Ce que nous avons entendu : Consultation sur les réformes proposées à la Loi sur la protection de l’information, au Code criminel et à la Loi sur la preuve au Canada
Résumé
Le ministère de la Justice du Canada (Justice Canada) a mené de vastes consultations sur les réformes potentielles de la Loi sur la protection de l’information (LPI), du Code criminel et de la Loi sur la preuve au Canada (LPC) dans le but de renforcer la boîte à outils du Canada pour répondre aux menaces posées par l’ingérence étrangère (IÉ). Le processus de consultation a consisté en une consultation en ligne qui a permis de recueillir les commentaires du grand public, ainsi qu’une série de tables-rondes avec des partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones, divers intervenants de diverses communautés du Canada, des membres de la profession juridique, des universitaires, des organisations de la société civile et de l’industrie.
Dans l’ensemble, les personnes consultées sont en faveur de la création des nouvelles infractions proposées en vertu de la LPI. Elles sont aussi en faveur de l’augmentation de la peine maximale pour les actes préparatoires prévus dans la LPI ainsi que pour l’application de l’infraction des actes préparatoire à d’autres infractions à dans la LPI. Les personnes consultées sont aussi en faveur de la modernisation de l’infraction de sabotage dans le Code criminel. Les commentaires sur les modifications proposées concernant la façon dont les renseignements relatifs à la sécurité nationale sont protégés et utilisés dans les procédures criminelles ont été mitigés, avec des commentaires généraux selon lesquels les processus doivent être simplifiés, notamment pour éviter des retards injustifiés dans les procédures judiciaires. Au-delà des réformes législatives, Justice Canada a entendu l’appel lancé au gouvernement pour qu’il s’engage et communique davantage avec le public sur l’IÉ, notamment avec diverses communautés partout au Canada.
Table des matières
- Introduction
- Résultats
- Conclusion
- Annexe 1 : Lutte contre l’ingérence étrangère - Document de consultation
Introduction
Le gouvernement du Canada s’efforce de renforcer et d’améliorer les mesures en place afin de renforcer les défenses contre l’IÉ. L’« ingérence étrangère » désigne le fait pour des États étrangers, ou ceux qui agissent en leur nom, d’entreprendre des activités qui menacent des personnes au Canada, leur famille ailleurs, ou des activités secrètes et trompeuses qui nuisent aux intérêts nationaux du Canada. Un certain nombre d’alliés du Canada, dont l’Australie et le Royaume-Uni, ont récemment pris des mesures pour améliorer leur capacité à identifier, contrer et de criminaliser l’ingérence étrangère.
Dans le cadre de ces efforts, Justice Canada a lancé des consultations publiques sur les modifications proposées à la LPI, au Code criminel et à laLPC, afin de s’assurer que les lois canadiennes sont adaptées aux menaces nouvelles et changeantes de l’IÉ. Les modifications proposées créeraient de nouvelles infractions en vertu de la LPI, rendraient les infractions et les peines existantes plus adaptées à l’ingérence étrangère et moderniseraient l’infraction de sabotage prévue dans le Code criminel. Les modifications proposées à la LPC réformeraient la façon dont les renseignements relatifs à la sécurité nationale sont protégés et utilisés dans les procédures judiciaires. Pour plus d’informations sur les réformes proposées, veuillez vous référer à l’Annexe I.
Lancé le 24 novembre 2023, le processus de consultation comportait deux volets : une consultation en ligne qui visait à recueillir les commentaires des personnes au Canada ainsi qu’une série de tables-rondes virtuelles et en personne (41 au total).
Justice Canada a reçu 74 mémoires du public en ligne ou par courriel et 23 mémoires écrits. Sur les 74 soumissions publiques en ligne, 37 étaient anonymes et 15 soumissions par courriel provenaient de particuliers. Parmi les observations écrites reçues, 15 provenaient d’organisations, une d’une société et de 7 particuliers.
Les tables-rondes, dirigées par Sécurité publique Canada, le Service canadien du renseignement de sécurité et Justice Canada, incluaient des séances avec les groupes d’intervenants ciblés suivants :
Groupes communautaires
Organismes de défense des droits
Groupes/gouvernements et organisations autochtones
Industrie et commerce
Universitaires et politiques publiques
Représentants provinciaux et territoriaux
Professionnels du droit et associations
La consultation en ligne s’est terminée le 2 février 2024, tandis que les tables-rondes se sont terminées le 16 février 2024.
En plus des tables-rondes tenues avec les partenaires autochtones, Justice Canada a également envoyé un avis sur les réformes proposées à la LPI, au Code criminel et à la LPC à environ 70 partenaires des traités modernes et de l’autonomie gouvernementale et aux organisations autochtones, et a invité tous les partenaires à se rencontrer ou à présenter des observations écrites.
Les consultations en personne et virtuelles comprenaient une présentation ciblée donnant un aperçu des réformes proposées, suivie d’une période de discussion ouverte. Justice Canada a adopté une approche centrée sur l’humain en matière de consultation et de mobilisation. L’approche permet de s’assurer que les personnes des communautés ciblées sont au centre de l’engagement qui les concerne et que leurs points de vue sont pris en compte dans la prise de décisions.
Vous trouverez ci-dessous un aperçu des commentaires reçus dans le cadre de ce processus de consultation, qui contribuera à éclairer le processus décisionnel du gouvernement sur les réformes proposées à la LPI, au Code criminel et à la LPC.
Résultats
Question 1 : Y a-t-il lieu de créer de nouvelles infractions d’ingérence étrangère?
Dans l’ensemble, Justice Canada a reçu un large appui en faveur de la création de nouvelles infractions en vertu de la LPI qui ciblent spécifiquement les activités d’IÉ, et très peu d’intervenants ont laissé entendre qu’ils n’appuyaient pas les propositions. Les intervenants ont insisté sur la nécessité de circonscrire la portée des infractions afin de s’assurer qu’elles ciblent efficacement les activités interdites et les acteurs qui les commettent. Il s’agirait, par exemple, de clarifier les définitions de certains concepts, comme « ingérence étrangère », « actes secrets et trompeurs » et « intérêts canadiens ».
Certains intervenants ont laissé entendre qu’il n’était pas nécessaire de créer de nouvelles infractions, préférant que l’ingérence étrangère soit traitée comme une circonstance aggravante lors de la détermination de la peine dans les procédures criminelles. D’autres ont mis en garde contre cette approche, compte tenu des risques liés à l’abus de procédure et d’autres risques associés à l’introduction d’une circonstance aggravante aussi grave lors de la détermination de la peine. De façon plus générale, du point de vue de la détermination de la peine, il a été recommandé d’envisager de faire des nouvelles infractions des infractions mixtes.
Les intervenants ont soulevé des préoccupations opérationnelles liées aux nouvelles infractions. Par exemple, même s’il existait de nouvelles infractions criminelles visant l’IÉ, certains se demandaient si elles seraient effectivement utilisées en raison des difficultés liées à la collecte de preuves. Dans le même ordre d’idées, certains intervenants ont insisté sur le fait que toutes nouvelles infractions devraient pouvoir être prouvées du point de vue de l’application de la loi et des poursuites.
Certains intervenants sont préoccupés par les conséquences imprévues pouvant résulter de ces réformes, y compris la possibilité que les nouvelles infractions puissent viser des activités légitimes. Par exemple, des préoccupations ont été soulevées au sujet de la liberté d’expression dans le milieu universitaire et il a été proposé que des modifications à la LPI comprennent une exception pour les activités dans le cadre académique.
Des préoccupations ont également été exprimées au sujet des conséquences imprévues pour les communautés vulnérables, qui font déjà face à une discrimination systémique dans le système de justice pénale et les institutions publiques. Au-delà des réformes législatives, des appels ont été lancés au gouvernement pour qu’il améliore son engagement auprès du public en matière d’ingérence étrangère, notamment auprès de diverses communautés partout au Canada. Ces dernières estiment qu’une communication et un engagement plus forts sont nécessaires pour établir la confiance avec le gouvernement et élaborer des mesures qui répondent aux défis auxquels sont confrontées les diverses communautés en matière d’IÉ.
Question 2 : Faut-il modifier l’article 22 de la Loi sur la protection de l’information (LPI) afin d’augmenter la peine maximale et de l’appliquer à d’autres infractions?
Justice Canada a reçu un appui notable en faveur de l’augmentation de la peine prévue à l’article 22 de la LPI pour l’infraction relative aux actes préparatoires et de l’élargissement de son champ d’application à d’autres infractions à la LPI, ainsi qu’aux nouvelles infractions relatives aux actes préparatoires proposées en vertu de la LPI. Certains intervenants ont souligné la nécessité que la peine soit proportionnelle à la gravité de la conduite interdite, certains réclamant une peine maximale plus élevée de sept ans.
Question 3 : Faut-il moderniser l’infraction de sabotage au Canada?
Dans l’ensemble, les modifications proposées à l’infraction de sabotage ont reçu un appui général, en particulier de la part de représentants de l’industrie. Les intervenants ont formulé des commentaires sur ce que devrait inclure la définition d’« infrastructure essentielle », citant souvent les systèmes de communication, l’énergie, les services alimentaires, l’eau et les égouts, par exemple. Les intervenants ont également insisté sur la nécessité que la définition d’« infrastructure essentielle » soit suffisamment large pour inclure les technologies et les infrastructures émergentes.
De l’avis général, il y avait un grand soutien pour la création d’une infraction distincte de sabotage liée à l’IÉ, ainsi qu’une nouvelle infraction connexe visant à criminaliser la fabrication, la possession, la vente ou la distribution d’un dispositif en vue de commettre l’infraction de sabotage. Enfin, il y avait un appui général en faveur de l’élargissement desprotections prévues par la Charte à l’égard de l’infraction modernisée.
Il est important de noter que quelques partenaires autochtones se sont dits préoccupés par les réformes proposées à l’infraction de sabotage et par les répercussions potentielles sur les droits garantis parla Charte, y compris la liberté d’expression et de réunion pacifique. La proposition d’élargir les protections actuelles relatives au travail et à l’emploi à d’autres formes de protestation, de dissidence et de plaidoyer a été bien accueillie et a semblé répondre en partie à certaines de ces préoccupations.
Question 4 : Y a-t-il lieu de créer une instance sécurisée de contrôle d’une décision administrative en vertu de la Loi sur la preuve au Canada?
Justice Canada a reçu des commentaires dans le cadre de la consultation en ligne indiquant qu’il y avait un appui global pour le processus proposé dans le cadre du régime général de procédures de révision administrative sécurisée. Les commentateurs ont souligné comment ce processus pourrait trouver le juste équilibre entre la prise en compte des préoccupations en matière de sécurité nationale et la garantie de procédures judiciaires équitables et éclairées. On a également appuyé l’idée de regrouper les régimes administratifs autonomes en un seul processus universellement accessible, ce qui permettrait d’accroître l’uniformité et l’efficacité de la prise en compte des renseignements relatifs à la sécurité nationale dans les contrôles judiciaires et les appels prévus par la loi devant la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale afin d’éviter les retards dans les procédures judiciaires. Cela dit, certains intervenants ont exprimé leur scepticisme à l’égard de l’introduction d’un nouveau régime et d’un fardeau administratif accru.
Question 5 : Faut-il réformer la façon dont les renseignements relatifs à la sécurité nationale sont protégés et utilisés dans le cadre de procédures criminelles?
Les modifications proposées concernant la façon dont les renseignements relatifs à la sécurité nationale sont protégés et utilisés dans les procédures criminelles ont suscité des commentaires minimes et mitigés. En ce qui concerne la proposition de non-scission des procédures relatives au privilège relatif à la sécurité nationale en vertu de l’article 38 de la LPC, certains répondants appuient la création d’une liste de juges spécialisés en droit de la sécurité nationale dans chaque province ou territoire afin de renforcer la capacité d’utiliser les renseignements relatifs à la sécurité nationale et d’accélérer les processus décisionnels dans le cadre de ces procédures. Dans l’ensemble, l’idée d’établir un fondement législatif pour la nomination des avocats spéciaux, ce qui a été perçu comme un facteur d’équité dans le processus criminel, a été supportée. D’autres ont soulevé des considérations opérationnelles liées à ces réformes, suggérant qu’une formation et des lignes directrices pourraient être nécessaires pour soutenir les juges et les conseillers juridiques spéciaux.
Bien qu’il y ait eu un certain appui à l’idée de limiter les appels interjetés par l’accusé à l’encontre des ordonnances de divulgation en vertu des articles 37 et 38 de la LPC jusqu’à après le procès en cas de déclaration de culpabilité, des préoccupations en matière d’équité procédurale ont été soulevées en ce qui concerne le droit du défendeur à un procès équitable et dans des délais raisonnables.
D’une manière générale, la plupart des commentaires reçus sur les réformes relatives à la protection et à l’utilisation de renseignements sensibles reliés à la sécurité nationale dans les procédures criminelles mettait l’emphase sur le respect des droits de l’accusé en général tout en reconnaissant le besoin d’éviter les retards dans les procédures judiciaires.
Conclusion
L’information provenant des tables-rondes, et des soumissions en ligne et écrites a porté sur un éventail d’impacts positifs et négatifs potentiels qui pourraient découler des réformes législatives proposées. Dans l’ensemble, la plupart des réformes proposées par Justice Canada jouissaient d’un appui général. Il y avait un appui à l’égard des nouvelles infractions proposées en matière d’IÉ et de la modernisation de l’infraction de sabotage, ainsi qu’un appui envers l’augmentation de la peine pour l’infraction relative aux actes préparatoires en vertu de la LPI et à l’élargissement de son application à d’autres infractions à la LPI. Bien qu’il y ait eu moins de commentaires sur les mesures liées à la protection et à l’utilisation de renseignements relatifs à la sécurité nationale dans les procédures judiciaires, des appels généraux ont été lancés en faveur d’une rationalisation des processus. Il y avait des points de vue divergents sur les détails de la lutte contre l’IÉ, mais il y avait un consensus général sur la nécessité d’intensifier les efforts pour lutter contre l’IÉ et de moderniser notre boîte à outils pour faire face aux menaces actuelles et futures tout en minimisant les excès et les retards.
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