Le nouveau phénomène du droit de la famille collaboratif (DFC) : étude de cas qualitative

8. LES RESSOURCES : UNE QUESTION CENTRALE

A. Poursuivre sur la lancée

Il a déjà été mentionné que la structure du DFC permettait de commencer les négociations officielles un peu plus tôt que dans les causes familiales réglées par la voie du litige, les rencontres à quatre débutant le plus tôt possible au cours du processus au lieu d'attendre une date de comparution. Il n'empêche que l'absence des pressions liées à un calendrier de comparution imposé par le tribunal a d'autres répercussions. Les négociations étant exemptes des exigences de gestion de cas, des contraintes imposées par le tribunal ou des requêtes antérieures au procès de l'autre partie, le processus a tendance à s'éterniser, parfois même plus que l'une ou les deux parties l'auraient souhaité. D'ailleurs, les avocats pratiquant le DFC reconnaissent dans l'ensemble que le processus collaboratif « procède à la vitesse imposée par le participant le moins pressé » (Étude de cas no12, avocat 2, entrevue initiale, unité 249). Ainsi, la partie qui repousse sans cesse l'issue — il s'agit la plupart du temps de la partie la moins préparée émotionnellement au divorce — ne subit aucune pression extérieure, autres que les pressions que l'avocat de la partie opposée choisit d'imposer. Ce genre de situation peut soulever des questions de droit problématiques dans les cas où la garde des enfants entre en ligne de compte et où la partie qui use de moyens dilatoires souhaite établir un horaire de garde, ou lorsque la date de la conclusion du divorce est retardée pour les besoins du calcul de l'actif. De façon plus générale, une telle situation peut susciter un fort sentiment d'impuissance chez la partie qui voudrait que le processus progresse plus rapidement, et l'une des parties peut ressentir de plus en plus de frustration dans un processus qui semble à la merci de la partie la moins désireuse d'arriver à une décision finale. Ce client peut avoir l'impression de devoir faire toutes les offres, sans toutefois pouvoir imposer des délais à l'autre conjoint :

Je ne voulais pas jouer le rôle du méchant, mais il a bien fallu que je m'y résolve. Je voulais… un conseiller vers lequel me tourner et qui me dirait : « [D.], que veux-tu vraiment? » ou « C'est ce que tu m'as dit », de manière à ce que (…) ma femme, qui n'est pas capable de dire clairement ce qu'elle veut, ait de l'aide en ce sens et dise ce qu'elle veut. Le problème, c'est que je n'ai rien eu de tout cela. Il a fallu probablement trois séances de plus pour arriver à une décision. Je présentais une proposition, pour laquelle je recevais un « peut-être », puis nous nous séparions pour réfléchir et attendre, et lorsque nous revenions, le « peut‑être » se révélait être un « non ». Ensuite, je faisais une autre proposition. Ce fut une dynamique absolument horrible (Visite sur le terrain, client 11).

De fait, un certain nombre d'autres clients du DFC ont exprimé leur frustration à l'égard des rencontres à quatre qui semblent donner peu, voire pas du tout, de résultats. Plus précisément, des clients du DFC ont manifesté de l'impatience en raison du temps et de l'énergie inutilement consacrés à expliquer les dimensions procédurales du DFC, à revoir l'entente de participation et à instaurer un climat de négociation sain. Ils voulaient passer le plus rapidement possible aux discussions importantes. Pour illustrer ce fait, un client a déclaré : « Je suis frustré du rythme auquel le processus avance (…). Nous avons passé beaucoup de temps sur le processus en tant que tel au lieu d'aborder directement les questions importantes et de trouver une solution » (Étude de cas no 3, client 1, entrevue initiale, unité 437).

Toutefois, il faut bien comprendre qu'il faut du temps pour instaurer un climat de confiance entre des conjoints opposés l'un à l'autre pour qu'ils collaborent et négocient. Mais à la lumière des commentaires reçus, il faudrait peut-être que les avocats du DFC avertissent clairement leurs clients que les premières rencontres à quatre ne donneront probablement pas de résultats probants.

En l'absence d'échéances imposées par les tribunaux — contraintes que nombre d'avocats et de clients qualifient d'oppressantes et d'astreignantes — les avocats du DFC devraient envisager d'autres moyens de faire avancer le processus de négociation à un rythme minimal satisfaisant pour les deux parties. Lorsqu'en butte à l'indécision ou à l'intransigeance, les clients ont tendance à conclure que le processus du DFC est trop ouvert et à devenir de plus en plus réticents, alors que le DFC exige un niveau de collaboration élevé.

B. Coûts et frais

La promotion du DFC à titre de solution de rechange moins coûteuse que le litige et la négociation devrait, au fil du temps, s'avérer juste. Il est logique de prévoir que l'élimination d'étapes procédurales, des frais de cour et d'un rituel de négociation désynchronisé aura pour effet de réduire les coûts pour le client. Seulement, à ce jour, trop peu de causes résolues par le DFC ont été étudiées pour confirmer cette assertion.

La situation est la même pour la médiation. Il reste nombre de difficultés méthodologiques à régler. En premier lieu, il est difficile d'établir un coût « moyen » pour une cause de divorce, celle-ci étant unique et ayant ses caractéristiques propres (tant prévues qu'imprévues). En deuxième lieu, le type d'expertise requis dans un processus collaboratif influe directement sur le coût final, et il y en aura toujours pour mettre en doute l'utilité de cette expertise pour éviter les problèmes qui surviennent dans la négociation. En troisième lieu, la qualité du résultat — par exemple, sa durabilité et, en particulier, la relation future entre les deux parties — est très difficile à évaluer pour déterminer la « valeur » potentielle du résultat comparativement aux coûts.

Dans quelques-unes des causes étudiées, la question des frais a été source de conflits attribuable principalement aux attentes vagues ou à des hypothèses non expliquées. Une pratique susceptible de soulever bien des conflits est la facturation, au client, de toutes les discussions qui ont lieu entre les membres de l'équipe collaborative, y compris les conversations entre les avocats et les guides en matière de divorce. C'est pourquoi il importe de clarifier dès le départ avec le client la méthode de facturation ainsi que les limites qui doivent être imposées lorsqu'il s'agit de facturer des démarches dites « de communication ». Il va de soi que des frais plus élevés que prévus sont directement liés à des délais plus longs que prévus pour en arriver à un règlement (voir la discussion précédente). Par conséquent, il pourrait être avantageux de faire un suivi des coûts tout au long du processus et d'examiner d'autres options en cours de route lorsqu'une cause traîne en longueur. Le client ne peut faire autrement que de se sentir pris au piège lorsqu'une entente de désistement a été conclue et qu'il doit tout reprendre du début, avec un autre avocat et par la voie du litige. Il ne peut qu'avoir l'impression d'avoir « gaspillé » tout l'argent dépensé jusque-là (Étude de cas no 8, client 2, entrevue de mi-parcours).