Contexte législatif : aide médicale à mourir (projet de loi C-14)

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Le projet de loi C-14, la loi sur l’aide médicale à mourir, a reçu la sanction royale le 17 juin 2016. Pour de plus amples renseignements, consultez canada.ca/sante.

Partie 1 – Description du texte législatif proposé sur l’aide médicale à mourir

L'élaboration du texte législatif proposé sur l'aide médicale à mourir (projet de loi C-14) se fonde sur les éléments de preuve déposés devant toutes les instances de l'affaire CarterNote de bas de page 14, des travaux de recherche, des études en sciences sociales, des études parlementaires et des rapports gouvernementaux canadiens et internationaux Note de bas de page 15. Le texte législatif se fonde également sur l'expérience de régimes internationaux existants, ainsi que sur de nombreuses activités récentes de consultation sur l'aide médicale à mourir, notamment le travail du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourirNote de bas de page 16, du Comité externe sur les options de réponse législative à Carter c CanadaNote de bas de page 17, du Groupe consultatif provincial-territorial d'experts sur l'aide médicale à mourirNote de bas de page 18, de l'Association médicale canadienneNote de bas de page 19, du Collège des médecins de famille du CanadaNote de bas de page 20, et celui des collèges provinciaux de médecins et chirurgiens.

Le projet de loi C-14 établirait un équilibre approprié entre, d’une part, l’autonomie des personnes qui désirent obtenir une aide médicale à mourir et, d’autre part, les intérêts des personnes vulnérables et ceux de la société, au moyen de modifications au Code criminel visant à permettre aux médecins et aux infirmiers praticiens d’offrir une telle aide aux personnes admissibles en conformité avec les mesures de sauvegarde prévues. Ce nouveau texte législatif aurait juridiquement pour effet de décriminaliser l’aide médicale à mourir et de laisser la réglementation complémentaire de la pratique aux provinces et aux territoires (PT), s’ils choisissent de le faire. L’aide médicale à mourir comporte des aspects qui relèvent à la fois de la compétence fédérale et provinciale. Les aspects de l’aide médicale à mourir qui ont trait au droit criminel relèvent exclusivement de la compétence fédérale et s’appliqueraient de façon uniforme à travers le Canada. Les PT peuvent légiférer relativement aux aspects de l’aide médicale à mourir qui ont trait aux soins de santé dans la mesure où la législation PT n’entre pas en conflit avec le droit criminel. Du point de vue fédéral, un niveau raisonnable de conformité entre les provinces et territoires appuierait les valeurs et les principes sous-jacents de la Loi canadienne sur la santé, c’est-à-dire que tous les Canadiens et Canadiennes devraient avoir accès aux soins de santé dont ils ont besoin, ce qui pourrait comprendre les soins relatifs à l’aide médicale à mourir, sans obstacle financier ou autre.

I. Objectifs législatifs

Les objectifs du texte législatif proposé sur l'aide médicale à mourir sont expressément énoncés dans le préambule du projet de loi C-14 et visent notamment :

Les objectifs législatifs énoncés dans le préambule traitent des circonstances dans lesquelles l'aide médicale à mourir serait accessible, mais traitent aussi des motifs pour lesquels l'accès à une telle aide ne serait pas permis dans d'autres circonstances. Par exemple, l'objectif visant à reconnaître que le suicide constitue un enjeu de santé publique important aide à expliquer pourquoi l'aide médicale à mourir n'est pas envisagée actuellement pour les personnes qui ne sont pas à l'approche d'une mort naturelle. Le fait de permettre l'aide médicale à mourir dans des circonstances où une personne ne s'approche pas d'une mort naturelle pourrait être perçu comme portant atteinte aux initiatives en matière de prévention du suicide, et comme normalisant la mort en tant que solution à de nombreuses formes de souffrances.

Ceci dit, le préambule reconnaît également que le gouvernement du Canada s'est engagé à explorer d'autres circonstances dans lesquelles une personne pourrait vouloir une aide médicale à mourir, à savoir les demandes faites par des mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Ces circonstances sont complexes et doivent faire l'objet d'études et d'examens complémentaires. Par ailleurs, le préambule affirme que le gouvernement s'est engagé à soutenir les principes prévus à la Loi canadienne sur la santé et à élaborer des mesures non législatives pour soutenir l'amélioration des soins de fin de vie au Canada. À cet égard, la ministre de la Santé travaillera avec les provinces et territoires en vue d'élaborer un mécanisme de coordination des soins de fin de vie en vue d'offrir de l'information sur les options existantes et de faciliter l'accès des patients aux soins.

II. Définitions

Le projet de loi édicterait de nouvelles définitions dans le Code criminel aux fins du régime national d'aide médicale à mourir (voir Annexe 1 pour le Guide de l'analyse article par article du projet de loi C-14). Le nouvel article 241.1 proposé (article 3 du projet de loi) constitue une disposition centrale de ce régime en ce qu'il définirait le terme général « aide médicale à mourir » comme englobant ce que l'on appelle communément l'euthanasie volontaire (c.-à-d. l'administration par un médecin ou un infirmier praticien d'un médicamentNote de bas de page 21 causant la mort d'une personne à sa demande) et l'aide au suicide (c.-à-d. lorsqu'un médecin ou un infirmier praticien prescrit ou fournit un médicament à la demande d'une personne, afin qu'elle puisse se l'administrer et ainsi se donner la mort). Dans le cas de ce que l'on appelle communément l'euthanasie volontaire, il est à signaler que la prestation de l'aide médicale à mourir entraînerait directement la mort d'un individu, alors que dans le cas de l'aide au suicide, la prestation de l'aide médicale à mourir permettrait à l'individu d'obtenir un médicament qu'il pourrait choisir d'utiliser – ou non – pour se donner la mort. Cette différence serait reflétée dans les nouvelles exemptions criminelles exposées ci-après.

En ce qui concerne les professionnels de la santé, qui relèvent de la responsabilité des provinces et territoires, le nouvel article 241.1 définirait les termes « médecin » et « pharmacien » comme étant les personnes autorisées par le droit d'une province à exercer la médecine ou la pharmacologie (par ex., des professionnels agréés membres de collèges provinciaux de médecins et chirurgiens ou collèges provinciaux de pharmaciens)Note de bas de page 22. Même si en anglais, le terme « physician » ou « doctor » est plus clair, le terme « medical practitioner » est déjà utilisé à plusieurs endroits dans le Code criminel, et il est donc adopté en vue d'assurer l'uniformité du Code criminel. Le terme « infirmier praticien » est défini dans le projet de loi comme un infirmier agréé à titre d'infirmier praticien, ou toute autre appellation équivalente, qui peut poser des diagnostics, interpréter des tests de diagnostic, prescrire des médicaments et traiter des individus.

Exemptions de responsabilité criminelle

Homicide coupable

Le fait de causer intentionnellement la mort d'une autre personne même si celle-ci consent à mourir (article 14 du Code criminel) constitue un crime. Le projet de loi édicterait donc une nouvelle exemption de responsabilité criminelle à l'égard de l'homicide coupable pour les médecins ou les infirmiers praticiens qui offrent une aide médicale à mourir sous la forme de ce que l'on appelle communément l'euthanasie volontaire, c'est-à-dire l'administration d'un médicament causant la mort d'une personne à sa demande (nouveau paragraphe 227(1) du Code criminel, à l'article 2 du projet de loi). Le projet de loi créerait aussi une exemption additionnelle et connexe pour toute personne qui accomplit quelque chose en vue d'aider un médecin ou un infirmier praticien à fournir une aide médicale à mourir. Cette dernière catégorie comprendrait, par exemple, un travailleur social qui rencontre un individu pour aider à évaluer le caractère volontaire de sa demande, un avocat auprès d'un hôpital qui examine des documents pour vérifier le respect de la loi, ou un pharmacien qui remplit une ordonnance pour le médicament devant être administré à un individu par un médecin ou un infirmier praticien.

Le projet de loi réédicterait également la règle juridique (article 14 du Code criminel – article 1 du projet de loi) qui précise que le consentement à la mort donné par une personne ne constitue pas un moyen de défense pour quiconque lui inflige la mort. Dans Carter, cette règle a été jugée inconstitutionnelle. Parallèlement, le projet de loi préciserait que cette règle juridique ne s'applique pas à une personne qui consent à ce que la mort lui soit infligée au moyen de l'aide médicale à mourir en conformité avec le nouveau régime (nouveau paragraphe 227(4) du Code criminel– article 2 du projet de loi). Dans toute autre circonstance, le fait de causer la mort d'une personne qui a donné son consentement à mourir serait toujours un acte criminel.

Aider une personne à se donner la mort

Le fait d'aider une personne à se suicider, que le suicide s'ensuive ou non (alinéa 241b) du Code criminel), constitue également un crime. Cette aide peut notamment comprendre la prestation de renseignements sur les façons de mettre fin à sa vie ou la fourniture d'un dispositif ou d'autres moyens qui pourraient être utilisés à cette fin. Le projet de loi édicterait des exemptions de responsabilité criminelle pour l'infraction consistant à aider une personne à se donner la mort pour les médecins, les infirmiers praticiens et les personnes qui les aideraient à fournir ou à remettre un médicament aux individus admissibles. Ces individus pourraient s'administrer le médicament pour se donner la mort, soit à ce moment précis, soit à un autre moment qui leur convient (nouveaux paragraphes 241(2) et 241(3) du Code criminel – article 3 du projet de loi).

Le projet de loi reconnaît qu'une personne, après avoir reçu l'ordonnance du médecin ou de l'infirmier praticien (qui respecte la définition de l'aide médicale à mourir dans le Code criminel expliquée ci-dessus), pourrait encore avoir besoin de diverses autres formes d'aide selon son état de santé. Par exemple, un individu pourrait avoir besoin de quelqu'un pour aller chercher le médicament à la pharmacie, pour ouvrir le flacon qui contient le médicament ou porter un verre d'eau à sa bouche pour lui permettre de l'avaler. Puisque ces formes de comportements sont interdites au titre de l'infraction consistant à aider une personne à se donner la mort, des exemptions additionnelles sont prévues dans le projet de loi pour cibler ce type d'aide.

Tout particulièrement, un pharmacien qui exécute une ordonnance aux fins de l'aide médicale à mourir et remet directement le médicament à la personne ou à une autre personne pour ce dernier, serait également exempté de toute responsabilité (nouveau paragraphe 241(4) – article 3 du projet de loi). De même, quiconque accomplit quelque chose en vue d'aider une personne à s'administrer le médicament serait aussi exempté de responsabilité criminelle (nouveau paragraphe 241(5) – article 3 du projet de loi). Toute personne en aidant une autre à s'administrer le médicament devrait faire preuve d'une extrême prudence, puisque la décision, de même que les actes ultimes à cette fin, doivent être ceux de la personne pour qui le médicament a été prescrit. Dans toute autre circonstance, il existerait toujours un risque de poursuite criminelle. 

Enfin, le projet de loi réédicterait l'infraction consistant à aider une personne à se donner la mort, et ce comportement serait toujours un acte criminel dans toutes les circonstances autre que celles décrites dans le régime d'aide médicale à mourir en vertu du Code criminel.

« Croyance raisonnable, mais erronée »

Pour plus de précision, le projet de loi codifierait un principe de common law précisant que les exemptions s'appliqueraient même si le médecin ou l'infirmier praticien, ou autre personne bénéficiant d'une exemption, a une croyance raisonnable, mais erronée, à l'égard de tout fait pertinent; par exemple, à savoir si la personne est âgée de 18 ans et est donc admissible à recevoir une aide médicale à mourir (nouveaux paragraphes 227(3) et 241(6) aux articles 2 et 3 du projet de loi). Ces dispositions fonctionneraient essentiellement comme une défense de « bonne foi » pour les personnes qui participent à l'aide médicale à mourir. 

IV. Critères d'admissibilité pour l'aide médicale à mourir

Le projet de loi C-14 édicterait dans le Code criminel un nouvel article 241.2 qui énonce essentiellement les règles en matière pénale entourant la prestation de l'aide médicale à mourir. Les nouveaux paragraphes 241.2(1) et 241.2(2) énonceraient les critères d'admissibilité à l'égard de l'aide médicale à mourir au Canada. Aux termes du texte législatif, seule la personne qui satisfait à toutes les conditions suivantes pourrait obtenir une aide médicale à mourir (paragraphe 241.2(1)) :

Aux termes du projet de loi, une personne est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables lorsqu'à la fois (paragraphe 241.2(2)) :

Les critères d'admissibilité proposés permettraient aux personnes qui éprouvent des souffrances intolérables, dont la situation médicale se caractérise par un déclin avancé et irréversible de capacités, et qui sont sur une trajectoire menant à une mort naturelle, d'avoir l'option d'une mort paisible avec aide médicale, plutôt qu'une mort douloureuse, prolongée ou portant atteinte à leur dignité. Ces critères leur permettraient de prendre des décisions fondamentales concernant leur intégrité, autonomie et dignité corporelles, ce qui pourrait également les empêcher de mettre fin prématurément à leur vie en leur donnant l'assurance qu'elles auraient accès à l'aide médicale à mourir à un moment où elles pourraient ne plus être en mesure de mettre fin à leur vie sans assistance. Les individus devraient être en mesure de donner un consentement éclairé au moment de l'évaluation des critères d'admissibilité et de confirmer leur consentement une dernière fois avant la prestation de l'aide médicale à mourir.

Dans Carter, la Cour a explicitement indiqué que la portée de sa déclaration est « censée s'appliquer aux situations de fait que présente l'espèce »Note de bas de page 23 et qu'elle ne se prononçait pas « sur d'autres situations où l'aide médicale à mourir peut être demandée »Note de bas de page 24. Les critères d'admissibilité proposés permettraient de répondre aux « circonstances factuelles » soulevées dans Carter. Les personnes dont le dossier était considéré par la Cour étaient soit dans un déclin physique et à l'approche de la mort, à un stade avancé d'une maladie mortelle, soit à l'approche de la mort dans un état de déclin causé par une maladie non mortelle. Cette approche serait également compatible avec la comparaison faite par la Cour entre l'aide médicale à mourir et d'autres formes de soins de fin de vieNote de bas de page 25, c'est-à-dire que l'aide médicale à mourir deviendrait une autre option de fin de vie, venant s'ajouter aux soins palliatifs et à la sédation palliative par exemple, pour des individus éprouvant des souffrances intolérables dont la mort est raisonnablement prévisible. La Cour a aussi reconnu que l'aide à mourir est une question complexe qui soulève un nombre de valeurs, que plusieurs solutions étaient possibles et qu'une grande déférence serait accordée à la réponse du législateurNote de bas de page 26 (voir Annexe B pour plus d'information).

Le critère de la prévisibilité raisonnable de la mort vise à exiger un lien temporel, mais flexible, entre l'ensemble de la situation médicale de la personne et son décès anticipé. Puisque certains problèmes de santé causent un déclin irréversible des capacités et de longues souffrances avant la mort, le critère d'admissibilité proposé n'imposerait pas d'exigence particulière quant au pronostic et à la proximité de la mort (par ex., dans les quatre États américains où existent des lois sur l'aide médicale à mourir, un pronostic de six mois est requis). De plus, la condition médicale causant les souffrances intolérables n'aurait pas à constituer la cause de la mort raisonnablement prévisible. En d'autres mots, l'admissibilité ne serait pas limitée aux personnes qui se meurent d'une maladie mortelle. L'admissibilité serait évaluée au cas par cas, avec la souplesse nécessaire pour tenir compte du caractère unique de la situation de chaque personne, mais quand même avec des limites exigeant que la mort naturelle soit prévisible au cours d'une période qui n'est pas trop éloignée. Il faut signaler que les personnes atteintes d'une maladie mentale ou d'un handicap physique ne seraient pas exclues du régime, mais elles ne pourraient avoir accès à l'aide médicale à mourir que si elles remplissent tous les critères d'admissibilité.

Le fait que la personne doive être admissible à recevoir des soins de santé financés par l'État vise à empêcher des étrangers de visiter le Canada pour obtenir une aide médicale à mourir.

V. Mesures de sauvegarde  

Dans Carter, la Cour a reconnu les risques inhérents à l'autorisation de l'aide médicale à mourir, mais a souscrit à l'opinion de la juge de première instance et affirmé que ces risques « peuvent être reconnus et réduits considérablement dans un régime soigneusement conçu, qui impose des limites scrupuleusement surveillées et appliquées »Note de bas de page 27. Comme c'est le cas dans d'autres pays ou États ayant l'aide médicale à mourir, la mise en place de garanties procédurales solides constitue une composante primordiale d'un régime d'aide médicale à mourir soigneusement conçu, et est essentielle en vue d'éviter les erreurs et les abus, et de protéger les personnes vulnérables.

En conformité avec la décision de la Cour et les recommandations du Comité mixte spécial à l'égard des mesures de sauvegarde, le projet de loi C-14 édicterait des mesures de sauvegarde que les médecins et les infirmiers praticiens seraient tenus de respecter avant d'offrir une aide médicale à mourir à un individu. Ces mesures exigeraient que le médecin ou l'infirmier praticien respecte les conditions suivantes : confirmer que la personne satisfait à tous les critères d'admissibilité; s'assurer que la personne a consigné sa demande par écrit après avoir été avisée que sa mort naturelle est raisonnablement prévisible, et être convaincu que cette demande a été signée et datée en présence de deux témoins indépendants; s'assurer que la personne a été informée qu'elle peut retirer sa demande en tout temps; s'assurer que l'avis écrit d'un deuxième médecin ou d'un infirmier praticien indépendant a été obtenu pour confirmer l'admissibilité de la personne; s'assurer du respect d'un délai d'au moins quinze jours entre le jour où la demande écrite est signée et celui où l'aide médicale à mourir est fournie (à moins que les deux praticiens jugent que la mort de la personne ou la perte de sa capacité à consentir est imminente); et, immédiatement avant de fournir l'aide médicale à mourir, confirmer le consentement de la personne en lui donnant une dernière possibilité de retirer son consentement.

Pour être considéré comme indépendant, le témoin ne pourrait notamment être bénéficiaire de la succession testamentaire de la personne ou recevoir autrement un avantage découlant de la mort de la personne, ou participer directement à la prestation des services de soins de santé de la personne (nouveau paragraphe 241.2(5) – article 3 du projet de loi). En ce qui a trait à l'indépendance du premier médecin ou infirmier praticien à l'égard du deuxième médecin ou infirmier praticien, le projet de loi prévoit que ces personnes ne pourraient être liées d'une façon qui porterait atteinte à leur objectivité, notamment en étant dans une relation d'affaires ou dans une relation de mentorat. Ils devraient également être indépendants à l'égard du patient en ce sens qu'ils ne pourraient être bénéficiaires de sa succession testamentaire ou être liés à ce dernier d'une façon qui puisse porter atteinte à leur objectivité (nouveau paragraphe 241.2(6)). Cependant, le texte législatif prévoit clairement que la compensation normale pour la prestation des services médicaux n'aurait pas d'incidence sur l'indépendance du médecin ou de l'infirmier praticien. 

Le projet de loi prévoit qu'un individu qui ne peut signer sa demande d'aide médicale à mourir pourrait demander à un adulte capable, qui ne participe pas directement à la prestation de services de soins de santé de celui-ci, de signer et de dater sa demande, à sa place et en sa présence (nouveau paragraphe 241.2(4)).

Enfin, en vue d'être en mesure de faire valoir l'exemption, le médecin ou l'infirmier praticien devrait être en mesure de fournir l'aide avec la connaissance, les soins et l'habileté raisonnables, et ce, en conformité avec les lois, règles ou normes provinciales applicables (nouveau paragraphe 241.2(7)), et devrait aviser le pharmacien lorsqu'il demande ou prescrit un médicament aux fins de l'aide médicale à mourir (nouveau paragraphe 241.2(8)).

VI. Système de surveillance

Tel que reconnu par la Cour dans Carter, le Comité mixte spécial dans son rapport, et plusieurs parties prenantes, une composante essentielle du nouveau régime serait la mise en place d'un système pancanadien de surveillance. Celui-ci permettrait de recueillir et d'analyser des données sur la prestation de l'aide médicale à mourir à travers le Canada, de suivre les tendances et de présenter publiquement des renseignements sur la mise en œuvre des nouvelles dispositions législatives. Un tel régime serait essentiel pour favoriser la transparence et la confiance du public envers le système.

Pouvoir de réglementation  

Le texte législatif proposé créerait, pour la ministre de la Santé, un pouvoir d'adopter des règlements afin d'établir un système de surveillance des demandes et de la prestation de l'aide médicale à mourir au Canada. Ces règlements pourraient notamment porter sur : les renseignements qui doivent être fournis par le médecin ou l'infirmier praticien à un organisme désigné; la forme, la façon et les circonstances selon lesquelles les renseignements doivent être fournis; les modalités concernant l'analyse, l'interprétation et la publication des données; et les règles sur la protection et la destruction de ces renseignements (nouveau paragraphe 241.31(3) – article 4 du projet de loi). Dans le cadre de l'élaboration des règlements, la ministre de la Santé tiendrait des consultations avec les PT ainsi que d'autres intervenants.

Respect des obligations en matière de rapports et infractions connexes

Afin de permettre le fonctionnement efficace du régime de surveillance, le texte législatif proposé créerait une obligation légale pour le médecin et l'infirmier praticien qui reçoit une demande d'aide médicale à mourir de fournir les renseignements prévus par règlement (nouveau paragraphe 241.31(1)). Les pharmaciens seraient également tenus de fournir des renseignements relatifs à la délivrance de médicaments utilisés pour l'aide médicale à mourir (nouveau paragraphe 241.31(2)). Le projet de loi C-14 propose la création d'une infraction mixte – passible d'un emprisonnement maximal de deux ans – visant le médecin ou l'infirmier praticien qui omet de se conformer à son obligation de fournir des renseignements, ou encore toute personne qui sciemment contrevient au règlement. Les obligations et les infractions connexes en matière de rapports entreraient en vigueur après les autres dispositions du projet de loi, une fois les règlements détaillés sur le régime de surveillance en place.

VII. Autres infractions

En vue d'assurer le respect du nouveau texte législatif sur l'aide médicale à mourir, et compte tenu du caractère sérieux et irrévocable de l'aide à mourir et du risque de responsabilité criminelle pour les professionnels de la santé, le projet de loi édicterait de nouvelles infractions mixtes pour le non-respect des mesures de sauvegarde obligatoires (nouvel article 241.3) et pour le fait de commettre un faux relatif à une demande d'aide médicale à mourir ou pour la destruction de documents relatifs à une telle demande dans un dessein criminel (nouvel article 241.4). Par exemple, une personne pourrait détruire une demande écrite en vue de bloquer l'accès à l'aide médicale à mourir à une personne ou d'entraver la capacité d'un médecin de faire valoir une exemption, ou encore pourrait falsifier la signature d'une personne qu'elle tente d'inciter à demander une aide médicale à mourir. Ces infractions seraient passibles d'un emprisonnement maximal de cinq ans, sur déclaration de culpabilité par voie de mise en accusation, et d'un emprisonnement maximal de dix-huit mois, sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. 

VIII. Modifications connexes

Le projet de loi C-14 apporterait également des modifications connexes à d'autres lois en vue d'assurer que le recours à l'aide médicale à mourir n'entraînera pas la perte d'une pension au titre de la Loi sur les pensions ou d'avantages au titre de la Loi sur les mesures de réinsertion et d'indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes. Il modifierait également la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en vue d'éviter la tenue d'enquête au titre de l'article 19 de cette loi, lorsqu'un détenu reçoit une aide médicale à mourir.

IX. Examen parlementaire

Le projet de loi prévoit qu'un examen législatif obligatoire aura lieu cinq ans suivant l'entrée en vigueur de la loi. Les dispositions législatives sur l'aide médicale à mourir seraient soumises à l'examen d'un comité parlementaire désigné de la Chambre des communes, du Sénat ou mixte. Le comité procéderait à un examen de toutes les dispositions du projet de loi C-14 et présenterait un rapport au Parlement. Il pourrait aussi examiner tout rapport qui aurait été rendu public dans le cadre du régime de surveillance. L'examen parlementaire pourrait examiner si le nouveau régime d'aide médicale à mourir atteint ses objectifs législatifs, la façon dont l'aide médicale à mourir est mise en œuvre à travers le Canada et, au besoin, identifier les changements et les améliorations possibles.

X. Étude plus approfondie de certains enjeux

L'examen parlementaire constituerait un processus distinct de l'engagement du gouvernement du Canada d'explorer de circonstances additionnelles et complexes dans lesquelles une personne pourrait demander une aide médicale à mourir, à savoir les demandes faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et celles dans les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée. Les résultats de ces études pourraient être examinés par le comité parlementaire en question dans le cadre du vaste examen législatif du nouveau régime d'aide médicale à mourir.