ordonnance de continuer d’avoir en sa possession les armes en question et que celles-ci se trouvent dans le lieu de perquisition. Les perquisitions et saisies sans mandat ne seraient autorisées que si les conditions pour l’obtention du mandat selon le nouveau régime étaient réunies, mais que l’urgence de la situation, suscitée par les risques pour la sécurité de la personne ou pour celle d’autrui, les rendait difficilement réalisables. Les pouvoirs de perquisition et de saisie créés par le projet de loi sont semblables à des pouvoirs existants aux termes du Code criminel qui ont déjà été confirmés par les tribunaux. La modification concernant les télémandats conserverait l’obligation de faire approuver par un juge les demandes de mandats de perquisition présentées par un moyen de télécommunication. La modification n’aurait pas non plus d’effet sur l’obligation existante selon laquelle il doit y avoir suffisamment de motifs objectifs pour que le mandat soit accordé.
Augmentation des peines maximales d’emprisonnement
Selon le projet de loi, la peine maximale d’emprisonnement sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation passerait de 10 à 14 ans pour la contrebande et le trafic d’armes ainsi que d’autres infractions précises (articles 95, 96, 99, 100 et 103 du Code criminel). Les nouvelles dispositions en matière de peine sont susceptibles de toucher à l’article 12 de la Charte, qui assure une protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. La modification de la peine maximale peut entraîner une peine plus élevée pour un contrevenant qui commet une infraction après l’entrée en vigueur des dispositions que pour un contrevenant qui commet une infraction et est condamné avant l’entrée en vigueur des modifications.
Les facteurs suivants appuient la conformité des dispositions avec l’article 12. Il est peu probable que des peines maximales plus élevées limitent à elles seules l’application de l’article 12, car les tribunaux conservent le pouvoir discrétionnaire d’imposer des peines proportionnelles. Bien qu’une peine disproportionnée dans un cas particulier puisse être rectifiée en appel, le bien-fondé de la disposition relative à la détermination de la peine maximale ne serait pas remis en question.
Demandes ex parte, audition à huis clos et ordonnances interdisant l’accès aux renseignements
Le projet de loi permettrait à toute personne de présenter une demande ex parte à une cour pour d’obtenir une ordonnance d’interdiction d’urgence ou une ordonnance de restriction d’urgence (« ordonnances d’urgence »). Une demande ex parte signifie que l’audition d’une demande procéderait pour le bénéfice et en présence d’une seule partie (comme le demandeur), sans que la partie adverse en soit avisée ou ait le droit d’y participer (comme la personne visée par l’ordonnance d’urgence). Le projet de loi prévoirait également que le juge peut procéder à l’audition de la demande d’une ordonnance d’urgence à huis clos s’il l’estime nécessaire pour assurer la sécurité du demandeur (comme une victime de violence familiale) ou celle d’une de ses connaissances (comme un membre de la famille de la victime).
De plus, le projet de loi permettrait à un juge de rendre une ordonnance interdisant l’accès aux renseignements relatifs à la procédure d’urgence si le juge l’estime nécessaire pour assurer la sécurité du demandeur ou celle d’une de ses connaissances. Selon la même norme, le juge pourrait également rendre une ordonnance exigeant que les renseignements qui permettraient d’établir l’identité du demandeur ou celle d’une de ses connaissances soient supprimés de tout document de la cour ayant trait à l’ordonnance d’urgence. Une ordonnance interdisant l’accès aux renseignements expire généralement lorsque l’ordonnance d’urgence expire (durée maximale de 30 jours) ou est révoquée, à moins que l’ordonnance interdisant l’accès aux renseignements ne soit révoquée auparavant. Une ordonnance de suppression des renseignements identificatoires peut être rendue pour la durée (déterminée ou indéterminée) que le juge estime nécessaire pour assurer la sécurité de la personne qui a demandé l’ordonnance d’urgence ou celle d’une de ses connaissances.
Les modifications ci-dessus permettent d’exclure les membres du public et des médias des procédures judiciaires et de limiter l’accès aux renseignements et portent donc atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires garanti par l’alinéa 2b) de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité des modifications avec l’alinéa 2b) de la Charte. Le juge aurait un pouvoir discrétionnaire dans l’application des dispositions permettant l’audition à huis clos des demandes et les ordonnances interdisant l’accès aux renseignements. En particulier, le juge doit être convaincu de la nécessité de la mesure afin d’assurer la sécurité du demandeur ou celle d’une de ses connaissances. Par exemple, une victime qui demande une ordonnance d’urgence peut avoir besoin de cacher son identité pour ne pas subir de la violence familiale aux mains de la personne visée par l’ordonnance. Le juge doit exercer son pouvoir discrétionnaire lorsqu’il limite la publicité des débats judiciaires conformément à la Charte et doit trouver un juste équilibre entre la publicité des débats judiciaires et toute considération concurrente, comme la protection de la sécurité des victimes. En outre, le juge peut fixer dans les ordonnances les modalités qu’il estime indiquées dans les circonstances.
Modifications à la Loi sur les armes à feu
Communication de renseignements
Le projet de loi autoriserait le commissaire aux armes à feu, le directeur de l’enregistrement des armes à feu ou le contrôleur des armes à feu à communiquer certains renseignements s’il a des motifs raisonnables de soupçonner qu’un particulier a commis une infraction de trafic d’armes, et que cette communication sert à des fins d’enquête ou de poursuite de cette infraction.
Les considérations suivantes appuient la conformité des modifications proposées avec l’article 8 de la Charte. Les renseignements qui peuvent être communiqués aux termes de la nouvelle disposition sont soit fournis par les titulaires de permis, soit générés dans le cadre de l’administration du régime réglementaire de la Loi sur les armes à feu, qui vise à promouvoir la sécurité en réduisant l’utilisation abusive des armes à feu. L’objectif de la communication, à savoir à des fins d’enquête portant sur l’utilisation abusive de permis en application de la loi, est étroitement lié à l’objectif initial pour lequel les renseignements ont été fournis ou générés. Par conséquent, pareille communication de renseignements ne peut pas susciter une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée.
Les catégories de renseignements pouvant être communiqués sont définies de manière étroite, y compris les renseignements identificatoires sur la personne et les armes à feu enregistrées à leur nom. Elles ne comprennent pas les renseignements très sensibles susceptibles de susciter une attente élevée en matière de vie privée. La communication est en outre limitée par le fait que les renseignements ne pourraient être communiqués qu’à des fins d’enquête ou de poursuite portant sur une infraction de trafic d’armes qui aurait été commise au moyen du permis de la personne concernée. De plus, le responsable de la communication des renseignements doit avoir des motifs raisonnables de soupçonner qu’il y a eu utilisation abusive du permis avant que la communication puisse avoir lieu. Le projet de loi propose que les renseignements portant sur l’exercice de ce pouvoir soient inclus dans les rapports annuels du commissaire au ministre. Il s’agit là d’un mécanisme de contrôle qui contribuerait à assurer la transparence quant à l’exercice de ce pouvoir et la légitimité de son caractère globalement raisonnable.
Publicité
Le projet de loi propose d’ériger en infraction le fait pour une entreprise ou pour certaines personnes liées à une entreprise, dans une publicité sur les armes à feu, de représenter la violence contre une personne, conseiller d’y avoir recours ou en faire la promotion. Les conditions imposées aux entreprises pour la délivrance de permis contiennent déjà une interdiction relativement à pareille publicité. Le projet de loi intégrerait cette interdiction dans la législation et ferait en sorte que toute violation serait punissable par mise en accusation ou par voie de procédure sommaire. Cette mesure est susceptible de toucher à l’alinéa 2b), qui protège la liberté d’expression, ainsi qu’aux articles 7.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité des modifications proposées avec l’alinéa 2b) de la Charte. La violence et les menaces de violence n’entrent pas dans le champ d’application de l’alinéa 2b). L’acte consistant à conseiller d’avoir recours à la violence peut également ne pas entrer dans le champ d’application de l’alinéa 2b). Dans la mesure où cette disposition englobe une expression qui est protégée par l’alinéa 2b), le fait qu’il s’agisse d’une expression commerciale est un facteur pertinent pour déterminer si des limites à cette expression sont justifiables au regard de la Charte. Les entreprises qui seraient assujetties à l’interdiction proposée exercent des activités au sein d’un secteur étroitement réglementé et vendent des marchandises intrinsèquement dangereuses dont l’utilisation est elle-même très réglementée. De plus, la violence armée est un problème persistant au Canada. Cette interdiction respecte l’objet de la Loi sur les armes à feu de prévenir l’utilisation abusive des armes à feu, en restreignant la publicité qui peut encourager (directement ou indirectement) l’utilisation d’armes à feu pour commettre des actes de violence contre les personnes. Cette interdiction n’empêche pas les entreprises de faire de la publicité sur les armes à feu en général ou d’informer les consommateurs au sujet de leurs produits.
Étant donné que toute commission de l’infraction prévue à cette disposition par une entreprise ou une personne pourrait entraîner des poursuites pénales et une possibilité d’emprisonnement, cela touche au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte. Lorsqu’il a examiné la disposition, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’incompatibilité éventuelle entre la mesure et les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée de l’infraction est adaptée à son objectif de réduire les conséquences néfastes potentielles de l’utilisation des armes à feu et, sur déclaration de culpabilité, un juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine adaptée et appropriée.
Ordonnances de protection et acte de violence familiale
Le projet de loi prévoirait la révocation automatique du permis d’armes à feu d’un particulier qui est visé par une ordonnance de protection ou du permis d’un particulier si le contrôleur des armes à feu est convaincu que ce dernier a participé à un acte de violence familiale ou a traqué quelqu’un. Le projet de loi interdirait également la délivrance d’un permis d’armes à feu à un particulier qui est visé par une ordonnance de protection. Le projet de loi permettrait au contrôleur des armes à feu de délivrer un permis d’armes à feu à un tel particulier si le particulier le convainc de la nécessité pour lui de posséder une arme à feu pour chasser, notamment à la trappe, afin d’assurer la subsistance de sa famille ou du fait que la révocation de son permis équivaut à une interdiction de travailler dans son seul domaine possible d’emploi. De telles décisions seraient prises au cas par cas.
La révocation d’un permis d’armes à feu ou le refus de délivrer un permis d’armes à feu ne portera pas normalement atteinte aux droits garantis par la Charte. Lorsque la révocation ou le refus pourrait priver un particulier de la capacité de chasser, notamment à la trappe, afin d’assurer sa subsistance ou de travailler, cette révocation ou ce refus serait susceptible de porter atteinte à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités aux termes de l’article 12 de la Charte ou aux droits garantis par l’article 7. La disposition qui permettrait aux contrôleurs des armes à feu de délivrer des permis à des particuliers dans de telles circonstances offrirait une certaine souplesse afin de protéger ces droits.
Modifications à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires
Pouvoirs d’un agent de sécurité nucléaire désigné à titre d’agent de la paix
Le projet de loi élargirait les fonctions des agents de sécurité nucléaire pour y inclure la préservation et le maintien de la paix publique dans un site à sécurité élevée (défini comme suit dans le projet de loi : « Installation nucléaire où des matières nucléaires de catégorie I ou des matières de catégorie II, au sens de l’article 1 du Règlement sur la sécurité nucléaire, sont traitées, utilisées ou stockées »). La Commission canadienne de sûreté nucléaire (la « CCSN ») serait autorisée à désigner un agent de sécurité nucléaire à titre d’agent de la paix (au sens du Code criminel) pour l’exercice de ses fonctions sur un site à sécurité élevée et pour l’exercice hors du site de fonctions réglementaires limitées, par exemple une formation hors du site dans une installation de tir à la cible.
Les agents de sécurité nucléaire désignés ne bénéficieraient pas de l’ensemble des pouvoirs des agents de la paix prévus au Code criminel. Le projet de loi limiterait l’étendue de ces pouvoirs à ceux qui suivent :
- vérifier l’identité de tout individu;
- fouiller les individus et les choses qui, selon l’agent, présentent un risque pour la sûreté et la sécurité;
- arrêter sans mandat, en conformité avec le Code criminel, tout individu que l’agent de sécurité nucléaire : i) trouve en train de commettre une infraction à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, au Code criminel ou à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances (la « LRCDAS ») qui présente un risque pour la sûreté et la sécurité du site, ou ii) dont il a des motifs raisonnables de croire qu’il a commis ou est sur le point de commettre une telle infraction au site ;
- saisir toute chose : i) soit dont l’agent de sécurité nucléaire a des motifs raisonnables de croire qu’elle présente un risque pour la sécurité du site, ou ii) soit à l’égard de laquelle il a des motifs raisonnables de croire qu’une infraction à la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, au Code criminel ou à la LRCDAS a été commise, ou est en train ou sur le point de l’être.
De plus, les agents de sécurité nucléaire seraient autorisés à faire usage de la force appropriée dans l’exercice de leurs fonctions, sous réserve des restrictions applicables prévues dans le Code criminel (c’est-à-dire que l’usage de la force doit être nécessaire et fondé sur des motifs raisonnables).
Ces nouveaux pouvoirs de perquisition et de saisie sont susceptibles de porter atteinte à l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces pouvoirs avec l’article 8 de la Charte. L’objectif de la perquisition et de la saisie est de protéger la sécurité des sites à sécurité élevée ainsi que des personnes et des biens qui s’y trouvent. Les attentes en matière de vie privée sont réduites dans l’environnement étroitement réglementé des sites à sécurité élevée, du fait que toute atteinte à la sécurité de ces sites pourrait avoir des répercussions importantes sur la sécurité nationale, l’économie canadienne, la santé humaine et l’environnement. Les saisies seraient autorisées selon des conditions rigoureuses, soit une croyance fondée sur des motifs raisonnables dans des circonstances limitées, par exemple, lorsque l’infraction présente un risque pour la sécurité du site à sécurité élevée, ou lorsqu’une infraction criminelle a été commise sur le site, est en train d’être commise ou est sur le point de l’être. Le projet de loi favoriserait également la surveillance de l’exercice des pouvoirs de perquisition et de saisie en exigeant que la CCSN veille à ce qu’il y ait une procédure de traitement des plaintes concernant la conduite de tout agent de sécurité nucléaire dans l’exercice de ses attributions à titre d’agent de la paix.
Les modifications permettant les arrestations sans mandat et l’usage d’un niveau approprié de force sont susceptibles de priver les personnes de leur liberté et de toucher ainsi à l’article 7 de la Charte. Puisqu’une arrestation est assimilable à une détention, la possibilité de procéder à une arrestation sans mandat touche également à l’article 9 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la conformité de ces dispositions avec les articles 7 et 9. Le projet de loi permettrait aux agents de sécurité nucléaire d’exercer des pouvoirs d’agent de la paix qui ont été confirmés par les tribunaux dans le contexte criminel. Dans un souci de protection du droit à la liberté, les agents de sécurité nucléaire ne peuvent arrêter sans mandat des individus que dans des circonstances limitées liées à la sûreté ou à la sécurité des sites à sécurité élevée. En outre, les agents de sécurité nucléaire peuvent uniquement faire usage de la force qui est nécessaire dans les circonstances et le recours à cette force doit reposer sur l’existence de motifs raisonnables. Ces dispositions visent à doter les agents de sécurité nucléaire des pouvoirs nécessaires pour l’exercice de leurs fonctions dans le maintien de la sûreté et de la sécurité des sites à sécurité élevée.
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