Dépistage rapide et orientation des familles vivant une séparation ou un divorce fortement conflictuel
SOMMAIRE
Cette étude documentaire, fruit d’un examen approfondi des travaux publiés auquel est venue s’ajouter une série d’entrevues avec des cliniciens et des chercheurs exerçant auprès de familles divorcées, cherche à définir un certain nombre de facteurs de risque qui contribuent, pour de nombreux enfants dont les parents se séparent ou divorcent, à des conséquences néfastes. Citons, parmi ces facteurs de risque, les facteurs structurels/environnementaux, tels les changements de quartier, de résidence ou d’école; les facteurs relationnels, tels le temps qu’on ne peut plus passer avec un parent ou un proche, les changements qui interviennent au niveau des réseaux de camaraderie et la venue, dans la famille recomposée, d’un nouveau partenaire pour le parent. S’y ajoutent des facteurs émotionnels tels que la mauvaise adaptation à la séparation de l’un ou l’autre des parents, ou des deux, une baisse des capacités parentales de l’un ou l’autre des parents et l’intensification de l’hostilité entre eux. Tout cela contribue à la dislocation des habitudes de vie et à une perte de prévisibilité, deux facteurs souvent liés à la santé mentale de l’enfant. Les études, menées à brève ou à longue échéance, portant sur les enfants de familles séparées ou divorcées démontrent que ces facteurs de risque contribuent, pour les enfants, à toute une série de conséquences néfastes, notamment :
- à de mauvais résultats scolaires;
- à de mauvais rapports sociaux;
- à des troubles du comportement et à des problèmes sociaux;
- à des difficultés sur le plan des émotions, dont la dépression, la peur et l’anxiété;
- à l’abus de diverses substances;
- à des problèmes au niveau des relations à l’âge adulte.
Selon les études sur le divorce, les conflits aigus entre parents représentent un des facteurs de risque auquel sont souvent exposés les enfants. Ce facteur a souvent été évoqué lors des audiences du Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants, et le Comité a recommandé que soient entreprises de nouvelles études pour tenter de savoir s’il est effectivement possible de définir des critères permettant de repérer et d’orienter de manière précoce les familles fortement conflictuelles vers des services spécialisés qui permettraient d’améliorer le sort des enfants.
La présente étude résume les problèmes cernés dans de nombreuses autres études qui ont tenté d’aboutir à une définition précise de ce qu’on entend par divorces fortement conflictuels. Par sa nature même, le divorce comporte, bien sûr, une certaine dose de conflit entre parents, et les travaux entrepris ne sont pas parvenus à une conclusion généralement valable sur la manière de distinguer les conflits accompagnant normalement la séparation et le divorce des conflits aigus. Les recherches accomplies à ce jour ne sont pas non plus parvenues à élucider la question de l’influence nuisible relative, chez les enfants, des divers facteurs de risque parmi lesquels figurent les conflits parentaux.
Malgré ces difficultés, les travaux recensés ont néanmoins permis de mieux cerner les facteurs qui, au niveau du comportement, des émotions et du cadre de vie, semblent exacerber les conflits accompagnant le divorce. Nous pouvons également en tirer une grille d’analyse permettant de distinguer les situations faiblement conflictuelles des situations fortement conflictuelles, ce qui favorise l’élaboration de plans d’aménagement des responsabilités parentales. Il est clair que ce schéma devra être approfondi par le suivi de certains types de familles afin de mieux préciser l’efficacité à long terme des mesures d’orientation prises dans le cadre des évaluations parentales, mais nous possédons dorénavant un point de départ à la fois pour l’adoption de mesures pratiques et à des fins de recherche.
La recherche sur l’efficacité des services complémentaires offerts aux familles qui divorcent, tels la médiation, les consultations médico-sociales, la thérapie et les programmes pédagogiques en sont encore au stade préliminaire et la question de l’orientation vers divers types de services des familles éprouvant divers niveaux de conflit n’a pas encore pu être approfondie. Cette étude a permis de relever deux types de difficultés auxquelles se heurtent les recherches en ce domaine. Bon nombre d’études portant sur un service particulier offert aux familles qui divorcent, tel la médiation ou la pédagogie du divorce, n’ont porté que sur la manière dont les bénéficiaires ont perçu et vécu ce service. Dans la plupart des cas, il n’y avait aucun groupe témoin et il n’est donc pas possible d’opérer de comparaisons sur les niveaux d’efficacité de ces services. Ajoutons que les études portant sur les services offerts aux familles qui divorcent retiennent souvent l’expression « fortement conflictuelles », sans pourtant la définir au moyen de mesures spécifiques du comportement, de la durée ou de l’intensité du conflit, et il n’est donc pas possible de se prononcer sur l’efficacité d’un service particulier offert aux familles éprouvant tel ou tel niveau de conflit sur des questions telles que la garde des enfants, les droits de visite ou la pension alimentaire.
La conclusion à laquelle nous parvenons dans le cadre de cette étude documentaire, c’est que seuls de nouveaux travaux et des méthodes de recherche plus raffinées permettront de parvenir à des mesures précises du conflit qui, souvent, accompagne le divorce. En attendant donc, il convient de voir dans ce conflit un continuum où se situent aussi bien : 1) les incidents et les comportements précis qui, au sein d’une famille, aboutissent à la décision de se séparer; 2) les ressources familiales et communautaires susceptibles d’aider les parents et les enfants à s’adapter aux changements structurels/environnementaux, émotionnels et relationnels qui viennent agir sur leur vie; 3) la manière dont, dans leur for intérieur, les enfants réagissent à l’ensemble de ces difficultés. Une telle structure d’analyse fournit la base des travaux à venir et sert aussi de fondement aux mesures préventives qui, dans le cadre d’une campagne de sensibilisation du public, aideraient tous les parents à mieux comprendre les dangers que le divorce comporte pour la santé mentale des enfants.
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