3. Conclusions

a) Expériences des utilisateurs

Dans l’ensemble, les utilisateurs du Tribunal interrogés ont dit avoir vécu des expériences très positives grâce au service d’accompagnement du TSS. Les chercheurs ont entendu à plusieurs reprises des utilisateurs exprimer leur gratitude en termes élogieux pour le travail fourni par leurs accompagnateurs. Plusieurs ont indiqué que leur accompagnateur leur avait expliqué clairement et efficacement ce qu’il fallait faire, et qu’ils étaient heureux de disposer d’un service rendant le système moins obscur et complexe. Les accompagnateurs ont été encensés, non seulement pour le travail de fond qu’ils ont effectué pour préparer les utilisateurs à leurs audiences, mais aussi pour leur écoute. Comme l’a déclaré une personne interrogée [traduction] : « Leur écoute est tout simplement exceptionnelle ».

Certaines personnes interrogées menaient de front plusieurs processus juridiques différents, y compris leur appel devant le TSS. Ces processus comprenaient le traitement de réclamations de prestations d’assurance privée et des efforts pour obtenir un financement de leur régime administratif provincial d’aide sociale. Le processus du TSS est donc devenu un fardeau supplémentaire à porter, surtout pour les personnes devant le gérer elles-mêmes. De plus, tous les appelants s’occupaient de leur appel tout en prenant soin d’eux-mêmes et des problèmes médicaux les ayant amenés à demander des prestations d’invalidité du RPC. En raison de ces circonstances de vie stressantes, ils ont apprécié les services de leur accompagnateur.

Le volume important de formalités administratives a été mentionné plusieurs fois parmi les éléments généraux à améliorer. Plusieurs personnes interrogées ont mentionné avoir plus de 1 000 pages dans leur dossier. S’ils ont apprécié les efforts d’organisation de leurs accompagnateurs, qui ont notamment numéroté chacun des documents avant de les envoyer aux appelants, ces derniers se sont dits dépassés au moment de passer en revue tous les documents pour s’assurer que le dossier était prêt. Les utilisateurs ont éprouvé de nombreuses difficultés liées à des problèmes physiques ou à leur degré d’alphabétisation. Sur le plan physique, certains n’avaient pas la capacité et le temps requis pour s’acquitter de toutes les formalités administratives, souvent, mais pas exclusivement, en raison de leur état de santé. D’autres ont indiqué qu’il était psychologiquement dérangeant de voir les commentaires des médecins à leur sujet, surtout s’ils n’étaient pas d’accord avec le diagnostic ou de la manière dont celui-ci avait été établi. Pour bon nombre de participants, il était également difficile de devoir imprimer ces documents pour des raisons financières et logistiques. De nombreux utilisateurs du Tribunal ne disposaient pas d’imprimantes.

Il est important de se demander dans quelle mesure les appelants ou utilisateurs devraient avoir besoin de leurs proches pour les aider à recourir au service d’accompagnement, et cela a été mentionné lors des entrevues lorsqu’il était question des appelants ayant des difficultés liées à l’alphabétisation. Un certain nombre de personnes interrogées ont indiqué ne pas avoir de parents, de travailleurs de soutien ou d’autres personnes à la maison pour les aider à s’y retrouver dans les documents, à remplir les formulaires, etc. Un problème semblable se posait pour les personnes qui ne parlaient pas couramment l’anglais ou le français. Pour ces utilisateurs, la qualité du service reçu a varié selon qu’ils bénéficiaient ou non d’une aide à domicile pour l’interprétation linguistique lorsqu’ils ont parlé avec les accompagnateurs au téléphone. De l’avis des chercheurs, il serait judicieux de fournir des services d’accompagnement dans d’autres langues, y compris l’interprétation en langue des signes, et d’envisager de collaborer avec des organisations communautaires qui pourraient être en mesure de fournir une aide supplémentaire à domicile pour les formalités administratives et d’autres tâches liées à la prestation de services.

Lors des discussions avec les personnes interrogées, certaines ont également proposé que les accompagnateurs se présentent en insistant d’abord sur le fait qu’ils sont là pour aider, plutôt que sur les limites juridiques et sur ce qu’ils ne peuvent pas faire. Les utilisateurs ou les appelants comprennent que les services offerts par les accompagnateurs sont limités, mais la relation pourrait commencer sur une note plus empathique dans certains cas si l’on insistait davantage sur la façon dont l’aide peut être apportée avant de parler de ce qui n’est pas possible.

En plus de ces propositions générales visant à améliorer le service, un certain nombre de thèmes dignes de mention sont ressortis des entrevues avec les appelants accompagnés. Nous avons constaté que ces thèmes rendent compte de certaines des expériences les plus importantes que les utilisateurs du Tribunal ont vécues, et qu’ils pourraient être utilisés pour aider à façonner la future conception institutionnelle du service d’accompagnement. Les thèmes abordés comprennent le soutien offert aux utilisateurs pour les aider à comprendre ce qu’ils ont à prouver au Tribunal, le soutien émotionnel et la gestion de la pression exercée, selon leur perception, par les compagnies d’assurance. En ce qui concerne les utilisateurs issus de communautés marginalisées, les thèmes soulevés portaient sur l’expérience d’une invalidité récente, la perception de l’incapacité par les utilisateurs, l’expérience de l’inégalité systémique perçue au sein du système de santé et le manque de connaissance des ministères.

b) Points de vue des accompagnateurs

Tous les accompagnateurs avec lesquels nous avons communiqué ont exprimé leur passion et leur enthousiasme par rapport au travail qu’ils effectuent. Ils ont estimé que leur rôle était utile et important, et qu’il a une incidence sur l’accès à la procédure d’appel. Ils ont décrit l’objectif du service d’accompagnement dans les termes suivants : expliquer la procédure d’appel, donner les bons renseignements, fournir des conseils, éduquer les appelants, leur servir de personne-ressource, renforcer leur confiance et les aider à prendre le contrôle de leur dossier. Même si, pendant la pandémie, les accompagnateurs ont effectué leur travail à distance, ils ont souligné l’importance d’un réseau de soutien par les pairs et la disponibilité de la direction du Tribunal. S’ils ont donné de nombreux exemples gratifiants d’expériences vécues auprès des utilisateurs, ils ont également décrit les aspects émotionnellement éprouvants de leur travail.

Alors que certains accompagnateurs ont fait part de leurs expériences de soutien aux utilisateurs issus de communautés marginalisées, d’autres ont vu la marginalisation comme une situation commune à tous les appelants qu’ils ont servis plutôt qu’à certains groupes seulement. Cette perception concorde avec les intentions des responsables gouvernementaux qui ont vu à la création du service d’accompagnement : ils voulaient aider tous les appelants qui n’ont pas de représentant professionnel.

Les trois principaux thèmes abordés par les accompagnateurs au cours des entretiens ont trait à leurs perceptions en ce qui concerne l’accès à la justice et la marginalisation, leurs relations avec leurs pairs et la direction, et les défis de la fonction d’accompagnateur.

Les entretiens avec les accompagnateurs nous ont permis de relever les trois principaux moyens par lesquels ils aident les utilisateurs des tribunaux à avoir accès à la justice : expliquer la procédure d’appel et les critères clés, autonomiser les utilisateurs en leur donnant l’information nécessaire et faciliter le processus d’audience.

Les accompagnateurs ont exprimé des avis très positifs sur la formation qu’ils ont reçue. Ils ont expliqué l’apport du modèle de formation par les pairs ainsi que des discussions en petits groupes pour les préparer à assumer leur rôle. Ils ont souligné que ce modèle a facilité leur apprentissage et a contribué aux échanges entre accompagnateurs.

Un point clé qui a été régulièrement mentionné par les accompagnateurs dans les entretiens est le fait que la direction du Tribunal était à leur disposition pour répondre à leurs questions et à leurs commentaires. Collectivement, les accompagnateurs estiment que les possibilités d’échanges harmonieux entre les pairs et la direction leur ont permis de parler de leurs expériences avec leurs pairs et de discuter des différentes possibilités d’amélioration.

Le défi le plus courant mentionné par les accompagnateurs concerne les utilisateurs qui refusaient d’écouter et ne collaboraient pas pendant l’appel. Même s’ils se sont sentis mal à l’aise lors de ces appels, ils ont estimé que leur formation les avait préparés à gérer ces situations.

Les accompagnateurs ont également formulé les suggestions suivantes pour améliorer le service :

  1. Diversifier et améliorer les services de santé mentale pour les accompagnateurs;
  2. Disposer d’accompagnateurs bilingues parlant des langues autres que l’anglais ou le français;
  3. Créer une infographie expliquant les étapes et la durée de la procédure d’appel;
  4. Fournir aux utilisateurs d’autres moyens pour soumettre leurs documents (comme un enregistrement vidéo);
  5. Favoriser le programme de formation des membres du Tribunal pour éliminer les préjugés.