Projet de loi C-27 : Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données et la Loi sur l’intelligence artificielle et les données et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois

Projet de loi C-27 : Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données et la Loi sur l’intelligence artificielle et les données et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois

Déposé à la Chambre des communes le 4 novembre 2022

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations envisageables liées à la Charte. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-27, Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données et la Loi sur l’intelligence artificielle et les données et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-27 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Aperçu

Le projet de loi C-27, Loi édictant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données et la Loi sur l’intelligence artificielle et les données et apportant des modifications corrélatives et connexes à d’autres lois, est aussi appelé Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.

La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs constitue la partie 1 de la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique. Cette loi abrogerait certaines parties de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques et les remplacerait par un nouveau régime législatif sur la collecte, l’utilisation et la communication de renseignements personnels à des fins commerciales au Canada. Cela aurait pour effet de maintenir, de moderniser et d’élargir les règles actuelles, et d’en imposer de nouvelles aux organisations du secteur privé à l’égard de la protection des renseignements personnels. En outre, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs maintiendrait et renforcerait le rôle du commissaire à la protection de la vie privée, qui est chargé de s’assurer que les organisations respectent ces règles. Les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui portent sur l’utilisation de moyens électroniques pour remplacer les documents papier seraient conservées dans la loi dont le nouveau titre abrégé est Loi sur les documents électroniques.

La partie 2 de la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique contient la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données. Cette loi créerait un nouveau tribunal administratif chargé d’instruire les appels d’ordonnances rendues par le commissaire à la protection de la vie privée et d’appliquer un nouveau régime de sanctions administratives pécuniaires créé en vertu de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs.

La partie 3 de la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique, la Loi sur l’intelligence artificielle et les données, établit de nouvelles mesures visant à réglementer les échanges et le commerce internationaux et interprovinciaux en matière de systèmes d’intelligence artificielle. Elle établirait des exigences pour la conception, le développement et l’utilisation des systèmes d’intelligence artificielle, notamment des mesures visant à atténuer les risques de préjudice et de résultat biaisé. Elle interdirait également certaines pratiques relativement aux données et aux systèmes d’intelligence artificielle qui peuvent causer un préjudice sérieux aux individus ou à leurs intérêts.

Fouilles, perquisitions ou saisies abusives (article 8 de la Charte)

L’article 8 de la Charte protège contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. L’objectif de l’article 8 est de protéger les gens contre toute intrusion abusive de l’État lorsqu’il existe une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. La fouille, la perquisition ou la saisie sera raisonnable si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même est raisonnable (en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les intérêts en matière de vie privée et l’intérêt de l’État), et si elle est effectuée de façon raisonnable.

La Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique pourrait faire intervenir les droits garantis par l’article 8 de la Charte, car les pouvoirs du commissaire à la protection de la vie privée et certaines dispositions permettant aux institutions gouvernementales d’avoir accès à des renseignements personnels pourraient viser des renseignements qui font l’objet d’une attente raisonnable en matière de vie privée.

Premièrement, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs rétablirait les pouvoirs d’enquête et de vérification actuels du commissaire à la protection de la vie privée tout en les renforçant. Ces pouvoirs, notamment celui d’exiger la production de documents et de pénétrer dans des lieux privés autres que des maisons d’habitation afin d’examiner des documents et de parler avec les personnes qui s’y trouvent, feraient en sorte que le commissaire à la protection de la vie privée serait dorénavant habilité à mener des enquêtes à l’égard de violations possiblement commises au regard de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. Le commissaire à la protection de la vie privée aurait le droit de communiquer des renseignements à d’autres organismes de réglementation fédéraux à certaines conditions. Il conserverait aussi le pouvoir de communiquer des renseignements à ses homologues provinciaux et à des États étrangers.

Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des pouvoirs de communication, d’examen, d’investigation et de vérification du commissaire à la protection de la vie privée avec l’article 8 de la Charte. Lorsque ce sera le cas, le pouvoir du commissaire à la protection de la vie privée d’obtenir l’accès aux renseignements et de les communiquer sera clairement énoncé dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs. Les dispositions appuieraient les objectifs de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs en conférant des pouvoirs légitimes semblables à ceux qui existent dans d’autres contextes réglementaires et dont l’utilisation est assujettie à certaines restrictions semblables.

Deuxièmement, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs pourrait faire intervenir les droits garantis par l’article 8, car elle rétablirait une série de dispositions actuelles de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques qui permettent aux organisations de communiquer des renseignements personnels à une institution gouvernementale à l’insu de l’intéressé et sans son consentement dans certaines situations. Par exemple, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs rétablirait une disposition permettant à une organisation de communiquer des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement si une institution gouvernementale a demandé les renseignements et a mentionné la source de l’autorité légitime étayant son droit de les obtenir et le fait qu’elle soupçonne que les renseignements concernent la sécurité nationale. En outre, elle rétablirait les dispositions connexes permettant à une organisation de recueillir des renseignements personnels en vue de communiquer certains renseignements aux institutions gouvernementales, notamment dans la situation décrite ci-dessus ou lorsqu’une communication est exigée par la loi. Les règles actuelles pouvant limiter l’information qu’une organisation a le droit de donner à un individu à propos des renseignements qui ont été communiqués seraient conservées dans le projet de loi. Dans tous les cas, les règles qui s’appliquent sous le régime de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques resteraient les mêmes dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs.

Dans le cas des dispositions rétablies permettant aux organisations de communiquer des renseignements personnels à une institution gouvernementale dans certaines circonstances prévues par règlement, les considérations qui suivent appuient leur compatibilité avec l’article 8. Les mesures visent principalement à faire en sorte que la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs n’empêche pas une organisation de communiquer des renseignements lorsque leur communication est autorisée par un autre instrument habilitant. Par exemple, elles permettent aux organisations de répondre aux demandes de renseignements lorsqu’une autre loi, un mandat ou une assignation autorise le gouvernement à recueillir ces renseignements. Les dispositions rétablies permettraient également aux organisations de communiquer des renseignements personnels à une institution gouvernementale lorsque la communication découle de l’initiative d’une organisation du secteur privé, que l’organisation la fait de façon volontaire et que les exigences légales applicables sont respectées. Elles ne s’appliqueraient que dans des situations limitées et précises où la communication est dans l’intérêt public. Afin de limiter les répercussions sur les intérêts en matière de vie privée, d’autres mesures ainsi que le contexte législatif général régissant les institutions publiques prévoient une vaste gamme de dispositions en matière de transparence, de responsabilisation et de supervision. Par exemple, la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et d’autres régimes législatifs spécialisés imposent des règles et des mesures de protection qui s’appliquent aux institutions gouvernementales qui recueillent des renseignements personnels; le commissaire à la protection de la vie privée a de vastes pouvoirs pour s’assurer que les organisations respectent la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, et la Cour fédérale peut également intervenir pour régler des plaintes. De plus, de l’information sur les renseignements communiqués aux institutions gouvernementales pourrait être fournie aux personnes concernées dans la mesure où les activités de nature délicate du gouvernement ne seraient pas compromises.

Des considérations similaires appuient la compatibilité avec l’article 8 en ce qui concerne les dispositions permettant aux organisations de recueillir des renseignements personnels à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement en vue de communiquer des renseignements particuliers aux institutions gouvernementales. Comme les mesures visant la communication dont il a été question plus haut, ces dispositions relatives à la collecte de renseignements personnels permettraient aux organisations de répondre aux demandes de renseignements du gouvernement lorsqu’un autre instrument habilitant, comme une autre loi, un mandat ou une assignation, permet l’accès à ces renseignements par le gouvernement. Elles appuient également la collecte de renseignements personnels à des fins de communication volontaire à l’initiative des organisations du secteur privé. La collecte de renseignements personnels à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement à cette fin ne serait autorisée que dans certaines situations limitées de grande importance publique, notamment lorsque les renseignements ont possiblement une incidence sur la sécurité nationale, la défense du Canada ou la conduite des affaires internationales ou lorsqu’une communication des renseignements est exigée par la loi.

Troisièmement, les mesures prévues dans la Loi sur l’intelligence artificielle et les données pourraient aussi faire intervenir les droits garantis par l’article 8. Par exemple, en vertu de cette loi, le ministre compétent pourrait contraindre les personnes qui y sont assujetties à la production de certains renseignements pour vérifier qu’elles respectent la loi. Les personnes assujetties pourraient également être tenues de fournir des documents aux vérificateurs. En outre, la Loi sur l’intelligence artificielle et les données autorise le ministre à publier des renseignements relatifs aux systèmes d’intelligence artificielle qui présentent un risque grave de préjudice; elle l’autorise également à ordonner à des personnes de publier des renseignements concernant la façon dont elles se conforment à cette loi; enfin, elle l’autorise aussi à communiquer des renseignements à d’autres entités gouvernementales énoncées dans ses dispositions.

Les considérations qui suivent appuient la conformité des pouvoirs du ministre de recueillir et de communiquer des renseignements au regard de l’article 8. Les attentes en matière de vie privée sont diminués dans les cas où il est essentiel pour le gouvernement d’avoir accès à des renseignements et à des documents commerciaux pour assurer la conformité aux obligations réglementaires qui incombent aux entités réglementées. En vertu de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données, les pouvoirs du ministre de recueillir ou de communiquer des renseignements ou d’exiger leur production à des fins réglementaires ou administratives sont compatibles avec des pouvoirs semblables qui ont été jugés raisonnables dans d’autres contextes réglementaires. Ils sont adaptés et assujettis à des limites, et l’accès aux renseignements qu’ils permettent est raisonnable et nécessaire pour faire atteindre les objectifs normatifs importants prévus dans la Loi. En outre, des restrictions sont prévues quant aux fins pour lesquelles les renseignements peuvent être recueillis en vertu de la Loi, ainsi que des mesures visant à protéger les renseignements personnels et les renseignements commerciaux confidentiels. Ces mesures de protection prévoient des limites concernant les situations où le ministre peut communiquer des renseignements personnels ou commerciaux confidentiels.

Liberté d’expression (alinéa 2b) de la Charte)

L’alinéa 2b) de la Charte protège le droit à la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression. Il a fait l’objet d’une interprétation large qui englobe toutes les activités ou communications qui transmettent ou tentent de transmettre une signification, à l’exception de celles qui impliquent de la violence ou des menaces de violence. Il protège les droits des personnes qui cherchent à exercer leur liberté d’expression et les droits de celles à qui l’expression est destinée.

Les restrictions relatives à la collecte, à l’utilisation et à la communication de renseignements personnels dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs pourraient avoir des répercussions sur les activités des organisations réglementées qui touchent le droit à l’expression et qui requièrent une collecte, une utilisation ou une communication de renseignements personnels qui est restreinte ou interdite par la Loi. De même, certaines normes réglementaires ou autres normes juridiques prévues dans la Loi sur l’intelligence artificielle et les données pourraient porter atteinte à la liberté d’expression en limitant les utilisations de systèmes d’intelligence artificielle ou l’accès au contenu qu’ils peuvent générer.

Malgré les cas où la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs serait susceptible de constituer une entrave à la liberté d’expression commerciale, sa compatibilité avec la Charte est étayée par les considérations suivantes. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs ne s’applique qu’aux renseignements personnels. Son important objectif normatif est la protection des renseignements personnels compte tenu des droits à la vie privée des individus et des besoins légitimes des organisations. Elle établit un équilibre entre les besoins des organisations et les intérêts des personnes en ce qui concerne la protection de leurs renseignements personnels. Elle est fondée sur le consentement et reconnaît une série de situations où des renseignements personnels peuvent être légitimement utilisés à des fins commerciales. Les dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs peuvent être vues comme étant proportionnelles à ses objectifs, soit appuyer et promouvoir le commerce tout en respectant le droit à la vie privée des individus par la protection de leurs renseignements personnels.

Malgré le fait que les mesures prévues dans la Loi sur l’intelligence artificielle et les données pourraient restreindre le droit d’expression protégé par la Charte, leur compatibilité avec la Charte est étayée par les considérations suivantes. La Loi sur l’intelligence artificielle et les données vise à prémunir la population contre une gamme de risques graves associés à l’utilisation de systèmes d’intelligence artificielle, notamment les risques de préjudice physique ou psychologique ou de résultat biaisé ayant des effets négatifs sur les individus. Cet objectif important serait appuyé par des exigences réglementaires, lesquelles seraient établies au moyen de règlements qui seraient tenus de respecter les normes relatives à la Charte. Les infractions prévues à la partie 2 de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données visent des actes précis et limités associés soit à la conception de systèmes d’intelligence artificielle, soit à leur mise à la disposition du public. Les répercussions possibles sur la liberté d’expression peuvent néanmoins être considérées comme étant proportionnelles à l’intérêt public urgent à l’égard de la lutte contre les pratiques illégales relatives aux renseignements personnels dans le cadre de la conception de systèmes d’intelligence artificielle ou de leur mise à la disposition du public; de telles pratiques causent ou sont susceptibles de causer des préjudices graves aux individus, à leurs biens ou à d’autres intérêts économiques.

Principe de la publicité des débats judiciaires (alinéa 2b) de la Charte)

Le principe de la publicité des débats judiciaires est protégé par l’alinéa 2b) de la Charte. Selon ce principe, les audiences judiciaires sont présumées ouvertes au public et aux médias.

La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs maintiendrait l’obligation générale de confidentialité du commissaire à la protection de la vie privée, sauf quelques exceptions. Il pourrait notamment rendre publique toute information s’il estime que cela est dans l’intérêt public. Bien que les attributions judiciaires du Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données seraient publiques par défaut aux termes de la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données, certaines exceptions permettraient de protéger les renseignements confidentiels et de tenir des audiences à huis clos. De plus, à moins d’obtenir le consentement du plaignant, le Tribunal serait tenu de ne pas rendre public son nom ni tout renseignement personnel pouvant l’identifier; il aurait le pouvoir discrétionnaire de décider de nommer les organisations ou non dans ses décisions.

Les considérations qui suivent appuient la compatibilité avec la Charte des dispositions de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et de la Loi sur le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données qui pourraient limiter le caractère public des audiences susceptibles, et par conséquent faire intervenir le principe de la publicité des débats judiciaires, ou qui pourraient restreindre la communication de renseignements connexes. Le commissaire à la protection de la vie privée ainsi que le Tribunal conserveraient le pouvoir discrétionnaire de tenir leurs audiences respectives à huis clos. Ce pouvoir discrétionnaire, qui doit être exercé en conformité avec la Charte, permet d’établir un juste équilibre entre le principe de la publicité des débats judiciaires et les autres considérations concurrentes, comme le droit à la vie privée. Les audiences du Tribunal seraient présumées publiques.

Droits s’appliquant aux personnes inculpées d’une infraction (article 11 de la Charte)

L’article 11 de la Charte garantit certains droits aux inculpés, y compris le droit à un procès public et équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Ses protections s’appliquent uniquement aux « inculpé[s] ». Au sens de l’article 11, une personne est inculpée lorsqu’elle fait l’objet d’une procédure de nature pénale ou qui aboutit à de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes ayant un objectif ou un effet punitif, comme cela peut être le cas lorsque l’amende ou la sanction est disproportionnée par rapport au montant requis pour atteindre les objectifs réglementaires.

La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs permettrait au Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données d’imposer une sanction administrative pécuniaire aux organisations qui contreviennent à la Loi. Elle maintiendrait les infractions actuelles pour les cas où les organisations ne respectent pas, en toute connaissance de cause, certaines obligations prévues par la Loi. L’infraction d’entrave dans le cadre d’une vérification ou de l’examen d’une plainte serait élargie à la nouvelle fonction d’investigation du commissaire. La Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs établirait également de nouvelles infractions, soit le fait de repersonnaliser des renseignements personnels qui ont été dépersonnalisés, sous réserve de quelques exceptions, notamment les tests de sécurité, et le fait de contrevenir à une ordonnance rendue par le commissaire à la protection de la vie privée à la suite d’une investigation. Ces infractions seraient punissables d’une amende.

La Loi sur l’intelligence artificielle et les données autoriserait l’imposition de sanctions administratives pécuniaires en conformité avec les règles à édicter par règlement. Elle établirait également de nouvelles infractions, notamment pour le défaut de respecter certaines exigences réglementaires (articles 6 à 12 de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données) et pour le fait d’entraver l’action du ministre, de son délégué ou d’un vérificateur indépendant ou de leur fournir des renseignements faux ou trompeurs. Ces infractions seraient également punissables d’une amende. Les nouvelles infractions générales établies à la partie 2 de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données seraient quant à elles punissables d’une amende ou d’un emprisonnement.

Les considérations qui suivent appuient la compatibilité avec l’article 11 de la Charte des dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires et aux infractions dans les parties 1 et 3 de la Loi de 2022 sur la mise en œuvre de la Charte du numérique.

Les dispositions prévoyant les sanctions administratives pécuniaires n’entraîneraient pas d’accusations criminelles, de poursuites ou de peines. Tant la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs que la Loi sur l’intelligence artificielle et les données prévoiraient expressément que l’objectif des sanctions administratives pécuniaires est de promouvoir la conformité avec le régime législatif envisagé, et non de punir. Sous le régime de la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs, les sanctions administratives pécuniaires seraient assujetties à un plafond fixé par la loi et il n’y aurait aucune amende minimale obligatoire. Le Tribunal de la protection des renseignements personnels et des données aurait le pouvoir discrétionnaire d’imposer les sanctions administratives pécuniaires et d’en déterminer le montant. L’exercice de ce pouvoir serait régi par des critères fixés par la loi. Dans le cas de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données, le gouverneur en conseil serait habilité à prendre des règlements établissant les règles applicables, y compris les règles sur l’imposition de sanctions administratives pécuniaires et la détermination de leur montant. Ces règles à venir devront respecter les normes relatives à la Charte.

Les dispositions relatives aux infractions dans la Loi sur la protection de la vie privée des consommateurs et dans la Loi sur l’intelligence artificielle et les données prévoiraient des accusations criminelles, des poursuites et des peines pouvant faire intervenir les droits protégés par l’article 11 de la Charte. Lors de l’examen des mesures envisagées, aucune incompatibilité éventuelle entre les dispositions prévoyant ces infractions et les droits garantis par l’article 11 n’a été relevée.

Droit à la liberté (article 7 de la Charte)

L’article 7 protège le droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et il ne peut y être porté atteinte qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Ceux-ci incluent les règles interdisant le caractère arbitraire, la portée excessive et la disproportion totale. Une loi est arbitraire lorsque ses répercussions sur les droits garantis par l’article 7 n’ont aucun lien rationnel avec l’objectif législatif; elle est de portée excessive lorsqu’elle touche les droits garantis à l’article 7 d’une manière qui, bien que généralement rationnelle, va trop loin en interdisant certains actes qui n’ont aucun lien avec la réalisation de l’objectif législatif; elle est totalement disproportionnée lorsque ses effets sur les droits garantis à l’article 7 sont si graves qu’ils sont « sans rapport aucun » avec l’objet de la loi.

La partie 2 de la Loi sur l’intelligence artificielle et les données créerait une nouvelle infraction générale, soit le fait de posséder ou d’utiliser des renseignements personnels tout en sachant ou en se doutant qu’ils ont été obtenus illégalement dans le cadre d’un acte constituant une infraction reconnue au Canada. Elle interdirait la possession ou l’utilisation de tels renseignements afin de concevoir, de développer, d’utiliser ou de rendre disponible un système d’intelligence artificielle. La partie 2 érigerait également en infraction le fait de rendre disponible un système d’intelligence artificielle en sachant que son utilisation pourrait vraisemblablement causer un préjudice sérieux, ou en ne se souciant pas de savoir si tel sera le cas, ou dans l’intention de frauder le public et de causer une perte économique considérable, lorsque l’utilisation du système cause effectivement un tel préjudice ou une telle perte. Étant donné que ces infractions seraient passibles d’une peine d’emprisonnement, elles font intervenir le droit à la liberté.

Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des infractions proposées avec la Charte. Ces infractions visent à protéger le public contre les conduites moralement répréhensibles, notamment celles pouvant causer un préjudice grave aux individus et à leurs intérêts. Elles ont été conçues pour exclure les conduites qui n’ont aucun lien avec cet objectif. L’une des infractions cible des actes très précis qui contreviendraient aux normes juridiques canadiennes dans le contexte de l’utilisation de renseignements personnels pour concevoir, développer, utiliser ou rendre disponible un système d’intelligence artificielle. Cette infraction s’appliquerait à l’individu qui, tout en sachant ou en se doutant que des renseignements personnels ont été obtenus illégalement ou proviennent de la perpétration d’une infraction, possède ou utilise néanmoins ces renseignements afin de concevoir, de développer, d’utiliser ou de rendre disponible un système d’intelligence artificielle. L’autre infraction cible l’acte précis de rendre disponible un système d’intelligence artificielle tout en sachant qu’il peut représenter une menace importante pour les individus ou des intérêts individuels importants, ou en ne se souciant pas de savoir si tel sera le cas ou encore en agissant délibérément, et que cette menace se matérialise par la suite. Lorsqu’il a examiné les mesures envisagées, le ministre de la Justice n’a relevé aucune incompatibilité éventuelle entre les dispositions prévoyant ces infractions et les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7.