Projet de loi C-29 : Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation

Projet de loi C-29 : Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation

Déposé à la Chambre des communes le 17 octobre 2022

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [« la Charte »]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-29, Loi prévoyant la constitution d’un conseil national de réconciliation, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, à la suite de l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-29 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte aux fins d’un Énoncé concernant la Charte.

Aperçu

Le projet de loi vise à constituer un conseil national de réconciliation, une organisation qui serait dirigée par des Autochtones, afin de surveiller les progrès réalisés en matière de réconciliation dans tous les secteurs à travers le Canada, et d’appuyer la mise en oeuvre de mesures durables pour favoriser la réconciliation à long terme. Le mandat principal du Conseil national de réconciliation est de veiller à ce que le gouvernement du Canada s'acquitte de sa responsabilité de réconciliation avec les peuples autochtones, de faire progresser cette réconciliation et de mettre en oeuvre les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation (la « CVR »). Cette initiative répond directement à l’appel à l’action numéro 53 énoncé dans le rapport final de la CVR, qui demande au Parlement du Canada d’adopter, en consultation et en collaboration avec les peuples autochtones, des dispositions législatives visant à mettre sur pied un conseil national de réconciliation.

Aux termes du projet de loi, le Conseil sera une organisation indépendante, apolitique, autonome et permanente, chargée de surveiller les mesures prises par le gouvernement dans le but de favoriser la réconciliation et chargée aussi de rendre des comptes relativement à ces mesures. Il sera également un catalyseur de réflexions, de mesures et de discussions novatrices.

Le projet de loi prévoit également que le Conseil doit fournir un rapport annuel sur la situation à l’égard de la réconciliation, rapport que le ministre des Relations Couronne-Autochtones doit déposer devant les deux chambres du Parlement. Il prévoit en outre que le gouvernement du Canada doit répondre au rapport annuel du Conseil concernant les enjeux qui relèvent de sa compétence en publiant un rapport annuel qui décrit ses plans pour faire avancer la réconciliation.

Article 15 de la Charte

Le paragraphe 15(1) de la Charte protège le droit à l’égalité. Il dispose que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race ou sur l’origine ethnique. Protéger l’égalité implique de favoriser l’existence d’une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération.

La création d’un organisme chargé de faire avancer la réconciliation pourrait être vue comme faisant une distinction fondée sur la race ou sur l’origine ethnique qui fait intervenir la protection offerte par le paragraphe 15(1). Or, du fait qu’il tente d’aborder l’expérience unique du colonialisme, du racisme et de la discrimination au Canada qu’ont vécue les peuples autochtones, le projet de loi concorde avec l’objectif de l’article 15 de promouvoir l’égalité réelle et de prévenir la discrimination à l’égard des groupes défavorisés. Le paragraphe 15(2) de la Charte précise que le paragraphe 15(1) n’interdit pas les lois, programmes ou activités destinés à améliorer la situation d’individus ou de groupes défavorisés, y compris ceux qui sont défavorisés du fait de leur race ou de leur origine ethnique.