Fiche d’information : le processus de mise en liberté sous caution
Le système canadien de mise en liberté sous caution favorise la sécurité du public, préserve la confiance envers l’administration de la justice et assure le respect de la Charte canadienne des droits et libertés. Il s’agit d’une composante importante du système de justice pénale.
Pour en savoir plus sur le fonctionnement de notre système de mise en liberté sous caution, lisez ce qui suit.
1. Qu’est-ce que la mise en liberté sous caution et quel est son but?
On parle de mise en liberté sous caution lorsqu’une personne inculpée d’une infraction criminelle est remise en liberté dans l’attente de son procès. La remise en liberté peut ou non être assortie de conditions auxquelles la personne doit se conformer pendant toute la durée de sa liberté sous caution. Ce ne sont pas toutes les personnes inculpées d’un crime qui bénéficient d’une mise en liberté sous caution.
La mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable est un droit constitutionnel garanti par la Charte canadienne des droits et libertés. Le droit relatif à la mise en liberté sous caution doit être interprété dans ce contexte.
Aujourd’hui, le droit relatif à la mise en liberté sous caution, tel qu’il est énoncé dans le Code criminel, poursuit trois objectifs principaux :
- s’assurer que les personnes inculpées d’une infraction comparaissent devant le tribunal, lorsque leur présence est requise;
- maintenir la sécurité publique en évaluant et en gérant les risques potentiels associés à la mise en liberté d’une personne prévenue;
- préserver la confiance du public envers le système de justice.
Lorsque la police détient une personne prévenue, la décision d’accorder une mise en liberté sous caution est prise par un juge ou un juge de paix lors d’une audience sur la mise en liberté sous caution. Il s’agit d’une procédure judiciaire dans le cadre de laquelle le tribunal (un juge ou un juge de paix) décide si, compte tenu des objectifs susmentionnés, une personne doit être libérée sous caution ou détenue jusqu’à son procès.
Les personnes mises en liberté sous caution sont habituellement assujetties à des conditions de mise en liberté adaptées à leur situation ou à leur cas particulier. Ces conditions visent à atténuer les risques spécifiques que leur remise en liberté pose pour le public ou pour des personnes en particulier. À titre d’exemple, la personne remise en liberté pourrait se voir imposer une « assignation à résidence » exigeant qu’elle demeure chez elle en tout temps jusqu’à son procès, excepté dans certaines circonstances bien précises.
2. Ce que dit la Charte canadienne des droits et libertés au sujet de la mise en liberté sous caution
Selon la Charte, toutes les personnes prévenues ont droit à la liberté et sont présumées innocentes tant qu’elles ne sont pas déclarées coupables. Cela signifie qu’une personne inculpée d’une infraction ne peut être privée sans juste cause d’une mise en liberté assortie d’un cautionnement raisonnable.
Le droit pénal canadien s’articule autour de ce principe. La notion de « juste cause » exige de déterminer si la détention est nécessaire pour garantir la présence de la personne prévenue devant le tribunal, pour assurer la sécurité du public, y compris les victimes, ou pour préserver la confiance du public envers l’administration de la justice.
3. La mise en liberté sous caution est une responsabilité partagée
La responsabilité du système de justice pénale du Canada est partagée entre les provinces et territoires et le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral est responsable de la mise en œuvre de la procédure pénale et de l’adoption des lois en matière criminelle – y compris les dispositions du Code criminel qui régissent le droit relatif à la mise en liberté sous caution – et des poursuites pénales relatives à l’ensemble des infractions aux lois fédérales (autres que le Code criminel), à certaines infractions prévues au Code criminel et à toutes les infractions commises dans les territoires.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux sont responsables de l’administration (la gestion) de la justice. Les provinces sont responsables des poursuites relatives à la plupart des infractions criminelles qui relèvent de leur compétence, de la tenue d’audiences sur la mise en liberté sous caution relativement à ces infractions et de l’application des conditions imposées aux personnes mises en liberté sous caution, y compris lorsqu’il y a non-respect de ces conditions.
4. Ce que dit la Cour suprême du Canada au sujet de la mise en liberté sous caution
La Cour suprême du Canada (CSC) est le plus haut tribunal au Canada. Ses décisions sont d’une importance capitale pour le droit canadien, car elles garantissent que les lois adoptées par le Parlement, y compris le Code criminel, respectent la Charte.
La CSC a récemment donné des directives importantes sur la mise en liberté sous caution et les considérations pertinentes liées à la Charte.
La CSC a souligné dans l’arrêt St-Cloud (2015) qu’« en droit canadien, la règle cardinale est la mise en liberté de l’accusé et la détention, l’exception ».
Dans les arrêts Antic (2017) et Zora (2020), la CSC a statué que pour la plupart des crimes allégués, la mise en liberté sous caution à la première occasion raisonnable, assortie de conditions minimales, est la forme de mise en liberté qui s’impose par défaut.
Ces arrêts établissent clairement que les principes s’appliquent parallèlement aux motifs de détention et ne les remplacent pas. Cela signifie que la détention demeure une option lorsqu’il peut être établi qu’il existe une « juste cause » d’y recourir et qu’il n’y a pas d’autres moyens appropriés de remédier aux risques associés à la mise en liberté de la personne prévenue, tels que le risque de fuite, le risque pour la sécurité du public ou le risque de miner la confiance du public envers l’administration de la justice.
5. Fonctionnement de la mise en liberté sous caution en vertu du Code criminel
Quelle est la procédure de mise en liberté sous caution après l’arrestation?
Rôle de la police
Après avoir arrêté initialement une personne pour une infraction criminelle, les policiers ont également, dans la plupart des cas, le pouvoir de détenir ou de libérer la personne prévenue inculpée d’une infraction.
Un policier peut libérer une personne prévenue avec ou sans conditions, pourvu que la personne prévenue comprenne qu’elle doit comparaître devant le tribunal à une date ultérieure pour répondre de ce dont elle est accusée.
Les policiers sont tenus de maintenir une personne prévenue sous garde s’ils estiment que la détention est nécessaire pour assurer la sécurité du public ou qu’il existe un risque que la personne commette une nouvelle infraction.
Il existe également un certain nombre d’infractions, comme le meurtre, pour lesquelles les policiers ne peuvent pas remettre une personne prévenue en liberté et doivent plutôt la conduire devant un tribunal pour une audience sur la mise en liberté sous caution.
Audience sur la mise en liberté sous caution
Si une personne prévenue n’est pas libérée par la police, elle doit être amenée devant le tribunal pour une audience sur la mise en liberté sous caution. Le tribunal (un juge ou un juge de paix) décide, selon la preuve et les observations des parties, s’il convient de détenir la personne prévenue ou de la mettre en liberté, avec ou sans conditions.
La Cour examine la preuve présentée par la poursuite dans l’optique d’assurer la sécurité du public, ainsi que celle des victimes ou des témoins. Il peut s’agir de renseignements sur la gravité de l’accusation ou sur la question de savoir s’il y a eu violence ou usage d’armes ou d’armes à feu, ou de détails concernant le comportement criminel antérieur de la personne prévenue.
La police et les tribunaux doivent également tenir compte, avant de prendre une décision quant à la mise en liberté sous caution, de la question de savoir si la personne prévenue est autochtone ou appartient à un groupe surreprésenté dans le système de justice pénale et si elle est défavorisée en ce qui a trait à l’obtention d’une mise en liberté sous caution en raison de la discrimination systémique, des conséquences de cette discrimination ou d’autres facteurs. Cette considération reflète les décisions de la Cour suprême du Canada quant à la surreprésentation de certains groupes dans le système de justice pénale, en particulier les personnes autochtones, qui sont également plus susceptibles de se voir refuser une mise en liberté sous caution.
Refus d’accorder une mise en liberté sous caution
Le Code criminel énonce les trois motifs pour lesquels une personne prévenue peut se voir refuser une mise en liberté sous caution :
- assurer sa présence au tribunal, lorsqu’une comparution est nécessaire (le « motif principal »);
- protéger le public, les victimes et les témoins, selon qu’il est probable ou non que la personne prévenue commette une nouvelle infraction ou nuise à l’administration de la justice si elle est mise en liberté (le « motif secondaire »);
- maintenir la confiance envers l’administration de la justice, eu égard aux circonstances entourant l’infraction, telles que le fait que l’accusation paraît fondée, la gravité de l’infraction, la fourchette des peines qui s’applique à l’infraction et la question de savoir si une arme à feu a été utilisée (le « motif tertiaire »).
Le fardeau de la preuve dans les procédures de mise en liberté sous caution
En règle générale, lorsqu’un procureur de la Couronne demande la détention (mise en liberté sous caution refusée) d’une personne prévenue, il doit démontrer à la Cour qu’il existe une juste cause (c.-à-d. des motifs suffisants) de maintenir la personne prévenue sous garde.
Il s’agit du « fardeau » dont la Couronne doit s’acquitter, c’est-à-dire qu’il lui incombe de démontrer que la personne prévenue ne devrait pas se voir accorder une mise en liberté sous caution. La Couronne doit uniquement démontrer qu’un refus est justifié au titre de l’un des trois motifs susmentionnés pour que la personne prévenue soit maintenue sous garde.
Toutefois, le Code criminel prévoit également que dans certaines circonstances, comme lorsqu’une personne prévenue est inculpée d’infractions plus graves comme le meurtre ou l’agression sexuelle avec une arme à feu, le fardeau de la preuve passe de la poursuite à la personne prévenue. C’est ce que l’on appelle une « inversion du fardeau de la preuve ». Dans une situation où le fardeau de la preuve est inversé, la présomption est que la personne prévenue doit être maintenue sous garde dans l’attente de son procès, à moins qu’elle ne puisse démontrer au tribunal qu’il n’existe aucun motif valable justifiant sa détention et qu’il y a lieu de lui accorder une mise en liberté sous caution. La décision d’accorder ou non une mise en liberté sous caution est prise par un juge ou un juge de paix.
Il y a inversion du fardeau de la preuve lorsque la personne prévenue est inculpée d’une infraction impliquant une conduite qui est considérée comme grave et particulièrement préoccupante du point de vue du public, comme :
- un meurtre ou une tentative de meurtre;
- un acte criminel commis alors que la personne prévenue était en liberté sous caution pour un autre acte criminel (un acte criminel est la catégorie d’infraction criminelle la plus grave);
- un acte criminel (si la personne prévenue ne réside pas habituellement au Canada);
- le trafic, l’importation ou l’exportation de stupéfiants;le trafic d’armes, la possession d’armes en vue d’en faire le trafic, l’importation/exportation non autorisée d’une arme ou d’une arme à feu, la décharge d’une arme à feu avec une intention particulière, la décharge d’une arme à feu avec insouciance;
- les infractions présumées avoir été commises avec une arme à feu, telle une agression sexuelle, en menaçant une tierce partie ou en causant des lésions corporelles, une agression sexuelle grave, un enlèvement, une prise d’otages, un vol qualifié ou une extorsion;
- les actes criminels présumés impliquer l’usage d’armes à feu ou d’autres armes commis par une personne prévenue visée par une interdiction de possession d’armes;
- les infractions relatives aux organisations criminelles et au terrorisme;
- certains types de récidive, comme les situations où la personne prévenue est accusée de défaut de comparaître ou de se conformer à une ordonnance ou à une sommation liée à sa mise en liberté;
- une infraction de violence envers un partenaire intime lorsque la personne prévenue a déjà été déclarée coupable d’une telle infraction (introduite dans l’ancien projet de loi C-75).
6. Conditions de mise en liberté sous caution
Lorsqu’une personne prévenue est mise en liberté sous caution, le tribunal peut imposer des conditions que celle-ci doit respecter. L’imposition de conditions vise à atténuer les risques posés par la personne prévenue et à s’assurer qu’elle ne commet pas de nouvelles infractions criminelles en attendant son procès.
a. Quels types de conditions de mise en liberté sous caution peuvent être imposées?
Le « principe de l’échelle » est un principe établi de longue date qui a été reconnu à maintes reprises par les tribunaux, y compris la Cour suprême du Canada. Il s’agit d’une approche qui vise à aider le juge ou le juge de paix à déterminer le niveau de restrictions qui devrait être imposé à une personne prévenue si celle-ci est libérée en attendant son procès. Cette approche repose sur la prémisse voulant que les tribunaux doivent imposer les conditions les moins restrictives qui sont nécessaires pour atténuer les risques particuliers posés par la personne prévenue. Plus une personne prévenue pose des risques pour la société, plus sa liberté sera restreinte (et plus elle montera dans l’échelle).
Voici des exemples de conditions qui peuvent être imposées :
- Se présenter au tribunal conformément aux directives;
- Faire rapport à un agent de la paix;
- Demeurer à l’intérieur d’un territoire de compétence précis;
- Notifier tout changement d’adresse ou d’emploi;
- Remettre son passeport (impossibilité de voyager);
- Avoir une caution (une personne qui accepte d’agir à titre de superviseur de la personne prévenue pendant sa liberté dans la collectivité);
- Ne pas avoir en sa possession ni utiliser un appareil permettant d’accéder à Internet;Être assigné à résidence ou respecter un couvre-feu, sauf avec la permission écrite d’une personne désignée, comme un agent de probation ou une caution chargée de surveiller la personne prévenue pendant sa liberté sous caution;
- Porter un dispositif de surveillance électronique, comme un bracelet à la cheville.
Pour répondre aux préoccupations liées à la sécurité du public, le tribunal doit imposer ou envisager d’imposer des conditions particulières dans certaines circonstances, par exemple :
- une condition interdisant à la personne prévenue d’avoir en sa possession une arme à feu, une arbalète, une arme prohibée, une arme à autorisation restreinte, un dispositif prohibé, des munitions ou une substance explosive ou l’ensemble de ces objets, sauf si le tribunal estime qu’une telle condition n’est pas nécessaire pour assurer la sécurité de la personne prévenue, d’une victime ou de toute autre personne;
- une condition interdisant à la personne prévenue de communiquer avec une victime, un témoin ou une autre personne désignée dans l’ordonnance, si une telle condition est souhaitable;
- une condition interdisant à la personne prévenue de se rendre à un endroit spécifié dans l’ordonnance (p. ex., l’endroit où l’infraction a été commise ou l’endroit où la victime vit), s’il est dans l’intérêt de la sécurité de la victime, d’un témoin, d’un intervenant du système judiciaire ou de toute autre personne d’imposer une telle condition.
b. Quelles sont les conséquences du non-respect des conditions de mise en liberté sous caution (c.-à-d. un manquement aux conditions)?
Une personne prévenue qui enfreint ses conditions de mise en liberté sous caution peut voir sa mise en liberté révoquée. Il peut être remis sous garde, puis devoir revenir devant le tribunal pour établir pourquoi il ne devrait pas rester en détention jusqu’à son procès. Un manquement aux conditions de mise en liberté sous caution peut souvent entraîner une nouvelle accusation criminelle pour ce manquement et faire en sorte qu’il sera plus difficile pour cette personne d’obtenir une mise en liberté sous caution dans l’avenir.
7. Pourquoi des changements ont-ils été apportés à notre système de mise en liberté sous caution en 2019?
Ancien projet de loi C-75 – Modifications à la mise en liberté sous caution
Le Code criminel a été modifié en 2019 afin de clarifier le droit relatif à la mise en liberté sous caution et accroître l’efficience des procédures relatives à la mise en liberté sous caution. Ces modifications ont fait l’objet d’un débat et d’un vote au Parlement, et elles ont été éclairées par de vastes consultations avec les provinces et les territoires. Dans le cadre de ces consultations, les provinces et les territoires ont soulevé des problèmes de retards dans le système de justice pénale et ont convenu de la nécessité d’opérer une réforme ciblée du droit pénal.
Les modifications donnent également suite aux directives de la Cour suprême du Canada sur la mise en liberté sous caution. Le Code criminel a été modifié afin de moderniser le régime de mise en liberté sous caution, tout en assurant la sécurité du public et en aidant à préserver la confiance du public envers le système de justice pénale.
Ces réformes du Code criminel avaient pour objectifs de :
- rationnaliser le processus de mise en liberté sous caution en élargissant les types de conditions que la police peut imposer à une personne prévenue pour éviter d’envoyer aux tribunaux des dossiers qui ne nécessitent pas leur intervention;
- fournir des directives aux policiers sur la nécessité d’imposer des conditions raisonnables, pertinentes et nécessaires adaptées à l’infraction et conformes aux principes de la mise en liberté sous caution;
- codifier un « principe de retenue » qui existe en common law pour la police et les tribunaux de façon à garantir qu’on favorise la mise en liberté à la première occasion plutôt que la détention, lorsque la mise en liberté est appropriée, et que les conditions de mise en liberté sous caution sont raisonnables, adaptées à l’infraction et nécessaires pour assurer la sécurité du public;
- clarifier que la situation des personnes prévenues autochtones et des personnes prévenues issues d’autres populations vulnérables doit être prise en compte aux fins de la mise en liberté sous caution afin d’atténuer les répercussions disproportionnées du système de mise en liberté sous caution sur ces populations.
Lutter contre la violence envers un partenaire intime et les récidivistes
Le Code criminel a également été modifié de façon à réformer la mise en liberté sous caution dans le cas des personnes prévenues inculpées d’une infraction de violence envers un partenaire intime et à s’assurer que les tribunaux connaissent les antécédents criminels de la personne prévenue avant de rendre une décision sur la mise en liberté sous caution. Plus précisément, les modifications ont permis de :
- inverser le fardeau de la preuve dans le cas des personnes prévenues inculpées d’une infraction de violence envers un partenaire intime qui demandent une mise en liberté sous caution, si elles ont déjà été déclarées coupables d’une telle infraction.
- exiger des tribunaux qu’ils tiennent compte, au moment de décider s’il convient de mettre la personne prévenue en liberté sous caution ou de lui imposer des conditions de mise en liberté, a) de la question de savoir si la personne prévenue est inculpée d’une infraction au cours de laquelle il y a eu violence, menace de violence ou tentative de violence envers un partenaire intime; et b) de la question de savoir si la personne prévenue a déjà été déclarée coupable d’une infraction criminelle.
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