Les facteurs de risque pour les enfants exposés à la violence familiale dans le contexte de la séparation ou du divorce

8. Résumé

Les enfants peuvent voir leur bien-être psychologique et physique menacé lorsque leurs parents se séparent dans un contexte de violence familiale. Il est nécessaire de bien comprendre cette menace afin d’améliorer la politique et les pratiques concernant l’évaluation et la gestion des risques et la collaboration entre les professionnels du domaine judiciaire et les organismes communautaires, comme les services de protection de l’enfance.

La séparation et le divorce peuvent être perçus comme une occasion de mettre un terme à la violence et de protéger les enfants, mais uniquement si les risques sont bien évalués, que des mesures adéquates sont prises au sujet des droits de garde et d’accès à l’égard des enfants et que des ressources sont fournies à la famille. Le présent rapport décrit la prévalence et l’impact de la violence familiale pour les enfants ainsi que les facteurs qui accroissent le risque de préjudice auquel l’enfant est exposé pendant la période de séparation et de divorce de ses parents. Nous relevons également les facteurs de protection possibles qu’il y a lieu de prendre en compte dans le cadre des évaluations des risques, de la gestion des risques et de la planification de la sécurité. Nous soulignons l’importance des stratégies d’évaluation des risques pour les enfants qui vivent des situations de violence en période de séparation et de divorce ainsi que les points d’intervention critiques au cours de la séparation et du divorce.

Nous proposons un modèle devant servir à guider les juges, les avocats et les professionnels du domaine judiciaire qui sont appelés à examiner le préjudice auquel les enfants sont exposés en raison de leurs vulnérabilités ainsi que les risques que les parents peuvent présenter. Les résultats des évaluations du risque peuvent mener à des interventions ordonnées par le tribunal et à des mesures de protection entourant l’exercice du droit d’accès des parents à l’égard de leurs enfants. Cette analyse nécessite un examen des obstacles aux services nécessaires, comme les obstacles linguistiques et culturels ainsi que la pauvreté.

Notre examen met en relief les nombreux facteurs qui accroissent le risque de préjudice pour le bien-être physique et psychologique des enfants (p. ex., exposition à la violence conjugale; mauvais traitements infligés dans le passé; stress parental; isolement social de la famille; ressources et soutien inadéquats) dans le contexte de la violence familiale et de la séparation des parents. Il importe de bien comprendre ces risques afin d’améliorer la politique et les pratiques concernant l’évaluation des risques, la gestion des risques et la collaboration entre les professionnels du domaine judiciaire et les organismes communautaires. La meilleure façon de comprendre nos conclusions est peut-être de les examiner sous l’angle d’une approche qui vise à promouvoir la sécurité pour les enfants du Canada qui vivent des situations de violence et des mauvais traitements dans leurs familles et qui doivent composer avec la séparation de leurs parents. Les stratégies que nous exposons visent à combler quelques-unes des lacunes observées dans le domaine, y compris un manque de connaissances au sujet des répercussions de la violence familiale sur les enfants. Pour corriger cette lacune, il est nécessaire d’améliorer la formation des professionnels au sujet du risque auquel l’enfant est exposé, notamment en ce qui concerne les répercussions de la violence conjugale et les liens entre cette forme de violence et la violence envers les enfants dans tous les secteurs de services, y compris le secteur du système judiciaire et les services qui s’y rattachent.

L’élaboration de lignes directrices visant à déterminer les principaux facteurs de risque pour les enfants et les cas à signaler dans le cadre de procédures relevant du droit criminel, du droit de la famille et du droit de la protection de l’enfance soulève également des difficultés. Un manque de coordination est fréquemment observé entre les secteurs et même à l’intérieur du système judiciaire en ce qui concerne les mesures prises pour atténuer les risques auxquels les enfants font face. Des pratiques innovatrices sont en cours d’élaboration et visent à faire une sélection préliminaire des cas de violence familiale portés devant le tribunal de la famille afin d’accorder la priorité à la sécurité de l’enfant et de mettre en place des plans parentaux provisoires ainsi qu’un traitement ou des interventions communautaires. Il existe au sein du système judiciaire des pratiques prometteuses et des modèles à suivre, comme le tribunal intégré pour l’instruction des causes de violence familiale, dont le concept « une famille – un juge Â» assure un degré plus élevé de gestion judiciaire dans le cas de toutes les procédures engagées devant les tribunaux de la famille et les tribunaux criminels. Il est impératif de mieux évaluer les pratiques prometteuses et d’en élargir la portée au Canada.

Selon un des constats qui se dégagent de notre examen de la littérature et de la consultation que nous avons menée auprès d’experts d’un peu partout au Canada, les idées concurrentes sur les outils à utiliser pour évaluer le risque de préjudice physique et psychologique pour les enfants, y compris le risque d’homicide, représentent un défi de taille. La violence conjugale et la violence envers les enfants constituent deux secteurs bien distincts et les services offerts dans chacun de ces domaines ont évolué séparément et mené à l’élaboration d’outils d’évaluation du risque différents qui ne permettent pas forcément d’évaluer le risque de violence mortelle pour les enfants et les adultes. Afin d’examiner ces questions, il est nécessaire de mener d’autres recherches sur les stratégies d’évaluation, d’élaborer des stratégies de gestion de cas prometteuses et de favoriser l’échange d’information et la collaboration entre les tribunaux criminels et les tribunaux de la famille. L’existence d’un réseau de partenaires des milieux universitaire, communautaire et gouvernemental qui est disposé à faire avancer les choses sur ce plan, ainsi que nos experts l’ont affirmé, ouvre la voie à des progrès dans ce domaine. À titre d’exemple, 30 organismes des milieux universitaire, gouvernemental et communautaire se sont associés pour créer l’initiative Canadian Domestic Homicide Prevention Initiative afin d’assurer l’échange, à l’échelle nationale et internationale, de renseignements à jour sur l’homicide au sein de la famille, notamment sur les enfants tués dans le contexte de la violence conjugale.

Les auteurs espèrent que le cadre de travail exposé dans le présent document stimulera l’amélioration de la formation, de la recherche et des pratiques au Canada afin de réduire le risque auquel les enfants sont exposés dans les cas de séparation et de violence familiale. Les avancées dans ce domaine passent inévitablement par un engagement renouvelé à relever ces défis sur une base interdisciplinaire et intersectorielle.