Enquête menée auprès des survivants de violence sexuelle dans les Territoires du Nord-Ouest

4. Conclusion

L’objectif de l’enquête était d’étudier les expériences des survivants de violence sexuelle dans l’un des territoires du Canada. Les répondants ont partagé leurs expériences vécues en tant que victimes de violence sexuelle et/ou d’agression sexuelle et un grand nombre de participants ont été victimes de VSE et d’ASA. De plus, ils ont décrit les effets émotionnels difficiles de leurs expériences. Les participants ont également décrit les mécanismes, aussi bien positifs que négatifs, qu’ils utilisent pour réduire ces effets. Un grand nombre des effets de la violence sexuelle et des mécanismes d’adaptation décrits par les survivants correspondent aux constatations des recherches antérieures.

Il est ressorti de l’étude que, conformément à d’autres recherches sur l’examen du signalement de la violence sexuelle, la majorité des survivants de VSE et d’ASA ne signalaient pas à la police la violence sexuelle dont ils étaient victimes. Les participants ont donné diverses raisons pour cela, les plus fréquemment données étant la honte et la gêne, la crainte de n’être pas cru, la peur du délinquant et le fait qu’ils ne savaient pas qu’ils pouvaient signaler la violence sexuelle. Un exemple d’une façon de remédier à ces préoccupations est de mieux renseigner les personnes de tous âges sur la violence sexuelle en leur faisant comprendre que les victimes ne sont pas à blâmer et que le système de justice pénale est là pour les aider. Il est également important de se concentrer sur les raisons pour lesquelles les participants ont choisi de signaler les incidents de violence sexuelle et agressions dont ils ont fait l’objet. Par exemple, plusieurs participants ont indiqué avoir signalé le crime pour remédier à des sentiments négatifs et pour agir. Les premiers intervenants pourraient expliquer aux survivants les effets positifs du signalement, ce qui pourrait mener les survivants à se sentir davantage capables de dénoncer l’incident.

Les répondants ont partagé leurs expériences et exprimé leurs points de vue en ce qui a trait au système de justice pénale. Les résultats indiquent que les répondants ont obtenu des renseignements sur le système de justice pénale par divers canaux, dont les plus courants étaient les médias et la police. Il est toutefois clairement ressorti des entrevues que plusieurs des répondants ne comprenaient pas le système de justice pénale, la façon dont il fonctionne et qui il fait intervenir. Cela met en lumière l’importance de diffuser des renseignements culturellement adaptés pour améliorer la compréhension du fonctionnement du système de justice, ce qui pourrait par la suite avoir pour effet d’augmenter la probabilité que les survivants dénoncent les crimes.

Bien que la compréhension du système de justice pénale soit très importante pour les victimes et les témoins, les études montrent que les traumatismes, tels que ceux qui résultent d’une agression sexuelle, ont une incidence sur l’apprentissage (voir McDonald 2000, 2002; Horsman 1999). Le traumatisme peut donner lieu à de nombreuses conséquences cognitives négatives, dont les problèmes de mémoire, la difficulté à prendre des décisions, une plus grande propension à subir l’influence sociale, la désorientation, les problèmes de concentration, autant d’effets qui ont une incidence sur l’apprentissage (Horsman 1999, Rundle et Ysabet-Scott 1995). Étant donné l’incidence du traumatisme sur l’apprentissage, il y aura des individus qui ne comprendront pas ou ne retiendront pas les renseignements qui leur seront donnés par les fournisseurs de services aux victimes. Une formation sur l’incidence du traumatisme sur l’apprentissage devrait être donnée aux services aux victimes et aux autres professionnels du système de justice pénale afin de les rendre davantage capables de donner des renseignements de manière à ce que les survivants puissent comprendre, retenir et utiliser les renseignements dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés relativement à leur rôle dans le système de justice pénale.

Très peu de répondants ont signalé la violence sexuelle et/ou l’agression sexuelle à la police et encore moins de répondants ont participé au système de justice. Les personnes qui ont eu affaire au système de justice ont connu divers résultats et la plupart de celles qui ont participé ont été tenues informées durant tout le processus, principalement par la police. Dans l’ensemble, toutefois, la majorité des répondants n’avaient pas confiance dans le système de justice, y compris dans la police ou dans le processus judiciaire.

Les répondants ont également formulé des suggestions sur ce que les survivants de violence sexuelle devraient savoir sur le système de justice pénale. Les conseils donnés aux survivants reflétaient les difficultés inhérentes que les victimes et les témoins rencontrent dans le système de justice pénale. Par exemple, certains participants ont déclaré qu’il s’agit d’un long processus, tandis que d’autres ont souligné le fait que le système de justice existe pour aider les victimes. Un certain nombre de suggestions avaient également trait à la façon de mieux communiquer ces renseignements aux survivants. L’importance de prévoir un enseignement sur la violence sexuelle dans les programmes scolaires a été soulignée par un certain nombre de répondants. Les participants ont également insisté sur le fait que tous devraient être sensibilisés à la violence sexuelle.

Enfin, on a demandé aux participants comment le système de justice pénale pourrait mieux répondre aux survivants de violence sexuelle. Un certain nombre de suggestions ont été données, qui faisaient état de trois thèmes : un soutien accru, une aide accrue pour se diriger dans le système de justice pénale et l’équilibre des traitements respectivement accordés aux survivants et aux accusés. Ce dernier point met en lumière le fait que certaines victimes ont besoin de recevoir des renseignements sur la façon dont les décisions de mise en accusation et de condamnation sont faites et les raisons pour lesquelles une peine déterminée est imposée. En étant mieux informé de la façon dont le système de justice pénale fonctionne, des facteurs que les procureurs prennent en compte pour décider s’il y a lieu de déposer des accusations ainsi que des facteurs que le juge évalue pour déterminer s’il y a lieu de déclarer coupable un délinquant et quelle peine lui imposer, le survivant pourrait avoir moins tendance à percevoir le système comme injuste. Étant donné le rôle qui est le leur pour aider les victimes dans le Nord, les coordinateurs des témoins de la Couronne et les services aux victimes pourraient engager des discussions plus complètes sur la façon dont ces décisions sont prises.

L’étude a mis en lumière l’importance des questions culturelles. Par exemple, certains répondants ont mentionné les croyances et les normes culturelles qui interviennent lorsqu’ils envisagent de dénoncer les abus dont ils ont été victimes. De plus, les entrevues ont fait ressortir l’existence de barrières de langue. Ces barrières de langue peuvent également avoir une incidence sur le manque de compréhension du système judiciaire, qui était manifeste dans les entrevues, en raison du fait que l’anglais n’est pas la première langue de certaines victimes et du « jargon juridique » utilisé dans le système de justice. Les facteurs culturels et langagiers sont importants à prendre en considération pour dispenser de l’aide aux survivants; ces facteurs montrent qu’il est important de dispenser une aide culturellement adaptée et de donner des renseignements dans une langue que les personnes comprennent.

Il est important de noter que, comme l’étude portait sur un petit échantillon, les résultats ne peuvent pas être généralisés à tous les survivants de violence sexuelle dans les Territoires du Nord-Ouest du Canada. Les expériences dont il est fait état dans l’enquête ne reflètent pas nécessairement celles de tous les survivants de violence sexuelle dans le Nord ou des survivants de violence sexuelle en général. Afin d’atteindre à une compréhension plus complète des expériences des survivants de violence sexuelle dans le Nord canadien, la recherche future devrait porter sur des survivants dans les trois territoires.

Les conclusions de la présente étude mettent en relief des points importants touchant aux expériences des survivants de violence sexuelle dans le Nord canadien. En comprenant mieux les expériences et les besoins des survivants de violence sexuelle, toutes les parties concernées pourront mieux œuvrer à répondre à ces besoins.