Projet de loi C-47 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023
Déposé à la Chambre des communes le 18 mai 2023
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner les projets de loi afin d’évaluer s’ils sont incompatibles avec la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage certaines des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte auxquels pourrait porter atteinte le projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations possibles relatives à la Charte. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C‑47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023 afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, à la suite de l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-47 pourrait porter atteinte aux droits et aux libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle n’inclut pas de description exhaustive du projet de loi, mais est plutôt axée sur les éléments qui sont pertinents pour l’énoncé concernant la Charte.
Voici les principaux droits et libertés protégés par la Charte auxquels pourraient porter atteinte les mesures proposées :
- Liberté d’expression (alinéa 2b) de la Charte)
L’alinéa 2b) de la Charte prévoit que chacun a la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication, ce qui comprend le « principe de la publicité des débats judiciaires », qui reconnaît aux membres du public le droit de recevoir de l’information sur les procédures judiciaires.
- Droit à la liberté (article 7 de la Charte)
L’article 7 de la Charte protège contre l’atteinte au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité d’une personne sauf si l’atteinte se fait en conformité avec les principes de justice fondamentale, notamment les principes contre le caractère arbitraire, la portée excessive et la disproportion totale. Une mesure législative est arbitraire lorsqu’elle a des répercussions sur les droits garantis par l’article 7 d’une façon qui n’a aucun lien rationnel avec l’objet de la mesure. Une loi a une portée excessive lorsque, malgré sa rationalité générale, elle vise certains actes qui n’ont aucun lien avec la réalisation de l’objectif législatif. Finalement, une mesure législative est totalement disproportionnée par rapport à son objet lorsque ses effets sur les droits garantis à l’article 7 sont si graves qu’ils sont « sans rapport aucun » avec l’objet de la loi. Les infractions qui sont assorties d’une peine d’emprisonnement pourraient porter atteinte au droit à la liberté, et cette atteinte doit donc être conforme aux principes de justice fondamentale.
- Protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives (article 8 de la Charte)
L’article 8 de la Charte garantit une protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies « abusives ». L’objectif de l’article est de protéger les personnes contre une intrusion abusive de l’État lorsqu’il y a une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. La fouille, la perquisition ou la saisie sera raisonnable si elle est autorisée par une loi, si la loi elle‑même est raisonnable (en ce sens qu’elle établit un équilibre entre le droit à la vie privée et les intérêts que poursuit l’État), et si elle est menée de manière raisonnable. L’appréciation du caractère raisonnable de la loi est souple et tient compte de la nature et de l’objet du régime législatif et de la nature du droit à la vie privée concerné.
- Droit à un procès équitable (article 11 de la Charte)
L’article 11 de la Charte garantit certains droits procéduraux aux inculpés. Sa protection s’applique aux procédures qui sont « de nature pénale » ou qui peuvent donner lieu à de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes qui ont un but ou un effet punitif, comme c’est le cas lorsque l’amende ou la peine est disproportionnée par rapport à ce qui est requis pour atteindre les objectifs réglementaires.
- Droits à l’égalité (article 15 de la Charte)
Le paragraphe 15(1) de la Charte protège le droit à l’égalité. Il stipule que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. Favoriser l’égalité emporte favoriser l’existence d’une société où tous ont la certitude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui méritent le même respect, la même déférence et la même considération.
Partie 1
Règles de divulgation obligatoire
Les modifications élargiraient les règles relatives aux « opérations à déclarer » de la Loi de l’impôt sur le revenu pour lesquelles une déclaration de renseignements doit être déposée auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC). Une opération serait à déclarer si l’on peut raisonnablement conclure que l’un des principaux objectifs de l’opération est l’obtention d’un avantage fiscal. Les modifications introduiraient une nouvelle catégorie d’opérations à déclarer qui inclurait les opérations considérées comme abusives, et celles qui pourraient l’être, mais qui nécessitent de fournir plus d’informations à l’ARC afin de déterminer si elles le sont. Les modifications visent également à prolonger la période normale de nouvelle cotisation, à augmenter les sanctions pécuniaires et en élargir la portée en cas de non-respect des règles de déclaration. Enfin, les modifications prévoient des règles pour la déclaration des positions fiscales incertaines, c’est-à-dire des situations où il n’est pas certain qu’une position fiscale particulière sera acceptée comme étant conforme à la Loi de l’impôt sur le revenu.
L’obligation de fournir des informations sur certaines opérations est susceptible de mettre en jeu l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. L’objectif de la mesure est d’améliorer la collecte de renseignements pertinents afin d’aider l’ARC à réagir de manière effective et efficace aux risques fiscaux au moyen d’évaluations des risques, de vérifications et de modifications de la législation éclairées. Les modifications précisent également qu’il n’y a pas d’obligation de divulguer des informations s’il est raisonnable de penser qu’elles sont assujetties au secret professionnel de l’avocat. Les modifications précisent que ce privilège peut être revendiqué, non seulement par un avocat agissant à titre de conseiller en matière d’une opération à déclarer, mais également par toute personne ayant une obligation de divulguer des informations. Dans les contextes réglementaire et administratif, les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. Les pouvoirs permettant d’exiger la production d’informations pour l’application de la Loi de l’impôt sur le revenu, qui repose sur un système d’autocotisation, ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8. Les modifications apportées aux règles de divulgation obligatoire seraient également conformes aux normes internationales et aux meilleures pratiques dans ce domaine.
Paiement électronique
La partie 1 modifierait la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi sur la taxe d’accise, la Loi sur le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, la Loi de 2001 sur l’accise et la partie 1 de la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre afin qu’un paiement électronique soit exigé pour tout montant supérieur à 10 000 $ au receveur général. Le défaut de se conformer à cette exigence pourrait entraîner des sanctions. Un paiement électronique n’est toutefois pas requis de la personne qui ne peut raisonnablement l’effectuer de cette manière.
Cette exigence est susceptible de porter atteinte aux droits garantis par l’article 15 de la Charte étant donné que les personnes handicapées pourraient se heurter à des obstacles si elles devaient effectuer des paiements électroniques. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 15 de la Charte. Ces dispositions prévoient une exception pour les personnes qui ne peuvent raisonnablement se conformer à l’exigence de faire des paiements électroniques, notamment en raison d’un handicap. En outre, le terme « paiement électronique » serait défini comme étant « tout paiement ou toute remise au receveur général effectué par l’entremise d’un service électronique offert par une institution financière désignée, ou par voie électronique selon les modalités déterminées par le ministre ». Ainsi, les particuliers auraient la possibilité de recourir aux services d’un éventail d’institutions financières pour effectuer un paiement électronique, comme les banques et les coopératives de crédit. De plus, au titre du paragraphe 220(3.1) de la Loi de l’impôt sur le revenu et de dispositions semblables d’autres lois, le ministre du Revenu national pourrait renoncer à toute pénalité payable par ailleurs en application de ces lois.
Partie 4
Section 1 – Modifications à la Loi sur les banques
La section 1 de la partie 4 apporterait plusieurs modifications à la Loi sur les banques. Les modifications renforceraient le régime de traitement des plaintes contre les banques et les banques étrangères autorisées, notamment en permettant au ministre des Finances de désigner un seul organisme externe de traitement des plaintes déposées par des consommateurs à l’égard des banques. L’Agence de la consommation en matière financière du Canada se verrait conférer des pouvoirs supplémentaires de surveillance et d’exécution à l’égard de l’organisme externe de traitement des plaintes.
Ces modifications exigeraient d’une banque ou d’une banque étrangère autorisée visée par une plainte reçue par l’organisme externe de traitement des plaintes qu’elle fournisse sans délai à cet organisme tout renseignement en sa possession, ou relevant d’elle, relatif à la plainte. Cet échange de renseignements permettrait à l’organisme externe de traitement des plaintes de s’acquitter efficacement de son mandat et de ses fonctions consistant à examiner les plaintes déposées par les consommateurs. Ces obligations sont susceptibles de porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte, car elles pourraient exiger d’une institution qu’elle fournisse à l’organisme externe de traitement des plaintes des renseignements personnels sur l’auteur de la plainte.
En outre, ces modifications auraient pour effet d’étendre les pouvoirs de vérification spéciale que détient déjà le commissaire de l’Agence de la consommation en matière financière du Canada. À l’heure actuelle, ces pouvoirs autorisent le commissaire à faire procéder à une vérification spéciale d’une banque ou d’une banque étrangère. Ces modifications permettraient aussi au commissaire de faire procéder à une vérification spéciale de l’organisme externe de traitement des plaintes. La vérification spéciale pourrait être réalisée par un cabinet de comptables et selon les modalités que le commissaire estime appropriées. Ces modifications exigeraient de l’organisme externe de traitement des plaintes, s’il fait l’objet d’une vérification spéciale, qu’il en remette les résultats au commissaire, comme doivent actuellement le faire les banques ou les banques étrangères. Les pouvoirs de vérification spéciale pourraient aussi porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte, car les vérifications pourraient nécessiter l’accès à des renseignements personnels obtenus par l’organisme externe de traitement des plaintes dans le cadre de l’examen d’une plainte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces exigences et pouvoirs avec l’article 8 de la Charte. L’objet général de tout échange de renseignements serait de veiller à ce que l’organisme externe de traitement des plaintes puisse s’acquitter aussi efficacement que prévu de son mandat de protéger les consommateurs. De plus, le droit relatif à la vie privée est réduit dans les contextes réglementaire et administratif. Les pouvoirs conférés par la loi d’exiger la production de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions criminelles ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte. Après examen des dispositions pertinentes, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’effets possibles qui pourraient constituer une atteinte déraisonnable au droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la Charte.
Section 2 - Prestations viagères variables
La section 2 de la partie 4 modifierait la Loi sur les régimes de pension agréés collectifs afin, notamment, de prévoir des paiements viagers variables au titre d’un régime de pension agréé collectif. En outre, la section 2 contiendrait une modification à la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) afin de préciser que ne constitue pas un acte discriminatoire le fait que ces paiements ne soient versés aux participants d’un régime qu’à des âges déterminés. La modification proposée à la LCDP pourrait porter atteinte aux droits garantis par l’article 15 de la Charte, car elle empêcherait une personne n’ayant pas atteint l’âge déterminé pour être admissible à ce type de paiement d’exercer un recours sous le régime de la LCDP au motif que son âge l’empêche de recevoir ce type de paiement.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de cette disposition avec l’article 15 de la Charte. Les tribunaux ont reconnu que les distinctions fondées sur l’âge sont un moyen courant et nécessaire de maintenir l’ordre dans notre société. Le fait de restreindre l’accès à la LCDP à titre de mécanisme de recours dans ce contexte confirme que la limite d’âge applicable à l’admissibilité à ce type de paiement correspond raisonnablement à l’âge auquel une personne pourrait avoir besoin de ces paiements pour subvenir à ses besoins à la retraite.
Section 3 – Blanchiment d’argent et actifs numériques
La section 3 de la partie 4 apporterait un certain nombre de modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT) et au Code criminel, ainsi que des modifications limitées à un certain nombre d’autres lois afin de donner au Canada davantage de moyens pour s’attaquer au recyclage des produits de la criminalité et au financement des activités terroristes.
Révocation de l’inscription et infraction visant les entités non inscrites
Les entreprises de services monétaires (ESM) comprennent les entreprises qui se livrent à des opérations de change, au commerce de monnaie virtuelle, à des virements de fonds internationaux et à la vente de chèques de voyage et de mandats-poste. À l’heure actuelle, la LRPCFAT exige que les ESM et les autres entités visées par règlement s’inscrivent auprès du Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE). Le défaut d’inscription est une infraction criminelle. Elle exige également que le CANAFE révoque l’inscription d’une personne ou d’une entité si elle cesse d’être admissible à l’inscription. Une personne ou une entité peut cesser d’être admissible à l’inscription, par exemple, si la personne ou l’entité ou certaines personnes qui sont associées à l’entité sont condamnées pour certaines infractions, si la personne ou l’entité est visée par un décret ou un règlement pris en vertu d’une loi sur les sanctions, ou si l’entité est inscrite au sens des dispositions du Code criminel relatives au terrorisme. Les modifications rendraient cette révocation automatique, par effet de la loi, à la date où la personne ou l’entité cesse d’être admissible à l’inscription. Les modifications créeraient également une nouvelle infraction qui interdirait l’exécution, sans inscription, d’activités pour lesquelles l’inscription est requise. Puisque les modifications proposées créent une infraction criminelle passible d’une peine d’emprisonnement, elles pourraient porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des modifications avec l’article 7 de la Charte. Le ministre n’a pas relevé de possible incompatibilité avec les principes de justice fondamentale. La révocation automatique de l’inscription, en combinaison avec l’infraction connexe, permet de veiller à ce que les entreprises inadmissibles cessent immédiatement leurs activités lorsqu’elles deviennent inadmissibles, ce qui reflète mieux l’intention du législateur de s’assurer que toute personne ou entité qui exerce des activités est inscrite. Les modifications exigeraient quand même que le CANAFE communique la révocation s’il en prend connaissance. La personne accusée doit commettre l’infraction sciemment, ce qui comprend agir avec aveuglement volontaire. Ainsi, une personne ou une entité ne peut être reconnue coupable d’une infraction si elle ne pouvait raisonnablement savoir qu’elle était devenue inadmissible.
Infraction – Opérations structurées
À l’heure actuelle, la LRPCFAT et ses règlements d’application exigent que les entités déclarantes déclarent au CANAFE certaines opérations supérieures à un montant prescrit, qui est actuellement de 10 000 $. Une technique courante utilisée par les blanchisseurs d’argent pour éviter ces déclarations consiste à « structurer » une opération en la décomposant en un certain nombre d’opérations d’une valeur moins élevée. Les modifications visent à créer une infraction qui interdit de structurer une opération de cette façon dans le but de contourner l’obligation de faire une déclaration au CANAFE. Puisque l’infraction serait passible d’une peine d’emprisonnement, elle pourrait porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de cette infraction avec la Charte. Le ministre n’a pas relevé de possible incompatibilité avec les principes de justice fondamentale. L’infraction est rédigée de façon à cibler uniquement les conduites qui se rapportent à l’objet, c’est-à-dire interdire les activités conçues intentionnellement pour contourner les obligations de déclaration prévues par la LRPCFAT et ses règlements d’application. La disposition obligerait notamment la poursuite à établir l’intention d’éviter ces obligations et elle ne n’appliquerait donc pas aux conduites non intentionnelles.
Communication de renseignements – Attributions conférées au ministre par la partie 1.1
À l’heure actuelle, l’article 53.1 de la LRPCFAT permet au directeur du CANAFE de communiquer des renseignements susceptibles d’aider le ministre à exercer les attributions que lui confère la partie 1.1 de la LRPCFAT. Toutefois, selon l’article 53.2, le directeur ne peut communiquer des renseignements visés à l’article 53.1 qui permettraient d’identifier une personne ou une entité, à l’exception d’une entité étrangère. Cette section vise à modifier l’article 53.2 afin d’autoriser également la communication de renseignements identificateurs qui permettraient d’identifier une entité visée par les obligations de déclaration prévues par la LRPCFAT, ou qui sont demandés, afin de délivrer, de modifier, de suspendre, d’annuler ou de rétablir un permis au titre de l’article 11.7 de la LRPCFAT, lequel prévoit la délivrance d’un permis pour effectuer une opération qui fait, par ailleurs, l’objet d’une interdiction ou d’une restriction prévues par règlement. La communication de renseignements prévue à l’article 53.1 pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des modifications avec l’article 8 de la Charte. Les autres circonstances précises, dans lesquelles la communication de renseignements identificateurs est permise, se limitent aux contextes réglementaires où le droit à la vie privée est réduit. Ces circonstances sont celles où le ministre a besoin des renseignements identificateurs pour exercer efficacement les attributions qui lui sont conférées, par exemple où les renseignements sont nécessaires afin d’identifier des participants dans un réseau de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme, ou les renseignements sont nécessaires afin d’accorder un permis à la personne ou l’entité identifiée dans les renseignements.
Communication de renseignements sur les activités de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes au ministre et au surintendant des institutions financières aux fins d’autres lois
La section 3 de la partie 4 vise à donner au directeur du CANAFE, au ministre des Finances, aux fonctionnaires du ministère des Finances et au surintendant des institutions financières, le nouveau pouvoir de communiquer des renseignements relatifs aux activités de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes dans le but d’évaluer les risques à l’intégrité du système financier canadien que peut poser l’octroi, la révocation, la suspension ou la modification d’un agrément. La communication de renseignements recueillis à une fin pour une autre fin distincte pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de cette modification avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée est réduit dans le contexte réglementaire. Les renseignements ne pourraient être communiqués qu’aux fins précisées et ils devraient être relatifs à l’agrément et à des activités de recyclage des produits de la criminalité et de financement des activités terroristes. Les renseignements communiqués au titre de cette disposition ne pourraient être utilisés que par le destinataire aux fins d’un agrément.
Communication de renseignements relatifs à la sécurité nationale et à la protection de l’intégrité du système financier avec le ministre aux fins d’autres lois
La section 3 de la partie 4 vise à donner au CANAFE, à la demande du ministre des Finances, le pouvoir de communiquer au ministre ou à un fonctionnaire du ministère des Finances des renseignements relatifs à la sécurité nationale ou à la protection de l’intégrité du système financier canadien afin d’aider le ministre à décider de l’octroi, de la révocation, de la suspension ou de la modification d’un agrément ou à exercer certaines attributions que lui confère la Loi sur les activités associées aux paiements de détail. La communication de renseignements recueillis à une fin pour une autre fin distincte pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de cette modification avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée est réduit dans le contexte réglementaire. La communication serait faite à la discrétion du directeur du CANAFE, et seulement à des fins précises liées aux objectifs importants de la sécurité nationale et de la protection de l’intégrité du système financier. Les renseignements ne pourraient être utilisés par le destinataire qu’aux fins pour lesquelles ils ont été communiqués. L’obligation de tenir des registres des renseignements demandés et communiqués contribuerait à assurer une reddition de comptes à l’égard de l’exercice de ce pouvoir.
Communication de renseignements relatifs à la sécurité nationale avec le surintendant des institutions financières
À l’heure actuelle, l’article 55.1 de la LRPCFAT permet au CANAFE de communiquer à certaines entités des renseignements qui se rapportent à des menaces envers la sécurité. La section 3 ajouterait le surintendant des institutions financières à la liste des destinataires énumérés à l’article 55.1 et permettrait de communiquer au surintendant des renseignements qui se rapportent à des menaces à la sécurité du Canada et qui sont utiles à l’exercice des attributions conférées au surintendant par la Loi sur les banques, la Loi sur les compagnies d’assurance et la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt. La communication de renseignements pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des modifications avec l’article 8 de la Charte. La communication serait faite à la discrétion du CANAFE et se limiterait aux catégories restreintes de « renseignements désignés ». La communication de renseignements viserait l’objectif important de s’assurer que le surintendant obtient des renseignements qui se rapportent à des enjeux de sécurité nationale et qui sont utiles à l’exercice de ses attributions.
Autoriser l’utilisation des renseignements relatifs à l’inobservation de la LRPCFAT aux fins d’enquêtes criminelles
À l’heure actuelle, le CANAFE peut communiquer aux organismes chargés de l’application de la loi des renseignements relatifs à l’observation de la LRPCFAT lorsqu’il soupçonne, pour des motifs raisonnables, que ces renseignements seraient utiles aux fins d’enquête ou de poursuite relativement à une infraction à la LRPCFAT. Actuellement, les organismes chargés de l’application de la loi ne sont pas autorisés à utiliser ces renseignements pour poursuivre d’autres actes criminels. La section 3 supprimerait cette limite. La disposition qui permet la communication de renseignements aux organismes chargés de l’application de la loi peut mettre en jeu une attente raisonnable relative à la vie privée et, par conséquent, la modification de cette disposition pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de cette modification avec l’article 8 de la Charte. Les renseignements en question seront déjà communiqués aux organismes chargés de l’application de la loi aux fins d’une enquête criminelle. La disposition permettrait simplement aux organismes chargés de l’application de la loi d’utiliser les renseignements qu’ils possèdent déjà lorsqu’ils déterminent s’ils sont pertinents à d’autres infractions, ce qui est conforme au traitement général des renseignements communiqués aux organismes chargés de l’application de la loi par les organismes de réglementation.
Élargissement des renseignements désignés
La section 3 de la partie 4 vise à modifier les articles 55 et 55.1 de la LRPCFAT afin d’élargir la liste des « renseignements désignés » que le CANAFE peut inclure dans ses communications aux organismes chargés de l’application de la loi et aux organismes de sécurité nationale. Les ajouts comprennent des renseignements qui servent à identifier une personne ou une opération, notamment les adresses, les courriels, les numéros de téléphone, le type de document d’identité et le numéro associé au document, l’objet déclaré d’une opération, la manière dont l’opération a été effectuée, ainsi que la date d’ouverture et de fermeture des comptes en cause et leur état. La communication forcée aux organismes chargés de l’application de la loi peut mettre en jeu une attente raisonnable relative à la vie privée et pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Il s’agit, de façon générale, de renseignements qui permettraient aux organismes chargés de l’application de la loi d’identifier une personne, une entité ou une opération. Il ne s’agit pas de renseignements détaillés ou de renseignements de nature délicate. Les organismes chargés de l’application de la loi seraient tenus, comme ils le sont actuellement, de rechercher des renseignements plus détaillés en utilisant d’autres pouvoirs dont ils disposent déjà, y compris ceux qui nécessitent une autorisation judiciaire, le cas échéant.
Déclaration de renseignements sur les sanctions
L’article 7.1 de la LRPCFAT exige actuellement que les personnes et les entités déclarent au CANAFE lorsqu’elles sont tenues de faire une déclaration à la GRC ou au SCRS concernant le financement du terrorisme en application du Code criminel ou du Règlement d’application des résolutions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme.Cette section vise à modifier l’article 7.1 afin d’exiger des entreprises qu’elles déclarent également au CANAFE si elles sont tenues de communiquer des renseignements en application d’un décret ou d’un règlement pris en vertu de la Loi sur les mesures économiques spéciales ou du paragraphe 7.2 de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski). La communication forcée peut mettre en jeu une attente raisonnable relative à la vie privée et pourrait, par conséquent, déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Toute attente raisonnable relative à la vie privée, et concernant les renseignements communiqués au CANAFE, est réduite par le fait que ces renseignements auront déjà été communiqués aux organismes chargés de l’application de la loi. Les renseignements sont pertinents au mandat du CANAFE en raison des liens étroits qui existent entre le contournement des sanctions et le recyclage des produits de la criminalité, puisque les biens obtenus grâce à la violation d’une loi sur les sanctions sont considérés comme des produits de la criminalité aux fins de la LRPCFAT. Ces renseignements, comme tous les renseignements communiqués au CANAFE, seront assujettis aux diverses caractéristiques de protection de la vie privée du régime de la LRPCFAT.
Mandat spécial – Actifs numériques
Les modifications au Code criminel et les modifications connexes à d’autres lois créeraient un nouveau régime de mandats pour rechercher et saisir les actifs numériques, comme la monnaie virtuelle. Lorsque le juge est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que des actifs numériques pourraient faire l’objet d’une ordonnance de confiscation en vertu des paragraphes 462.37(1) ou (2.01) ou 462.38(2), le nouveau régime de mandats lui permettrait de décerner un mandat autorisant une personne à utiliser un programme d’ordinateur pour rechercher et saisir les actifs, notamment en prenant le contrôle des droits d’accès. Le régime obligerait également la personne qui a exécuté le mandat à prendre des précautions normales pour préserver les actifs, à aviser la personne dont les actifs ont été saisis et à déposer un rapport énumérant les actifs et la façon dont ils sont détenus auprès du greffier du tribunal dans un délai de sept jours. Il permettrait également à la personne qui a exécuté le mandat de procéder à la restitution de l’actif saisi avant le dépôt de ce rapport, si la personne est convaincue qu’il n’y a aucune contestation quant à la possession légitime de l’actif saisi et que la détention des actifs n’est pas nécessaire aux fins de la confiscation. Les dispositions actuelles du Code criminel qui traitent des ordonnances de prise en charge, de la restitution des biens et de la révision des mandats spéciaux seraient modifiées pour inclure les perquisitions et les saisies effectuées sous le nouveau régime. Comme le nouveau régime proposé prévoit des perquisitions et des saisies qui pourraient mettre en jeu une attente raisonnable relative à la vie privée, il pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Le mandat serait accordé selon les mêmes pouvoirs de perquisition et de saisie qui nécessitent l’autorisation d’un juge en vertu du Code criminel puisqu’il serait décerné par un juge, selon la norme des motifs raisonnables de croire. Puisque, compte tenu de la nature d’une recherche électronique, la personne ou l’entité visée par la recherche pourrait ne pas en être immédiatement informée, les modifications exigeraient l’envoi d’un avis à la personne ou à l’entité visée. Ainsi, la personne ou l’entité visée aurait la possibilité de contester la perquisition ou la saisie si elle le souhaite.
Communication de renseignements fiscaux
L’article 462.48 du Code criminel permet actuellement au procureur général de demander ex parte à un juge d’ordonner au commissaire du Revenu national ou à une personne désignée par ce dernier de permettre à un policier d’avoir accès aux renseignements obtenus en application de certaines lois fiscales, ou de remettre à un policier les renseignements et les documents qui les contiennent. À l’heure actuelle, ces ordonnances ne peuvent être rendues qu’aux fins d’enquête sur certaines infractions liées aux substances désignées, au terrorisme, au crime organisé et aux produits de la criminalité découlant d’infractions liées à des substances. La section 3 permettrait le recours à ces ordonnances à des fins d’enquêtes sur certaines infractions liées à la corruption, à la traite des personnes, à l’extorsion et à la fraude. La communication de renseignements aux organismes chargés de l’application de la loi pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Les infractions additionnelles pour lesquelles il serait possible de demander une telle ordonnance ciblent des enjeux sociétaux qui sont devenus majeurs et qui sont associés à un risque élevé de blanchiment d’argent. À ce titre, ce sont des infractions pour lesquelles les renseignements financiers, comme les renseignements fiscaux, peuvent être particulièrement pertinents à des fins d’enquête. Une ordonnance de communication de renseignements fiscaux exige l’autorisation d’un juge fondée sur des motifs raisonnables de croire qu’il serait dans l’intérêt public de permettre l’accès aux renseignements ou aux documents, compte tenu des avantages pouvant vraisemblablement en résulter pour l’enquête. Une telle ordonnance doit être précise quant à la personne à laquelle la demande est présentée et quant à la nature des renseignements ou du document demandé.
Section 10 – Sanctions économiques
La section 10 de la partie 4 vise à modifier les dispositions sur l’échange de renseignements prévues par la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski) afin de donner au Canada davantage de moyens pour prendre des mesures économiques contre certaines personnes. Plus précisément, elle ajouterait les personnes suivantes à la liste des personnes autorisées à s’échanger des renseignements entre elles ou avec la GRC aux fins de la prise, de l’exécution ou du contrôle d’application des mesures imposées en vertu de ces lois : le ministre des Transports, le ministre du Revenu national, le ministre de la Justice et procureur général du Canada et le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. Elle édicterait également une nouvelle disposition autorisant le ministre à communiquer au CANAFE les renseignements utiles à la prise, à l’exécution ou au contrôle d’application des mesures imposées en vertu de ces deux lois. Enfin, elle vise à modifier la LRPCFAT pour y ajouter le ministre des Affaires étrangères, ou un ministre désigné en vertu de la LMES ou de la loi de Sergueï Magnitski, en tant que destinataire des communications du CANAFE lorsque certaines conditions sont remplies. Plus précisément, lorsque des renseignements que le CANAFE est tenu de déclarer aux forces policières au titre du paragraphe 55(3) de la LRPCFAT seraient également utiles à la prise, à l’exécution ou au contrôle d’application d’un décret ou d’un règlement visé par la LMES ou la loi de Sergueï Magnitski, le CANAFE serait également tenu de déclarer ces renseignements au ministre des Affaires étrangères ou au ministre désigné. Étant donné que ces modifications peuvent concerner la communication de renseignements confidentiels, elles pourraient porter atteinte aux droits garantis par l’article 8 de la Charte.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Les régimes créés par la LMES et la loi de Sergueï Magnitski sont axés sur la mise en œuvre de mesures économiques contre les États étrangers et les ressortissants étrangers qui sont responsables d’une rupture de la paix ou de la sécurité internationales ou qui commettent des violations graves des droits de la personne reconnus à l’échelle internationale ou des actes de corruption. Ces lois, qui n’imposent pas de peines pénales, appuient l’infliction de sanctions contre ces États étrangers et ces ressortissants étrangers par l’interdiction ou la restriction de diverses activités précises et par la saisie et la confiscation de leurs biens situés au Canada. Les dispositions sur l’échange de renseignements sont rédigées de manière à limiter les atteintes potentielles au droit à la vie privée. La liste des personnes susceptibles de recueillir des renseignements les unes auprès des autres ou de se les communiquer est clairement définie dans la législation et n’inclut que les parties susceptibles d’avoir des renseignements qui ont trait à l’exécution ou au contrôle de l’application des décrets ou des règlements pris en vertu des deux lois. Le pouvoir d’échanger des renseignements avec le commissaire de la GRC est limité à des fins précises qui excluent l’enquête sur les infractions et les mesures de contrôles d’application connexes et qui témoignent du rôle de la GRC dans l’application de ces lois, particulièrement en ce qui a trait à la prise de décrets, la saisie et le blocage de biens et les demandes de confiscation. Le pouvoir proposé de communiquer au CANAFE des renseignements sur les sanctions est conforme à l’approche existante dans le cadre de la LRPCFAT, qui permet au CANAFE de recevoir une vaste gamme de renseignements d’institutions ou d’organismes gouvernementaux à l’égard des activités qui peuvent générer des produits de la criminalité afin qu’il s’acquitte de son mandat d’analyser ces renseignements aux fins de surveillance du blanchiment d’argent et du financement du terrorisme. Les modifications proposées à la LRPCFAT sont semblables aux dispositions existantes qui autorisent le CANAFE à communiquer des renseignements désignés à d’autres institutions et organismes gouvernementaux et sont assujetties aux mêmes protections. La LRPCFAT définit les « renseignements désignés » que le CANAFE peut communiquer et limite les circonstances dans lesquelles ces communications sont autorisées. Le CANAFE ne serait autorisé à communiquer des renseignements au ministre des Affaires étrangères ou à un ministre désigné en vertu de la LMES ou de la loi de Sergueï Magnitski que lorsque les deux conditions suivantes sont remplies. Premièrement, le CANAFE devrait avoir des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient utiles à l’enquête ou à la poursuite d’une infraction de recyclage des produits de la criminalité ou de financement des activités terroristes. Deuxièmement, le CANAFE devrait déterminer si les renseignements sont utiles à la prise, à l’exécution ou au contrôle d’application d’un décret ou d’un règlement pris en vertu de la LMES ou de la loi de Sergueï Magnitski.
Section 13 – Régime de pensions du Canada
Les modifications proposées au Régime de pensions du Canada permettraient la divulgation de renseignements obtenus par l’Agence du revenu du Canada, y compris les renseignements obtenus au titre de la Loi de l’impôt sur le revenu, à Emploi et Développement social Canada si ces renseignements étaient nécessaires à des fins d’évaluation, de recherche ou d’analyse des politiques au titre du régime de pensions. Ces modifications sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts en matière de vie privée protégés par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces dispositions avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée est réduit dans les contextes réglementaire et administratif. Les pouvoirs de recueillir ou d’exiger la production de renseignements ou la communication de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions, ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte. Après examen des dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’effets possibles qui pourraient constituer une atteinte déraisonnable à la vie privée protégée par l’article 8 de la Charte.
Section 18 – Collège des consultants en immigration et en citoyenneté
La section 18 apporterait un certain nombre de modifications à la Loi sur le Collège des consultants en immigration et en citoyenneté.
Administration des biens du titulaire de permis
Lorsqu’un titulaire de permis n’est pas en mesure d’exercer ses activités de consultant en immigration et en citoyenneté pour des raisons prescrites parce que son permis a été suspendu ou révoqué, ces modifications permettraient notamment au Collège de demander à un tribunal de rendre une ordonnance l’autorisant à administrer des biens dans le cadre de l’exercice de ces activités, par exemple, pour assurer la poursuite des services aux clients du titulaire de permis. Ces ordonnances peuvent inclure le pouvoir de pénétrer dans un lieu, d’examiner des objets, d’ouvrir des objets, d’exiger des personnes qu’elles fournissent une assistance, par exemple en donnant des informations, et de saisir des biens. Certaines activités autorisées par ces ordonnances sont susceptibles de porter atteinte à une attente raisonnable en matière de vie privée et relèvent donc de l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. La protection de la vie privée est réduite dans le contexte réglementaire. Toute entrée dans une propriété serait autorisée par un tribunal, qui est un arbitre impartial et qui aurait la capacité d’imposer les conditions qu’il juge appropriées dans l’ordonnance. Les activités autorisées par ces ordonnances seraient nécessaires à l’exercice efficace des fonctions réglementaires du Collège, y compris la protection du public. Dans la mesure où ces ordonnances pourraient potentiellement porter atteinte au secret professionnel, le tribunal qui les a rendues aurait le pouvoir discrétionnaire d’imposer des conditions appropriées pour protéger le secret professionnel.
Renseignements privilégiés
La modification proposée au paragraphe 81(2) de la Loi permettrait au gouverneur en conseil d’autoriser le Collège, dans des circonstances définies, à adopter des règlements concernant les circonstances dans lesquelles le registraire, le comité des plaintes, un enquêteur et le comité de discipline peuvent obtenir et utiliser des renseignements protégés, le processus qu’ils doivent suivre pour obtenir et utiliser ces renseignements et les limites à l’obtention et à l’utilisation de ceux-ci. La capacité du Collège d’accéder à des informations protégées par le secret professionnel dans des circonstances qui pourraient être énoncées dans des règlements autorisés par voie réglementaire pourrait mettre en jeu l’article 8 de la Charte.
Étant donné que de nombreux consultants en immigration et en citoyenneté sont des conseillers juridiques ou travaillent avec eux, il serait impossible de mettre en place une réglementation efficace sans permettre un certain degré d’accès aux documents soumis au secret professionnel. Pour se conformer à l’article 8 de la Charte, le règlement devra limiter toute ingérence dans le secret professionnel à ce qui est absolument nécessaire pour réglementer efficacement les activités des consultants en immigration et en citoyenneté dans l’intérêt du public.
Section 19 – Modernisation de la Loi sur la citoyenneté
La section 19 modifierait la Loi sur la citoyenneté afin d’autoriser l’exécution et le contrôle d’application par voie électronique de cette loi, d’autoriser le recours à des moyens électroniques dans l’exercice des pouvoirs et des fonctions conférés par la Loi sur la citoyenneté, y compris par l’utilisation d’un système automatisé, et d’autoriser la prise de règlements concernant l’utilisation et l’application de ces moyens. Les modifications autoriseraient aussi la collecte de renseignements biométriques auprès des personnes qui font une demande ou une requête au titre de la Loi sur la citoyenneté et l’utilisation de ces renseignements, ainsi que la prise de règlements établissant les paramètres de la collecte, de l’utilisation, de la vérification, de la conservation et de la communication de ces renseignements biométriques.
Le pouvoir de recueillir et d’utiliser des renseignements biométriques pourrait porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces mesures avec l’article 8 de la Charte. Le pouvoir de recueillir, d’utiliser, de vérifier, de conserver et de communiquer des renseignements biométriques ne peut être exercé qu’aux fins de l’exécution et du contrôle d’application de la Loi sur la citoyenneté. Les règlements pris concernant les paramètres qui régissent l’utilisation et l’application des moyens électroniques, ainsi que la collecte, l’utilisation, la vérification, la conservation et la communication des renseignements biométriques, doivent eux-mêmes être compatibles avec la Charte.
Section 20 – Modifications à la Loi sur le Yukon
La section 20 modifierait la Loi sur le Yukon afin d’autoriser le ministre des Affaires du Nord à pénétrer en tout lieu de certains biens immobiliers publics afin de prendre les mesures qu’il juge nécessaires pour prévenir, contrecarrer, atténuer ou corriger tout effet négatif sur les personnes, les biens ou l’environnement, par exemple, un danger posé par des structures ou du matériel abandonnés. Le pouvoir proposé est susceptible de mettre en jeu l’article 8 de la Charte en interférant avec les intérêts en matière de vie privée.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Premièrement, le pouvoir serait exercé à des fins réglementaires, et non pénales, pour aider le ministre à protéger les personnes, les biens ou l’environnement dans des circonstances où les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. Deuxièmement, l’exercice des pouvoirs du ministre est limité aux mesures jugées nécessaires pour prévenir, contrecarrer, atténuer ou corriger tout effet négatif sur les personnes, les biens ou l’environnement. En outre, le pouvoir ne serait pas exercé dans le cas des lieux qui sont conçus pour être utilisés, et qui sont utilisés, en tant qu’habitation privée. Les pouvoirs proposés sont semblables aux pouvoirs d’inspection jugés raisonnables aux termes de l’article 8 de la Charte dans le contexte réglementaire.
Section 21 - Modifications à la Loi de 2001 sur la marine marchande du Canada et à la Loi sur la responsabilité en matière maritime
La section 21 de la partie 4 contient un certain nombre de modifications visant à renforcer la sécurité maritime et la protection de l’environnement en comblant des lacunes graves dans le système de sécurité maritime. Les modifications proposées permettraient de prévenir de manière proactive les urgences maritimes et d’y réagir en autorisant le ministre des Transports à donner des ordres à des particuliers ou à prendre des arrêtés d’urgence en réponse à tout risque pour la sécurité maritime ou le milieu marin. En outre, les modifications permettraient la prise de règlements concernant des ententes avec des services d’urgence et elles prévoiraient des mesures supplémentaires de conformité et d’application de la loi en étendant la portée des infractions et des sanctions administratives pécuniaires actuelles, ainsi qu’en haussant le montant maximal des amendes pour certaines infractions.
Les modifications proposées en lien avec les risques pour la sécurité maritime ou le milieu marin auraient pour effet d’étendre les pouvoirs existants qui permettent d’exiger la production de renseignements à des fins liées à l’exécution et au contrôle d’application de la Loi, ce qui risquerait de porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces dispositions avec l’article 8 de la Charte. Il ne serait pas possible d’exiger la production de renseignements dans le but de mener une enquête pénale. Il serait toutefois possible de l’exiger à des fins administratives, pour veiller au respect des nouvelles exigences réglementaires prévues par la Loi. Dans ces situations, les attentes en matière de vie privée sont réduites. De plus, des pouvoirs semblables exercés à des fins réglementaires ou administratives ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte.
Les modifications auraient aussi pour effet d’étendre la portée des dispositions actuelles relatives aux infractions afin de sanctionner les infractions aux nouvelles exigences liées à la prévention de la pollution et aux services d’urgence, y compris, notamment, l’exigence de produire des renseignements ainsi que les obligations qui s’appliquent aux installations de manutention de substances nocives et potentiellement dangereuses. Comme les nouvelles infractions seraient passibles d’une peine d’emprisonnement, ces modifications sont susceptibles de porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte. Après examen des dispositions, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’incohérence possible avec les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée des infractions est fonction de leurs objectifs et, sur déclaration de culpabilité, un juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine juste et appropriée.
Enfin, les modifications auraient pour effet de transformer en infractions les violations de certaines exigences réglementaires aux fins du régime actuel de sanctions administratives pécuniaires prévu par la Loi et le Règlement sur les sanctions administratives pécuniaires et les avis (LMMC 2001). Au titre du régime, des sanctions pourraient être imposées si le ministre a des motifs raisonnables de croire qu’une violation a été commise. Le régime de sanctions administratives pécuniaires pourrait donner lieu à des sanctions pécuniaires importantes, ce qui pourrait avoir une incidence sur les droits garantis par l’article 11 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité des dispositions avec la Charte. Les procédures conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire seraient de nature administrative. De plus, le régime de sanctions administratives permettrait au ministre d’exercer le pouvoir discrétionnaire d’imposer une sanction afin de favoriser le respect de la loi au lieu d’infliger une peine. Dans ce contexte, les dispositions ne permettraient pas l’imposition d’une sanction qui pourrait donner lieu à de véritables conséquences pénales au regard de l’article 11 de la Charte.
Section 22 - Loi sur les transports au Canada – Renforcement des réseaux de transport
La section 22 de la partie 4 modifierait la Loi sur les transports au Canada afin de conférer au ministre des Transports le pouvoir d’obliger certaines entités sous réglementation fédérale et entités utilisant le réseau de transport sous réglementation fédérale à fournir et à communiquer des renseignements réglementés, tout en préservant le caractère confidentiel de ceux-ci. En outre, les modifications proposées conféreraient le pouvoir d’étendre temporairement les limites d’interconnexion pour le transfert du trafic entre deux lignes de chemin de fer en Alberta, au Manitoba et en Saskatchewan, et exigeraient la fourniture de certains renseignements pertinents afin d’évaluer l’effet des limites d’interconnexion. Ces exigences concernant l’échange de renseignements pourraient porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces exigences avec l’article 8 de la Charte. La mesure a pour objectif d’appuyer l’efficacité du réseau de transport, y compris la planification et la gestion des activités. Dans les contextes réglementaire et administratif, les attentes en matière de protection de la vie privée sont moins élevées. Les pouvoirs de recueillir des renseignements pertinents, d’en exiger la production ou de les communiquer à des fins réglementaires ou administratives plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte. Après examen des dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’effets possibles qui pourraient constituer une atteinte déraisonnable au droit au respect de la vie privée garanti par l’article 8 de la Charte.
De plus, les modifications préciseraient que la violation de certaines dispositions de la Loi sur les transports au Canada et de ses règlements donnerait lieu à des sanctions administratives pécuniaires. Les modifications pourraient donner lieu à l’imposition de sanctions pécuniaires importantes et pourraient donc avoir une incidence sur les droits garantis par l’article 11 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 11 de la Charte. Les procédures conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire seraient de nature administrative. L’objectif de ces sanctions pécuniaires serait de favoriser le respect de la Loi, et non pas de « punir » comme on l’entend à l’article 11 de la Charte. Les modifications, correctement interprétées et appliquées, ne permettraient pas l’imposition d’une sanction pécuniaire qui pourrait donner lieu à de « véritables conséquences pénales ». Enfin, les sanctions pécuniaires seraient assujetties aux mesures d’exécution civile devant une cour supérieure, mais ne pourraient pas donner lieu à une peine d’emprisonnement en cas de défaut de paiement.
Section 23 – Loi sur les transports au Canada – plaintes des voyageurs
La section 23 vise à modifier la Loi sur les transports au Canada (la Loi) afin de remplacer le processus actuel de règlement des plaintes relatives au transport aérien par un processus plus simple qui impose un plus grand fardeau de la preuve aux transporteurs aériens. Ces modifications élargiraient également les pouvoirs réglementaires de l’Office des transports du Canada en ce qui concerne les obligations des transporteurs aériens à l’égard des passagers, renforceraient les pouvoirs d’exécution de l’Office en ce qui concerne le secteur du transport aérien et apporteraient des modifications connexes et corrélatives.
Ces modifications visent à remplacer le processus actuel de traitement des plaintes fondé sur l’arbitrage par un processus dans le cadre duquel les agents de règlement des plaintes prendront des décisions exécutoires à défaut d’accord issu de la médiation. Le nouveau processus de règlement des plaintes serait, de façon générale, confidentiel, typique pour des processus de médiation, mais des renseignements pertinents à la plainte peuvent être rendus publics avec l’accord du plaignant et du transporteur aérien. De plus, à la discrétion de l’Office et à la demande d’un plaignant ou d’un transporteur aérien, tout ou partie d’une ordonnance, qui est rendue par une formation composée de deux membres ou plus de l’Office agissant à titre d’agents de règlement des plaintes, pourrait être gardé confidentiel, sauf les renseignements qui doivent être inclus dans les sommaires des ordonnances rendues par un seul agent de règlement des plaintes. Les dispositions relatives à la confidentialité pourraient porter atteinte à la liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte, qui protège le principe de la publicité des débats judiciaires selon lequel les procédures judiciaires sont présumées accessibles au public et aux médias.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité des dispositions relatives à la confidentialité avec l’alinéa 2b) de la Charte. Le nouveau processus de règlement des plaintes ne se veut pas un processus semblable à celui d’une cour. Notamment, aucune audience devant un agent de règlement des plaintes n’est prévue, et les agents de règlement des plaintes donneraient plutôt suite à des renseignements et n’entendraient pas et n’évalueraient pas la preuve. La Loi prévoit actuellement des processus confidentiels de règlement des différends, à savoir le processus actuel de médiation pour les plaintes des passagers aériens ainsi que les décisions d’arbitrage de l’offre finale et les décisions d’arbitrage sur le niveau de services pour les différends dans le secteur ferroviaire. Les plaintes des passagers aériens sont des différends privés qui n’attirent généralement pas un intérêt public important. L’Office serait toujours tenu de rendre publiques les ordonnances rendues par une formation composée de deux membres ou plus de l’Office agissant à titre d’agents de règlement des plaintes, ainsi qu’un sommaire des ordonnances rendues par un seul agent de règlement des plaintes. Le pouvoir discrétionnaire de l’Office de garder confidentiel tout ou partie d’une ordonnance rendue par une formation composée de deux membres ou plus de l’Office agissant à titre d’agents de règlement des plaintes doit être exercé de façon raisonnable. Le nouveau processus de règlement des plaintes établit un équilibre raisonnable entre le règlement opportun et efficace des plaintes des passagers aériens, d’une part, et la reddition des comptes au public et la transparence, d’autre part.
Cette section prévoit que les renseignements fournis à un agent de règlement des plaintes par un plaignant ou un transporteur aérien, dans le cadre du processus d’examen d’une plainte, pourraient être communiqués dans certaines circonstances, notamment pour communiquer des renseignements à l’Office; communiquer des renseignements à d’autres agents de règlement des plaintes pour les aider dans l’exercice de leurs attributions; rendre publics les ordonnances ou un sommaire des ordonnances rendues par les agents de règlement des plaintes; inclure des renseignements généraux sur les plaintes dans les rapports annuels de l’Office. Cette disposition du projet de loi qui autorise la communication de renseignements pourrait déclencher l’application de l’article 8 de la Charte, car les renseignements pourraient porter atteinte au droit à la vie privée.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de la disposition avec l’article 8 de la Charte. Il est peu probable que la plupart des renseignements communiqués au cours du processus de règlement des plaintes portent atteinte de façon importante au droit à la vie privée. Cette disposition vise à permettre la communication de renseignements d’une manière qui est conforme à l’objet pour lequel les renseignements ont été fournis initialement, y compris l’exécution et le contrôle d’application de la Loi de manière efficace. Le sommaire des ordonnances rendues par un seul agent de règlement des plaintes ne comprendrait que des renseignements généraux. Les ordonnances rendues par une formation composée de deux membres ou plus de l’Office agissant à titre d’agents de règlement des plaintes seraient publiées dans leur intégralité, à moins que l’Office n’en décide autrement sur demande, parce qu’elles se rapportent normalement à des questions plus complexes pour lesquelles il pourrait y avoir un intérêt public plus grand. Les renseignements inclus dans les rapports annuels de l’Office au sujet des plaintes ne seraient pas des renseignements qui pourraient porter atteinte au droit à la vie privée, s’agissant de renseignements généraux décrivant le nombre et la nature des plaintes, le nom des transporteurs visés par celles-ci, et les tendances systémiques qui se sont manifestées.
La Loi établit actuellement un régime de sanctions administratives pécuniaires, y compris pour les contraventions aux règlements sur les passagers aériens. Les modifications augmenteraient considérablement le maximum prescrit dans le cas d’une violation de ces règlements par une société. Le projet de loi permettrait également aux personnes qui ont reçu un procès-verbal à l’égard d’une contravention aux dispositions des règlements applicables aux passagers aériens de demander à l’Office de conclure une transaction au lieu de payer le montant de la sanction. L’inexécution de la transaction, le cas échéant, entraînerait une sanction correspondant au double du montant de la sanction qui aurait été payable si la personne n’avait pas conclu la transaction. Le projet de loi prévoit, en outre, que l’omission, par le destinataire d’un procès-verbal prévoyant le montant de la sanction pour une violation relative à la contravention des règlements sur les passagers aériens, de payer le montant de la sanction, de déposer auprès du Tribunal d’appel des transports du Canada une requête en révision et de présenter une demande en vue de la conclusion d’une transaction, vaudrait déclaration de la responsabilité à l’égard de la contravention. Les modifications pourraient entraîner l’imposition de sanctions monétaires importantes et, par conséquent, pourraient déclencher l’application de l’article 11 de la Charte, qui confère des droits aux personnes accusées d’une infraction.
Les considérations qui suivent appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 11 de la Charte. Les procédures conduisant à l’infliction d’une sanction seraient de nature administrative. L’objectif de ces sanctions serait de favoriser le respect de la Loi et, tout particulièrement, de dissuader le recours abusif à ces transactions, et non de « punir », selon la définition de ce concept aux fins de l’article 11 de la Charte. Les sanctions ne seraient pas assujetties à des montants minimaux prescrits et seraient assujetties aux montants maximaux prévus par la Loi ou aux montants inférieurs prescrits par règlement. Les modifications, correctement interprétées et appliquées, ne permettraient pas l’imposition d’une sanction qui pourrait donner lieu à de « véritables conséquences pénales ». Enfin, les sanctions seraient soumises aux mesures d’exécution civile devant une cour supérieure, mais ne pourraient pas donner lieu à une peine d’emprisonnement en cas de défaut de paiement.
Section 24 – Modernisation – voyages
La section 24 de la partie 4 modifierait la Loi sur les douanes afin, notamment, de permettre à une personne arrivant au Canada de se présenter à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) par un moyen de télécommunication, lorsqu’il est disponible, y compris, par exemple, des outils de traitement en libre-service tels que les kiosques d’inspection primaire, les portes électroniques et les applications mobiles. Cela supprimerait l’obligation actuelle, pour chaque voyageur arrivant au Canada, de se présenter en personne à un agent. Les modifications exigeraient que les voyageurs se présentant à l’ASFC fournissent certaines informations, qui pourraient inclure une photographie dans le cas d’une présentation par télécommunication. Les modifications exigeraient également que, sous réserve des règlements, les opérateurs aériens commerciaux transportent les bagages jusqu’à une zone internationale de bagages désignée par le président de l’ASFC.
Le pouvoir d’exiger la production d’informations lors d’une présentation devant l’ASFC est susceptible d’entraîner l’application de l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée d’un voyageur qui se présente à la frontière à des fins douanières est généralement réduit compte tenu des circonstances et de l’importance du contrôle de l’entrée dans le pays. Les informations recueillies se limiteront à ce qui est requis par l’ASFC et à ce qui est lié à l’exercice des fonctions d’un agent des douanes en vertu de la Loi sur les douanes ou de toute autre loi. Par exemple, la photographie d’un voyageur qui se présente par télécommunication peut être nécessaire afin de vérifier son identité en l’absence d’un contrôle en personne. En outre, un voyageur peut choisir d’éviter de fournir une photographie (ou toute autre information requise pour se présenter par télécommunication) en se présentant en personne.
Section 27 – Loi sur les aliments et drogues – Produits de santé naturels
La section 27 de la partie 4 modifierait la définition de « produit thérapeutique » énoncée dans la Loi sur les aliments et drogues (LAD) afin de supprimer l’exception qui vise actuellement les produits de santé naturels au sens du Règlement sur les produits naturels. Ainsi, les dispositions actuelles de la LAD qui concernent les produits thérapeutiques s’appliqueraient maintenant également aux produits de santé naturels. Ces dispositions prévoient certains pouvoirs qui peuvent être exercés par le ministre, y compris les pouvoirs d’exiger des renseignements et de les communiquer, d’ordonner la modification d’étiquettes et d’emballages, d’ordonner le rappel d’un produit et d’en interdire la vente, et d’exiger des essais, des études et des évaluations. Les dispositions actuelles de la LAD comportent aussi des interdictions de fournir des renseignements faux ou trompeurs au ministre, des obligations pour les titulaires d’autorisations d’essais cliniques de publier les renseignements réglementaires concernant ces essais cliniques, et des obligations pour les établissements de soins de santé de fournir les renseignements réglementaires au ministre concernant les réactions indésirables graves à une drogue ou les incidents liés à un instrument médical. De plus, les dispositions actuelles de la LAD permettent au gouverneur en conseil de prendre des règlements concernant les produits thérapeutiques, et elles prévoient des infractions à l’égard des violations de la LAD et des textes établis en vertu de la LAD. Puisque la violation de ces dispositions (et des ordres et règlements pris au titre de celles-ci) est passible d’une peine d’emprisonnement, les dispositions sont susceptibles de porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte. Divers pouvoirs réglementaires existants qui pourraient être exercés à l’égard des produits de santé naturels sont aussi susceptibles de porter atteinte aux droits garantis par d’autres dispositions de la Charte, y compris l’alinéa 2b) (liberté d’expression) et l’article 8 (fouilles, perquisitions ou saisies).
Le ministre n’a pas relevé d’incohérence possible avec la Charte si la portée des dispositions et des pouvoirs que prévoient actuellement la LAD et son règlement d’application est étendue aux produits de santé naturels. La définition de « drogue » énoncée dans la LAD comprend déjà les produits de santé naturels qui seraient dorénavant assujettis aux dispositions concernant les produits thérapeutiques contenues dans la LAD. Ces produits de santé naturels soulèvent donc des considérations réglementaires semblables à celles que soulèvent les autres produits thérapeutiques, car ce sont aussi des produits qui sont fabriqués, vendus ou présentés comme pouvant contribuer à la santé ou au bien-être de l’être humain. Le régime de réglementation des produits thérapeutiques prévu par la LAD est bien établi. Ses exigences, dont la portée serait étendue aux produits de santé naturels du fait des modifications, sont fonction de l’exercice des pouvoirs conférés au ministre et au gouverneur en conseil. La LAD offre une grande latitude de sorte que ces pouvoirs puissent être exercés d’une manière conforme à la Charte, en tenant compte des objectifs de la LAD et des répercussions possibles sur les droits garantis par la Charte.
Section 28 – Loi sur les aliments et drogues – Essais sur animaux
La section 28 de la partie 4 apporterait plusieurs modifications à la Loi sur les aliments et drogues.
Interdictions
Cette section prévoirait de nombreuses interdictions relatives aux essais conduits sur les animaux qui pourraient causer à ceux-ci de la douleur, de la souffrance ou toute blessure, à la vente de cosmétiques dont la sûreté ne peut être établie qu’au moyen d’essais sur des animaux qui pourraient causer à ceux-ci de la douleur, de la souffrance ou toute blessure, et aux allégations qu’un cosmétique n’a pas fait l’objet d’essais sur des animaux, à moins de posséder des preuves à l’appui.
Toute violation de ces interdictions constituerait une infraction à la Loi sur les aliments et drogues. Comme la perpétration de telles infractions est notamment passible d’une peine d’emprisonnement, les modifications sont susceptibles de porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte.
Après examen des mesures, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’incohérence possible avec les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7 de la Charte. La portée des infractions est fonction de l’objectif consistant à prévenir les préjudices attribuables aux essais de cosmétiques menés sur des animaux. Les infractions viseraient à empêcher quiconque de faire des allégations fausses ou trompeuses selon lesquelles un cosmétique n’aurait pas fait l’objet d’essais sur des animaux. Elles viseraient aussi à empêcher que soient menés inutilement des essais sur des animaux qui pourraient leur causer de la douleur, de la souffrance ou toute blessure, dans le but d’établir la sécurité d’un cosmétique.
Interdiction – Étiquetage ou publicité
Une des dispositions interdirait à quiconque de faire, sur l’étiquette ou dans la publicité d’un cosmétique, toute allégation susceptible de donner l’impression que celui-ci n’a pas fait l’objet d’essais sur des animaux, à moins de posséder des preuves à l’appui. La personne devrait être en mesure de fournir la preuve au ministre à la demande de celui-ci.
L’objectif de cette disposition est d’empêcher le fabricant, le vendeur ou l’importateur d’un cosmétique, ou toute personne agissant en leur nom comme un annonceur ou un influenceur, de faire une allégation fausse ou trompeuse selon laquelle le cosmétique n’a pas fait l’objet d’essais sur des animaux.
L’interdiction de faire de telles allégations sur l’étiquette ou dans la publicité d’un cosmétique aurait vraisemblablement une incidence sur le droit à la liberté d’expression garanti par l’alinéa 2b) de la Charte. La portée de l’alinéa 2b), qui protège la liberté d’expression, s’étend généralement à la publicité et aux autres formes d’expression à des fins commerciales, y compris l’expression commerciale par des sociétés et des particuliers.
Les considérations suivantes appuient la conformité de cette disposition avec l’alinéa 2b) de la Charte. Cette disposition empêcherait quiconque de faire des allégations fausses ou trompeuses selon lesquelles un cosmétique n’aurait pas fait l’objet d’essais sur des animaux, en permettant une allégation à cet effet seulement si l’allégation serait susceptible de preuve. De plus, si une interdiction relative à l’expression commerciale est susceptible d’avoir une incidence sur la liberté d’expression, elle ne concerne habituellement pas les valeurs fondamentales du droit, soit la recherche de la vérité politique, artistique et scientifique, la protection de l’autonomie et de l’épanouissement de la personne et la promotion de la participation du public au processus démocratique. Le fait que l’expression soit de nature commerciale est un facteur à prendre en considération pour décider si une restriction à l’égard de cette expression est justifiable au titre de la Charte.
Pouvoir d’exiger une preuve
Quiconque fait, sur l’étiquette ou dans la publicité d’un cosmétique, une allégation qui est susceptible de donner l’impression que celui-ci n’a pas fait l’objet d’essais sur des animaux est tenu de fournir au ministre, à sa demande, des preuves à l’appui. Le pouvoir d’exiger la production d’une preuve est susceptible de porter atteinte au droit garanti par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ce pouvoir avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée est réduit dans les contextes réglementaire et administratif. Les pouvoirs conférés par la loi d’exiger la production ou la communication de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions criminelles ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8 de la Charte. Après examen de la disposition pertinente, le ministre de la Justice n’a pas relevé d’effets possibles qui pourraient constituer une atteinte déraisonnable au droit à la vie privée garanti par l’article 8 de la Charte.
Section 29 – Loi sur le Régime canadien de soins dentaires
La section 29 édicterait la loi sur le Régime canadien de soins dentaires. Cette loi exigerait que tout employeur actuel ou ancien, qui est tenu de faire une déclaration de renseignements en vertu de la Loi et du Règlement de l’impôt sur le revenu, indique si un employé ou un retraité appelé « bénéficiaire » ou les membres de sa famille sont admissibles à une assurance de soins dentaires ou à une couverture de services dentaires de quelque nature que ce soit, offerte par l’employeur actuel ou ancien relativement à l’emploi du bénéficiaire ou de son conjoint. Le ministre du Revenu national serait également autorisé à recueillir et à divulguer les informations au ministre de la Santé ou à un fonctionnaire du ministère de l’Emploi et du Développement social, aux fins de l’administration et de l’application du Régime canadien de soins dentaires ou de l’élaboration ou de l’évaluation de la politique relative à ce régime. En outre, le ministre de la Santé serait autorisé à recueillir et à utiliser le numéro d’assurance sociale d’une personne qui fait une demande au titre du Régime canadien de soins dentaires, aux fins de l’administration et de l’application du régime. Enfin, le ministre de la Santé serait autorisé à imposer une pénalité de 100 $ à une personne pour chaque infraction à la loi, comme le fait de faire sciemment une déclaration fausse ou trompeuse dans la déclaration de renseignements. L’objectif de cette pénalité est de promouvoir le respect de la loi plutôt que d’imposer une sanction.
Le fait d’autoriser la collecte, la divulgation et l’utilisation de renseignements personnels pourrait mettre en jeu l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. L’autorisation de recueillir, de divulguer et d’utiliser les renseignements a pour but d’aider à l’administration et à l’application du Régime canadien de soins dentaires ou à l’élaboration ou à l’évaluation de la politique de ce régime. Dans les contextes réglementaire et administratif, les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. Les pouvoirs proposés sont similaires aux pouvoirs existants qui ont été confirmés par les tribunaux dans les contextes administratif et fiscal. En examinant les dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé de répercussions éventuelles qui pourraient constituer une ingérence déraisonnable dans la vie privée, telle que protégée par l’article 8 de la Charte.
L’imposition d’une amende de 100 $ à une personne pour chaque violation de la loi proposée pourrait potentiellement déclencher l’application de l’article 11 de la Charte. Les points suivants soutiennent la compatibilité de la sanction pécuniaire avec l’article 11. L’imposition d’une sanction pécuniaire serait de nature administrative et aurait pour but de promouvoir le respect de la loi, et non de « punir ». Dans ce contexte, l’imposition d’une sanction ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » au sens de l’article 11 de la Charte.
Section 30 – Loi sur la Société canadienne des postes
La section 30 de la partie 4 propose de modifier le paragraphe 41(1) de la Loi sur la Société canadienne des postes, qui autorise la Société canadienne des postes à inspecter les envois, à l’exclusion des lettres, pour vérifier la conformité aux exigences légales. Ces exigences légales protègent la sécurité, l’intégrité et l’efficacité du système postal, afin d’empêcher qu’il soit utilisé pour envoyer des marchandises dangereuses, des produits de contrebande ou des objets inadmissibles. La section 30 modifierait le paragraphe 41(1) afin de limiter le recours à celui-ci aux circonstances dans lesquelles il existe un doute raisonnable qu’un envoi autre qu’une lettre n’est pas conforme aux exigences légales applicables aux colis envoyés par la poste. Puisque ce pouvoir d’inspection est susceptible d’avoir une incidence sur le droit à la vie privée, l’article 8 de la Charte pourrait entrer en jeu.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Le pouvoir d’inspection sert des objectifs importants, comme protéger la sécurité du public et des travailleurs des postes, empêcher que le système postal soit utilisé à des fins criminelles et garantir l’efficacité du système postal. Le pouvoir d’inspection pourrait être exercé pour des fins réglementaires, afin de vérifier si un envoi autre qu’une lettre est conforme aux normes légales applicables. La clause a pour objectif d’améliorer la protection de la vie privée alors que la Société canadienne des postes réalise des progrès dans l’atteinte des objectifs importants établis par la Loi. Comme elle exigerait de la Société canadienne des postes qu’elle ait un doute raisonnable que les normes légales qui s’appliquent au système postal n’ont pas été respectées avant de pouvoir ouvrir un envoi qui n’est pas une lettre, la disposition modifiée introduirait une limite supplémentaire à l’exercice de ce pouvoir. Le fait d’adapter la disposition de cette façon permettra de veiller à ce que les pouvoirs conférés à la Société canadienne des postes soient raisonnables.
Section 33 – Lois relatives aux institutions financières
La section 33 de la partie 4 propose d’améliorer le cadre fédéral de réglementation financière afin de mieux protéger les institutions financières contre toute menace à leur intégrité ou à leur sécurité, notamment une ingérence étrangère, et les menaces à la sécurité nationale. Les modifications viseraient à améliorer la fonction générale de supervision et de surveillance du Bureau du surintendant des institutions financières et à fournir au ministre des Finances et au surintendant une série d’outils d’intervention supplémentaires dans la Loi sur les banques, la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et la Loi sur les sociétés d’assurances.
Les modifications élargiraient la portée des fonctions actuelles du surintendant qu’il exerce pour examiner les institutions financières en vue d’y intégrer la surveillance des institutions financières fédérales pour s’assurer du caractère adéquat de leurs politiques et procédures de façon à ce qu’elles puissent se protéger contre les menaces à leur intégrité ou à leur sécurité. À l’appui de ces fonctions d’examen, le surintendant a le droit d’accéder aux dossiers des institutions financières et d’exiger des institutions financières qu’elles fournissent des renseignements pertinents.
Plus généralement, le surintendant est autorisé à ordonner aux institutions financières de produire les documents nécessaires afin de s’assurer de leur conformité aux lois applicables. Le projet de loi élargirait ces pouvoirs de production de documents afin d’inclure la surveillance des institutions financières pour s’assurer du caractère adéquat de leurs politiques et procédures de façon à ce qu’elles puissent se protéger contre les menaces à leur intégrité ou à leur sécurité, notamment une ingérence étrangère.
L’élargissement des pouvoirs du surintendant d’accéder aux renseignements des institutions financières et d’obtenir des renseignements pourrait mettre en jeu les attentes raisonnables de ces institutions et de leurs clients en matière de vie privée et, par conséquent, déclencher l’application de l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces pouvoirs avec l’article 8 de la Charte. Le droit à la vie privée est réduit dans le contexte réglementaire, y compris dans le secteur hautement réglementé des services financiers, c’est-à-dire que les organismes de réglementation n’ont généralement pas besoin d’un mandat ou d’une autre autorisation d’un tribunal avant d’empiéter sur le droit à la vie privée afin de surveiller le respect des exigences réglementaires. Les pouvoirs en question servent l’important objectif de permettre au surintendant de surveiller le caractère adéquat de la protection des institutions financières contre les menaces à leur intégrité et à leur sécurité, en vue de protéger les clients des institutions financières et, de façon plus vaste, la santé et la sécurité du secteur des services financiers et de l’économie du Canada. Le surintendant ne peut pas accéder aux renseignements des institutions financières ou en obtenir, à moins qu’ils ne soient utiles aux objectifs réglementaires. De plus, conformément à l’article 22 de la Loi sur le Bureau du surintendant des institutions financières et à des dispositions semblables de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, de la Loi sur les banques et de la Loi sur les sociétés d’assurances, les renseignements obtenus à la suite de l’exécution et du contrôle d’application de ces lois sont confidentiels et ils doivent être traités comme tels. Les pouvoirs de recueillir des renseignements pertinents ou d’en forcer la production à des fins de surveillance et de conformité réglementaire, plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions, ont couramment été jugés raisonnables par les tribunaux au titre de l’article 8 de la Charte.
Dans l’octroi d’agréments en vertu de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt, la Loi sur les banques, et la Loi sur les sociétés d’assurances, ou des révocations, des suspensions et des modifications de ces agréments, le ministre des Finances peut exiger des engagements des institutions financières réglementées. Le projet de loi autoriserait le ministre à désigner comme confidentiels des renseignements spécifiques à un engagement ou des renseignements qui pourraient révéler l’existence d’un engagement si sa divulgation pouvait poser une menace à l’intégrité et à la sécurité de l’institution financière liée par l’engagement ou pouvait être préjudiciable à la sécurité nationale. Ce pouvoir pourrait être utilisé dans un scénario où le Ministre oblige une institution financière réglementée à mettre en place des mesures précises visant à protéger celle-ci contre des menaces à son intégrité ou sécurité. Dans un tel scénario, la divulgation de l’existence ou de la nature de ces mesures pourrait publiciser des vulnérabilités potentielles dans le secteur financier. La divulgation de renseignements désignés confidentiels serait généralement interdite, sous réserve des termes et conditions précisés par le ministre. Une divulgation de renseignements en contravention des exigences de confidentialité serait une infraction.
Une interdiction de divulgation de renseignements confidentiels qui serait passible d’une peine d’emprisonnement pourrait restreindre la liberté d’une personne de communiquer ces renseignements et être susceptible de porter atteinte à sa liberté d’expression garantie par l’alinéa 2b) de la Charte. Une telle interdiction pourrait porter atteinte aux droits à la liberté des personnes, ce qui, en vertu de l’article 7 de la Charte, doit être conforme aux principes de justice fondamentale.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces modifications avec l’article 2b) de la Charte. La confidentialité serait exigée afin de renforcer les objectifs urgents et réels de protection de la sécurité nationale et/ou de l’intégrité ou la sécurité d’une institution financière. En précisant les renseignements qui doivent être gardés confidentiels ainsi que les termes et conditions régissant leur confidentialité, le ministre serait en mesure de maintenir un équilibre proportionnel et raisonnable entre les intérêts publics en jeu et la liberté d’expression qui pourrait être touchée par des restrictions quant à la divulgation.
En révisant les dispositions, le ministre de la Justice n’a pas identifié d’incompatibilités potentielles avec les principes de justice fondamentale prévus par l’article 7 de la Charte. La personne moralement innocente – par exemple les personnes qui pourraient raisonnablement ne pas être au courant que le ministre a désigné certains renseignements comme confidentiels – ne peut pas être déclarée coupable d’une infraction ni punie d’une peine d’emprisonnement. Une déclaration de culpabilité assortie d’une peine d’emprisonnement exige, à tout le moins, une preuve de négligence de la part de l’accusé.
Section 34 – Taux d’intérêt criminel
La section 34 apporterait des modifications aux mesures concernant le taux d’intérêt criminel prévues aux articles 347 et 347.1 du Code criminel afin de garder contre les pratiques de prêt à des conditions abusives et de mieux protéger les consommateurs. Ces mesures prévoient qu’une personne qui a conclu une convention ou une entente pour percevoir des intérêts à un taux supérieur à un certain autre se rendra coupable d’une infraction. Les modifications comprennent un changement dans la façon dont le taux d’intérêt criminel est calculé de sorte que soit utilisé un taux annuel de pourcentage d’intérêt, ainsi qu’une réduction du taux d’intérêt criminel pour le ramener à un taux annuel de pourcentage d’intérêt qui dépasse 35 %. De plus, ces modifications conféreraient au gouverneur en conseil, sur recommandation du ministre de la Justice après consultation avec le ministre des Finances, le pouvoir de prendre des règlements visant à soustraire certains types de conventions ou d’ententes de prêt de l’application des dispositions relatives au taux d’intérêt criminel énoncées à l’article 347 du Code criminel, notamment les opérations commerciales complexes. Comme les sanctions applicables à l’infraction de perception d’intérêts à un taux criminel comprennent une peine d’emprisonnement, les modifications sont susceptibles de porter atteinte au droit à la liberté qui est garanti par l’article 7 de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces dispositions modifiées concernant le taux d’intérêt criminel avec l’article 7 de la Charte. Conformément aux modifications, l’infraction de perception d’intérêts à un taux criminel viserait à régler le problème des pratiques de prêt à des conditions abusives exercées auprès des personnes vulnérables sur le plan économique au Canada. Le nouveau taux d’intérêt criminel réduit permettrait l’imposition de sanctions pénales lorsque le taux d’intérêt appliqué à un prêt à la consommation est supérieur aux taux acceptables courants. En parallèle, le pouvoir de prendre des règlements permettrait de soustraire à toute responsabilité pénale les conventions et les ententes de prêt qui ne sont pas visées par les restrictions quant au taux d’intérêt criminel, notamment dans le cas de transactions commerciales complexes conclues entre des entités commerciales bien renseignées où la nature du financement à court terme employé pourrait autrement mener à l’infraction prévue à l’article 347 du Code criminel.
Section 38 – Conseil d’appel en assurance-emploi
La section 38 vise à modifier la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social afin de constituer un Conseil d’appel en assurance‑emploi (le Conseil d’appel). L’une des dispositions du projet de loi confère à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada le pouvoir de prendre des règlements pour établir les circonstances qui peuvent justifier la tenue d’audiences à huis clos par le Conseil d’appel. Le pouvoir d’autoriser la tenue d’audiences à huis clos est susceptible de porter atteinte aux droits garantis par l’alinéa 2b) de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de cette disposition avec l’alinéa 2b) de la Charte. Les modifications proposées permettraient à la Commission de l’assurance‑emploi du Canada d’établir, par règlement, les circonstances qui justifient la tenue d’audiences à huis clos par le Conseil d’appel. Il est important de respecter le principe de publicité des débats judiciaires pour assurer la liberté de presse et l’accès du public à de l’information sur les affaires dont est saisi le Conseil d’appel. Cependant, dans certaines circonstances, les considérations liées à la protection de la vie privée peuvent l’emporter sur ce principe. Plus précisément, il peut être nécessaire de tenir des audiences à huis clos dans certains cas afin de protéger la vie privée des personnes qui comparaissent devant le Conseil d’appel, personnes qui présentent souvent des renseignements très délicats (des rapports médicaux, par exemple). Le règlement qui établit les circonstances justifiant la tenue d’audiences à huis clos doit lui‑même être compatible avec la Charte.
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