Guide de traitement des victimes d’actes criminels: Application de la recherche à la pratique clinique (deuxième édition)
9.0 Victimes de la haine et de crimes haineux
Introduction
Aider les victimes de tout genre de crime peut être difficile, mais gratifiant. Même si l’on met l’accent sur l’acte criminel et sur l’aide à apporter à la victime pour qu’elle donne un sens à cette expérience qui peut être traumatisante, il importe encore plus de se concentrer sur la personne. Dans le cas des victimes de crimes haineux, la relation personnelle et professionnelle peut être encore plus délicate et importante, car vous faites tous deux face aux répercussions de l’incident. Le présent chapitre porte sur les questions dont les intervenants doivent tenir compte lorsqu’ils travaillent auprès de victimes de la haine et de crimes haineux, il soulève d’importantes questions relatives au traitement et il donne aux intervenants certaines idées sur les moyens à employer avec ces victimes et la façon de les aider à reprendre le cours normal de leur vie.
Au cours de l’analyse des travaux de recherche, les crimes haineux ont été étudiés comme un tout, et non pas ventilés selon les types particuliers de victimisation fondés, par exemple, sur la race, la religion ou l’identité sexuelle. Même si des caractéristiques ou des aspects spéciaux s’appliquent à chacun des groupes, comme le traitement qu’ils ont subi par le passé dans la société, ce chapitre a pour objet de faire ressortir les questions qui sont susceptibles de revêtir de l’importance pour toute victime qui estime que les préjugés font partie des raisons pour lesquelles elle a subi un acte criminel. Nous invitons vivement les lecteurs à examiner les travaux de recherche et les questions qui se rapportent expressément aux besoins de chaque client. Le présent chapitre ouvre le débat autour des questions en général et offre aux intervenants des pistes qu’ils devront suivre par leur propre apprentissage.
Enfin, un mot sur le traitement des victimes de crimes haineux, des questions de culture et des interventions auprès des victimes de ces communautés : la plupart des victimes de crimes haineux sont également membres de groupes qui ne font pas partie de la culture dominante. C’est pourquoi l’agresseur s’en prend à elles. Les préjugés et la discrimination sont des phénomènes auxquels bien des personnes de ces groupes font face tous les jours. Cette réalité quotidienne agit comme un prisme que les victimes des crimes haineux utilisent pour comprendre le système de justice pénale, la police et les services d’aide aux victimes et lorsqu’elles demandent de l’aide. Les intervenants s’inspireront de ce chapitre pour décider comment ils pourraient mieux aider la personne à faire face à la victimisation et pour comprendre la réalité sociale de la victime.
Le présent chapitre ouvre sur la définition des crimes haineux et donne aux intervenants une idée de ce qui peut arriver aux victimes. Vient ensuite un examen des questions générales que les intervenants doivent comprendre pour répondre aux questions délicates entourant la culture, les préjugés et la société, puis un examen des effets d’ordre psychologique qu’un crime haineux a sur la victime ainsi que des suggestions quant aux mesures que les intervenants pourraient prendre. Le chapitre se termine sur les questions qui touchent les fournisseurs de services; une section sur les ressources s’adresse aux intervenants qui désirent d’autres renseignements sur ce sujet.
Définition du crime haineux
Aux fins du présent chapitre, la définition suivante du « crime haineux »[6]sera utilisée :
[…] Infractions criminelles motivées par la haine de la race, de l’origine nationale ou ethnique, de la langue, de la couleur, de la religion, du sexe, de l’âge, de la déficience mentale ou physique, de l’orientation sexuelle ou d’autres facteurs semblables.
Définition du Programme de déclaration uniforme de la criminalité,
version 2.2 [7]
La question du crime motivé par la haine est traitée aux articles 318 (préconiser le génocide) et 319 (incitation publique à la haine) du Code criminel (L.R., 1985, ch. C 46), ainsi que dans les dispositions du Code criminel sur la détermination de la peine, à savoir le sous-alinéa 718.2 a) (i). Aux termes de ces dispositions sur la détermination de la peine, les tribunaux doivent tenir compte, pour déterminer la peine, des éléments de preuve établissant « que l’infraction est motivée par des préjugés ou de la haine fondés sur des facteurs tels que la race, l’origine nationale ou ethnique, la langue, la couleur, la religion, le sexe, l’âge, la déficience mentale ou physique, l’orientation sexuelle ou d’autres facteurs semblables »
. De plus, une disposition expresse au paragraphe 430 (4.1) du Code criminel vise le méfait contre un bien servant au culte religieux.
En tant que clinicien, toutefois, notre approche n’est pas fondée sur une position juridique ou de principe, mais sur la définition du crime par la victime. Si la victime croit que la haine ou les préjugés expliquent en partie la victimisation, nous la traiterions en nous appuyant sur bon nombre des principes et des questions soulevés dans le présent chapitre même si nous n’acceptions pas une telle évaluation. Les victimes de tous les crimes ont besoin d’empathie et de compréhension, et l’examen de leur expérience du crime les aidera à mieux comprendre ce qui est arrivé (Teyber [2006]).
Cette compréhension s’obtient en partie par l’examen d’unefoule de comportements criminels qui pourraient être considéréscomme des crimes haineux. Selon Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002], la gammedes crimes haineux va des actes de délinquance juvénile presquesans signification (par exemple causer des dommages à une synagogue pendantune nuit de vandalisme généralisé) à une manifestationpolitique plus organisée (comme un groupe haineux qui incendie une synagogue).La plupart des études et des textes dans ce domaine portent sur l’intimidation,le harcèlement, le vandalisme (contre les maisons ou les lieux commerciaux),la vandalisation de biens religieux, les agressions personnelles (physiques ousexuelles) et les homicides (Barnes et Ephross [1994]; Cheng [2004]; Garnettset coll. [1990]; Jacobs et Potter [1998]; McPhail [2002]). Même si la plusgrande partie de la recherche porte sur les crimes haineux dans les collectivités,plusieurs auteurs considèrent l’Internet comme un nouveau moyende communication par lequel les groupes et les individus haineux peuvent promouvoirleurs points de vue (Adams et Roscigno [2005]; Boeckmann et Turpin-Petrosino[2002]; Glaser et coll. [2002]; Mock [2000]). Le paragraphe 13(1) de la Loi canadiennesur les droits de la personne interdit de diffuser des messages haineux; il a été modifié en2002[8] pourenglober les messages haineux par Internet (voir Mock [2000] pour un examen surla liberté d’expression par rapport au discours haineux). Les intervenantsne doivent pas oublier que tous les crimes haineux impliquent un comportementillégal. Dans le cas des crimes haineux, toutefois, la motivation de l’auteurcomporte des préjugés contre la victime ou le groupe.[9]Les crimes haineux comportent une autre dimension : ils transmettent un message à l’ensemble de la communauté. Même si un acte criminel particulier peut viser un individu, l’objectif de l’auteur consiste à propager la peur dans la communauté de la victime (Blee [2007]; Dauvergne et coll. [2008]; Mock [1995, 2002]; Petersilia [2001]). Un élément primordial de la compréhension des crimes haineux est ce que Berk, Boyd et Hamner [1992] appellent la caractéristique « restrictive » des crimes haineux : sans les préjugés de l’auteur du crime, celui-ci n’aurait pas eu lieu. L’objectif principal est de causer des préjudices causés à la personne en raison de son appartenance au groupe, et non à cause de ses caractéristiques individuelles (Blake [2001]). La victime est ciblée pour causer des préjudices au groupe représenté, non à l’individu. Cette interchangeabilité de la victime comme représentante du groupe est un autre marqueur du crime haineux (Jacobs et Potter [1998]; McDevitt et coll. [2001]).
Bien que des inconnus aient commis 77 p. 100 des crimes haineux violents signalés à la police au Canada (Dauvergne et coll. [2008]), parfois le crime peut comprendre un élément personnel. Selon une étude, beaucoup de victimes qui déclarent des crimes haineux en connaissent les auteurs, ne serait-ce que par hasard (Mason [2005]). Par exemple, la victime peut être une lesbienne connue dans la collectivité qui est harcelée par un voisin. En fait, les études sur les victimes lesbiennes montrent qu’elles sont plus susceptibles d’être visées par des membres de leur famille, des amis et des connaissances que par des inconnus (Stermac et Sheridan [1993]). Les intervenants doivent donc éviter de supposer, lorsqu’ils recueillent des renseignements, que le crime haineux a été commis par un « inconnu ».
Questions courantes
Culture
La culture se rapporte à un ensemble de significations partagées qui forment une structure de relations sociales (Truscott et Crook [2004]). Chacune des communautés visées dans les crimes haineux (race, origine nationale ou ethnique, langue, couleur, religion, sexe, âge, déficience mentale ou physique, orientation sexuelle ou tout autre facteur semblable) peut être considérée d’un point de vue culturel comme étant différente de la culture dominante ou comme ayant des normes différentes. Toutefois, les intervenants ne doivent pas commettre la même erreur que les auteurs de crimes haineux : chaque victime est un individu et ne peut pas être considérée simplement comme un membre du groupe. Les intervenants doivent connaître les normes de la communauté, mais ils doivent aussi se rappeler que cette personne a un point de vue unique et doit faire l’objet de leur attention (Truscott et Crook [2004]).
Aux fins du présent chapitre, nous adopterons une définition générale de la culture comprenant plusieurs éléments de l’identité. Lorsqu’il est question de culture dominante ou de groupe dominant, ces termes se rapportent à la culture générale. On la définirait en gros au Canada comme le groupe composé de blancs (Européens du Nord, de la classe moyenne, hétérosexuels et non handicaps). Toutefois, il importe de noter que les valeurs et la composition particulière d’une culture dominante varient d’une région à l’autre du pays. Le lecteur doit se rappeler que la dominance ne se rapporte pas aux plus nombreux, mais à ceux qui ont plus de pouvoir (social, économique ou politique) et qui définissent ce qui est « normal ».
Les préjugés dans la société
Tous les crimes sont commis dans un contexte social. Des pressions sociales, économiques, familiales et personnelles s’exercent sur la victime et l’auteur du crime. Cependant, d’aucuns soutiennent qu’il faut aussi comprendre les crimes haineux dans le contexte de la vie dans une société préjudiciable (Garnetts et coll. [1990]; Herek et coll. [1997]; Perry [2002]; Willis [2004]). C’est-à-dire que dans notre société, il y a des personnes et des comportements qui sont considérés comme acceptables et « normaux » et ceux qui sont considérés comme « différents ». Souvent, ceux qui sont jugés différents peuvent être la cible des crimes motivés par les préjugés et, peut-être, par la haine. L’examen de la liste de ceux qui sont victimes des crimes haineux permet aux intervenants de remarquer que ce sont tous en général des gens qui sont considérés comme étant à l’extérieur ou en marge de la société (Kaysen et coll. [2005]). Outre le contexte du crime, les intervenants doivent se rendre compte que cette dynamique de l’appartenance au groupe ou de l’exclusion de celui-ci peut causer beaucoup de détresse à la victime et à sa famille (Ardley [2005]; Bryant-Davis et Ocampo [2005]; Dunbar [2001]; Glaser et coll. [2002]; Mock [1995]). Combattre les préjugés peut faire partie de sa vie quotidienne, et cela fera vraisemblablement partie du traitement de la victime (Teyber [2006]).
Le présent chapitre n’examinera pas en détail les motivations des auteurs des crimes; toutefois, il convient d’attirer l’attention sur les préjugés dans la présente section. Dans son examen du racisme, la British Columbia Human Rights Coalition [2003] a défini les préjugés comme « des croyances ou des attitudes à l’endroit d’un individu ou d’un groupe fondées sur des stéréotypes négatifs ou positifs »
. La Coalition fait observer que nous apprenons les stéréotypes dans notre famille et nos collectivités et, à mesure que nous en venons à les croire, il se crée des préjugés qui peuvent influer sur le comportement. Lorsque nous donnons suite à ces préjugés, cela devient de la discrimination et, en cas de perpétration d’un acte criminel, cela devient un crime haineux (British Columbia Human Rights Coalition [2003]). Reflets des préjugés dans la société, les auteurs de ces crimes considèrent souvent leurs actes comme justes et corrects (McDevitt et coll. [2002]). Il peut donc sembler acceptable d’intimider ou de harceler les membres des minorités visibles en milieu de travail ou à l’école ou de se rendre dans des secteurs fréquentés par les gais et d’injurier les personnes dans la rue. Ces préjugés peuvent sembler être le fait d’une société qui accepte les préjugés. Par exemple, lorsqu’il a examiné les crimes haineux commis après le 11 septembre 2001, Gerstenfeld [2002] a constaté que certains délinquants considéraient leurs actes criminels comme étant positifs, justifiés et patriotiques. Il s’agit de toute évidence d’un reflet non seulement de leurs points de vue personnels, mais des points de vue de leurs communautés, de leurs familles et de leurs amis (Gerstenfeld [2002]; Staub [1996]).
Signalement du crime
De nombreux ouvrages portent sur le fait que de nombreuses victimes de crimes haineux ne signalent pas le crime aux autorités (Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002]; Garnetts et coll. [1990]; Herek et coll. [1999]; Herek et coll. [2002]; Janoff [2005]; Kaysen et coll. [2005]; Kuehnle et Sullivan [2003]; Wolff et Cokely [2007]). Selon des publications récentes de Statistique Canada, 60 p. 100 des crimes haineux ne sont pas déclarés à la police (Dauvergne et coll. [2008]). Plusieurs chercheurs ont observé que les victimes peuvent être réticentes à signaler les crimes haineux en raison de la crainte de la victimisation secondaire et(ou) de la crainte de la réaction de la police ou d’autres intervenants (Herek et coll. [2002]; Peel [1999]; Wolff et Cokely [2007]). Même les membres du public pourraient blâmer la victime d’avoir « attiré le crime sur elle »
(Herek et coll. [1999]; Lieberman et coll. [2001]; Wolff et Cokely [2007]). Cela a trait directement aux questions que soulève le fait de considérer notre société comme ayant des préjugés.
Ces chercheurs ont également cité plusieurs autres raisons que les gens donnent pour ne pas signaler les crimes haineux (Herek et coll. [2002]; Peel [1999]) :
- le crime n’était pas important ou il était peu probable que la police attrape les auteurs du crime;
- la personne estimait qu’il s’agissait d’une question personnelle, par exemple le harcèlement de la famille, des collègues de travail, des camarades de classe, etc.;
- la personne s’attribuait la faute ou était embarrassée d’avoir été victime;
- la personne ne croyait pas que c’était un crime;
- la personne a réglé ou a essayé de régler le problème et ne croyait pas qu’elle avait besoin de contacter la police.
Les expériences antérieures de la victime peuvent également déterminer si elle signalera le crime. Selon Stermac et Sheridan [1993], les personnes qui appartiennent à plus d’un groupe minoritaire risquent plus d’être victimes de crimes haineux et de discrimination dans la société. Ce sentiment de ne pas être acceptées en raison de multiples étiquettes peut également réduire les possibilités qu’elles signalent le crime (Dunbar [2006]. Ainsi, une Autochtone lesbienne pourrait être moins susceptible de déclarer un crime haineux qu’une Blanche lesbienne. Dunbar [2006] soutient en outre que dans le cas des victimes de la violence faite aux gais, plus l’agression est violente, moins ils sont susceptibles de la signaler. Les intervenants peuvent devoir aider les victimes à examiner le coût et les avantages du signalement du crime aux autorités (Garnetts et coll. [1990]).
Compte tenu de ce qui précède, certains chercheurs ont examiné le cas de ceux qui ont signalé les crimes. McDevitt et coll. [2001] ont noté que les victimes de crimes haineux étaient plus susceptibles de parler à d’autres personnes avant de signaler le crime. Cela peut être attribuable au besoin des victimes de crimes de décider si ce qui est arrivé était un crime ou de demander d’autres genres de soutien. Peel [1999] a indiqué que ceux qui signalent les crimes haineux sont plus susceptibles de considérer la police comme efficace et d’affirmer qu’ils ne voulaient pas que les auteurs des crimes « gagnent ». Toutefois, ceux qui ont déclaré les crimes ressentaient aussi plus de crainte au sujet du signalement du crime (Peel [1999]).
Vagues de préjudices
Même si l’acte criminel causent des préjudices à la victime directe, il y a également de nombreuses victimes secondaires (Ardley [2005]; Blee [2007]; Jacobs et Potter [1998]; McDonald et Hogue [2006]). Iganski [2001] a décrit les « vagues de préjudices » qui déferlent de la victime initiale au groupe ou au quartier de la victime initiale, du groupe de la victime initiale au-delà du quartier, à d’autres communautés ciblées, aux normes et aux valeurs sociales. Les crimes haineux envoient un message clair aux membres de la communauté de la victime initiale selon lequel ils ne sont pas bienvenus ou acceptés dans la société (Jacobs et Potter [1998]), qu’ils vivent ou non dans le secteur immédiat (Blee [2005]). Par exemple, si une synagogue de Montréal est vandalisée, cela peut influer sur les sentiments de sécurité d’une personne juive à Vancouver. On pourrait observer d’autres sentiments de peur, de manque de sécurité et de vulnérabilité chez tous les membres de la communauté visée (Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002]; Jacobs et Potter [1998]; Herek et coll. [2002]; Jenness et Broad [1997]; Mock [1995 et 2002]). Il peut en résulter une crainte de marginalisation encore plus vive.
Effets psychologiques
Beaucoup de chercheurs dans ce domaine conviennent que les crimes haineux ont un effet sur la victime qui va au-delà de l’acte criminel lui-même (Ardley [2005]; Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002]; Iganski [2001]). Même si bon nombre des réactions énumérées dans la présente section pourraient être observées chez toute victime de crime, les chercheurs les considèrent particulièrement importantes dans le cas des victimes de crimes haineux. En fait, elles peuvent être simplement une réaction raisonnable au stress extraordinaire que cause le fait d’être ciblé par l’auteur du crime et de subir des préjudices en raison de caractéristiques qui échappent à la volonté de la victime (Bryant-Davis et Ocampo [2005]; Craig-Henderson et Sloan [2003).
Selon des études sur les victimes de crimes haineux, à l’instar des autres victimes, souvent :
- elles se sentent moins en sécurité (Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002]; Garnetts et coll. [1990]; Janoff [2005]; Staub [1996]);
- elles voient le monde comme étant moins ordonné et ayant moins de sens (Garnetts et coll. [1990]);
- elles ont une plus faible estime de soi (Dunbar [2006]; Garnetts et coll. [1990]; Mock [1995]; Janoff [2005]);
- elles se sentent moins efficaces (Staub [1996]);
- elles ont des problèmes dans leurs relations personnelles (Janoff [2005]; Staub [1996]);
- elles se sentent coupables et se blâment (Dunbar [2006]; Wertheimer [1990]);
- elles remettent en question leur capacité de se protéger (Staub [1996]);
- elles ont l’impression de ne pas pouvoir atteindre leurs objectifs dans la vie (Staub [1996]);
- elles éprouvent de la colère envers l’ensemble de la communauté ou du sous-groupe (Herek et coll. [1997]; Janoff [2005]; Staub [1996]);
- elles sont dépressives (Herek et coll. [1997]; Janoff [2005]);
- elles souffrent d’anxiété ou de stress post-traumatique (Garnetts et coll. [1990]; Herek et coll. [1997]; Janoff [2005]);
- elles ont des maux de tête et des cauchemars, pleurent, sont agitées et nerveuses et maigrissent (Garnetts et coll. [1990]; Janoff [2005]);
- elles consomment plus d’alcool et d'autres drogues (Janoff [2005]).
Différences par rapport aux autres victimes
Il y a des différences entre les victimes de crimes haineux et les victimes d’autres genres de crime. Les résultats qui suivent proviennent d’études où l’on a comparé directement les victimes de crimes haineux à des victimes d’autres genres de crimes (c’est à dire même communauté) pour établir les différences de réaction. Dans la plupart des cas, la réaction est semblable (voir le tableau 1 de la première partie), mais l’effet négatif est plus grand chez les victimes de crimes haineux.
Comparativement aux autres victimes, les victimes de crimes haineux sont plus susceptibles :
- de subir des agressions brutales (Janoff [2005]; Willis [2004]) – et sont presque trois fois plus susceptibles de subir des blessures graves (Messner et coll. [2004]);
- de signaler une plus grande détresse (Dauvergne et coll. [2008]; Herek et coll. [1997]; Herek, Gillis et Cogan [1999]; McDevitt et coll. [2001]; Mjoseth [1998]);
- de déclarer des niveaux de crainte plus élevés (Craig-Henderson et Sloan [2003]; Dauvergne et coll. [2008]; Herek et coll. [2002]; McDevitt et coll. [2001]);
- de signaler des niveaux plus élevés de dépression, d’anxiété, de colère et de symptômes du SSPT (Herek et coll. [1997]; McDevitt et coll. [2001]) – même si d’autres chercheurs n’ont constaté aucune différence entre les deux groupes en ce qui concerne la dépression (Rose et Mechanic [2002]);
- de considérer les autres comme dangereux (Herek et coll. [1997]; Herek et coll. [1999]);
- de considérer le monde comme peu sûr (Dauvergne et coll. [2008]; Herek et coll. [1999]; McDevitt et coll. [2001]);
- de considérer leur risque de victimisation future comme étant plus élevé qu’auparavant (Herek et coll. [1997]);
- de manifester un niveau relativement faible de maîtrise personnelle (Herek et coll. [1999]);
- de considérer les échecs personnels comme étant attribuables aux préjugés (Herek et coll. [1999]);
- d’indiquer qu’il est « très difficile » de se remettre de l’incident (McDevitt et coll. [2001]);
- de signaler que l’incident a des répercussions importantes sur leur vie (Craig-Henderson et Sloan [2003]; Dauvergne et coll. [2008]);
- de déclarer avoir plus de pensées envahissantes au sujet de l’incident et de ne plus vouloir vivre (McDevitt et coll. [2001]);
- de perdre leur emploi (McDevitt et coll. [2001]);
- de signaler d’importants problèmes de santé (McDevitt et coll. [2001]).
Les intervenants voudront accorder une attention particulière à ces questions et à d’autres qu’ils sont habitués d’observer chez les autres victimes de crimes. La réaction plus vive des victimes de crimes haineux peut s’expliquer par le fait que les auteurs de ces crimes ont choisi leurs victimes d’après des caractéristiques que les victimes peuvent difficilement changer (Blake [2001]; Craig-Henderson et Sloan [2003]; McDevitt et coll. [2001]), d’où leur difficulté accrue de croire à nouveau en un monde sûr. En outre, après le crime haineux, la victime est encore susceptible de rencontrer d’autres préjugés qui feront de nouveau ressortir le fait que certains membres de la société dominante ne l’acceptent pas (Ardley [2005]; Garnetts et coll. [1990]; Herek et coll. [1997]; Willis [2004]).
Questions d’identité
Les intervenants noteront que beaucoup de patients qui sont victimes de crimes haineux ont de la difficulté à exprimer comment ils se voient ainsi que les autres et leurs relations. L’identité comprend le sentiment d’appartenir au groupe, des comportements et des pratiques propres au groupe ainsi que l’exploration du groupe et l’engagement envers celui-ci (Dubow et coll. [2000]). Selon plusieurs auteurs, les personnes qui s’identifient et se définissent par rapport à leur communauté peuvent risquer davantage de développer des symptômes après avoir été victimes d’un crime haineux (Dubow et coll. [2000]; Janoff [2005]) ou de tout acte motivé par des préjugés (Moradi et Risco [2006]). Cela tient peut-être au fait que la victime a subi une agression et à la façon dont elle se perçoit (Blake [2001]; Kaysen, Lostutter et Goines [2005]; Staub [1996]). D’autres indiquent toutefois que les victimes qui n’ont pas de liens solides avec les caractéristiques identitaires visées par le crime peuvent être plus susceptibles de se blâmer, de se sentir nulles et de ne pas signaler le crime (Boeckmann et Liew [2002]). Les intervenants doivent évaluer l’importance des questions d’identification au groupe pour la victime. En sachant si une victime s’identifie beaucoup ou non à ce groupe, les intervenants pourraient mieux prédire les genres de problèmes auxquels elle pourrait faire face et l’orienter vers les services de soutien appropriés.
D’autre part, les chercheurs observent en outre que les personnes qui s’identifient fortement à leur communauté peuvent aussi faire appel aux enseignements et aux membres de leur groupe pour savoir comment s’adapter (Adams et coll. [2006]; Dubow et coll. [2000]; Mock [1995]). Elles sont aussi plus susceptibles d’avoir un soutien social dans la collectivité qui les aidera à saisir la signification de l’incident (Blee [2005]; Janoff [2005]; Miville et coll. [2005]). De plus, elles sont probablement plus portées à signaler le crime, à demander de l’aide et à renforcer leur identité auprès de leur communauté (Boeckmann et Liew [2002]). Selon des études sur divers groupes ethniques et culturels, bien des personnes utilisent leur statut et leur identité au sein du groupe pour se comprendre et comprendre leur monde (Alvarez et coll. [2006]; Chen et coll. [2006]; Miville et coll. [2005]; Wester et coll. [2006]). Cette compréhension peut influer grandement le sens que la personne donne à sa victimisation. Les intervenants devraient inciter les victimes qui s’identifient fortement au groupe à faire appel aux mesures de soutien dans leur communauté ainsi qu’à d’autres services de soutien. Cela les aidera également à trouver un sens qui correspond à leur relation avec leur groupe particulier et avec la société dominante (Craig-Henderson et Sloan [2003]; Dunbar [2001]).
Le principal objectif du traitement de la victime d’un crime est de l’aider à sortir de la crise causée par la victimisation et à reprendre le cours normal de sa vie. S’il y a lieu, ce processus consiste à l’aider à comprendre comment elle s’intègre maintenant à son groupe particulier et à la culture dominante (Dunbar [2001]). Dans le cas des victimes multiraciales ou des victimes qui font partie de différents groupes d’identité (p. ex. Noir, catholique et gai), la guérison peut aussi comprendre l’aide apportée pour faciliter l’accès aux atouts et à l’identité de plusieurs communautés différentes (Miville et coll. [2005]). Rosenwasser [2000] décrit un processus de groupe appelé interrogation coopérative où des gens travaillent ensemble pour développer leur identité malgré les difficultés. Le processus comprend des éléments qui aident les membres à développer une identité saine par rapport à leur groupe et à la société en général. Il semble que cette acceptation de son identité communautaire et l’établissement de limites concernant les rapports avec la culture dominante aident les gens à remonter la pente d’une manière saine.
Même si le présent chapitre n’a pas porté de façon générale sur un groupe en particulier, il y a une question propre aux gais, aux bisexuels et aux lesbiennes qu’il vaut la peine de relever. Plusieurs chercheurs ont noté que ces clients peuvent réagir aux agressions dont ils font l’objet en remettant en question leur décision d’avoir « sorti du placard » (Cheng [2004]; Garnetts et coll. [1990]; Janoff [2005]; Stermac et Sheridan [1993]). Les intervenants peuvent donc constater que les victimes veulent cacher leur sexualité de nouveau et peuvent réexaminer les questions qui se posaient lorsqu’ils sont sortis du placard (Janoff [2005]). Plusieurs autres auteurs traitent de l’homophobie internalisée, en vertu de laquelle la personne adopte le point de vue négatif de la société générale sur l’homosexualité (Kaysen et coll. [2005]). Bien qu’il s’agisse d’une question particulière soulevée au sujet de l’identité sexuelle, il est facile de constater que toute victime de crime haineux pourrait avoir une réaction semblable en essayant de réduire au minimum les différences afin de s’adapter à la culture dominante.
Questions concernant les réseaux de soutien
Comme nous l’avons mentionné précédemment, il y a des vagues de préjudices, et les crimes haineux touchent tous les membres de la communauté. Nous devons travailler avec les victimes afin d’identifier les personnes clés de leurs réseaux de soutien qui pourraient les aider à saisir la signification du crime. Cela est d’autant plus vrai si vous n’appartenez pas au même groupe que la victime. De plus, il se peut que les intervenants doivent travailler avec des personnes du réseau de soutien qui peuvent devoir accepter leurs réactions au crime haineux, et peut-être faire face à leurs propres antécédents et réactions en matière de victimisation (Garnetts et coll. [1990]). La victime doit essentiellement établir un équilibre qui lui permette de bénéficier des mesure de soutien, mais sans surcharger le réseau. Le sentiment de culpabilité du survivant se produit souvent dans le réseau de soutien de la victime ou dans d’autres réseaux du même groupe (Bryant-Davis et Ocampo [2005]). Blee [2007] signale qu’il peut y avoir des réactions très différentes chez les membres du même groupe, même en ce qui concerne la définition d’un crime comme un crime haineux. Par conséquent, la victime peut faire face à l’incrédulité, au désaccord ou à l’absence de soutien au sein de sa famille ou d’une communauté particulière. Les intervenants doivent donc renseigner les victimes sur les réactions possibles de leur réseau, les aider à comprendre ces réactions et aider les victimes à réussir à rétablir les liens avec leurs réseaux.
Questions relatives au traitement
Figure H1 – Le processus de la victimisation et du rétablissement
(Casarez-Levison [1992]) appliqué aux victimes de crimes haineux
Un objectif important du traitement consiste à aider les victimes à saisir la signification du crime et à commencer le processus de guérison (Cheng [2004]; Craig-Henderson et Sloan [2003]). La figure H1 adapte le modèle de Casarez-Levison [1992] pour incorporer les renseignements examinés dans les sections précédentes afin de faire ressortir certaines des questions que les intervenants doivent connaître pour aider les victimes de crimes haineux. De nombreuses questions revêtent de l’importance pour toutes les victimes de crime, entre autres les antécédents en matière de victimisation et de traumatisme, les problèmes de santé mentale, les mécanismes d’adaptation normaux, les comportements sains, les questions de victimisation courantes, l’accès aux réseaux de soutien, etc. Dunbar [2001] présente un excellent examen des questions clés à aborder pendant le traitement des victimes de haine et de crimes haineux. Les questions qui suivent peuvent se poser lorsqu’on traite des victimes de groupes marginaux ou de victimes de crimes haineux.
Questions à soulever
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Déterminer si la personne a établi un lien solide avec la communauté visée par le crime (Dunbar [2001]). Comme nous l’avons vu précédemment, ce lien peut conduire à la résilience (Adams et coll. [2006]; Dubow et coll. [2000]; Mock [1995]), mais il peut déboucher sur plus de difficultés (Blake [2001]; Dubow et coll. [2000]; Janoff [2005]; Kaysen et coll. [2005]; Moradi et Risco [2006]; Staub [1996]). Il importe de ne pas essayer d’imposer son point de vue personnel au sujet de ce que la victime devrait faire. Il faut laisser le client indiquer à quel point il veut utiliser l’identité du groupe pour façonner sa propre identité personnelle.
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Les intervenants peuvent devoir se pencher directement sur leur capacité de traiter la victime (Dunbar [2001]; Teyber [2006]). La personne a traversé une situation difficile et devra se sentir à l’aise avec vous et croire que vous n’êtes pas seulement compétent dans votre travail, mais que vous connaissez aussi ses problèmes et la situation de sa communauté. Les intervenants peuvent vouloir établir un lien avec des personnes clés de la communauté afin de se renseigner sur les questions importantes pour le groupe. Les intervenants pourraient aussi consulter d’autres personnes plus familières avec les questions, diriger la victime vers d’autres intervenants ou discuter de leurs préoccupations avec leurs superviseurs.
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Surveiller et faire ressortir les manifestations de résilience ou de force. Cela s’applique en particulier à la résilience concernant les points forts du groupe auquel s’identifie la victime (Adams et coll. [2006]; Dubow et coll. [2000]; Dunbar [2001]; Mock [1995]). Les victimes peuvent ainsi voir la place qu’elles occupent dans un réseau important, avoir accès aux modèles appropriés sur la manière de faire face à la détresse et mettre l’accent sur le changement et l’adaptation en ce qui concerne les problèmes avec le groupe dominant. Il faut établir un équilibre entre ces aspects et la compréhension du groupe dominant pour que les victimes ne succombent pas à la colère envers l’ensemble de la société (Dunbar [2001]; Janoff [2005]).
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Établir un historique des expériences de la victime en ce qui concerne ses rapports avec la culture dominante (Boeckmann et Liew [2002]; Dunbar [2001]). Était-ce sa première expérience en matière de préjugés? A-t-elle vécu aussi des expériences positives? Cet historique permet également à l’intervenant d’examiner les relations de la victime avec la culture dominante ou avec le groupe qu’il représente. En fait, les intervenants peuvent trouver que les victimes de crimes haineux seront encore plus curieuses de connaître leur identité et leurs croyances à eux au sujet de ces questions (Dunbar [2001]; Teyber [2006]). Ils devraient parler à leurs collègues et à leurs supérieurs de leur sentiment d’aise et de leurs limites pour s’assurer qu’ils peuvent répondre à ces questions d’une manière utile et respectueuse.
Gamme de services
Comme nous l’avons déjà vu, les crimes haineux touchent toute la société, et leur effet ne se limite pas à la victime concernée (Barnes et Ephross [1994]; Iganski [2001] McDevitt et coll. [2001]). Les services doivent donc comprendre les interventions d’urgence normales ainsi que le soutien collectif et individuel à court et à long terme (Dunbar [2001]); Wertheimer [1990]) et aller au-delà des interventions communautaires et de l’éducation. Les intervenants pourraient vouloir obtenir des renseignements sur l’éducation du public, les campagnes de lutte contre la violence et la formation sur la manière de faire face aux préjugés et à la violence (Jenness et Broad [1997]; Lieberman et coll. [2001]; Mock [1995]; Mock [2002]; Rabrenovic [2007]). La défense des droits peut aussi contribuer dans une grande mesure à répondre aux besoins de toutes les victimes de crimes haineux (B. C. Human Rights Coalition [2003]; Blee [2005]; McMahon, West, Lewis, Armstrong et Conway [2004]). Les intervenants peuvent essentiellement aider la victime concernée, mais aussi appuyer les efforts visant à réduire le traumatisme dans l’ensemble de la communauté (Espiritu [2004]).
Même si le présent chapitre porte sur le traitement des victimes de crime, d’aucuns ont soutenu que comme la principale cible des crimes haineux est la communauté visée (p. ex. juifs, gais, francophones), les interventions doivent porter sur l’ensemble de cette dernière (Blee [2005]; Espiritu [2004]; Rabrenovic [2007]). Selon Mock [1995; 2002], au Canada il y a eu diverses interventions au niveau de la communauté, par exemple la promotion de modifications aux lois, la sensibilisation du public, l’incitation au développement communautaire, les campagnes proactives pour contrer les groupes haineux, etc. (B. C. Human Rights Coalition [2003]; Mock [2002]; McDonald et Hogue [2006]; Rabrenovic [2007]). La clé de ces programmes d’éducation communautaire est de réduire les croyances fondées sur les préjugés chez tous les membres de la communauté dans l’espoir d’influer sur leur comportement (Gerstenfeld [2002]; Mock [1995]). Les intervenants qui s’intéressent aux efforts axés sur la communauté pourraient vouloir examiner les sites Web dans la section sur les ressources du Web à la fin du présent chapitre.
Questions relatives aux fournisseurs
Les intervenants devraient mettre en pratique les stratégies d’autothérapie décrites au premier chapitre du guide original. Deux questions connexes qu’il pourrait être important d’examiner en ce qui concerne le traitement des victimes de crimes haineux sont les préjugés personnels ainsi que l’ouverture et l’acceptation.
Préjugés personnels
Nous devons être très clairs et francs concernant nos préjugés personnels au sujet de la communauté et des valeurs culturelles de la victime (Dunbar [2001]. Cela est primordial pour l’établissement de la confiance dans les relations de travail (Teyber [2006]). Les intervenants peuvent vouloir entreprendre des consultations sur n’importe quel préjugé, aussi mineur soit-il (Cheng [2004]). De plus, ils doivent éviter, lorsqu’ils essaient d’être justes, de traiter tous les clients de la même façon. En ne tenant pas compte de la culture, c’est-à-dire ne pas voir le monde comme le client le voit, et en essayant de traiter tous les clients de la même façon, les intervenants peuvent être insensibles aux caractéristiques particulières de la communauté de la victime (Truscott et Crook [2004]). L’approche de l’intervenant doit correspondre aux expériences et aux points forts de chaque client. Traiter les préjugés personnels consiste aussi en partie à faire face aux domaines des préjugés subtils. Nous devons éviter d’utiliser des caractéristiques générales pour décrire la victime – par exemple en parlant de la « victime pakistanaise », ce qui indiquerait que la race est la caractéristique la plus distinctive de la personne (Perry [2002]; Stermac et Sheridan [1993]). Enfin, pour comprendre les préjugés personnels, il peut être important de reconnaître que nous vivons tous dans une société de préjugés qui influe sur nos perceptions et notre recherche de la signification (Cheng [2004]).
Ouverture et acceptation
Lorsque les intervenants traitent des victimes de la haine et de crimes haineux, ils doivent déterminer s’ils sont à l’aise avec la victime et sa communauté. Selon Dunbar [2001], vous devez évaluer vos compétences et vos connaissances quand il s’agit de traiter un membre du groupe concerné. Y a-t-il des différences entre votre vision du monde et celle de votre client? Comment ces différences pourraient-elles influer sur votre travail? Y a-t-il d’autres questions qui pourraient nuire à votre traitement de cette personne? Teyber [2006] souligne qu’il faut offrir à tous les clients un environnement sûr, ouvert et accueillant. Cependant, il note aussi que bon nombre des personnes issues de groupes qui ont moins de pouvoir (minorité, identité sexuelle, religion, etc.) ne peuvent souvent s’attendre à être entendues ou comprises en raison des préjugés qu’elles ont rencontrés dans la culture générale. Les intervenants doivent connaître ces difficultés pour inspirer confiance et établir de bonnes relations de travail.
Nous devons offrir un soutien affranchi de jugement (Craig-Henderson et Sloan [2003]) tout en tenant compte des limites professionnelles et du malaise qu’éprouve la victime à parler de questions difficiles (Wertheimer [1990]). Les intervenants doivent donc savoir que bien des victimes de crimes haineux seront à l’affût des préjugés possibles de ceux qui les aident. Nous pouvons souvent manifester des préjugés subtils d’une façon apparemment innocente qui peuvent causer des problèmes dans la relation d’aide (Truscott et Crook [2004]). Par exemple, les décorations du bureau, les choses à lire et les articles personnels peuvent être accueillants pour certains, mais rebutants pour d’autres. Il ne s’agit pas de préconiser la création d’un milieu de soutien stérile, mais il est utile d’être conscient des messages que nous transmettons aux victimes lorsqu’elles viennent demander de l’aide.
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