Consultations sur l'aide médicale à mourir – Résumé des résultats et des principales constatations
Partie III – Rapport sur les consultations menées par le Comité
Chapitre 6. Les formes d'aide à mourir et la terminologieNote de bas de page109
Dans l'affaire Carter c. Canada, la Cour suprême du Canada a adopté les expressions « aide médicale à mourirNote de bas de page110 » et « aide médicale à la mortNote de bas de page111 » pour désigner l'acte posé par un médecin qui aide une personne qui en fait la demande à mettre fin à ses jours. Ce sont donc ces expressions que le Comité a adoptées dans le présent rapport. Dans le cadre de son mandat, le Comité a été chargé de réunir des commentaires sur deux types d'aide médicale à mourir, soit l'euthanasie volontaire et le suicide assisté. Dans le cas de l'euthanasie volontaire, le médecin pose le geste final qui mettra fin à la vie de la personne. Souvent, cet acte consiste à injecter une substance létale par voie intraveineuse. Dans le cas du suicide assisté, la personne pose l'acte final qui met fin à ses jours. Cet acte consiste souvent à ingérer une substance létale prescrite ou fournie par le médecin. Dans les deux types d'aide médicale à mourir, l'acte est volontaire et posé à la demande de la personne en cause : la seule distinction porte sur le rôle que joue effectivement le médecin.
Des États permettent expressément une de ces formes d'aide à mourir ou les deux. Les Pays-Bas et le Luxembourg autorisent tous deux l'euthanasie volontaire et le suicide assistéNote de bas de page112, tandis que les États américains de l'Oregon, de Washington, du Vermont, du Montana et de la Californie permettent seulement le suicide assistéNote de bas de page113. Dans sa Loi concernant les soins de fin de vie, la province de Québec définit l'« aide médicale à mourir » comme « un soin consistant en l'administration de médicaments ou de substances par un médecin à une personne en fin de vie, à la demande de celle-ci, dans le but de soulager ses souffrances en entraînant son décèsNote de bas de page114 »
.
Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Carter, la Cour suprême n'a pas discuté de terminologie ni établi de distinction entre l'euthanasie volontaire et le suicide assisté, mais les groupes qui ont témoigné devant le Comité ont soulevé des questions au sujet de l'utilisation d'une terminologie particulière et ont fait part de leurs préoccupations à l'égard de la pratique de chacune des méthodes.
A. L'euthanasie volontaire et le suicide assisté : terminologie
Le Comité a entendu différentes opinions sur l'utilisation des expressions « euthanasie volontaire » et « suicide assisté » par opposition aux expressions plus générales « aide médicale à mourir » et « aide médicale à la mort ». Le Dr Brian Mishara, psychologue canadien et chercheur sur le suicide, et la Fédération canadienne des sociétés de médecins catholiques ont signalé que la distinction est importante et qu'il est essentiel d'utiliser une terminologie précise afin de faciliter la réflexion claire sur cet enjeu, d'éviter la confusion au sujet des interventions maintenant permises et de faire en sorte que les individus autant que les médecins aient une compréhension commune de la méthode considérée.
Des groupes comme le Collectif des médecins contre l'euthanasie et le Protection of Conscience Project étaient d'avis que l'utilisation de termes autres que « euthanasie » et « suicide » ne ferait que brouiller les cartes et entraver la capacité de ceux qui ne peuvent pas participer à de tels actes pour des raisons de conscience d'énoncer complètement leur raisonnement ou de préciser les actes qu'ils pourraient poser. Le Dr Georges L'Espérance, président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, a indiqué que même si le terme « euthanasie » a une connotation particulièrement négative à la suite d'événements historiques survenus au xxe siècle, d'un point de vue étymologique il signifie une bonne mort administrée par un médecin. Il a en conséquence soutenu qu'il faudrait utiliser le terme.
Le Collège des médecins de famille du Canada a dit au Comité que le concept d' « aide médicale à mourir » est trop général pour être utilisé en contexte clinique, car il pourrait faire naître la confusion et le malentendu chez les médecins et les individus. Le Collège a soutenu que les expressions euthanasie volontaire et suicide assisté sont différentes, tant sur le plan psychologique que sur celui de l'éthique, puisque la première, contrairement à la seconde, « met à contribution les médecins à titre d'agents qui mettent intentionnellement fin à la vie de leurs patients ». Le Collège des médecins de famille du Canada encourage donc l'utilisation des expressions précises euthanasie volontaire et suicide assisté.
Dans un mémoire qu'il a soumis au Comité, l'ARCH Disability Law Centre a analysé en détail l'absence de consensus au sujet de la terminologie appropriée dans les milieux des personnes handicapées. L'ARCH a signalé que certains de ses partenaires communautaires « apprécient l'importance de la délégation et du contrôle individuel que sous-entend le terme “suicide” », tandis que d'autres ont manifesté des préoccupations au sujet des répercussions stigmatisantes de ce mot très lourd de sens. En dépit de ces divergences, l'ARCH a signalé que la plupart de ses partenaires jugent le terme « euthanasie » « particulièrement répugnant pour les personnes handicapées ».
On a rappelé au Comité à de nombreuses reprises tout au long de la consultation que les expressions « euthanasie volontaire » et « suicide assisté » sont chargées d'émotivité et entraînent une stigmatisation énorme. Des groupes qui étaient de cet avis ont indiqué que lorsque l'on discute de ces questions avec des patients, il serait préférable d'utiliser une formulation neutre comme « aide médicale à mourir » afin d'éviter les connotations négatives associées à la terminologie de l'euthanasie et du suicideNote de bas de page115. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada a affirmé au Comité que l'utilisation de telles formulations pourrait dissuader des personnes d'entreprendre des discussions significatives sur la question avec leurs fournisseurs de soins de santé, parce qu'elles pourraient craindre d'être jugées ou croire qu'elles font quelque chose de mal, compromettant ainsi la possibilité d'un échange honnête et ouvert.
Comme le suicide est une cause de traumatisme profond et continu au sein de nombreuses communautés autochtones, l'utilisation de l'expression « suicide assisté » a soulevé l'inquiétude de Melanie Mackinnon, professeure spécialisée en santé autochtone à l'Université du Manitoba. La Société des médecins autochtones du Canada a indiqué que le fait d'associer clairement les médecins à l'aide à mourir pourrait attiser les craintes selon lesquelles les personnes doivent entreprendre un jour la discussion avec leur médecin dans le cours normal des choses. Le Dr Alika Lafontaine, de l'Association des médecins autochtones du Canada, a signalé que cela peut dresser un obstacle supplémentaire entre eux et leur professionnel de la santé. Le Dr Lafontaine a affirmé qu'il « serait peut-être utile de changer la terminologie […] pour aider les patients qui sont prêts à tenir ces discussions et ne craignent pas qu'elles leur soient imposées ».
Le Comité a entendu diverses suggestions au sujet de la terminologie appropriée. Dans un mémoire soumis en ligne, un éthicien de Toronto a suggéré l'expression « mort légale sur demande » afin de distinguer ce qu'il a qualifié de « mort arrangée » du terme suicide tel qu'il est communément admis. Selon lui, une demande d'aide médicale à mourir vise à raccourcir le processus de la mort, ce qui diffère du suicide sur le plan qualitatif. Il a suggéré d'inclure le terme « légal » pour indiquer que l'on n'accédera pas à toutes les demandes, puisque les personnes en cause doivent répondre à des critères d'admissibilité.
La Société canadienne des médecins de soins palliatifs a proposé une terminologie qui établirait une distinction claire entre les soins palliatifs et les actes qui hâtent ou causent la mort, signalant que les expressions « aide médicale à mourir » et « aide médiale à la mort » sont ambiguës et pourraient miner l'exercice de la médecine palliative. Le risque que l'expression pourrait représenter pour les soins palliatifs, a soutenu la Société, est qu'elle risque de créer de la confusion entre le fait de mettre activement fin aux jours d'une personne et celui de l'aider tout au long d'un processus de mort naturelle, caractéristique qui définit les soins palliatifs. La Société a proposé que l'aide médicale à mourir s'articule autour du concept central qui consiste à accélérerla mort. Elle a donc recommandé d'utiliser l'expression « mort provoquée », plutôt qu'« aide à mourir », combinée à un spécifique désignant celui qui pose l'acte, soit par exemple « administrée par le patient » ou « administrée par le médecin ».
Une autre option que la Comité a entendue consiste à conjuguer le besoin de spécificité à l'avantage d'éviter une formulation chargée d'émotivité en précisant l'expression « aide médicale à mourir » au moyen d'une mention du rôle du médecin. Le Dr Douglas Grant, président de la Fédération des ordres des médecins du Canada et registraire du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, a utilisé l'expression aide à mourir « administrée par le médecin » et aide « prescrite par le médecin » pour distinguer les deux méthodes.
B. Autres observations sur la terminologie
1. La mort ou mourir
Des groupes ont établi une distinction entre l'aide médicale à lamort et l'aide médicale à mourir, en signalant que les fournisseurs de soins de santé – et en particulier les médecins de soins palliatifs – aident déjà les individus à franchir le processus de la mortNote de bas de page116en leur prodiguant des soins à l'approche de la fin de la vieNote de bas de page117. Selon l'Association des infirmières et infirmiers du Canada, il vaut la peine de signaler la différence entre ce soutien et l'aide à la mort dans des scénarios comme celui examiné dans la décision Carter. C'est pourquoi l'Association préfère l'expression aide à la mort. Dans un mémoire soumis en ligne au Comité, un médecin de Brantford (Ontario) a expliqué que des expressions comme « aide médicale à la mort » décrivent un événement plutôt qu'un processus et il a laissé entendre que la distinction est utile lorsque l'intervention vise à mener à terme le processus de la mort.
2. Le refus et le retrait de traitements
Des experts, comme la Pre Isabelle Marcoux et le Dr Brian Mishara, ont aussi formulé des commentaires au sujet de la confusion qui existe, à la fois dans le grand public et chez les professionnels de la santé, entre ce qui est déjà légal et ce qui le deviendra à l'entrée en vigueur de la décision rendue par la Cour suprême. Plus précisément, le Collège des médecins de famille du Canada a mentionné au Comité que le refus et le retrait de traitements diffèrent de l'aide médicale à mourir. Une personne a effectivement depuis longtemps le droit de refuser tout traitement ou d'y mettre fin, même si une telle décision entraînera sa mort.
Lors d'une rencontre avec trois collègues bioéthiciens, le Comité a entendu des opinions légèrement différentes sur la question de savoir s'il y a ou non une différence morale entre le refus de traitements, le retrait de traitements en cours et l'aide médicale à mourir. Joshua Landry, du Centre de bioéthique Champlain de l'Hôpital d'Ottawa, était d'avis qu'il n'y avait pas de différence, tandis que Michael Kekewich, du même groupe, considérait que des personnes raisonnables peuvent avoir des divergences de vues au sujet de cet enjeu non critique. Le troisième bioéthicien voyait quant à lui une différence entre les trois concepts, à tout le moins sur le plan psychologique. Si le refus de traitements, comme l'a laissé entendre le Dr Thomas Foreman, directeur du Centre de bioéthique Champlain de l'Hôpital d'Ottawa, consiste à « ne pas intervenir pour empêcher [quelqu'un] de mourir », on peut considérer que le retrait de traitements consiste à « éliminer l'obstacle afin de [laisser] le phénomène naturel se produire » et que l'aide médicale à mourir consiste à « intervenir activement pour agir sur le processus naturel », pour « provoquer une issue ». Il y a, entre le refus et le retrait de traitements, une distinction légale par rapport à l'aide médicale à mourir que la décision Carter ne modifie pas.
3. Le consentement
Des intervenants, comme le Dr Patrick Vinay du Collectif des médecins contre l'euthanasie, ont signalé qu'il peut être inapproprié ou du moins inexact d'utiliser le terme « consentement » dans le contexte de l'aide médicale à mourir. Dans le domaine médical, consentir signifie accepter une intervention ou un traitement qu'un médecin propose à une personne. Isabelle Marcoux a reconnu qu'il ne faudrait pas proposer ou offrir l'aide médicale à mourir à un individu, mais que la demande devrait plutôt émaner directement de celui-ci. La question ne devrait donc pas porter sur le « consentement » à un traitement offert ou recommandé, mais plutôt sur la nécessité de s'assurer que la demande est véritablement volontaire et bien éclairée.
4. Les soins de fin de vie et les soins palliatifs
L'organisme Dying With Dignity Canada a formulé des commentaires sur les expressions « soins de fin de vie » et « soins palliatifs », indiquant qu'il ne faut pas les considérer comme des synonymes. Selon Dying With Dignity Canada, les soins palliatifs peuvent être définis comme excluant l'aide médicale à mourir si les professionnels de la santé qui les fournissent décident de les définir ainsi, mais les soins de fin de vie englobent à la fois les soins palliatifs et l'aide médicale à mourir. Cette distinction est conforme à la Loi concernant les soins de fin de vie adoptée par le Québec, qui considère l'aide médicale à mourir comme une forme de soins de fin de vie.
Présentant un autre point de vue, la Dre Susan MacDonald, présidente de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, a décrit les soins de fin de vie comme un élément des soins palliatifs :
Nous nous sommes penchés sur la définition des soins palliatifs, qui a changé. À mon arrivée dans ce domaine il y a 20 ans, il s'agissait surtout de soins de fin de vie parce que c'est là que se situait notre ensemble de compétences. Depuis 20 ans, la gestion des symptômes a progressé énormément. Nous avons souvent des contacts avec les patients pendant des années. Le volet mort représente une infime partie du processus.
L'aide médicale à mourir est aussi considérée comme différente de la sédation palliative, qui doit faire en sorte que les personnes se sentent à l'aise jusqu'à ce qu'elles meurent de leur maladieNote de bas de page118. La sédation palliative constitue une intervention proportionnée dans laquelle les ajustements posologiques produisent divers effets, selon les circonstances et les besoins de l'individu, d'un léger effet calmant jusqu'au sommeil profond. Selon le Dr Ed Dubland, membre d'un réseau de médecins de la Colombie-Britannique qui a rencontré le Comité, la sédation palliative consiste à rendre inconscients les individus qui souffrent, de manière à ce que la mort naturelle survienne sans causer de détresse consciente. L'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité a affirmé au Comité que ces pratiques ne sont pas antagonistes.
5. La terminologie française relative à l'aide médicale à mourir
Enfin, Isabelle Marcoux a présenté au Comité une mise en garde au sujet de la traduction. Dans la version française de la décision Carter, « physician-assisted dying » est traduit par l'expression « aide médicale à mourir ». Elle a signalé que dans la législation québécoise, l'expression « aide médicale à mourir » a un sens très technique et désigne uniquement l'administration par les médecins d'une substance létale à la demande d'une personne, sans tenir compte du suicide assisté.
C. Les différentes formes d'aide médicale à mourir
Le Comité a aussi entendu des points de vue distincts au sujet des avantages et des inconvénients relatifs des deux formes d'aide médicale à mourir sur lesquelles on lui a demandé de se pencher, en l'occurrence l'euthanasie volontaire et le suicide assisté.
Des groupes rencontrés par le Comité ont formulé des commentaires sur la prévalence des décès assistés par un médecin selon la méthode utilisée. En Europe, où des données sont disponibles à la fois sur l'euthanasie volontaire et sur le suicide assisté, de 2,8 à 4,6 % des décès découlent d'une euthanasie tandis que de 0,05 % à 0,1 % des décès sont attribuables au suicide assisté. En Oregon, où seul le suicide assisté est légal, quelque 0,3 % du total des décès résultent du suicide assistéNote de bas de page119. Il existe bien entendu une différence importante au niveau des critères d'admissibilité entre l'Europe et les États-Unis : aux États-Unis, seulement les personnes atteintes d'une maladie terminale ayant une espérance de vie de moins de six mois ont accès à l'aide à mourir.
La Pre Isabelle Marcoux a signalé que des données européennes donnent à penser que les personnes qui demandent une aide à mourir préfèrent l'euthanasie volontaire au suicide assisté lorsqu'elles en ont le choix. Plusieurs groupes ayant témoigné devant le Comité ont mentionné cette constatation. Elle a ajouté que même si les personnes cherchant à obtenir une aide médicale à mourir peuvent préférer l'euthanasie volontaire, les médecins tendent pour leur part à être plus à l'aise avec le suicide assisté.
Au cours d'un échange avec le Comité, le Dr Keith Wilson a formulé des commentaires au sujet des résultats d'un sondage national sur les soins palliatifs qui a révélé que dans un échantillon d'individus en phase terminale, le tiers des répondants a jugé les deux méthodes aussi acceptables l'une que l'autre, tandis que 25 % les ont jugées aussi inacceptables l'une que l'autre. Plus de 21 % des répondants étaient d'avis que l'euthanasie volontaire était plus acceptable tandis que 9 % ont affirmé que le suicide assisté était la méthode la plus acceptable.
Des groupes ont mentionné qu'il n'y a pas de différences éthiques entre l'euthanasie volontaire et le suicide assisté : il s'agit de deux façons différentes de concrétiser les volontés d'une personne. Le Réseau juridique canadien VIH/sida a signalé que ce qui est crucial dans les deux cas, c'est que le consentement soit libre, volontaire et éclairé et a soutenu que toute distinction établie entre les deux méthodes serait artificielle et inutile et risquerait de créer des régimes différents liés à la manière dont les personnes exercent leur autonomie en fin de vie.
1. Autoriser uniquement le suicide assisté
Le Collectif des médecins contre l'euthanasie et la Coalition pour la prévention de l'euthanasie ont préconisé de n'autoriser que le suicide assisté. Le Comité a entendu le Dr Brian Mishara affirmer que dans le contexte du suicide assisté, l'ambivalence que ressentent les intéressés au sujet de leur demande peut s'exercer plus librement, ce qui signifie qu'ils pourraient être davantage susceptibles de renoncer à leur désir de mourir. Lorsqu'une autre personne intervient, comme cela doit être le cas avec l'euthanasie volontaire, la Pre Isabelle Marcoux a laissé entendre que l'ambivalence peut être entravée. Le Comité s'est fait dire qu'il existe un risque que des personnes ressentent une certaine pression sociale qui les pousse à aller de l'avant avec une euthanasie volontaire si, par exemple, l'intervention doit se produire à une date et à une heure précises, sachant que le médecin traitant a d'autres engagements prévus ou même que des êtres chers sont présents et s'attendent à ce que l'intervention ait lieuNote de bas de page120. La Pre Marcoux a signalé que le fait de n'autoriser que le suicide assisté pourrait concourir à assurer que la demande à mourir soit vraiment volontaire, puisque l'acte final causant la mort appartiendrait entièrement à la personne qui veut mourir.
De même, dans un mémoire soumis au Comité, le Pr Raphael Cohen-Almagor de l'Université de Hull au Royaume-Uni a soutenu que « lorsqu'il est question de mettre fin ses jours, le moyen de contrôle final devrait appartenir au patient. C'est pourquoi on préfère le suicide assisté plutôt que l'euthanasie afin de réduire la possibilité d'abus et de mettre fin à la vie de patients sans leur consentement et contre leur volonté ».
Le Conseil des Canadiens avec déficiences a également recommandé de limiter le nouveau régime au suicide assisté. Invité à préciser, le Conseil a toutefois mentionné les dangers que posent les injections létales non demandées,commandées par une personne autre que celle dont on envisage la mort, et administrées à l'insu ou sans le consentement de celle-ci – ce qui demeurera une infraction criminelle, la Cour suprême ayant insisté dans sa décision Carter sur le fait que seule une personne qui « y consent clairement » peut recourir à l'aide médicale à mourir.
La Société canadienne des médecins de soins palliatifs a appuyé le modèle de l'Oregon, qui n'autorise que le suicide assisté, plutôt que celui du Québec, qui n'autorise que l'aide médicale à mourir dans le cadre de laquelle un médecin administre la substance létale. La Société a signalé que des médecins sont mal à l'aise à l'idée de jouer le rôle d'agent immédiat de la mort.
Le Dr Brian Mishara a signalé qu'en Oregon, où seul le suicide assisté est légal, quelque 37 % des personnes à qui l'on prescrit une dose létale de médicaments ne la prennent pas. Il a signalé que rares sont les personnes qui changent d'idée une fois qu'elles ont demandé l'euthanasie dans les pays où elle est légalisée. Il était d'avis que cette ambivalence constituait un déterminant clé de la raison pour laquelle la mort découlant du suicide assisté était moins fréquente que celle résultant de l'euthanasie, et il a préconisé la première méthode plutôt que la seconde.
2. Les risques associés au suicide assisté
La Pre Isabelle Marcoux a souligné qu'il peut y avoir des complications médicales si une personne s'administre elle-même une substance létale sans la présence d'un médecin. La Coalition pour la prévention de l'euthanasie a évoqué le risque d'une coercition exercée par des membres de la famille si le médicament est pris à domicile sans supervision professionnelle, ainsi que les risques associés à la présence d'une dose létale de médicaments à domicile. La Coalition a laissé entendre qu'un cadre de suicide assisté ne devrait pas permettre à des personnes d'apporter des substances létales chez elles et devrait plutôt fournir le médicament seulement lorsqu'elles sont prêtes à le prendre. La Coalition est d'avis que cela éviterait qu'un médicament létal ne soit pas rapporté à une pharmacie si la personne meurt d'autres causes ou décide de ne pas le prendre.
Le Dr Georges L'Espérance, président de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, a affirmé au Comité que le fait de n'autoriser que le suicide assisté en limite l'accès à ceux qui sont physiquement capables de s'administrer le médicament, ce qui présente un risque de discrimination à l'endroit de ceux qui sont physiquement incapables de certains mouvements volontaires, notamment d'avaler.
Le Collège des médecins du Québec s'est dit préoccupé à l'idée que des individus soient envoyés chez eux sans accompagnement pour s'administrer un médicament mortel. La loi du Québec interdit le suicide assisté. Le Collège a signalé que dans de rares cas où le médicament ne cause pas la mort, de graves complications sont possibles. Le Collège est d'avis que le recours exclusif à l'aide médicale à mourir constitue un moyen d'enrayer ou d'éliminer ce risque en confiant l'intervention uniquement au médecin. M. Jean-Pierre Ménard, président du comité québécois de juristes experts chargé de recommander des options législatives pour la mise en œuvre de l'aide médicale à mourir au Québec, a indiqué que le fait de n'autoriser que l'aide médicale à mourir constituait un moyen de restreindre la pratique au monde de la médecine.
3. Un régime autorisant à la fois le suicide assisté et l'euthanasie volontaire
L'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario a insisté sur les notions de l'accès et de la préférence des individus et a indiqué qu'il rédige des lignes directrices qui traiteront à la fois de l'euthanasie volontaire et du suicide assisté. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse a affirmé que la formulation de la décision Carter indique clairement qu'il faut permettre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie volontaire.
Le Collège des médecins et chirurgiens de la Saskatchewan a laissé entendre que, dans les cas de suicide assisté, si un individu le demande, un médecin doit être présent lors de l'administration du médicament pour s'assurer qu'il n'y a pas de complications. D'autres ont indiqué que le fait d'exiger la présence d'un médecin dans tous les cas peut poser un problème d'accès en raison de l'horaire chargé des médecins. De plus, le Dr Brian Mishara a mentionné qu'il est à son avis préjudiciable d'exiger la présence d'un médecin au moment de l'autoadministration. Selon lui, la présence d'une autre personne peut nuire à l'expression de l'ambivalence.
Le Dr Douglas Grant, président de la Fédération des ordres des médecins du Canada et registraire du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, a signalé que si l'on envisage à la fois l'euthanasie volontaire et le suicide assisté, le moment de l'évaluation de l'aptitude sera crucial. Il a signalé que le médecin prescripteur évaluerait l'aptitude de la personne au moment d'établir l'ordonnance. La personne en cause pourrait alors apporter le médicament chez elle et il se peut que, si son état se détériore, elle ne soit plus capable de consentir au traitement médical. Il se pourrait donc que la personne ne puisse plus satisfaire aux exigences établies dans la décision Carter.
Un représentant du Protection of Conscience Project a signalé qu'un médecin disposé à offrir le suicide assisté devrait aussi être prêt à pratiquer l'euthanasie volontaire advenant que des complications surgissent au cours du suicide assisté et que son intervention s'impose pour mettre fin aux jours de la personne.
D. Conclusion
Dans les cas où il pourra être nécessaire de montrer clairement les différences entre le suicide assisté et l'euthanasie volontaire, ou de refléter des informations transmises au Comité au cours des consultations, le Comité utilisera cette terminologie par souci de clarté dans le rapport. Le Comité est pleinement conscient des commentaires formulés à l'appui et en opposition à ces expressions.
Dans la mesure où il est entendu que la Cour suprême envisage les deux méthodes d'aide médicale à mourir dans la décision Carter, le Comité considère donc que les deux pourraient constituer une des options dont pourraient se prévaloir des Canadiens atteints de problèmes de santé graves et irrémédiables qui leur causent des souffrances persistantes.
Chapitre 7. Les critères d'admissibilité
Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Carter, la Cour suprême du Canada a déclaré que la prohibition actuellement prévue au Code criminel relativement à l'aide à mourir contrevient aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité des personnes qui correspondent au profil suivant :
Une personne adulte capable qui (1) consent clairement à mettre fin à sa vie; et qui (2) est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables (y compris une affection, une maladie ou un handicap) lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa conditionNote de bas de page121.
Pour avoir accès à l'aide médicale à mourir lorsque la déclaration de la Cour sur la non-validité entrera en vigueur, une personne doit satisfaire à chacun des éléments du profil ci-dessus.
Si le Parlement et les assemblées législatives des provinces et des territoires ne réagissent pas officiellement à la décision Carter, la décision proprement dite tiendra lieu de loi sur l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, en vertu de la décision Carter, les législateurs peuvent décider de préciser dans une mesure législative qui peut avoir recours à l'aide médicale à mourir et dans quelles conditions.
La Pre Jocelyn Downie, avocate et professeure en droit de la santé, a qualifié la décision Carter de « plancher et non de plafond ». Cela signifie que même si la Cour suprême a établi les exigences de base pour garantir qu'une exemption à la prohibition actuelle de l'aide à mourir ne viole pas les droits que la Charte accorde aux personnes admissibles et désireuses d'obtenir l'aide à mourir, le Parlement et les assemblées législatives seraient libres de tenir compte d'enjeux qui transcendent ceux abordés dans la décision Carter. Les législateurs pourraient décider d'étendre la portée de l'aide médicale à mourir et d'en autoriser l'accès à des personnes non considérées dans la décision Carter, par exemple des personnes ne jouissant plus de leurs facultés mais ayant demandé l'aide médicale à mourir au moyen d'une directive anticipée lorsqu'elles étaient encore aptes. Ils pourraient aussi étendre l'exemption à d'autres professionnels de la santé comme les infirmiers et infirmières praticiens, possibilité que l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada a commencé à évaluer.
En cherchant à clarifier notre compréhension collective de qui est inclus dans le profil d'une personne admissible à l'aide médicale à mourir, les législateurs peuvent décider de définir certains des termes et des expressions autour desquels s'articule la déclaration de la Cour. Ils pourraient notamment souhaiter aborder l'une ou l'autre des questions suivantes :
- Qui peut être reconnu comme un adulte?
- Qui est aux fins d'une demande d'aide à mourir?
- Que signifie « grave et irrémédiable » dans le contexte d'une demande d'aide à mourir?
- Qu'entend-on par « souffrances persistantes » dans le contexte d'une demande d'aide à mourir?
Toute loi répondant à ces questions en ajoutant d'autres critères pourrait, bien évidemment, faire l'objet de contestations fondées sur la Charte. La Cour a déclaré clairement qu'un régime de réglementation de l'aide à mourir ne peut priver une personne de ses droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, sauf s'il est conforme aux principes de justice fondamentale.
Les critères d'admissibilité incluent certaines personnes et en excluent d'autres, ce qui est inévitable. Le Comité a entendu de diverses sources, parmi lesquelles la Pre Downie et David Baker, avocat d'un cabinet privé spécialisé dans la défense des droits des personnes handicapées qui a rédigé une loi type en réponse à la décision Carter, que peu importe la loi en vigueur, ses critères seront probablement contestés en vertu de la Charte par des personnes exclues. Il incombera donc aux législateurs de déterminer attentivement les critères d'admissibilité mis en œuvre pour atténuer l'incertitude que pourraient entraîner des litiges à répétition.
Le présent chapitre aborde les critères d'admissibilité soulevés au cours des rencontres que le Comité a tenues avec des experts particuliers, émanant de l'étude qu'il a faite des régimes existants et des consultations qu'il a menées directement auprès de parties intéressées. Le présent chapitre traite plus précisément de l'âge, de la période de résidence, de l'état de santé, des souffrances persistantes, de la capacité à consentir à un traitement médical, et du caractère volontaire de la demande.
A .L'âge
La Cour suprême a déclaré que les adultes admissibles doivent pouvoir recourir à l'aide médicale à mourir. Au Canada, l'âge de la majorité est déterminé par les provinces, qui n'ont pas adopté d'âge uniforme auquel une personne est considérée comme un adulte à des fins juridiques. Si l'accès à l'aide médicale à mourir est déterminé en fonction des lois provinciales en vigueur concernant l'âge de la majorité, des provinces et des territoires autoriseraient l'accès à 18 ans et d'autres à 19 ansNote de bas de page122.
Des groupes rencontrés par le Comité, comme l'Alliance évangélique du Canada, un intervenant dans l'affaire Carter, ont suggéré que l'âge de la majorité fixé par les provinces corresponde à l'âge auquel une personne peut recourir à l'aide médicale à mourir. Plusieurs groupes ont quant à eux préconisé que l'âge d'accès soit uniformément fixé à 18 ans à travers le Canada. Il peut être utile de noter qu'aux fins du droit pénal et de toute autre loi fédérale, comme la loi électorale fédérale, une personne est considérée comme étant un adulte à l'âge de 18 ans.
1. Au-delà de l'âge de la majorité
La majorité des groupes qui ont discuté de l'âge d'admissibilité avec le Comité ont souligné que la Cour suprême a déclaré que des adultes admissibles peuvent recourir à l'aide médicale à mourir et ont donc recommandé soit d'adopter l'âge de la majorité dans chaque province, soit de fixer la barre à 18 ans. Certains des mémoires soumis au Comité recommandaient toutefois un seuil plus élevé de maturité pour les décisions visant à mettre fin à la vie. Dans le mémoire qu'il a soumis au Comité, un médecin de Brantford (Ontario) spécifiait notamment que « la personne demandant à mourir doit être adulte, avoir plus de 25 ans (puisque le cerveau et le contrôle des impulsions se développent jusqu'à cet âge) ». L'Association canadienne de soins palliatifs a pour sa part recommandé de fixer à 21 ans l'âge d'admissibilité, réclamant « de grandes précautions… face aux jeunes adultes ». Comme on le verra dans la section suivante, le Comité a entendu l'argument selon lequel le choix de n'importe quel âge en particulier pourrait être jugé arbitraire. Le Comité ne connaît aucune loi fédérale, provinciale ou territoriale du Canada qui fixe des seuils d'âge à plus de 19 ans.
2. Les mineurs matures
Ni le juge de première instance dans l'affaire Carter ni la Cour suprême n'ont abordé la question des mineurs matures parce qu'ils n'en étaient pas saisis et c'est pourquoi aucun élément de preuve n'a été présenté aux tribunaux à ce sujet. L'expression « mineur mature » est une expression juridique qui désigne les jeunes qui n'ont pas l'âge de la maturité et sont jugés capables de prendre leurs propres décisions d'ordre médical. La Cour suprême a affirmé que « (les mineurs ont droit)… à une autonomie décisionnelle correspondant au développement de leur intelligence et de leur compréhension »Note de bas de page123.
Deux questions de droit que le Comité a entendues au sujet des mineurs matures portent avant tout sur le statut de la législation en vigueur au sujet du consentement en soins de santé et des dispositions relatives à l'égalité de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Collège des médecins et chirurgiens de la Colombie-Britannique a signalé plus précisément que plusieurs provinces ont adopté des lois permettant aux mineurs matures de prendre des décisions au sujet de leur traitement médical et qu'il se pourrait que l'exclusion des mineurs ne respecte pas ces lois. De plus, la Pre Jocelyn Downie a signalé que si l'accès est accordé aux adultes seulement, un mineur mature pourrait avoir une revendication fondée en vertu des dispositions relatives à l'égalité de l'article 15 de la Charte pour contester la loi en affirmant qu'elle est discriminatoire en raison de l'âge.
Des éthiciens médicaux que le Comité a rencontrés ont aussi abordé la question de l'accès pour les mineurs. Le Dr Thomas Foreman, Joshua Landry et Michael Kekewich du Centre de bioéthique Champlain de l'Hôpital d'Ottawa ont soutenu que tout critère basé sur l'âge serait arbitraire. Ils ont plutôt recommandé une approche semblable à celle que prévoit la Loi sur le consentement aux soins de santéNote de bas de page124 de l'Ontario, qui n'inclut pas l'âge comme critère mais compte plutôt exclusivement sur la capacité décisionnelle. Ils ont signalé que l'âge de la majorité sert actuellement de balise approximative de la capacité décisionnelle et ont souligné qu'au lieu de faire appel à une mesure approximative de la capacité, l'admissibilité devrait reposer sur la capacité réelle.
Dans un mémoire détaillé soumis au Comité, le Pr Wayne Sumner de l'Université de Toronto a présenté la proposition suivante au sujet de l'aide médicale à mourir dans le cas des personnes de 12 à 18 ans :
La Cour n'a pas limité le droit d'accès [à l'aide médicale à mourir] seulement aux adultes aptes et rien ne justifie de le faire. Il faut aussi prévoir la prise de décisions par des « mineurs matures » (âgés de douze à dix-huit ans). Dans ce cas, toutefois, il peut être préférable d'inverser la présomption d'aptitude afin qu'il revienne aux adolescents de démontrer qu'ils ont la maturité nécessaire pour prendre une décision de cette ampleur. Le cas échéant, il faut leur laisser la décision, même si (particulièrement dans le cas des adolescents plus jeunes) on peut les obliger à consulter leurs parents ou leurs tuteurs légaux. La règle empirique devrait prévoir que si un mineur est jugé capable de refuser un traitement de maintien de la vie, il est également capable de demander un traitement qui abrège ses jours.
Aux Pays-Bas et en Belgique, les mineurs ont un accès limité à l'aide à mourir. Aux Pays-Bas, les jeunes de 16 à 18 ans qui « peuvent être considérés comme comprenant raisonnablement [leur] intérêt » et qui répondent aux critères relatifs à l'âge adulte peuvent avoir accès à l'aide à mourir à condition que leurs parents aient été informésNote de bas de page125. Les personnes de 12 à 16 ans qui « peuvent être considérées comme comprenant raisonnablement [leur] intérêt » et qui répondent aux critères relatifs à l'âge adulte peuvent avoir accès à l'aide à mourir avec le consentement de leurs parents. En Belgique, les mineurs émancipés qui répondent aux critères relatifs à l'âge adulte peuvent avoir accès à l'aide à mourir depuis l'adoption de la première mesure législative permissive en 2002Note de bas de page126. En 2014, la Belgique a modifié sa loi afin de donner accès à l'aide à mourir aux mineurs de n'importe quel âge « dotés de la capacité de discernement » qui se trouvent dans une situation médicale « qui entraîne le décès à brève échéance » et répondent aux critères relatifs à l'âge adulteNote de bas de page127.
Peu de personnes ou de groupes rencontrés par le Comité ont proposé spécifiquement des arguments au sujet de l'accès pour les mineurs matures, ce qui est peut-être compréhensible puisque la question n'a pas été soulevée dans la décision Carter. Le Comité n'a pas sollicité activement l'avis d'experts ni de points de vue à ce sujet, et il ne s'est pas entretenu non plus avec des professionnels de disciplines axées sur les enjeux liés aux enfants et aux adolescents (p. ex., pédiatrie ou pédopsychologie et adopsychologie).
Parmi les quelques mémoires ayant abordé la question, celui d'un réseau de médecins de la Colombie-Britannique indiquait que des mineurs matures peuvent être plus vulnérables à la coercition que des adultes. Dans leur mémoire au Comité, d'autres groupes ont choisi d'insister explicitement sur l'accès pour les adultes aptes et ont peut-être rejeté aussi implicitement le concept de l'accès pour les enfants. L'Association canadienne des libertés civiles et le Réseau juridique canadien VIH/sida ont affirmé clairement qu'ils ne voyaient aucun motif basé sur des principes pour refuser aux mineurs matures l'aide à mourir s'ils répondent aux critères pertinents et qu'un tel refus pourrait menacer l'autonomie personnelle des mineurs.
Le Collège des médecins de la Colombie-Britannique a signalé que cette province possède une loi sur les enfants (Infants Act)Note de bas de page128 qui permet aux mineurs de prendre eux-mêmes des décisions d'ordre médical. Le Collège est d'avis qu'il y a divergence entre la loi et le critère relatif à l'âge dont il est question dans la décision Carter et il a laissé entendre qu'il faudrait peut-être modifier la loi et tout autre régime établi en vertu de lois provinciales sur le consentement aux soins de santé afin de niveler les incohérences.
Soumis au scénario d'une demande d'aide médicale à mourir émanant d'un adulte atteint d'une affection mortelle, la majorité des répondants du Cahier de questions étaient d'accord ou fortement d'accord que l'intéressé devrait avoir accès à l'aide médicale à mourir. Lorsque le scénario impliquait la demande d'un mineur de 16 ans atteint d'une affection mortelle, l'appui était toutefois beaucoup moins ferme.
L'accès pour les mineurs matures est peut-être l'une des questions les plus chargées d'émotivité que le Comité a entendues au cours de ses recherches sur l'aide à mourir. Aucune personne s'étant présentée devant le Comité au Canada n'a préconisé ouvertement l'accès pour les enfants, et même si les Pays-Bas et la Belgique sont plus ouverts au concept, le Comité a entendu que la pratique soulève toujours la controverse et est extrêmement rare dans ces deux pays.
B. La période de résidence
À une exception près, tous les Pays où l'aide à mourir est pratiquée imposent une période de résidence obligatoire qui fait que seuls leurs résidents peuvent avoir accès à l'aide à mourir. Dans certaines administrations, comme l'Oregon, c'est le médecin qui évalue la résidence. Dans cet État, les médecins peuvent tenir compte de documents démontrant la résidence d'un individu, comme son permis de conduire, son inscription sur la liste des électeurs de l'État ou sa déclaration de revenus en OregonNote de bas de page129. Au Québec, on vérifie la résidence en exigeant que seuls les « personnes assurées » au sens de la Loi sur l'assurance-santé du Québecpuissent recevoir de l'aide médicale à mourirNote de bas de page130. Dans la plupart des cas, pour être une « personne assurée », il faut avoir vécu au Québec au moins trois mois et détenir une carte d'assurance-maladie du QuébecNote de bas de page131.
Les médias ont abondamment rapporté les cas de Canadiens et d'autres ressortissants étrangers s'étant rendus en Suisse pour y obtenir l'aide à mourir. La Suisse interdit le suicide assisté seulement pour des motifs égoïstesNote de bas de page132 et six organisations du secteur privé accordent de l'aide médicale à mourir aux personnes qui répondent aux critères des organisations en question. Trois d'entre elles offrent leurs services aux non-résidents.
Le Comité a reçu peu de commentaires des experts ou des parties intéressées au sujet de la période de résidence. Le Conseil des Canadiens avec déficiences a fait exception en préconisant la résidence obligatoire d'un an dans son mémoire au Comité. Un projet de loi déposé en septembre 2015 au Royaume-Uni prévoit aussi une période obligatoire de résidence d'un anNote de bas de page133. Même si une période de résidence obligatoire d'un an n'est pas sans précédent dans la loi canadienne, ce n'est pas une norme d'usage courant dans le droit sur la santé. Une norme plus courante s'établit à trois mois – période incluse dans la définition de « personne assurée » en vertu de la Loi canadienne sur la santéNote de bas de page134.
La question de la période de résidence a aussi été abordée lors des discussions avec les organismes provinciaux et territoriaux de réglementation des médecins. Ces entités sont les associations provinciales ou territoriales indépendantes (dont la plupart s'appellent « ordre » ou « collège des médecins et chirurgiens ») qui réglementent l'exercice de la médecine dans leur administration respective. Le Comité a rencontré presque toutes ces associations, ainsi que leur association nationale, la Fédération des ordres des médecins du Canada.
Les ordres ont abordé la question de la résidence avec le Comité, mais ils ont présenté des opinions divergentes; certains préconisant des plans concrets visant à établir une période de résidence obligatoire et d'autres exprimant plutôt une ouverture à offrir de l'aide médicale à mourir aux visiteurs étrangers admissibles. S'il revient aux organismes de réglementation de trancher, l'accès pour les non-résidents pourrait varier quelque peu dans l'ensemble du pays.
C. Un problème de santé grave et irrémédiable
Tous les États ayant légiféré sur l'aide à mourir ont imposé un critère lié à l'admissibilité médicale. Les définitions de ces critères varient considérablement. Dans les quatre États américains qui ont légiféré pour permettre l'aide à mourir, par exemple, la personne qui présente la demande doit avoir une maladie incurable et une espérance de vie de moins de six mois. Au Québec, la personne doit être en fin de vie, dans un état caractérisé par une perte avancée et irréversible de ses capacités. Aux Pays-Bas, la personne doit ressentir des souffrances insupportables, être sans perspective d'amélioration, et il ne doit pas y avoir de solution de rechange raisonnable compte tenu de sa situation.
Ce que la Cour affirme dans la décision Carter, c'est que la personne doit avoir un problème de santé grave et irrémédiable lui causant des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa situation. La Cour a précisé qu'un problème grave et irrémédiable inclut une maladie, une affection ou un handicap. Dans sa déclaration, la Cour n'a pas indiqué que la personne doit être en fin de vie, qu'elle doit avoir reçu un diagnostic terminal ou qu'elle doit être à un stade avancé de déclin.
1. Définir (ou non) les termes « grave » et « irrémédiable »
La question de savoir si les termes « grave » et « irrémédiable » doivent être définis dans la loi a soulevé un débat important, ce qui n'est peut-être pas étonnant compte tenu de leur importance dans la détermination de l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à mourir.
Comme certains l'ont signalé au Comité, le terme grave a une connotation particulière dans le contexte du droit pénal. L'expression « lésions corporelles graves » aide à définir l'importance de la force dont les agents de la paix peuvent user dans l'exercice de leurs fonctionsNote de bas de page135. La British Columbia Civil Liberties Association a signalé que la définition établie de « grave » dans le contexte du droit pénal veut dire « sérieux et non négligeable ».
Dans l'exercice de la médecine, la compréhension des termes est peut être moins universelle. Au cours d'un échange avec la Dre Francine Lemire, directrice générale du Collège des médecins de famille du Canada, le Comité a examiné la probabilité qu'un groupe diversifié de médecins de famille s'entende sur la signification de l'expression « grave et irrémédiable ». La Dre Lemire a signalé qu'il serait difficile de dégager un consensus, des médecins différents exprimant avec conviction des opinions différentes. La Dre Lemire était d'avis qu'il fallait « rendre un peu plus pointue » la signification de l'expression grave et irrémédiable, mais que cela devait être fait tout en prévoyant suffisamment de marge de manœuvre pour qu'il soit possible d'exercer un jugement clinique.
La Fédération des ordres des médecins du Canada a insisté sur l'importance de laisser aux médecins suffisamment de marge de manœuvre pour leur permettre de poser un jugement clinique. Le Dr Douglas A. Grant, président de la Fédération et registraire du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, a soutenu qu'une définition « granulaire » excessivement précise de ces termes aurait pour conséquence d'« éloigner les décisions du chevet ». Il a signalé que les ordres trouveraient l'application de termes précis difficile à réglementer et que les médecins la trouveraient en outre difficile à administrer. Le Collège de la Saskatchewan a exprimé ses préoccupations d'une façon un peu différente :
Je m'inquiète seulement de la rigidité […] de voir un certain nombre de députés essayer de définir l'expression grave et irrémédiable d'une façon qui ne soit pas trop restrictive, qui permet de tenir compte des progrès réalisés au fil du temps.
Le Collège de la Saskatchewan a souligné l'importance de permettre une variation subjective de l'interprétation de l'expression « grave et irrémédiable » afin qu'un médecin qui agit de bonne foi et fournit une aide médicale à mourir à une personne qu'il juge dans un état grave et irrémédiable ne s'expose pas à des poursuites pénales.
L'imposition de critères précis pour définir les termes « grave » et « irrémédiable » suscite un malaise chez les organismes de réglementation de la médecine; ils étaient toutefois ouverts à l'idée de soumettre la communauté médicale à certaines orientations ou normes professionnelles compte tenu de la difficulté de poser un jugement dans des circonstances aussi importantes qu'une demande d'aide à mourir. L'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario a souligné que les termes grave et irrémédiable sont essentiellement des termes juridiques et a étudié la possibilité de mettre sur pied un groupe d'experts chargé de les définir et de fournir des exemples qui aideraient les médecins à les interpréter. D'autres ordres ont manifesté de l'intérêt pour ce genre de balises qui pourraient évoluer au fil du temps pour suivre le rythme de l'interprétation et des pratiques.
Même si relativement peu de mémoires se sont arrêtés spécifiquement au sens du mot « irrémédiable », l'Association des psychiatres du Canada a présenté la recommandation suivante :
Dans le contexte de la maladie mentale, il ne faut pas considérer que le mot « irrémédiable » signifie « incurable », car cela fixerait le seuil de la détermination d'un état irrémédiable à un niveau trop bas (c.-à-d. que toutes les maladies mentales chroniques pourraient alors être considérées comme irrémédiables).
Par ailleurs, l'Association signale dans son mémoire que « si l'on considère qu'irrémédiable veut dire intraitable, alors très peu de situations en psychiatrie seraient considérées comme irrémédiables ».
Le terme « irrémédiable » n'est pas utilisé souvent en droit, mais la Cour a proposé une définition en précisant que sa déclaration dans la décision Carter « ne signifie pas que le patient doive subir des traitements qu'il juge inacceptablesNote de bas de page136 ». Cette approche ressemble au modèle belge dans le cadre duquel, comme l'a signalé Benoit Mores, conseiller auprès du ministre fédéral des Affaires et de la Santé publique, un individu doit refuser tous les traitements possibles avant que l'on puisse envisager la possibilité de recourir à l'aide à mourir.
Plusieurs groupes, y compris la Société de protection des infirmières et infirmiers du Canada, la British Columbia Civil Liberties Association et le Réseau juridique canadien VIH/sida ont indiqué qu'il serait préférable de laisser les médecins définir ces termes. D'autres groupes rencontrés par le Comité, dont l'Association for Reformed Political Action Canada et le Collectif des médecins contre l'euthanasie, ont soutenu qu'il faudrait définir explicitement les termes « grave » et « irrémédiable » pour fournir des orientations aux professionnels de la santé qui devront les mettre en application. Certaines des définitions proposées correspondent à peu près aux définitions du dictionnaire. Par exemple, un réseau de médecins de la Colombie-Britannique a suggéré au Comité de définir grave par l'expression « sévère ou au stade ultime ». L'organisme Dying With Dignity Canada a suivi une démarche différente et préconisé une interprétation subjective :
Un problème médical « grave » cause des souffrances insupportables. C'est à la personne en cause qu'il revient de décider ce qui constitue de telles souffrances. Des souffrances qui peuvent être source de noblesse pour certains, peuvent être insupportables pour d'autres. En décider autrement revient à empiéter sur l'autonomie de la personne.
Des suggestions visaient à resserrer les critères d'admissibilité afin que moins de personnes se qualifient pour l'aide médicale à mourir. Dans sa loi type, par exemple, David Baker définit « irrémédiable » comme « une maladie terminale qui est incurable, qu'un médecin a confirmée sur le plan médical et qui, selon la médecine factuelle et un jugement raisonnable, aboutira à la mort dans les 12 mois ». Il a aussi indiqué au Comité qu'il préconise la formulation adoptée au Québec, à savoir « un déclin avancé et irréversible de ses capacités ». Dans d'autres mémoires, comme celui de la Citizens with Disabilities Ontario, on énonçait sans équivoque que l'accès à l'aide à mourir « devrait être limité aux personnes en phase terminale dont la mort est imminente ».
2. Des normes objectives ou subjectives
Un autre enjeu soulevé par certains groupes visait à déterminer s'il faut appliquer des normes objectives ou subjectives pour définir les termes « grave » et « irrémédiable ». Il existait des désaccords sur la question de savoir s'il faudrait définir objectivement les termes grave et irrémédiable, en fonction de critères établis ou d'un caractère raisonnable, ou s'il faudrait les définir subjectivement, c'est-à-dire en ne s'appuyant que sur l'opinion de la personne qui demande l'aide médicale à mourir ou sur celle du médecin en consultation avec l'individu. Il peut être important de signaler que les termes « grave » et « irrémédiable » semblent représenter des normes principalement objectives tandis que l'expression « souffrances persistantes », que l'on aborde ci-dessous, semble subjective.
Étant donné que les adjectifs « grave » et « irrémédiable » qualifient tous deux l'expression « problème de santé », il peut être juste de supposer qu'une norme objective convient. Les problèmes de santé sérieux, susceptibles d'être reconnus comme « graves », sont essentiellement diagnostiqués à la suite d'examens médicaux objectifs. L'expérience qu'une personne a d'un problème de santé est très personnelle, mais le diagnostic de son état est posé en fonction de critères médicaux établis. Le critère « irrémédiable » comporte un élément subjectif parce que la Cour suprême a affirmé que la caractéristique « irrémédiable » ne signifie pas que le patient doive subir des traitements inacceptables pour lui. Sauf si la personne en cause juge inacceptable les traitements disponibles, des normes médicales objectives établies détermineront si un problème est irrémédiable.
3. La maladie mentale
Dans la décision qu'elle a rendue dans l'affaire Carter, la Cour suprême n'a pas traité explicitement des maladies mentales. Gloria Taylor et Kay Carter, les deux femmes dont la maladie a encadré la décision Carter, vivaient toutes deux avec des problèmes qui leur causaient des souffrances physiques et une détérioration organique sans toucher leur aptitude ou leur santé mentale. Selon le critère Carter, pour être admissible à l'aide médicale à mourir, une personne doit être apte. La Cour a néanmoins tenu compte des souffrances psychologiques dans sa décision et n'a pas exigé que le problème de santé à l'origine d'une demande soit obligatoirement d'origine purement physique. Cela signifie que les législateurs devront se demander si un problème de santé mentale peut être considérée à lui seul comme un problème de santé aux fins du critère Carter,et si l'exclusion de personnes qui ont des souffrances intolérables en raison d'un problème de santé mentale grave et irrémédiable les priverait de leurs droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne.
Le Comité a entendu des opinions très divergentes sur le rôle que la maladie mentale pourrait jouer – ou non – dans un cadre d'aide médicale à mourir au Canada. À une extrémité du spectre, le Pr Eike-Henner Kluge a soutenu que, compte tenu des principes d'égalité, même si la maladie mentale rend une personne inapte devant la loi, cette incapacité ne devrait pas empêcher les personnes qui répondent autrement aux critères d'admissibilité énoncés dans la décision Carter d'avoir accès à l'aide médicale à mourir. Par ailleurs, des groupes comme l'Alliance catholique canadienne de la santé ont soutenu qu'il ne faudrait pas inclure les maladies mentales dans le champ d'application du critère d'admissibilité lié à un problème de santé. L'Alliance évangélique du Canada et le Collectif des médecins contre l'euthanasie ont tous deux avancé des arguments semblables.
Dans son mémoire, l'ARCH Disability Law Centre a fait le point sur les discussions détaillées qu'a tenues son groupe avec des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale. L'ARCH a signalé que « l'effet que l'AMM [ou aide médicale à mourir] aura sur une population vulnérable préoccupe profondément une partie de la population ». Ailleurs dans ce mémoire, il était fait mention d'une forte impression au sein de cette communauté que l'aide médicale à mourir « vise à offrir un choix et l'autodétermination à une population vulnérable. L'égalité fondamentale impose de donner accès à l'AMM aux personnes atteintes d'un problème de santé mentale sur les mêmes bases qu'aux autres personnes; aucune étape ou restriction supplémentaire ne devrait être imposée ». Dans son mémoire, l'ARCH concluait que « pour le moment, il n'est pas clair que l'on comprend suffisamment à fond l'effet possible de l'AMM sur les personnes atteintes de problèmes de santé mentale pour qu'il soit permis de rédiger un texte législatif efficace et sûr ».
Le Comité a entendu des arguments convaincants en faveur de l'accès des personnes admissibles atteintes d'une maladie mentale, à condition qu'elles aient la capacité reconnue par la loi de prendre une telle décision. La Pre Jocelyn Downie a signalé que l'exclusion de telles personnes pourrait équivaloir à de la discrimination à l'endroit d'un groupe déjà marginalisé. Dans un argument convaincant soumis en ligne, un citoyen canadien a exhorté le Comité à reconnaître que :
Les souffrances ne sont pas toutes physiques. Les personnes atteintes d'une maladie mentale souffrent et endurent souvent des souffrances intolérables. Il s'agit là d'un domaine nuancé et un peu problématique, mais je vous prie d'inclure dans une nouvelle loi le droit des personnes atteintes d'une maladie mentale à avoir accès à l'aide à mourir dans certaines circonstances.
La Dre Linda Ganzini, psychiatre et chercheuse éminente de l'Oregon, a confirmé que nombre de personnes vivant avec une maladie mentale chronique grave conservent la capacité de consentir aux traitements. Comme l'Association des psychiatres du Canada l'a toutefois expliqué, la capacité dépend de la situation. Une personne peut être capable de vivre en autonomie tout en n'étant pas capable de s'occuper de ses propres finances. De plus, comme l'a signalé l'ARCH Disability Law Centre, « il est très possible qu'une personne aux prises avec une incapacité liée à une maladie mentale épisodique grave puisse, lorsqu'elle est en bonne santé et lucide, décider qu'elle ne veut pas tolérer un autre épisode de crise de santé mentale et choisisse plutôt de demander l'AMM pendant qu'elle est capable de prendre cette décision. »
L'Association des psychiatres du Canada continue de préparer sa réponse à la décision Carter et au futur régime d'aide médicale à mourir. Elle a suggéré d'autres éléments dont il faudrait tenir compte dans le contexte de la santé mentale :
- De nombreuses personnes vivant avec une affection, et en particulier celles qui limitent la durée de la vie ou la mettent en danger, peuvent avoir une dépression comorbide;
- La dépression, qui peut être difficile à diagnostiquer, peut altérer les processus de réflexion d'une personne et avoir un effet sur son désir de mourir;
- En raison de l'évolution complexe de certaines maladies mentales, il faudrait peut-être interpréter différemment les termes liés à l'admissibilité, comme « irrémédiable » et « persistantes », en cas de maladie mentale;
- L'expression clinique « dépression grave résistant aux traitements » signifie simplement que la dépression a résisté à deux protocoles de pharmacothérapie aux antidépresseurs et ne répondrait pas généralement à la norme relative au caractère « irrémédiable ».
Selon l'Association des psychiatres du Canada, lorsqu'une personne est aux prises avec une maladie mentale, il peut être « difficile, voire impossible, d'exclure la possibilité que des troubles de la cognition causés par la maladie jouent ou non [sur une demande d'aide médicale à mourir] ». Au moment de rencontrer le Comité, l'Association des psychiatres du Canada n'avait pas encore déterminé si elle appuyait ou non l'idée qu'une maladie mentale grave et irrémédiable devrait à elle seule (en l'absence d'une maladie physique) être reconnue comme un problème de santé en vertu du critère Carter.
D. Des souffrances persistantes
La Cour suprême a déclaré que pour avoir droit à l'aide médicale à mourir, une personne doit avoir « des souffrances persistantes et intolérables au regard de [sa] condition ». Un critère semblable figure dans la Loi concernant les soins de fin de vie adoptée par le Québec : « douleurs physiques et psychiques constantes, insupportables et qui ne peuvent être apaisées dans des conditions qu'il juge tolérables ».
Le concept de la souffrance est omniprésent dans l'affaire Carter. L'argument présenté par Gloria Taylor repose en partie sur le fait qu'elle voulait pouvoir mettre fin à ses jours au moment où ses souffrances deviendraient intolérables. La Cour a déclaré en fait que la non-disponibilité de l'aide médicale à mourir comme option pour les personnes qui ont des problèmes de santé graves et irrémédiables enfreignait leur droit à la sécurité de leur personne en les obligeant à endurer des souffrances intolérables.
La souffrance est un facteur de premier plan dont il est tenu compte pour l'accès aux Pays-Bas et en Belgique. Aux Pays-Bas, où la loi inclut un critère d'admissibilité basé sur des souffrances « persistantes et intolérables », le Comité a entendu des médecins et des chercheurs, y compris Johan Legemaate et le Dr Johannes JM van Delden, affirmer qu'il est crucial de convaincre un médecin de ses souffrances pour avoir accès à l'aide à mourir. Un problème que le Dr van Delden a repéré dans ce modèle, c'est qu'il est souvent plus facile pour des personnes privilégiées sur le plan social d'avoir accès à l'aide à mourir. Le Dr van Delden a posé en hypothèse que les médecins, qui font généralement partie des personnes privilégiées sur le plan social, seraient plus susceptibles d'être « émus » par la souffrance des personnes qui ont le même statut social qu'eux et que les personnes privilégiées sur le plan social pourraient plus facilement exprimer leurs souffrances. C'est pourquoi, selon lui, il se peut que les membres de « l'élite » aient plus de chance que l'on accède à leurs demandes.
Aux États-Unis, l'attitude à l'égard de la souffrance dans le contexte de l'aide à mourir est très différente. La souffrance n'est pas un critère dans une quelconque loi américaine sur l'aide à mourir. Il se peut qu'on ait jugé inutile d'adopter un critère lié à la souffrance à cause de celui qui porte sur le pronostic à six mois. Le Dr Brian Mishara, psychologue canadien et chercheur sur le suicide, s'est montré quelque peu sceptique quant à l'utilisation de la souffrance comme critère parce qu'il a signalé que la douleur compromet la prise de décisions chez une personne. Le Collectif des médecins contre l'euthanasie a présenté un argument semblable. Il peut donc être particulièrement important de s'assurer que la souffrance est persistante.
Selon les mémoires reçus par le Comité, il semble qu'il faille tenir compte de trois grands éléments relativement à ce critère. Le premier porte sur la façon de déterminer si la souffrance est « persistante » conformément à l'exigence de la Cour. Le deuxième porte sur la détermination d'un lien de cause à effet entre la souffrance d'une personne et son état de santé. Enfin, le troisième porte sur la façon dont la décision Carter oblige à évaluer la souffrance d'une personne : objectivement ou subjectivement.
1. La persistance de la souffrance
Certaines lois en vigueur visent à évaluer le caractère durable d'une demande en exigeant la présentation de multiples demandes. Au Québec, par exemple, les médecins doivent vérifier « la persistance des souffrances […] en discutant avec le patient à des intervalles raisonnables compte tenu de l'évolution de son état ». Des groupes comme le Réseau juridique canadien VIH/sida et Dying With Dignity Canada ont indiqué qu'il est possible qu'une personne ayant par exemple subi une blessure invalidante ait besoin de temps pour s'adapter à sa nouvelle situation avant que l'on prenne en considération une demande d'aide médicale à mourir. Par ailleurs, il a été mentionné au Comité que le concept du « temps nécessaire pour s'adapter » pourrait être inapproprié dans le contexte d'un cancer en phase terminale. Des groupes ont suggéré une réponse proportionnée à l'évolution prévue de maladie de la personne. Ce sujet est abordé plus en détail dans la section intitulée « Opportunité ».
2. La cause de la souffrance
Dans sa déclaration, la Cour suprême a statué que l'alinéa 241b) viole les droits que la Charte accorde à une personne admissible et dont le problème de santé lui cause « des souffrances persistantes qui lui sont intolérables au regard de sa condition ». Contrairement au tribunal de première instance, qui a inclus explicitement les souffrances physiques ou psychologiques mais a exclu la souffrance psychosociale, la Cour suprême n'a pas abordé clairement les types de souffrance que doit ressentir une personne demandant l'aide médicale à mourir. Certaines indications suggèrent toutefois que la Cour suprême a tenu clairement compte des souffrances tant psychologiques que physiques. La Cour a notamment dégagé un « thème constant » dans les déclarations assermentées de témoins qui ont comparu dans l'affaire Carter, soit qu'ils « souffrent de se voir privés de la faculté de mettre fin paisiblement à leurs jours au moment et de la manière de leur choixNote de bas de page137 ». La souffrance causée par cette connaissance est bien entendu psychologique et non physique. L'Association médicale canadienne a indiqué qu'elle reconnaît qu'il est tenu compte à la fois des souffrances physiques et psychologiques. Des groupes qui ont témoigné devant le Comité ont laissé entendre que d'autres types de souffrances pourraient également être pertinents, y compris la souffrance existentielle et spirituelle.
Des experts que le Comité a consultés ont lancé une mise en garde contre l'adoption d'une opinion restrictive de la souffrance. Par exemple, le Dying with Dignity National Center de l'Oregon a indiqué que la souffrance « peut être une douleur, mais il ne faut pas la limiter à la douleur […] Il se peut qu'une personne vivant avec une maladie chronique ne ressente pas de douleur, mais [sa souffrance pourrait] être d'une nature très différente ».
Le Dr Eike Henner Kluge, professeur au Département de philosophie de l'Université de Victoria, a en outre indiqué que les origines et le contexte de la souffrance sont importants car ils peuvent nous aider à en comprendre la nature. Il a signalé que les origines psychosociales de la souffrance appellent une réponse non pas médicale mais sociale. Selon lui, la souffrance psychosociale, comme celle que l'on pourrait ressentir à la suite de la rupture d'un mariage, dépasserait le champ d'application d'un cadre d'aide médicale à mourir parce qu'elle ne nécessite pas une réponse médicale.
D'autres mémoires avançaient des arguments qui appuieraient l'exclusion de la souffrance psychosociale lorsque les causes sont liées aux déterminants sociaux de la santé. L'ARCH Disability Law, par exemple, mentionnait des « conditions sociales qui pourraient rendre les conditions de vie intolérables, comme l'itinérance, l'isolement social ou le manque de possibilités de traitement ». L'Association canadienne pour l'intégration communautaire signale elle aussi que « lorsque les souffrances des gens sont causées par la violence, la discrimination, la dévalorisation, le manque d'appui ou l'isolement social, il est possible de prendre des mesures pour s'y attaquer ». L'Association des psychiatres du Canada a signalé que :
Nous devons aussi comprendre le rôle des facteurs psychosociaux, culturels et environnementaux parce qu'il s'agit du milieu de vie de chacun […] Des facteurs comme l'instabilité du logement, l'instabilité financière et l'isolement alourdissent la souffrance des patients aux prises avec une dépression. Il ne conviendrait pas que la société réagisse en facilitant la mort de ces personnes en jugeant que leurs souffrances sont persistantes et intolérables en raison de circonstances psychosociales qu'il serait possible de modifier. Tous ces facteurs rendent plus difficile de déterminer si l'on satisfait à la définition d'intolérable et de persistante.
Le Comité a entendu de certains groupes qu'il faudrait uniquement tenir compte des souffrances physiques dans l'évaluation de l'admissibilité d'une personne à l'aide médicale à mourir. Par exemple, l'Association for Reformed Political Action, un intervenant dans l'affaire Carter, a soutenu qu'afin de protéger les personnes vulnérables, le Parlement devrait adopter une loi tenant seulement compte des souffrances physiques.
Dans sa déclaration, la Cour suprême exige que les personnes aient des problèmes de santé graves et irrémédiables ayant pour effet direct de leur causer des souffrances persistantes qui leur sont intolérables au regard de leur condition. La souffrance à elle seule, ou une souffrance qui n'est pas causée directement par un problème de santé grave, qu'il soit physique ou psychologique, ne rendrait pas un individu admissible.
Pour être en mesure de comprendre les causes fondamentales de la souffrance d'une personne, il importe de tenir compte de la souffrance sous toutes ses formes.
3. L'évaluation de la souffrance
Des groupes ont soulevé la question de savoir si l'évaluation de la souffrance devrait être objective ou subjective. Avocat spécialisé dans la défense des droits des personnes handicapées, David Baker a affirmé au Comité que l'évaluation de la souffrance devrait inclure une composante objective. Il a ajouté que selon lui, la Cour suprême n'a pas abordé le fait que les personnes qui refusent des traitements sont prêtes à accepter les conséquences de leur refus et que l'on ne peut donc pas dire que leur souffrance est « intolérable ». D'autres parties intéressées, y compris un groupe d'étudiants en droit et en médecine de l'Université McGill qui ont créé un collectif pour mener des recherches sur l'aide médicale à mourir et en discuter (MedPASS), ont soutenu avec fermeté qu'il faudrait tenir compte de la souffrance d'un point de vue purement subjectif.
Le Dr Thomas Foreman, Joshua Landry et Michael Kekewich, des éthiciens médicaux du Centre de bioéthique Champlain de l'Hôpital d'Ottawa, ont mentionné que chacun a une expérience unique de la souffrance dans le contexte de sa maladie. Ce qu'une personne peut trouver intolérable peut être tolérable pour une autre. L'Alliance évangélique du Canada a signalé que « la douleur est un élément physique auquel les professionnels de la médecine peuvent répondre et qu'ils peuvent traiter parce qu'ils ont la compétence nécessaire, mais la souffrance est un élément considérablement plus humain qui a des dimensions affectives, psychologiques, spirituelles et sociales. La médecine n'a pas à elle seule tout le savoir-faire nécessaire pour en tenir compte ».
En conséquence, il pourrait être inapproprié d'établir une norme objective dans le cas d'une expérience aussi personnelle que la souffrance. De plus, la formulation utilisée par la Cour suprême pour établir le critère relatif à la souffrance est subjective. Les critères établis dans la loi et fondés sur une norme objective reposent habituellement sur la personne raisonnable et l'on se demandera, par exemple, dans quelle mesure une personne raisonnable souffrirait dans une situation en particulier. Les critères subjectifs, par ailleurs, reposent sur ce que la personne elle-même vit. La Cour suprême a parlé de « souffrances qui [leur] sont intolérables au regard de [leur] condition ». Cette formulation peut orienter vers un critère subjectif.
Dans son mémoire, Kevin Reel, éthicien au Centre de toxicomanie et de santé mentale, a souligné à l'intention du Comité les questions profondes qui se posent lorsqu'il faut déterminer si l'évaluation de la souffrance est subjective ou objective :
Dans quelle mesure mon propre espoir a un effet sur mon jugement au sujet de votre état de santé et le total de son interaction avec vos déterminants sociaux de la santé? Quand est-il possible de comprendre objectivement que ce total constitue une souffrance intolérable et irrémédiable? Le jugement en cause devrait-il plutôt être subjectif, posé par le client/patient? Comment nous sentirons-nous si nous nous retrouvons à insister pour que les gens résistent jusqu'à ce que nous finissions par modifier des structures de dotation en ressources qui datent de longtemps afin que le contexte socio-environnemental dans lequel ils vivent modifie le calcul final de leur souffrance?
En dernière analyse, même si l'évaluation du critère relatif à la souffrance est purement subjective, le paramètre demeure une souffrance qui est intolérable pour une personne. En outre, il faut établir un lien de cause à effet entre cette souffrance et des problèmes de santé graves et irrémédiables, diagnostiqués suivant des critères médicaux objectifs.
E. La capacité de consentir à un traitement médical
Dans la décision Carter, la Cour suprême a limité l'admissibilité aux adultes aptes. La capacité ou l'aptitude – le terme privilégié varie entre les administrations au Canada – à consentir à un traitement médical est abordée dans les lois provinciales régissant les soins de santé. En vertu de la Loi sur le consentement aux soins de santé de l'Ontario par exemple, une personne est « capable à l'égard d'un traitement […] si elle est apte à comprendre les renseignements pertinents à l'égard de la prise d'une décision concernant le traitement […] et apte à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d'une décision ou de l'absence de décisionNote de bas de page138 ». Il importe de signaler qu'une personne est présumée apte. De plus, il est impossible de procéder à une évaluation globale de la capacité. On reconnaît que la capacité est liée à la situation, ce qui signifie qu'une personne peut être en mesure de prendre certaines décisions, mais pas d'autres. L'Association des psychiatres du Canada a souligné la spécificité des décisions sur l'aptitude, notant qu' « il est arrivé qu'un patient ne soit pas apte à prendre une décision relative à la chimiothérapie, mais qu'il le soit à propos d'une intervention chirurgicale pour la même maladie ».
La Dre Linda Ganzini, psychiatre et chercheuse de l'Oregon, où l'aide à mourir est disponible depuis presque deux décennies mais limitée aux personnes en phase terminale ayant une espérance de vie de moins de six mois, a déclaré au Comité qu'en l'absence de maladie mentale, l'évaluation de la capacité à prendre des décisions portant sur l'aide à mourir est relativement simple. Elle a suggéré qu'une telle évaluation devrait inclure des questions permettant de déterminer l'aptitude de la personne à faire un choix ferme, à comprendre les risques, les avantages, les méthodes d'intervention et les autres options, à comprendre l'information et à l'appliquer à elle-même. La Dre Ganzini est persuadée que la plupart des médecins généralistes pourraient évaluer l'aptitude des personnes qui demandent de l'aide à mourir.
Par ailleurs, des intervenants se sont dit préoccupés que la capacité soit très difficile à évaluer. Par exemple, la Dre Catherine Ferrier, présidente du Collectif des médecins contre l'euthanasie, a signalé la difficulté d'évaluer la capacité : « J'évalue régulièrement la capacité décisionnelle. J'enseigne à le faire. Je témoigne en cour pour mes patients, mais si je devais évaluer la capacité d'un patient à choisir la mort, il me serait impossible d'être certaine qu'il n'y a pas d'influence de l'extérieur ».
D'autres intervenants entendus par le Comité ont dit douter que le médecin d'une personne puisse déterminer efficacement l'aptitude de celle-ci à prendre des décisions dans le contexte de l'aide à mourir. L'Alliance des chrétiens en droit, par exemple, a soutenu que :
Si les avocats, qui maîtrisent le droit et sont réputés être des experts d'une foule de critères juridiques liés à cette question, [sont] incapables de détecter une influence indue dans le contexte de la rédaction d'un testament, lorsque l'enjeu est beaucoup moins grand, […] nous nous inquiétons vivement […] que les médecins ne puissent effectuer cette évaluation dans le cas des patients.
Le Dr Douglas Grant, président de la Fédération des ordres des médecins du Canada et registraire du Collège des médecins et chirurgiens de la Nouvelle-Écosse, a soutenu que les médecins prennent tous les jours des décisions concernant l'aptitude ou l'inaptitude de leurs patients à consentir à un traitement. En vertu des lois provinciales sur le consentement aux soins de santé, il est illégal d'administrer un traitement sans avoir déterminé la capacité d'un individu. Le Comité a entendu des opinions très divergentes sur la question de savoir si l'aide médicale à mourir devrait, en raison du caractère final de la décision, être traitée différemment d'autres décisions portant sur le traitement.
1. L'évaluation de l'aptitude en présence d'une maladie mentale
Le Dr Sonu Gaind, président de l'Association des psychiatres du Canada, a longuement discuté avec le Comité du lien entre la maladie mentale et l'aptitude :
La maladie mentale peut entraver et affecter la cognition, la perspicacité et le jugement. Les personnes aux prises avec une dépression ont habituellement tout un éventail de changements de la cognition, par exemple. Une triade cognitive les amène à penser qu'elles sont de mauvaises personnes, que le monde est mauvais et que l'avenir sera mauvais […] La flexibilité cognitive diminue, ce qui signifie que la personne a beaucoup de difficulté à dépasser son expérience courante et à imaginer que les choses pourraient être différentes. Il en découle aussi des réflexions sélectives qui portent avant tout sur le négatif et peuvent minimiser le positif. Le sentiment qu'une personne a de soi peut aussi changer. Elle peut se sentir coupable et sans valeur. Elle peut croire qu'elle est un fardeau pour autrui, ses proches et le monde. Elle peut aussi avoir une résilience affective plus faible et être moins capable de faire face aux facteurs de stress de la vie.
L'Association des psychiatres du Canada a formulé deux recommandations portant directement sur l'évaluation de la capacité décisionnelle en présence d'une maladie mentale. Elle a recommandé premièrement que lorsqu'une maladie mentale constitue la maladie sous-jacente à l'origine d'une demande d'aide médicale à mourir, ou lorsqu'elle s'ajoute à une maladie physique, « les psychiatres devraient aider à déterminer si la maladie mentale du patient nuit à son aptitude à prendre une décision » au sujet de l'aide médicale à mourir. Deuxièmement, pour des raisons de « bienfaisance », il faudrait que les personnes dont les processus décisionnels peuvent être entravés par une maladie mentale n'aient pas droit à l'aide médicale à mourir.
La Dre Linda Ganzini a déclaré au Comité qu'il est considérablement plus difficile d'évaluer la capacité à prendre des décisions relatives à l'aide à mourir en présence d'une dépression. Comme la dépression peut modifier la fonction cognitive et même engendrer des pensées suicidaires, il peut être difficile pour un clinicien de déterminer si une demande d'aide à mourir est authentique si la personne est aux prises avec une dépression allant de légère à modérée. Selon elle, le concept de l'authenticité pourrait aider dans de telles situations. De l'avis de la Dre Ganzini, si la demande d'aide médicale à mourir de la personne semble correspondre à sa façon de vivre, période pendant laquelle elle a insisté fortement sur l'autonomie et l'indépendance, il est peut-être moins probable que la dépression soit à l'origine de la demande. La Dre Ganzini a bien prévenu le Comité que son savoir-faire et ses commentaires étaient limités à l'expérience qu'elle a acquise en Oregon, qui a adopté des critères d'admissibilité qui incluent notamment une maladie en phase terminale présentant un pronostic de six mois.
2. Le rôle possible des directives anticipées
Dans la décision Carter, comme dans la plupart des lois en vigueur, la Cour suprême a exigé que les personnes soient capables pour avoir accès à l'aide médicale à mourir. En fait, toutes les administrations qui se sont dotées d'une loi sur l'aide à mourir exigent que la personne soit au moins au moment de sa demande. Il est question dans certaines lois de la possibilité de demander l'aide à mourir au moyen d'une directive anticipée. À l'instar de plusieurs autres éléments, la Cour n'a pas traité des directives anticipées dans la décision Carter, mais les législateurs pourraient le faire.
Une directive anticipée, dont il est question dans plusieurs lois provinciales sur la prise de décisions en matière de soins de santé, est un document dans lequel une personne précise ses volontés à l'égard de traitements médicaux futurs et souvent de traitements en cas d'inaptitude ou d'inconscience. En vertu de la Loi concernant les soins de fin de vie du Québec, une personne peut demander à l'avance de nombreux traitements de fin de vie possibles, mais il lui est clairement interdit de demander l'aide médicale à mourir dans une directive anticipée. Cette exemption a été établie au cours de l'étude du projet de loi; la version initiale du projet de loi 52 permettait de demander de l'aide médicale à mourir dans une directive anticipéeNote de bas de page139.
Aux Pays-Bas, il est possible, dans certaines circonstances, de demander l'aide à mourir dans une directive anticipéeNote de bas de page140. Il serait notamment possible pour une personne ayant reçu un diagnostic de la maladie d'Alzheimer au stade précoce de rédiger une directive anticipée demandant l'aide à mourir lorsque sa démence aura atteint un stade donné. Le Pr Johan Legemaate, de l'Université d'Amsterdam, a déclaré au Comité qu'en pratique, on donne très rarement suite à une telle demande parce que les médecins ne sont en général pas disposés à accéder à une demande visant à aider à mourir une personne atteinte de démence au stade avancé. Ce qui pourrait plutôt se produire, toutefois, serait qu'une personne demande l'aide à mourir après avoir reçu un diagnostic comme celui de la maladie d'Alzheimer, et être apte au moment où elle reçoit l'aide à mourir, même si sa souffrance serait grandement liée à la connaissance de son déclin éventuel plutôt que de découler directement de son état.
Comme Herman Nys, avocat et professeur en droit de la santé, en a fait part au Comité, il est possible de demander l'aide à mourir dans une directive anticipée en Belgique, et que l'on accède à cette demande, mais seulement dans des conditions très précises. Si une personne a demandé l'aide à mourir dans une directive anticipée valide, cette demande ne peut se concrétiser que si la personne est victime d'un trouble incurable et irréversible, si elle devient inconsciente et si la directive anticipée ne date pas de plus de cinq ansNote de bas de page141.
Sa rencontre avec la Fédération des ordres des médecins du Canada, qui regroupe la plupart des collèges des médecins et chirurgiens du pays, a permis au Comité de constater que la plupart des organismes de réglementation de la médecine ne semblent pas prêts à examiner les demandes présentées dans une directive anticipée. Le Collège des médecins et chirurgiens de Terre-Neuve-et-Labrador a exprimé des préoccupations au sujet du moment de l'évaluation de la capacité, à savoir s'il faut déterminer la capacité au moment où la demande est rédigée ou au moment où l'aide à mourir est administrée. Le Dr Grant, du Collège de la Nouvelle-Écosse, a signalé qu'il n'est pas question de directives anticipées dans la décision Carter et qu'il n'est pas nécessaire d'aborder le sujet, même s'il entrevoit qu'une contestation pourrait un jour soulever la question de la validité d'une demande d'aide médicale à mourir formulée dans une directive anticipée. Le Collège des médecins et chirurgiens de l'Île-du-Prince-Édouard s'est demandé si l'on pourrait considérer que les directives anticipées portant sur l'aide à mourir « vont à l'encontre du consentement éclairé », car « personne ne peut prévoir ce qu'une personne ressentira ou voudra faire » dans une situation médicale grave. Le Collège de la Saskatchewan a soutenu quant à lui que puisque l'on respecte les directives anticipées dans le cas de non-réanimation, il faudrait aussi les respecter dans le cas des demandes d'aide médicale à mourir.
La question des directives anticipées était soulevée dans un certain nombre de mémoires soumis au Comité par des particuliers. L'un d'eux présentait des arguments solides en faveur du principe selon lequel il faudrait respecter une directive anticipée autorisant l'aide médicale à mourir :
Dans le cas de problèmes médicaux incurables, y compris le coma et la démence au stade avancé, il faudrait utiliser les testaments de vie comme une forme de consentement. Des mesures de sauvegarde appropriées s'imposent contre l'abus, mais ne pas fournir l'aide à mourir lorsqu'on donne un consentement écrit constitue en soi un abus – et non une mesure de sauvegarde.
La question du consentement par directive anticipée dépassant la portée de la décision rendue par la Cour dans l'affaire Carter, le Comité a accordé une attention relativement superficielle aux complexités que soulève la question. L'enjeu était abordé dans l'un des scénarios du Cahier des questions afin de déterminer l'importance que les Canadiens accordent à cette facette possible de l'aide médicale à mourir. Le Comité n'a pas mené les recherches approfondies que justifierait une question de cette importance. Il ne l'a pas fait non plus en ce qui concerne la prise de décision au nom d'autrui et la prise de décision appuyée que nous abordons brièvement ci-dessous.
3. La prise de décision au nom d'autrui et la prise de décision appuyée
Dans plusieurs provinces, la loi sur le consentement aux soins de santétraite de la prise de décision au nom d'autrui. Un mandataire est une personne désignée pour prendre des décisions médicales au nom d'une autre personne qui n'est pas apte à le faire. En Belgique, la règle qui s'applique à la prise de décision anticipée s'applique aussi à la prise de décision au nom d'autrui. Aucune autre administration n'a adopté de loi visant à permettre un tel consentement à l'aide à mourir; le Québec permet explicitement la prise de décision au nom d'autrui dans le cas de la « sédation palliative continue » mais non dans celui de l'aide médicale à mourir.
Dans un mémoire présenté au Comité, la School of Disability Studies de l'Université Ryerson a soutenu qu'il faut tenir compte très attentivement du concept du consentement dans la rédaction de toute loi future concernant l'aide médicale à mourir. Elle a signalé que « souvent, on ne considère pas que les personnes qui ont une incapacité cognitive reconnue et des problèmes psychiatriques diagnostiqués sont aptes à donner un consentement éclairé. La demande de suicide assisté ne doit pas provenir d'un mandataire. Elle doit émaner de la personne même ».
Le Pr Eike-Henner Kluge a mentionné au Comité qu'il existe des arguments déontologiques en faveur de l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir au-delà de la déclaration faite par la Cour suprême dans l'arrêt Carter de manière à permettre aux personnes qui demandent l'aide à mourir par l'intermédiaire d'un mandataire d'y accéder. Peu de groupes ont soutenu cet argument. Le Comité a reçu un mémoire dans lequel il était spécifié que dans « tout cas où il y a ambiguïté, ou lorsque le jugement du mandataire est mis en doute, un bioéthicien devrait intervenir ».
Anna MacQuarrie, directrice des Initiatives mondiales, politique et droits de la personne à Inclusion International, un groupe de défense des droits des personnes handicapées, a présenté au Comité de l'information sur « la prise de décision appuyée ». Elle a expliqué que même si la prise de décision au nom d'autrui soulève la controverse dans les milieux des droits des personnes handicapées, la prise de décision appuyée est en général encouragée et favorisée. La prise de décision au nom d'autrui retire la capacité d'agir à la personne jugée inapte. La prise de décision appuyée reconnaît que nombre de personnes ayant des incapacités intellectuelles peuvent prendre des décisions à condition d'avoir l'appui nécessaire. Cet appui peut être fourni par un interprète, un dispositif de communication, de l'information formulée en langage simple, ou par une ou plusieurs personnes dignes de confiance.
Dans le mémoire qu'elle a soumis au Comité, l'Association canadienne pour l'intégration communautaire (groupe canadien membre d'Inclusion International) présentait de solides arguments contre l'autorisation de la prise de décisions appuyée dans le contexte de l'aide médicale à mourir :
La jurisprudence sur la capacité et l'aptitude décisionnelles penche de plus en plus vers l'obligation imposée par la loi de reconnaître les moyens de soutien à la prise de décision, mais nous proposons de tirer une ligne législative claire. Dans un rapport, la Commission du droit de l'Ontario recommande qu'aux fins des décisions qui peuvent avoir une incidence fondamentale sur l'intégrité mentale ou physique d'une personne, dont l'aide médicale au suicide et l'euthanasie volontaire font partie, la loi exige que la personne en cause puisse agir « indépendamment devant la loi » […] C'est-à-dire qu'une personne doit pouvoir elle-même comprendre à fond la nature et les conséquences de la décision et en rendre compte avec les appuis et les aménagements qui peuvent s'imposer à cette fin.
F. L'expression de la volonté
Dans la décision Carter, la Cour suprême a déclaré que seules les personnes admissibles et qui « y consentent clairement » peuvent recourir à l'aide médicale à mourir. Les demandes doivent donc être volontaires. Pour s'assurer qu'une demande est effectivement volontaire, il faut évaluer la demande d'aide médicale à mourir présentée par une personne afin de déterminer s'il y a possibilité de coercition, d'influence indue et d'ambivalence. La coercition et l'influence indue s'entendent des pressions de l'extérieur qu'une personne peut ressentir et qui sont exercées par un membre de sa famille, des amis, des personnes en position d'autorité – ce qui pourrait inclure les fournisseurs de soins de santé – ou la société en général, tandis que l'ambivalence reflète les réflexions qui peuvent être contradictoires de la personne elle-même, qui se demande si elle doit aller de l'avant avec l'aide médicale à mourir.
Comme on l'a signalé dans le chapitre 5 du présent rapport, la Cour suprême a déclaré que la prohibition actuelle de l'aide à mourir vise à « [empêcher] les personnes vulnérables d'être poussées à se suicider dans un moment de faiblesse ». Les nombreux mémoires reçus par le Comité portant sur l'aspect volontaire des demandes d'aide médicale à mourir énoncent diverses façons de s'assurer que de telles incitations ne se produisent pas.
En affirmant l'importance du principe de l'expression de la volonté et en traçant un cadre permettant de la déterminer, le Pr Wayne Sumner de l'Université de Toronto a formulé la recommandation suivante :
Quelle que soit la forme de la demande du patient, celle-ci doit être à la fois volontaire et éclairée. Pour être volontaire, elle doit être libre de toute influence indue, qu'elle soit exercée par des membres de la famille, des amis ou des professionnels de la santé. L'influence est « indue » lorsqu'elle atteint le niveau de la fraude, de la duperie, de la contrainte ou de la coercition. La décision d'un patient doit être réputée volontaire à moins qu'il y ait lieu de croire qu'elle ne l'est pas, auquel cas il faut offrir au patient des conseils ou l'accès à un conseiller digne de confiance.
Des mémoires ont présenté des mises en garde générales, visant à souligner l'importance – et, parfois, la difficulté – qu'il y a d'appliquer une norme relative au « consentement clair » dans tous les cas d'aide médicale à mourir. L'Alliance évangélique du Canada a recommandé que « les lois et les règlements fédéraux abordent clairement les enjeux que constituent la vulnérabilité, l'expression de la volonté et la coercition possible ». L'Alliance a affirmé « craindre que les personnes qui se croient un fardeau pour les membres de leur famille, pour le système de santé ou pour leurs aidants naturels ne soient vulnérables à l'influence, aux suggestions ou aux pressions les incitant à demander de l'aide pour mettre fin à leurs jours ».
Dans l'affaire Carter, la juge de première instance a déclaré que les médecins peuvent évaluer de façon fiable s'il y a coercition, influence indue et ambivalence dans le contexte de l'évaluation qu'ils font de l'aptitude de la personne et du caractère volontaire de sa demande. Dans le droit fil de cette constatation, l'Association médicale canadienne a recommandé que les médecins évaluent l'expression de la volonté dans le contexte des demandes d'aide médicale à mourir en déterminant si les décisions ont été « prises librement, sans coercition ni influence indue exercée par les membres de la famille, des fournisseurs de soins de santé ou d'autres personnes »; que la personne a « l'intention claire et établie de mettre fin à ses jours après mûre réflexion »; et que les demandes proviennent des personnes mêmes et qu'elles sont « exprimées de façon réfléchie et à maintes reprises, de manière libre et éclairée ».
La BC Humanist Association a appuyé cette position :
Les médecins évaluent régulièrement l'aptitude des patients à prendre des décisions de vie ou de mort. Nous comptons sur leur savoir-faire pour évaluer l'aptitude et déterminer quand ils ont besoin de renseignements supplémentaires pour le faire.
Par ailleurs, le Comité a appris que le doute subsiste à ce sujet chez plusieurs intervenants dans l'affaire Carter. Par exemple, l'Association for Reformed Political Action a laissé entendre que même si les médecins peuvent être en mesure d'évaluer s'il y a coercition, influence indue ou ambivalence, les psychiatres sont peut-être les plus aptes à le faire. Le Collectif des médecins contre l'euthanasie a affirmé qu'il est impossible d'être absolument certain qu'il y a eu coercition ou non. La Fédération canadienne des sociétés de médecins catholiques a exprimé des préoccupations au sujet de l'évaluation de l'expression de la volonté en présence d'une maladie mentale, d'obstacles linguistiques et culturels et d'autres vulnérabilités sociales. La Dre Renata Leong, de la Fédération, a aussi fait remarquer que :
Comme profession, la médecine n'a pas très bien réussi à identifier les victimes de violence dans leurs relations intimes et de violence faite aux aînés. Si nous ne pouvons les identifier, comment pouvons-nous […] être sûrs qu'il n'y a pas de contrainte et [que les décisions sont] entièrement volontaires? Les recherches s'accordent à démontrer que nous avons toutes sortes de moyens de dépistage, mais cela ne suffit pas.
La Christian Medical and Dental Society of Canada a soutenu que la coercition est difficile à détecter parce que « l'autonomie de la personne ne fonctionne que si chacun a le même pouvoir personnel ». La Pre Jocelyn Downie a exprimé une préoccupation connexe en signalant que l'expression de la volonté peut être particulièrement difficile à évaluer dans le contexte de l'oppression.
Plusieurs groupes ont défini dans leur mémoire des responsabilités ou des procédures précises qui permettraient d'assurer que les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir le font volontairement, sans coercition, influence indue ou ambivalence. Voici quelques exemples :
- Dying With Dignity Canada a proposé que « deux médecins évaluent séparément la personne et attestent que la demande est formulée par l'intéressé sans coercition »;
- Un réseau de médecins de la Colombie-Britannique a mentionné au Comité que la participation d'équipes multidisciplinaires à l'évaluation de l'expression de la volonté pourrait concourir à faire en sorte que l'on n'oublie aucune source de coercition;
- L'Association canadienne pour l'intégration communautaire a recommandé qu'en plus de l'évaluation de la capacité décisionnelle faite par un médecin, des évaluateurs qualifiés déterminent « toute possibilité d'influence indue et de circonstances douteuses » et examinent avec les personnes qui ont formulé la demande tout autre moyen d'appui pertinent « dans la famille et le réseau d'appui social et communautaire de la personne ».
Chapitre 8. La demande
Comme l'a si bien exprimé Anne Sutherland Boal, directrice générale de l'Association des infirmières et infirmiers du Canada « l'aide à mourir n'est pas seulement un acte, c'est un processus. Il commence dès que le patient dit qu'il envisage de faire une telle demande, et il se poursuit jusqu'à sa mort ». La demande d'aide médicale à mourir est une étape importante du processus. De nombreuses considérations et questions sont liées à une telle demande : qui devrait en être l'initiateur et comment cette personne devrait-elle procéder? Quelle forme la demande devrait-elle prendre? Est-ce que la famille ou d'autres témoins devraient intervenir? La section qui suit résume ce que le Comité a entendu sur ces questions.
Une observation de la Dre Renata Leong, une médecin de famille qui traite de nombreux patients marginalisés dans un hôpital urbain du centre-ville de Toronto, a souligné l'importance d'intégrer un degré de formalité dans les demandes en racontant des moments où des patients ont parlé plutôt légèrement de vouloir mourir. Elle a indiqué que ses patients :
ont besoin de savoir qu'ils peuvent être bouleversés, qu'ils peuvent exprimer leur détresse, dire spontanément, sans réfléchir, qu'ils veulent mourir parce qu'ils ne peuvent plus endurer la douleur. Il est possible qu'ils aient changé d'idée le lendemain. Nous voyons cela très souvent. Une fois que nous avons soulagé leur douleur, ou que nous avons fait quelque chose d'aussi simple que faire le nécessaire pour que nos patients utilisant des béquilles puissent se déplacer par transport adapté, ils changent d'idée.
A. La demande doit émaner du patient
Un point sur lequel le Comité a entendu des opinions divergentes était celui de savoir si les demandes devaient toujours émaner d'abord de la personne, ou si un médecin pouvait (ou même devait) mentionner l'aide médicale à mourir en tant qu'option possible dans le cadre du processus de consentement éclairé. Un médecin qui soulève la question de l'aide médicale à mourir s'expose à plusieurs risques. Le Physicians for Compassionate Care Education Fund de l'Oregon a indiqué au Comité que les patients qui n'envisagent pas l'aide à mourir – ou qui s'y opposent – pourraient ressentir de la colère ou se sentir abandonnés ou trahis par un médecin qui suggère l'aide à mourir. On lui a aussi dit que les médecins peuvent avoir une très forte influence sur les choix de leurs patients. Par exemple, si les médecins proposent l'aide médicale à mourir, ils pourraient donner plus de poids à l'option que les personnes auraient pu lui en avoir accordé de leur propre chef. Mme Isabelle Marcoux, professeure adjointe de la Faculté des sciences de la santé de l'Université d'Ottawa, a affirmé que les demandes d'aide médicale à mourir devraient toujours émaner du patient et ne pas découler de la suggestion d'un fournisseur de soins de santé.
Dans un document détaillé exposant les principes et un cadre de lignes directrices pour l'aide médicale à mourir, le professeur R. Cohen-Almagor a écrit :
Le médecin ne devrait pas suggérer le suicide assisté au patient. C'est plutôt le patient qui devrait avoir la possibilité de demander cette aide. Le fait que le médecin aborde la question pourrait miner la confiance du patient à l'égard du médecin, lui donner l'impression que le médecin abandonne tout espoir de le guérir ou de le soulager et que la valeur qu'il accorde à sa vie se limite à lui offrir de l'aide à mourir. Une telle offre pourrait miner la volonté du patient de vivre et d'examiner d'autres traitements possibles.
On a aussi indiqué au Comité que l'option de l'aide à mourir pourrait constituer un élément important du consentement éclairé. L'Association canadienne de soins palliatifs a exprimé les difficultés que ses membres s'attendent à ce que la notion de fournir cette information aux patients suscite :
Tous les patients méritent d'avoir accès à l'information concernant les options en fin de vie, y compris l'aide médicale à mourir. Les conversations à ce sujet n'ont pas été faciles au sein de notre communauté. Pour tout dire, nous nous rendons compte que nous devrons offrir toutes les options, y compris l'aide médicale à mourir aux patients et aux familles, et leur donner de l'information à ce sujet.
Le Dr Marcel Boisvert, de l'Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, a mentionné que les demandes doivent émaner du patient en premier lieu, mais qu'après qu'une personne a fait la demande, « on leur parle des options, y compris de l'aide médicale à mourir. À ce moment-là, on peut le faire sans problème ». En évoquant des conversations avec des collègues du Benelux, le Dr Boisvert a ajouté que « ce n'est que dans des cas exceptionnels que le médecin parle de l'aide médicale à mourir avant que le patient aborde la question ». Le Dr Georges L'Espérance, de la même Association, a soutenu que la question de savoir qui doit parler de l'option en premier va bientôt perdre de l'importance; la connaissance qu'a le public de l'aide médicale à mourir augmentera lorsque le service deviendra disponible. Il a observé que « certaines personnes veulent donner l'impression que ce que nous disons c'est […] le patient vient, nous l'informons de son diagnostic de pathologie sérieuse, grave et irréversible, puis nous lui disons “Eh bien, nous pouvons faire ceci, nous pouvons vous donner des soins palliatifs, puis nous pouvons vous donner l'aide médicale à mourir”. Ce n'est pas comme ça que ça se passe dans la vraie vie ».
Au Vermont, les personnes ont le droit explicite « d'être informées de toutes les options disponibles liées aux soins de fin de vieNote de bas de page142 ». Dans les États américains où l'aide à mourir est légale, elle est disponible seulement pour les personnes ayant une maladie terminale et une espérance de vie de moins de six mois. Les discussions sur les options en matière de traitements possibles aux États-Unis auraient donc une portée plus limitée que dans le contexte de l'arrêt Carter. La législation du Vermont stipule explicitement que discuter de l'option de l'aide à mourir ne peut pas être interprété comme « aider un patient à prendre une décision indépendante ou contribuer à la décision indépendante du patient » de demander l'aide à mourirNote de bas de page143.
B. Où soumettre une demande
Le scénario typique entrevu par la plupart des groupes rencontrés par le Comité est celui où la personne entame une conversation concernant l'aide médicale à mourir directement avec son médecin ou un autre fournisseur de soins de santé. Si le médecin n'a pas d'objection de conscience à l'aide médicale à mourir, le processus sera amorcé et les protections procédurales seront appliquées à partir de ce premier échange. Le Dr Rob Jonquière, directeur des communications à la World Federation of the Right to Die Societies, que le Comité a rencontré aux Pays-Bas, a observé que chacune de ces discussions entre une personne et son médecin est unique.
En Oregon, le Comité a entendu l'avis de Barbara Glidewell, qui a été protectrice des patients à l'Oregon Health Sciences University (OHSU) de Portland pendant près de 30 ans. Lorsque la Death with Dignity Act est entrée en vigueur en Oregon, l'OHSU a décidé de traiter toutes les demandes d'aide à mourir par l'entremise de son bureau de défense des droits des patients. Mme Glidewell a eu des contacts directs avec de nombreuses personnes demandant l'aide à mourir, souvent en présence de leurs familles. Elle a remarqué que souvent, les discussions devenaient plus ouvertes une fois que les médecins avaient quitté la pièce, ce qui lui permettait d'observer la dynamique de la famille. Si elle décelait des conflits ou de la coercition, elle pouvait signaler la situation au médecin responsable pour qu'il l'examine de plus près.
Outre l'interaction traditionnelle entre le patients et leurs médecins, le Comité a entendu d'autres suggestions concernant les moyens d'accéder à l'aide médicale à mourir, soit pour contourner les objections de conscience des médecins, soit pour diversifier les possibilités d'accès.
Le Dr Jonquière a parlé des cliniques de soins de fin de vie des Pays-Bas, où les médecins (autres que le médecin principal ou de famille) et le personnel infirmier évaluent les demandes d'aide médicale à mourir présentées par des personnes et fournissent le service si les exigences juridiques sont respectées. Ces cliniques sont une nouvelle initiative qui a été prise afin de contourner les difficultés auxquelles peuvent se heurter des personnes lorsque les médecins ne sont pas à l'aise de fournir l'aide à mourir, pour des raisons de conscience ou parce qu'ils ne connaissent pas suffisamment bien la procédure. Les personnes peuvent être renvoyées à la clinique après qu'un médecin a refusé le service pour des raisons de conscience, ou s'adresser directement à la clinique.
Dying With Dignity Canada a suggéré qu'au lieu de dépendre uniquement de l'interaction entre le patient et le médecin, un système pourrait comporter de multiples points d'accès. L'accès préoccupait beaucoup cet organisme qui a insisté sur la nécessité de créer une agence financée par le gouvernement pour répondre de façon appropriée aux cas de conscience et garantir un aiguillage efficace. Dying With Dignity Canada a demandé avec insistance que ce « guichet unique » offre des services multilingues, qu'il soit accessible aux personnes ayant peu de connaissances médicales et qu'il soit facile à joindre chaque jour sur la recommandation d'un médecin ou par auto-aiguillage. Selon l'organisation, aucun service de ce genre n'existe actuellement au Canada. Un service vers lequel les patients pourraient s'aiguiller eux-mêmes pourrait être bénéfique puisqu'il permettrait aux patients de prendre les choses en main tout en libérant de cette tâche les fournisseurs de soins de santé qui peuvent avoir une objection de conscience.
Certains groupes ont soulevé des inquiétudes générales concernant l'accès, en citant l'exemple des obstacles à l'accès auxquels les Canadiens pourraient être confrontés s'ils vivent dans des régions éloignées ou si les services offerts ne sont pas uniformes d'une province ou d'un territoire à l'autre. L'Association des infirmières et infirmiers du Canada a suggéré une approche pancanadienne qui assurerait un accès égal à tous les Canadiens admissibles en favorisant l'uniformisation et l'amélioration de la qualité. D'autres groupes ont suggéré l'établissement d'une équipe médicale « mobile » ou « itinérante » qui pourrait atteindre les Canadiens où qu'ils vivent. La Société canadienne des médecins de soins palliatifs a proposé de créer un service mobile en réponse aux objections de conscience dans les collectivités éloignées ou rurales. Le Dr Alika Lafontaine, de l'Association des médecins autochtones du Canada, a appuyé l'idée d'une équipe itinérante pour assurer l'accès dans les collectivités éloignées, et a précisé qu'il pourrait être nécessaire d'adapter les services pour répondre aux besoins des populations autochtones.
C. La forme de la demande
Les points de vue concernant le nombre et le type des demandes variaient parmi les parties intéressées et les experts. Certains ont présenté des recommandations très générales. Par exemple, un réseau de médecins de la Colombie-Britannique que le Comité a rencontré ainsi que la Coalition pour la prévention de l'euthanasie ont tous deux suggéré que les demandes soient « persistantes ». Le Réseau juridique canadien VIH/sida a aussi indiqué qu'il était important que les demandes soient « clairement répétées » à plusieurs reprises.
D'autres groupes ont formulé des recommandations plus spécifiques. L'Association médicale canadienne (AMC) a recommandé que les personnes qui demandent l'aide médicale à mourir présentent au moins deux demandes orales, à intervalles d'au moins 14 jours, sur une période proportionnée au pronostic de la personne. L'AMC recommande qu'après les deux demandes verbales, les personnes soumettent une demande écrite d'aide à mourir au médecin traitant. De l'avis de l'AMC, un tel document écrit prendrait la forme d'une déclaration spéciale qui serait établie par le gouvernement, un ministère de la Santé, une régie régionale de la santé ou un établissement de soins de santé.
L'Alliance évangélique du Canada et l'Association for Reformed Political Action Canada ont recommandé qu'au moins trois demandes soient présentées et que chacune soit enregistrée sur bande vidéo ou audio. Les deux organisations ont donné à entendre que ces enregistrements seraient utiles pour empêcher les abus, ainsi que dans les cas où un acte criminel serait signalé.
Plusieurs administrations exigent que des demandes officielles écrites d'aide à mourir soient présentées et qu'elles soient conservées pour servir de dossier. Ces documents sont utiles aux fins de la surveillance et de la collecte des données, aspect dont le chapitre 12 traitera de façon plus détaillée. Les lois en vigueur au QuébecNote de bas de page144 et en BelgiqueNote de bas de page145 exigent que les patients soumettent des demandes écrites aux médecins traitants. Les deux administrations stipulent aussi que des mesures d'adaptation doivent être prévues pour les patients qui pourraient être physiquement incapables de remplir des demandes écrites. Dans les États de l'OregonNote de bas de page146, de WashingtonNote de bas de page147 et du VermontNote de bas de page148, les patients doivent, en sus de soumettre une demande écrite, faire deux demandes orales au médecin traitant. Les lois américaines ne comportent pas de disposition sur des mesures d'adaptation pour les personnes handicapées. Aucune administration n'exige à l'heure actuelle d'enregistrements vidéo des demandes.
D. Les témoins
Le Comité a entendu et examiné plusieurs suggestions concernant les personnes autorisées à agir comme témoins d'une demande écrite d'aide médicale à mourir, ainsi que le nombre de personnes devant être témoins d'une telle demande.
Jocelyn DownieNote de bas de page149, avocate et professeure en droit de la santé, et David Baker, avocat spécialisé dans la défense des droits des personnes handicapées, ont proposé que toutes les demandes soient signées en présence du médecin traitant et de deux témoins. La même exigence figure dans le projet de loi S-225, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)Note de bas de page150, un projet de loi d'intérêt public émanant du Sénat déposé en décembre 2014. La professeure Downie proposait une deuxième option qui permettrait aux personnes de fournir une déclaration solennelle en vertu de l'article 41 de la Loi sur la preuve au CanadaNote de bas de page151, dansles cas où les deux témoins ne peuvent pas être physiquement présents en même tempsNote de bas de page152. Me Baker ajoute que les deux témoins doivent être tenus d'attester qu'au meilleur de leurs connaissances, la personne est apte, agit volontairement et ne signe pas la demande sous la contrainte.
L'exigence selon laquelle la demande d'aide médicale à mourir d'une personne doit être faite en présence d'un témoin est une mesure de sauvegarde couramment utilisée dans les administrations où l'aide à mourir est autorisée. La loi du Québec exige qu'un formulaire du gouvernement soit signé en présence d'un professionnel de la santé ou des services sociaux qui doit aussi signer le formulaireNote de bas de page153. Elle précise que si le professionnel agissant en qualité de témoin n'est pas le médecin traitant de la personne, ce professionnel doit remettre la demande au médecin traitant. Les lois des États de WashingtonNote de bas de page154 et de l'OregonNote de bas de page155 exigent qu'une demande soit signée et datée par le patient en présence d'au moins deux témoins qui, en présence du patient, attestent qu'au meilleur de leurs connaissances, le patient est apte, agit volontairement et ne signe pas la demande sous la contrainte. La loi du Vermont est légèrement différente du fait que la demande de la personne doit être signée en présence de deux témoins ou plus qui doivent signer la demande et affirmer que la personne semble comprendre la nature du document, et être libre de contrainte ou d'une influence indue au moment de la signatureNote de bas de page156.
Dans certains cas, la loi ou la loi type comporte certaines conditions visant à garantir que les personnes servant de témoins ne sont pas en situation de conflit d'intérêts potentiel. Les lois types proposées par la professeure Downie, Me Baker et le projet de loi S-225 comptent de telles exigencesNote de bas de page157. Ils stipulent qu'un témoin doit avoir au moins 18 ans et ne doit pas être :
- Un membre de la famille – par le sang, le mariage, l'union de fait ou l'adoption;
- Un propriétaire, exploitant, employé ou résident d'un établissement de soins de santé où le demandeur reçoit des soins;
- Un médecin participant aux soins de la personne;
- Une personne qui, au moment où elle sert de témoin, aura droit à la totalité ou à une partie de la succession aux termes d'un testament ou par effet de la loi.
Les lois des États de l'OregonNote de bas de page158, de WashingtonNote de bas de page159 et du VermontNote de bas de page160 comportent des exigences semblables concernant les critères auxquels les témoins doivent satisfaire. L'OregonNote de bas de page161 et WashingtonNote de bas de page162 exigent en plus que, si la personne est un patient dans un établissement de soins de longue durée au moment où la demande écrite est faite, un des témoins doit être une personne désignée par l'établissement et doit satisfaire aux critères stipulés par le ministère compétent.
E. Le rôle de la famille
Certaines personnes et organisations rencontrées par le Comité étaient convaincues du rôle essentiel de la famille dans le processus d'aide médicale à mourir. D'autres ont décrit le processus comme étant une démarche profondément personnelle, qui ne devrait concerner que le patient et son médecin. Le Comité a entendu diverses suggestions sur la question de savoir si la famille devrait ou non jouer un rôle officiel dans le processus d'aide médicale à mourir.
Lorsqu'elle a rencontré le Comité, Mme Lee Carter a parlé du rôle que sa famille a joué pour aider sa mère, Kay Carter, à obtenir l'aide à mourir en Suisse. Elle a indiqué qu'au moment où Mme Kay Carter a décidé qu'elle voulait obtenir l'aide à mourir, elle ne pouvait plus tenir un téléphone, utiliser un ordinateur ou écrire. Par conséquent, Lee Carter et son époux, M. Hollis Johnston, ont effectué toute la planification et rempli tous les documents nécessaires au nom de Mme Kay Carter. Les expériences de Mme Lee Carter démontrent le rôle de support que certaines familles peuvent jouer dans ce processus.
Il est toutefois important de souligner que de nombreuses personnes pourraient vouloir prendre cette décision seules, sans l'intervention de leur famille ou d'autres proches. Plusieurs experts et parties intéressées ont fait valoir que la participation de la famille pouvait enrichir le processus d'aide à mourir pour certaines personnes, mais qu'il ne fallait pas que cette participation l'emporte sur le principe de l'autonomie individuelle. Le Dr James Downar, de Dying With Dignity Canada, a indiqué que les professionnels de la santé pourraient encourager les personnes à inclure leur famille dans le processus, mais tout acte allant au-delà d'un tel encouragement pourrait violer les droits à la vie privée des personnes.
La Dre Linda Ganzini, a souligné qu'il s'impose de protéger les personnes qui peuvent être réceptives à la coercition exercée par les membres de leur famille pour qu'elles demandent l'aide à mourir. Elle a indiqué que la coercition par les membres de la famille dans les cas d'aide à mourir est rare, mais que des entrevues cliniques avec la personne qui fait la demande devraient se dérouler en privé (c.-à-d. à l'écart de la famille) afin d'éliminer cette possibilité. Le Collectif des médecins contre l'euthanasie a aussi fait remarquer que la participation de la famille pourrait poser des problèmes dans les cas où il existe des conflits au sein de la famille concernant la demande d'aide médicale à mourir, ou de l'abus à l'égard d'un aîné. Dans de tels scénarios délicats, les professionnels de la santé joueront un rôle clé pour évaluer si une personne a entièrement et librement consenti à la procédure.
Dans les cas où les familles participent à la démarche, la Dre Katrina Hedberg, épidémiologiste et chef de la Santé de l'État à l'Oregon Public Health Division, a suggéré qu'un soutien psychologique et social soit offert à la famille avant, pendant et après l'exécution des demandes d'aide à mourir. Mme Barbara Glidewell, ancienne protectrice des patients dans un important hôpital universitaire de Portland, en Oregon, a aussi indiqué que l'inclusion de la famille dans le processus peut aider à atténuer l'anxiété de toutes les personnes concernées et avoir un effet salutaire sur les relations avec la famille et les êtres chers.
Mme Melanie MacKinnon, professeure en santé autochtone à l'Université du Manitoba, a souligné le rôle important que les familles autochtones peuvent jouer dans le processus de mort. Elle a fait remarquer que les soins palliatifs et de fin de vie peuvent ne pas être facilement accessibles ou offerts dans de nombreuses collectivités autochtones et que pour cette raison, les familles jouent souvent un rôle important dans le soutien de leurs proches ayant atteint ou presque atteint la fin de leur vie. Elle a indiqué que des familles étendues cherchent souvent à parvenir à une « décision commune » concernant la santé d'un membre malade de la famille, mais elle a raconté des cas où de grands groupes familiaux ont senti qu'ils n'étaient pas les bienvenus dans des milieux hospitaliers. Le Dr Alika Lafontaine, de l'Association des médecins autochtones du Canada, partageait le point de vue de Mme Mackinnon et a déclaré :
Il est tout aussi important pour les patients autochtones de voir leur famille suivre la voie qui les amène à accepter que c'est ce qu'ils veulent faire et que c'est la bonne décision pour eux, que de suivre eux-mêmes cette voie et d'en arriver au point où ils reconnaissent que c'est la décision qu'ils veulent prendre.
Dans quelques administrations, la législation prévoit que le médecin traitant doit consulter (ou offrir de consulter) la famille du patient dans le cadre du processus d'évaluation d'une demande d'aide médicale à mourir. La Loi concernant les soins de fin de vie du Québec exige que le médecin traitant s'entretienne de la demande du patient avec ses proches, si ce dernier le souhaiteNote de bas de page163. La loi du Québec stipule également qu'il incombe au médecin traitant de s'assurer que la personne a eu l'occasion de s'entretenir de sa demande avec les personnes qu'elle souhaitait contacterNote de bas de page164. Aux termes des lois des États de l'OregonNote de bas de page165 et de WashingtonNote de bas de page166, le médecin traitant peut recommander que les personnes avisent leurs proches parents de leur demande, mais dans le cas des personnes qui ne suivent pas cette recommandation ou qui sont incapables d'aviser leurs proches, la demande ne peut pas être refusée pour cette raison. La loi de la Californie exige que les personnes déclarent explicitement dans leur demande officielle si elles ont décidé d'informer leur famille ou si elles n'ont pas de famille à informer de leur décisionNote de bas de page167.
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