Dépistage rapide et orientation des familles vivant une séparation ou un divorce fortement conflictuel

INTERVENTIONS POUR LES FAMILLES VIVANT UN DIVORCE FORTEMENT CONFLICTUEL

Trois types d’interventions dans l’intérêt des familles divorcées sont souvent évoquées dans les ouvrages portant sur la question : la thérapie et les consultations médico-sociales; la médiation; les programmes de pédagogie parentale. Certains spécialistes, tels que Birnbaum et Martin, du Bureau de l’avocat des enfants de l’Ontario, et Behr et Lafleur-Graham, des Family Law Support Services de la Saskatchewan, considèrent qu’il y a lieu, en outre, d’y ajouter les évaluations parentales.

Les consultations médico-sociales et les moyens thérapeutiques ne sont pas nouveaux puisqu’il s’agit des services communautaires auxquels ont le plus fréquemment recours les familles qui divorcent. La médiation et les programmes pédagogiques, deux programmes relativement nouveaux, peuvent servir à détourner des actions en justice les familles qui divorcent et à les orienter vers d’autres formes de règlement des conflits. L’évaluation parentale appartient à une sorte de zone intermédiaire, point de jonction du droit et du traitement thérapeutique, à partir duquel les familles se verront orienter vers d’autres solutions juridiques ou d’autres moyens thérapeutiques de régler les différends.

Les consultations médico-sociales et les programmes thérapeutiques à l’intention des familles qui divorcent

Dans les familles qui se séparent ou qui divorcent, la première chose que font beaucoup de parents et d’enfants, c’est de chercher de l’aide auprès d’un conseiller ou d’un thérapeute. Il s’agit là de services communautaires assurés par divers types de spécialistes de la santé mentale, y compris des travailleurs sociaux, des psychologues, des conseillers pastoraux et des psychiatres. Les services médico-sociaux sont mis à la disposition des familles divorcées par l’intermédiaire des organismes de service social, des organisations bénévoles, des églises et de praticiens indépendants. Les consultations y sont soit individuelles, soit collectives. Dans le cadre des programmes assurés par des bénévoles ou des églises, elles sont gratuites. Les frais sont modulés en fonction du revenu lorsque le service est assuré par des organismes sociaux et, lorsque le client s’adresse directement au thérapeute, il paye le prix de la consultation. Dans certains cas, le régime d’avantages sociaux mis en place par les employeurs contribue au remboursement des frais des consultations auprès d’un praticien.

Beaucoup d’avocats spécialisés dans les affaires familiales demandent à leurs clients s’ils veulent prendre rendez-vous avec un thérapeute ou un conseiller médico-social, soit pour examiner les chances de réconciliation, soit pour chercher à mieux intégrer les sentiments que leur inspire la séparation, mais la participation à des tels programmes est volontaire et on n’opère donc aucune présélection des personnes qui y ont recours.

La majorité des interventions thérapeutiques dont rendent compte les travaux menés en ce domaine concernent de petits programmes qui n’ont pas vraiment fait leurs preuves. Il s’agit d’initiatives cliniques fondées sur l’expérience et l’expertise de thérapeutes et de conseillers qui s’occupent de familles séparées et divorcées. Certains ont été créés à titre de projet pilote bénéficiant d’une subvention du gouvernement ou de groupements associatifs tels que Centraide. D’autres projets de recherche sont simplement fondés sur des modèles cliniques qui se sont révélés efficaces.

Les articles portant sur des modèles thérapeutiques ou sur les diverses formes de consultations médico-sociales insistent le plus souvent sur les aspects cliniques du divorce et les problèmes liés à l’adaptation des parents et de l’enfant. Des articles, tels ceux qui ont été évoqués plus haut, considèrent que le divorce constitue un moment discret dans la vie d’une famille et tentent de rendre compte de ses répercussions. Ces comptes rendus cliniques se fondent également sur une analyse des causes et des conséquences de l’événement. Leur point de départ est la simple constatation du fait que les parents et les enfants vivent une séparation ou un divorce. En général, les auteurs résument les effets du divorce en insistant sur un aspect spécifique du fonctionnement des individus, par exemple l’adaptation des enfants, telle qu’en témoignent leurs résultats scolaires. Puis, l’on constitue un modèle de recherche dans le cadre duquel sont évalués des groupes de participants à un programme thérapeutique ou à des consultations médico-sociales, avant et après leur recours à l’un ou l’autre de ces services, afin de démontrer les effets bénéfiques de chacun. Certains de ces articles ne font que décrire la situation des participants avant et après leur recours à ces services, alors que les modèles de recherche utilisent également un groupe témoin (en général des clients en attente de service) et effectuent une comparaison des résultats entre les participants au programme clinique et les membres du groupe témoin.

Judith Wallerstein (1991) a constaté, lors de ses travaux, que les deux principaux facteurs favorisant l’adaptation des enfants au divorce de leurs parents sont la sensibilité et l’attachement de ceux-ci envers l’enfant, et le sens moral que préservent les parents à la suite du divorce. Les deux facteurs qui contribuent le plus à une mauvaise adaptation sont la récurrence des conflits parentaux et la mauvaise santé mentale d’un des parents.

Wallerstein (1991 : 452) a conclu de ses travaux que la médiation permet d’aider les familles à éviter les stress d’ordre économique et psychologique souvent liés au divorce. Il ajoute que, pour aider les enfants à reconstituer les appuis essentiels qu’ils trouvaient dans la famille unie, il convient de mettre en œuvre des programmes « reconstitutifs », qui permettent, justement, de sauvegarder et d’adapter ces éléments-là aux nouvelles exigences de la vie au sein d’une famille divorcée et éventuellement, recomposée.

Wallerstein et ses collègues (1985) ont examiné un certain nombre de programmes de counselling/thérapie et en ont conclu que les programmes les plus profitables pour les enfants sont ceux qui insistent sur les capacités des parents à bien s’occuper de leurs enfants. Ils ont en outre conclu que de tels programmes doivent être confiés à des spécialistes ayant les connaissances et l’expérience nécessaire.

Lee, Picard et Blain (1994) se sont penchés sur 15 études portant sur des programmes cliniques s’adressant à des familles en cours de divorce. Ils ont constaté que la plupart des études relatives à l’efficacité de ces programmes retenaient, comme groupe témoin, les personnes inscrites sur la liste d’attente et ont conclu que les programmes de groupe à l’intention des enfants et des adultes étaient légèrement plus efficaces que les programmes individuels. Ils ont également constaté que les programmes s’adressant aux parents étaient beaucoup plus efficaces que les programmes s’adressant aux enfants. Et, enfin, ils ont conclu que, lorsqu’il s’agissait de mesurer l’efficacité de programmes s’adressant aux familles en cours de divorce, l’un des principaux problèmes était l’absence de mesures de référence sur la façon dont les familles faisaient face au stress, indépendamment du divorce.

Grych et Fincham (1992) se sont intéressés au lien entre les effets que, selon la plupart des travaux, la divorce a sur les enfants et les divers types d’interventions cliniques. Ils se sont penchés sur la manière dont les interventions en direction de l’enfant affectaient des facteurs tels que l’extériorisation des problèmes, l’intériorisation des problèmes, les relations interpersonnelles, les problèmes de scolarité et le recours, par les enfants, aux services de santé mentale. Ce travail portait sur trois programmes cliniques proposés aux États-Unis.

Le Children of Divorce Developmental Facilitation Group est un programme qui, en huit séances, tente de normaliser le vécu du divorce, de clarifier les perturbations et le désarroi qui en résultent et d’aider à les surmonter, afin d’élaborer des stratégies permettant aux intéressés de faire face aux sentiments difficiles qu’ils éprouvent et ainsi faciliter les interactions familiales.

Le programme collectif Children of Divorce Adjustment Project vise, en 12 semaines, à aider les enfants et les mères à normaliser l’expérience du divorce, à comprendre et à régler les sentiments que cette situation leur inspire, à trouver les moyens d’y faire face et à améliorer les communications entre parents et enfants.

Le Children of Divorce Integration Project est un programme qui se déroule dans les écoles et qui a pour objet d’aider les enfants à comprendre ce qu’ils ressentent, à faire face aux sentiments que leur inspire le divorce de leurs parents et à améliorer la manière dont ils se voient et dont ils voient leurs familles.

L’étude de Grych-Fincham a conclu de ses travaux que le facteur essentiel permettant d’aider les enfants à s’adapter au divorce est la capacité qu’ont les parents à bien s’occuper de leurs enfants, et que les programmes qui tentent essentiellement d’améliorer, chez les parents, cette capacité, tels que ceux suivis dans les groupes d’étude, sont plus efficaces que les programmes qui cherchent à améliorer la compréhension entre parents et enfants. Ils concluent également au besoin de multiplier les recherches permettant de mieux définir les liens existant entre les problèmes d’adaptation et les divers types d’interventions.

À l’issue de leur examen du Children of Divorce Adjustment Project, évoqué plus haut, Pedro-Carroll et autres (1986) ont conclu que ce programme mis en œuvre dans les écoles constituait une mesure préventive efficace. Sur la base de mesures effectuées avant et après la participation à ce programme, cette étude a démontré que les enfants manifestaient moins de problèmes d’anxiété et d’adaptation scolaire et manifestaient davantage de confiance en eux. Après avoir pris part à ce programme, ils semblent avoir une meilleure estime d’eux-mêmes. Cette étude, comme de nombreux autres examens de programmes cliniques, fonde ses conclusions sur la bonne réaction des enfants au programme. Cette étude ne comportait aucun groupe témoin et seulement un bref suivi des participants.

Bornstein, Bornstein et Walters (1988) ont examiné les effets d’un programme thérapeutique de groupe s’adressant à 31 enfants issus de familles divorcées. Selon cette étude, il n’y aurait aucune différence nette entre les enfants ayant participé au programme et les enfants inscrits sur la liste d’attente. D’après eux, l’analyse de ce genre de groupe type exigerait des mesures plus raffinées.

Analyse des recherches portant sur des programmes cliniques

Ce petit échantillon des études menées sur divers programmes cliniques à l’intention de parents divorcés ou séparés et de leurs enfants révèlent plusieurs problèmes au niveau de la conception même de la recherche.

D’abord, les études à petite échelle permettent difficilement de se prononcer sur l’efficacité que les divers modèles d’intervention pourraient avoir sur des groupes plus importants. La plupart du temps, ces études portent essentiellement sur un petit nombre de facteurs d’adaptation dont les participants font état après avoir suivi quelques séances d’un programme. Les études démontrent en général que tel ou tel type de groupe semble donner tel ou tel résultat, mais aucune analyse ne permet de dire pourquoi il en est ainsi. Sans examiner certains autres facteurs, le style même du chef de groupe, par exemple, il est impossible de prédire si un programme se révélera efficace avec des groupes plus importants.

Deuxièmement, ces études ne comportent en général aucune analyse des facteurs familiaux et sociaux antérieurs. La participation à ces programmes est généralement volontaire, les premiers arrivés étant les premiers servis. On leur administre une série de tests au départ, et une autre à l’issue du programme, l’idée étant généralement de chercher à décrire l’adaptation des enfants et le fonctionnement des parents. Ces résultats seront alors comparés à ceux d’un groupe témoin, c’est-à-dire en général des familles inscrites sur la liste d’attente. Ces études ne se penchent aucunement sur la manière dont ces familles fonctionnent dans leur vie considérée comme un tout, ni sur la manière dont les enfants fonctionnent par rapport aux enfants issus de familles non divorcées.

Troisièmement, aucune de ces études ne tente de cerner de plus près le niveau de conflit qui se manifeste dans les familles et dans quelle mesure ces programmes thérapeutiques ont aidé les enfants et les parents confrontés à ces divers niveaux de conflit. Étant donné que les comparaisons ne se font que par rapport aux membres du groupe témoin, dont on ne connaît pas, non plus, le niveau de conflit parental, il est impossible de dire dans quelle mesure ces familles ont été aidées par les divers modes d’intervention thérapeutique, en les comparant aux autres familles éprouvant des niveaux de conflit analogues et ayant participé à d’autres types de programmes.

Quatrièmement, les résultats constatés ne font que rarement l’objet d’un suivi, et dans les rares études où il y en a un, celui-ci n’est que trop bref. Ces rapports ne sont pas à même de nous dire comment la situation de ces familles évolue avec le temps et si les divers modes de thérapie leur ont apporté des résultats durables.

Et enfin, ces études menées à petite échelle ne tiennent pas compte des effets, pour l’enfant, d’autres changements intervenus dans sa vie, tels que les changements d’école, le fait d’avoir à aller vivre dans un autre quartier ou dans une autre ville, de perdre ses camarades et de partager le remariage de ses parents ou de l’un d’entre eux. Dans les travaux signalés à la section 2, ces effets sont, souvent, un indice important de l’adaptation d’un enfant au divorce de ses parents. Ces études cliniques semblent fondées sur l’hypothèse que les thérapies offertes constituent l’unique cause des conséquences heureuses, et ce aussi bien dans la vie des parents que dans celle de l’enfant.

Ce qu’il faudrait maintenant, c’est une enquête globale qui commencerait par dresser l’inventaire des facteurs émotionnels et structurels tels que ceux qui ressortent des études signalées à la section 2.

Les programmes de médiation

Le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants a recueilli de nombreux témoignages concernant les avantages éventuels de la médiation en cas de divorce, cette médiation devant permettre de résoudre les conflits de manière moins coûteuse et moins orageuse. De nombreux témoins ont soutenu que la médiation devrait être, pour les familles qui se séparent, une première étape obligatoire, évoquant à cet égard des programmes tels que ceux qui ont été instaurés au Québec et en Colombie-Britannique. Le Comité a également entendu, cependant, plusieurs personnes évoquer les effets potentiellement néfastes d’une médiation obligatoire, notamment dans les familles ayant des antécédents de violence conjugale. Certains témoins ont estimé que la médiation obligatoire donnerait à un ancien conjoint violent et abusif l’occasion de continuer à harceler et à intimider son ex-partenaire. Les points de vue exprimés devant le Comité spécial mixte traduisent les idées recueillies au sein de la communauté en matière de médiation.

Au début des années 80, la médiation en cas de divorce était vue comme une bonne mesure de substitution permettant, en matière de garde, de droits de visite et de pension alimentaire, de remplacer les procédures judiciaires traditionnelles. Cette alternative à la voie judiciaire semblait à la fois moins onéreuse, moins antagoniste et plus efficace. L’idée d’inviter les parents qui se séparaient à participer, de manière coopérative, à la négociation d’un projet parental dans l’intérêt de leurs enfants, s’est progressivement popularisée et plusieurs juridictions, y compris le Québec, la Colombie-Britannique, plusieurs États des États-Unis et des pays tels que la Grande-Bretagne et l’Australie, ont introduit, à l’intention des couples qui se séparent, une médiation obligatoire.

Malgré cette popularité cependant, de nombreux groupes féminins ont fait valoir que la médiation ne représente pas une bonne solution pour les familles qui ont des antécédents de violence conjugale. Des critiques féministes ont d’ailleurs fait valoir que, dans le cadre d’un processus de médiation, beaucoup de femmes ne vont pas négocier en toute égalité en raison d’une disparité au niveau des rapports de forces.

Si de nombreux articles soulignent la nécessité d’engager des études qui permettraient de jauger l’efficacité des programmes de médiation obligatoire ou volontaire (Irving, 1987), il est difficile de trouver de telles études. La raison en est peut-être que les variables sont trop nombreuses pour faire l’objet d’une telle étude.

Camplair et Stolberg (1990) ont tenté une étude comparative de 76 couples traversant un divorce difficile. Certains ont été orientés, de manière aléatoire, vers la médiation, d’autres vers les procédures judiciaires. Tous les participants furent, avant d’aller plus loin, testés en regard d’un certain nombre de facteurs et d’aspects de la situation, et à nouveau à l’issue du processus.

Cette étude fait ressortir les nombreux problèmes que posent les recherches sur l’efficacité de la médiation. D’abord, les tests initiaux portaient sur le contenu même de la querelle, le nombre de procédures judiciaires engagées, le comportement des parents et le niveau de coopération dont ils faisaient preuve, l’hostilité conjugale manifeste, la capacité d’adaptation de la famille lors de certains incidents, l’adaptation générale du couple à sa situation actuelle et aussi l’adaptation de la famille aux changements intervenus. Ces tests administrés initialement donnent un nombre très grand et presque inexploitable de facteurs à examiner avant même le début de la médiation ou de la procédure judiciaire. Ces tests n’ont pas pris en compte l’adaptation des enfants au divorce, ni d’autres questions telles que le remariage, le changement de résidence ou d’école, etc. Une fois la médiation ou la procédure judiciaire terminée, les couples se sont à nouveau vu administrer les tests afin de mesurer l’efficacité de la démarche qu’ils avaient suivie. Cette étude n’a pu établir aucun lien entre les facteurs initialement constatés et les résultats enregistrés par la suite, pas plus qu’elle n’a pu dire si, en ce qui concerne les problèmes qui se posaient dans le cadre du divorce, la médiation s’était révélée plus efficace que la voie judiciaire. Il n’y a pas eu, non plus, de suivi des personnes qui y ont participé.

Cela dit, l’étude a mis en relief certaines des difficultés qu’il y a à mesurer l’efficacité de la médiation. D’abord, quels sont les facteurs prédéterminants qu’il s’agit de cerner? Ensuite, quels sont les facteurs liés au processus même (par exemple l’expérience et le style du médiateur, les questions à résoudre), dont il y aurait lieu tenir compte et qu’il conviendrait de mesurer, et comment établir des corrélations entre ces divers facteurs? En enfin, comment mesurer le succès des mesures adoptées?

Certaines études (Emery et autres, 1991; Emery et autres, 1994; Kelly et Duryee 1992) démontrent que bien qu’on ait cherché, dans le cadre des divers programmes de médiation, à s’éloigner de l’idée simpliste qu’il y en a un qui va gagner et l’autre perdre, afin d’adopter une approche plus coopérative des responsabilités parentales, souvent l’un ou l’autre des parents a tout de même l’impression d’avoir perdu la bataille. On ne sait pas encore très bien si le sentiment d’avoir perdu porte à respecter davantage la répartition des rôles parentaux, mais Emery et autres (1994) ont conclu, à l’issue d’une étude portant sur 54 hommes et femmes divorcés, que la plupart de ces parents avaient, dans l’année suivant l’accord de médiation, de nouveau fait appel à la justice.

Pearson et Thoennes (1984) ont comparé les résultats obtenus par 668 couples orientés vers un programme de médiation aux résultats obtenus par 212 couples qui s’étaient adressés à la justice pour résoudre des problèmes de garde d’enfant. La moitié des couples orientés vers la médiation ont refusé d’y prendre part et ont décidé, au contraire, de s’adresser à la justice. En ce qui concerne les autres familles, 60 p. 100 d’entre elles sont parvenues à un certain accord pour résoudre la question, mais 40 p. 100 de celles-ci ont signalé, dans l’année qui suivait, la rupture de l’accord obtenu dans le cadre d’une médiation. Ces résultats s’écartent sensiblement de ce qu’avait constaté Irving (1984) à Toronto, dont les travaux démontraient que 10 p. 100 seulement des cas soumis à une médiation avaient dû être ultérieurement renvoyés devant les tribunaux.

Pearson et Thoennes (1984) ont conclu au besoin de nouvelles recherches sur les moyens d’accroître l’efficacité de la médiation offerte aux couples fortement conflictuels et sur la question de savoir si la garde conjointe est effectivement, pour beaucoup de familles, une solution réaliste.

Analyse des programmes de médiation

Y a-t-il donc lieu de conclure à l’inefficacité de la médiation? Pas forcément, mais les études citées montrent cependant bien qu’il faut procéder, avant la médiation, à une présélection des familles. Ainsi qu’il en est des consultations médico-sociales et des programmes thérapeutiques, il faudra procéder à d’autres travaux si l’on veut se faire une meilleure idée de l’efficacité de la médiation pour les familles éprouvant divers niveaux de conflit. Il faudrait également cerner de manière plus précise d’autres facteurs émotionnels et structurels si l’on veut pouvoir se faire une idée plus juste des possibilités offertes par la médiation. Des travaux portant sur les variables liées aux diverses démarches suivies et leur corrélation possible avec des facteurs prédéterminants ainsi qu’avec le contenu même de la médiation ouvriront de nouvelles pistes en ce qui a trait aux moyens de renforcer l’efficacité de ce type d’intervention.

Ces études démontrent combien il est difficile d’isoler les effets spécifiques d’un mode d’intervention. En effet, les familles prenant part à ces études ne vivent pas dans l’isolement. Elles ont des amis et des proches, vont à l’église et s’entretiennent parfois avec des conseillers ou des thérapeutes. Afin de savoir si la médiation a vraiment été efficace, il faudrait prendre en compte ces autres facteurs.

Enfin, il faudrait que ces familles fassent l’objet d’un suivi à long terme. Les études évoquées dans ce document n’ont effectué aucun suivi des familles au-delà du test de conclusion ou de l’entrevue finale. On n’a aucune idée du nombre de familles qui, ayant participé à une première médiation, éprouvent le besoin d’y retourner par la suite, combien ont abandonné la médiation en faveur d’un recours en justice et combien ont trouvé d’autres manières de résoudre les problèmes qu’elles éprouvaient. Les différences de résultats constatées entre l’étude d’Irving (1984), l’étude de Pearson et Thoennes (1984) et celle de Emery et autres (1994) démontrent la nécessité de procéder à de nouveaux travaux.