Le nouveau phénomène du droit de la famille collaboratif (DFC) : étude de cas qualitative

RÉSUMÉ

1. Introduction

L'essor prodigieux du « droit familial collaboratif » (DFC) constitue l'un des phénomènes les plus remarquables des 25 dernières années dans le milieu des services juridiques. En général, on entend par « droit collaboratif » (DC) une forme de pratique du droit selon laquelle l'avocat et son client s'engagent par contrat à ne pas recourir aux tribunaux pour régler un litige. Le mandat de l'avocat consiste à conseiller et à représenter son client en vue d'un règlement à l'amiable et à se concentrer sur la recherche d'un résultat négocié faisant consensus. Si le client décide finalement de recourir aux tribunaux, il est prévu dans le mandat que l'avocat du droit collaboratif (ainsi que tous les autres professionnels de la collaboration comme les conseillers en divorce ou les planificateurs financiers) doit se retirer et cesser de toucher toute rémunération. Le droit collaboratif est appliqué dans plusieurs domaines, en particulier en droit de la famille.

La présente note fait état des principales conclusions du projet de recherche sur le droit familial collaboratif, initiative de trois ans financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et le ministère de la Justice du Canada et ayant porté sur la pratique du DFC au Canada et aux États-Unis. Cette étude visait à connaître la valeur ajoutée par le DFC dans le déroulement et l'issue des litiges en matière de divorce, et en particulier son incidence sur les clients.

2. L'étude

L'étude a consisté essentiellement à mener des entrevues pour recueillir des données personnelles, introspectives et complexes sur l'expérience des avocats et des clients relativement à la théorie et à la pratique du droit collaboratif. Les chercheuses ont mené 66 entrevues initiales auprès d'avocats, de clients et d'autres professionnels du droit collaboratif dans neuf villes des États-Unis et du Canada où il existe des groupes de DFC. L'année suivante, quatre villes — Vancouver et Medicine Hat au Canada, et San Francisco et Minneapolis aux États-Unis — ont été sélectionnées pour représenter un éventail complet de pratiques et de philosophies et des clientèles variées. Dans chaque ville, des clients et des professionnels rattachés à quatre dossiers de DFC ont été recrutés pour participer à l'étude. Des entrevues normalisées ont eu lieu tout au long du projet auprès de chaque client et de chaque professionnel du domaine (avocat, thérapeute, conseiller financier, etc.). Au total, 150 entrevues ont été menées pour les 16 études de cas.

3. Groupes de droit familial collaboratif

Dans chaque groupe de DFC, il y a une ou plusieurs âmes dirigeantes qui sont souvent des plaideurs expérimentés ayant une grande crédibilité dans leur milieu. Par ailleurs, tous les groupes de DFC ont adopté des règles d'adhésion qui ne varient que légèrement d'un groupe à l'autre. Ainsi, les groupes de DFC remplissent une fonction de contrôle importante. À chaque endroit, il semble exister une ferme volonté d'uniformiser la pratique, du moins localement. Cette tendance entraîne une certaine tension entre les groupes privilégiant des approches différentes.

4. Principales variations dans la pratique du DFC

a. L'avocat traditionnel adhérant à la collaboration

Ce modèle de DFC définit le rôle de l'avocat en termes plutôt traditionnels quant aux fonctions qui consistent à formuler des conseils juridiques ou à veiller aux intérêts du client. L'« avocat coopératif » continue de mettre les conseils juridiques au cœur de son rôle. Cette perspective l'amène à considérer que sa loyauté est due d'abord à son client, et non à l'équipe de collaboration ni à l'« ensemble de la famille ». De bien des façons, l'avocat coopératif adapte les règles de DFC à ses propres principes relativement à la représentation et à la défense du client, ou tente de faire un mélange des deux.

b. L'avocat-ami et accompagnateur

Les tenants de cette approche font un pas de plus dans la transformation du rôle traditionnel de l'avocat. En effet, l'« avocat-ami » estime qu'un des aspects fondamentaux de sa compétence consiste à offrir un cadre qui soutient moralement le client; d'ailleurs, il présente souvent le divorce comme une aventure de croissance personnelle. L'avocat-ami est souvent mal à l'aise avec l'idée qu'il « défend » une des deux parties. Même l'expression « défense des intérêts » ne lui plaît pas. Il juge inefficace d'insister sur les droits comme tels et considère cette approche comme moins constructive que le fait de travailler sur les aspects thérapeutiques du divorce.

c. Le joueur d'équipe

Le « joueur d'équipe » a beaucoup en commun avec l'« avocat-ami », mais son trait distinctif réside dans la promotion de la primauté des principes de DFC sur toute autre considération (comme la maximisation de la satisfaction du client ou la mesure des résultats à l'aune de critères juridiques). Le joueur d'équipe tient mordicus à ce que l'on respecte le processus jusqu'à ce qu'une solution émerge. Il mise beaucoup sur la collaboration, la communication et, éventuellement, l'établissement de stratégies de concert avec l'avocat de l'autre partie.

En fait, rares sont les avocats qui répondent uniquement à un seul de ces types, ce qui permet de conclure — sans surprise — que les normes de pratique ne sont pas encore fixées. Cependant, dans chaque ville, un de ces types idéaux prédomine.

5. Objectifs, attentes et motivations relatifs au DFC

L'étude a permis de constater que la principale motivation des avocats qui pratiquent le DFC est de trouver une façon de pratiquer le droit qui corresponde davantage à leurs convictions et à leurs valeurs que le modèle traditionnel. Au nombre des autres motivations ressortant de l'étude, mentionnons l'amélioration du service et la recherche d'une formule plus efficace que la médiation familiale.

Quant aux clients, les objectifs de nombre d'entre eux, en recourant à la collaboration, étaient de réduire les coûts et les délais. Parmi les motifs secondaires, mentionnés par un plus petit nombre, figuraient l'importance de donner le bon exemple, surtout devant les enfants issus du mariage, ainsi que la possibilité de croissance personnelle offerte par un processus coopératif mené en personne.

Il existe des différences entre les objectifs des clients et ceux des avocats. En général, les premiers témoignent d'une attitude beaucoup plus pragmatique que les seconds, ceux-ci étant plus enclins à décrire des objectifs supérieurs qui, dans certains cas, frisent l'engagement idéologique. Cette différence se comprend bien, compte tenu que les clients s'apprêtent à traverser une crise personnelle, alors que les avocats s'intéressent à la façon dont le DFC répondra aux besoins de leurs clients — et aux leurs — relativement à la justice et à la dignité du processus.

Le contraste des points de vue entraîne toutefois deux préoccupations. La première, c'est que les clients qui ont adhéré au DFC en grande partie en raison des « promesses » de règlement rapide et peu coûteux sont parfois amèrement déçus lorsqu'ils reçoivent la note d'honoraires et constatent le temps qu'il a fallu pour arriver à une conclusion. Le mouvement du DFC devrait faire preuve de circonspection en général dans ses prétentions à ce sujet, surtout lorsqu'il s'en sert comme argument pour convaincre les conjoints de recourir au DFC.

Deuxièmement, ce déphasage apparent entre les attentes et les objectifs de certains clients et ceux de leur avocat peut donner lieu à un risque, à savoir que les avocats prêtent à leurs clients un engagement idéologique qui n'existe pas réellement, voire même imposent leurs propres motivations à leurs clients qui, eux, cherchent seulement à conclure rapidement leur divorce sans trop de frais. C'est pourquoi les avocats de DFC doivent faire connaître clairement leurs valeurs et objectifs à leurs clients et prendre garde de ne pas brosser un portrait irréaliste du processus dans leur enthousiasme à l'égard du DFC.

6. L'expérience de négociation en DFC

i. Les négociations

Il semble exister un consensus selon lequel le DFC réduit le bluff et les tactiques caractéristiques des négociations traditionnelles entre avocats, y compris les propositions exagérées dans un sens ou dans l'autre. Les intéressés reconnaissent négocier encore parfois par prises de position, surtout lorsqu'ils sont dans une impasse. Cependant, lorsqu'on en vient à « couper la poire en deux », les parties disposent généralement de plus d'informations et le font dans un esprit beaucoup plus constructif que ce que l'on observe souvent à la fin d'une négociation traditionnelle entre avocats.

L'engagement idéologique profond à l'égard de la négociation coopérative a une incidence importante sur les conditions de la négociation, phénomène renforcé par l'esprit de « club » des groupes de DFC ainsi que par la conviction d'avoir des valeurs communes. Les groupes tiennent beaucoup à donner une bonne réputation à la coopération. Les avocats de DFC font aussi valoir des considérations pragmatiques : lorsqu'il est obligatoire d'arriver à une entente à l'amiable, la négociation fondée sur la prise de position ne donne rien.

ii. La place des émotions

Plusieurs clients ont fait remarquer que leur avocat semblait sous-estimer l'émotivité dans laquelle baignent inévitablement les négociations entre conjoints. Parfois, ils ont l'impression qu'on veut nier leurs sentiments et imposer une fausse impression d'« harmonie ».

Si les avocats veulent tempérer les discussions entre personnes blessées et en colère, ils doivent avoir les compétences nécessaires. Aussi leur formation doit-elle les préparer à faire face à des échanges très conflictuels et très chargés, en théorie et en pratique.

iii. Le rôle des conseils juridiques

Il existe de grandes différences entre les avocats en ce qui concerne l'importance accordée aux conseils juridiques et leur spécificité. Sur ce point, il est évident que l'approche choisie par l'avocat dépend du style de pratique du DFC qu'il a adopté.

Les clients eux-mêmes ne savent souvent pas clairement dans quelle mesure ils recevront des conseils juridiques, et certains sont moins satisfaits que d'autres de cet aspect des services collaboratifs. Certains clients se sont dits irrités de n'avoir pas pu obtenir des conseils juridiques clairs et précis à certains moments où ils sentaient qu'ils en auraient eu besoin, et plusieurs auraient voulu que leur avocat se montre plus ferme face à l'autre partie au sujet des limites de ce que celle-ci pouvait revendiquer. Lorsqu'un client sent que son avocat substitue à son rôle de conseiller juridique un rôle quasi thérapeutique, on observe parfois une résistance.

iv. Importance de l'entente de désistement

Les données recueillies dans le cadre de l'étude, dont tous les cas comportaient une entente de désistement (ED), laissent croire que le processus collaboratif favorise un esprit d'ouverture, de coopération et de volonté de trouver une solution qualitativement différente de celles que donnent les négociations traditionnelles entre avocats. Il est cependant difficile de dire si cette conclusion montre la nécessité d'une entente de désistement, au lieu d'une entente qui engage les parties à une période donnée de négociation avant de pouvoir se tourner vers le contentieux. Il faudrait faire d'autres études pour savoir dans quelle mesure l'ED est essentielle au succès de la pratique du droit axée exclusivement sur le règlement à l'amiable.

7. La relation entre avocat et client

i. Responsabilité des décisions

En DFC, on confie au client une plus grande part de responsabilité dans la résolution de ses problèmes en le faisant participer à la planification et aux rencontres de négociation. Bon nombre d'avocats ont indiqué que cette approche les soulageait d'une lourde responsabilité qu'ils ressentaient souvent dans la formule judiciaire.

Les clients qui ont saisi ce changement d'approche l'ont vu d'un oeil favorable. D'autres, cependant, ont dénoncé le fait qu'il y avait des aspects du processus collaboratif au sujet desquels ils avaient peu de pouvoir, par exemple les délais, lorsque l'autre partie semblait se traîner les pieds.

ii. Secret professionnel

En DFC, on observe plusieurs approches en matière de secret professionnel. Les mandats de DFC comportent généralement des dispositions selon lesquelles les signataires s'engagent à communiquer les renseignements « pertinents » et autorisent généralement l'avocat à résilier l'entente s'il sait ou soupçonne que le client ne respecte pas cet engagement. Il n'existe aucun critère uniforme pour définir la pertinence d'un renseignement, et les pratiques sont très variées. Il y aurait lieu de se pencher davantage sur la question du secret professionnel afin de définir des normes plus cohérentes, et surtout pour que les clients soient pleinement au courant des limites de la confidentialité lorsqu'ils adhèrent à une entente de DFC.

iii. Défense des intérêts

Selon la vision la plus traditionnelle de la « défense dévouée », la considération des intérêts de l'autre partie est considérée comme incompatible avec la loyauté absolue que doit l'avocat à son client. Or, dans un processus collaboratif, comme dans d'autres processus axés sur le consensus, l'avocat doit tenir compte des intérêts de toutes les parties, pour des raisons aussi bien pragmatiques que philosophiques. Le problème, pour les avocats de collaboration, consiste à déterminer dans quelle mesure la considération des intérêts de l'autre partie compromet, voire supplante son engagement envers les objectifs de son propre client.

La plupart des avocats de DFC sont conscients de ce problème et cherchent des moyens d'atteindre un équilibre dans chaque dossier. La plupart des avocats de DFC considèrent que leur loyauté va d'abord à leur client. Cependant, le souci de favoriser une transition familiale saine semble en amener certains à considérer que leur loyauté va à « l'ensemble de la famille », même s'ils ne travaillent pas privément avec chaque membre de cette famille ni ne reçoivent des instructions de celle-ci collectivement. Ces avocats pourraient très bien, sans le vouloir, substituer leur propre jugement à celui de leur client.

8. Une approche multidisciplinaire

Relativement peu d'avocats ayant participé aux études de cas ou rencontrés lors des visites sur le terrain avaient suivi l'approche d'équipe dans sa forme intégrale. Les avocats reconnaissent souvent la contribution que peut faire un guide, mais beaucoup ont fait remarquer qu'il était difficile, en pratique, de convaincre les clients qu'ils avaient besoin des services de deux professionnels.

Nombre d'avocats reconnaissent ne pas posséder les compétences requises pour travailler avec certains couples ayant besoin d'une aide spéciale pour communiquer. Certains envisagent la possibilité de ne pas prendre certains dossiers hautement conflictuels à moins que les parties acceptent de retenir aussi les services d'un guide. Cependant, d'autres avocats (d'un nombre faible mais non négligeable) considèrent qu'ils sont qualifiés pour s'occuper des aspects psychologiques qui relèveraient normalement d'un spécialiste de la santé mentale.

Le fait de mettre à contribution différents professionnels dans un même dossier donne lieu à des problèmes complexes encore non résolus. Le plus important concerne le risque de voir l'avocat usurper en partie les fonctions thérapeutiques du guide. Certains thérapeutes ont exprimé leur malaise relativement aux frontières de plus en plus floues entre leur rôle et celui de certains avocats.

On découvre aussi des problèmes liés aux responsabilités décisionnelles et à la hiérarchie au sein de l'équipe, y compris la question des honoraires professionnels et la désignation d'une personne devant jouer le rôle de « pivot » ou de « gestionnaire de cas ». La création d'une fonction de gestionnaire de cas pourrait aider les professionnels à reconnaître et à éviter certains des problèmes propres au modèle d'équipe décrits dans le rapport.

9. Résultats du DFC

Les résultats de la plupart des dossiers qui ont été réglés durant l'étude respectent les critères juridiques. Il n'en faut pas moins demeurer vigilant pour s'assurer que les parties les plus faibles n'obtiennent pas, à l'issue d'un processus de DFC, un résultat plus défavorable que par la voie judiciaire.

Nombres d'ententes comportaient des avantages comparatifs spécifiques, notamment des formules détaillées et créatives relativement au droit de visite et au partage des responsabilités parentales, différents arrangements pour la pension alimentaire et une meilleure communication. Enfin, le processus collaboratif permet l'élaboration de solutions « d'essai » d'une façon rarement possible dans un cadre judiciaire.

10. Coûts et délais

i. Frais et honoraires

Il n'a pas encore été prouvé que les causes résolues par le DFC entraînent moins de coûts que les causes de divorce résolues par la voie du contentieux et de la négociation traditionnelle, quoiqu'il serait logique de le penser. En réalité, on constate une certaine déception à l'égard du coût total — surtout lorsque les négociations ont traîné en longueur — chez des clients ayant eu à l'origine des attentes irréalistes.

ii. Durée

En l'absence des limites de temps imposées par la procédure judiciaire, les avocats de DFC doivent trouver d'autres moyens de faire en sorte que le processus se déroule à un rythme qui satisfasse les deux parties. En butte à l'indécision ou à l'intransigeance de son conjoint, un client qui estime que le processus n'est pas assez encadré peut remettre en cause son engagement à l'égard de la collaboration.

11. Éthique

Hormis un petit groupe de professionnels expérimentés, nous n'avons pas observé une reconnaissance explicite de problèmes éthiques chez les avocats ayant participé à l'étude. Ce constat est pour le moins préoccupant quand on sait que les nouvelles pratiques de consultation, de négociation et de représentation propres au DFC placent fréquemment les avocats dans des situations nouvelles et inconnues qui les obligent à faire preuve de jugement sur le comportement « éthique » à privilégier, sans pouvoir se fonder sur des précédents ou des expériences personnelles claires pour se guider.

Certaines de ces questions sont liées à la gestion d'un dossier collaboratif : sur quels critères doit-on se baser pour juger qu'un dossier en particulier convient au DFC ou pour refuser les mandats où cette formule pourrait même être néfaste? Comment s'assurer que le client donne un consentement éclairé à sa participation au DFC? Quand et comment l'avocat devrait-il conseiller au client d'abandonner le processus collaboratif si les chances de règlement par négociation sont minces? Enfin, comment peut-on garantir que les relations entre avocats sont professionnellement irréprochables, surtout compte tenu du fait que les réseaux de DFC comportent relativement peu de membres et que les avocats sont appelés à travailler ensemble régulièrement?

12. Relation entre DFC et médiation

Les clients ont déclaré que s'ils avaient choisi le DFC au lieu de la médiation, c'était parce qu'ils croyaient obtenir de meilleurs résultats avec un défenseur personnel à leurs côtés au lieu d'une personne qui se tient hors du processus à titre d'avocat consultant. Le DFC semble plus attrayant, émotivement, pour les personnes qui se sentent relativement vulnérables ou peu compétentes en négociation.

Les avocats de DFC estiment en général que si la médiation constitue un processus constructif pour certains, le DFC convient à une clientèle plus vaste et à un plus grand nombre de types de conflits. Beaucoup considèrent que la médiation n'est pas un « processus complet » du fait que l'avocat n'y participe pas directement. La conviction avec laquelle les avocats du droit collaboratif recommandent la médiation à titre de solution de rechange au DFC varie considérablement. Dans certains cas, il est évident que les clients ne savent à peu près rien de la possibilité de recourir à la médiation comme solution de rechange. En n'accordant apparemment qu'une importance négligeable à la médiation, certains avocats gaspillent des possibilités importantes d'enrichissement mutuel entre ce domaine et le DFC.

13. Questions de politiques

Notre étude n'avait pas pour objet d'éclairer les choix des décideurs, mais elle a mis au jour un certain nombre de problèmes entourant l'évolution du DFC.

i. Financement provincial (par l'aide juridique) pour le DFC

Il existe des projets pilotes d'aide juridique de DFC dans plusieurs provinces, et la tendance devrait s'accentuer. Ces initiatives font ressortir deux motifs de préoccupation : les compétences et l'expérience des avocats du droit collaboratif, et la mesure dans laquelle ils offrent aux clients des conseils juridiques traditionnels et des conseils sous le sceau du secret professionnel. Compte tenu des variations mises au jour dans l'étude au sujet de la pratique du DFC, les administrateurs de l'aide juridique pourraient être obligés de clarifier les choses au sujet du rôle de conseiller juridique, du caractère confidentiel de certains aspects de la relation avocat-client et de l'identité du « client » de l'aide juridique.

ii. Accréditation

À l'heure actuelle, seuls les avocats membres d'un groupe de droit collaboratif peuvent être qualifiés d'« avocats du droit de la famille collaboratif ». D'autres organismes de réglementation — comme le barreau provincial — pourraient entrer en jeu sous peu. Les problèmes les plus immédiats mis au jour par l'étude concernent le risque de voir un client choisir un avocat qui en est à ses premières armes en droit collaboratif et pourrait par conséquent manquer de compétence, ou qui ne sait pas comment s'occuper d'un dossier trop conflictuel. Les organismes de réglementation devraient s'attaquer d'abord à ces problèmes — par exemple en établissant des critères de sélection des dossiers et des programmes de mentorat — avant de régler la question plus générale de l'accréditation. Ce travail doit être mené de concert avec les animateurs du mouvement collaboratif, qui sont conscients qu'il est dans l'intérêt de leur mouvement d'établir des mécanismes de garantie de la satisfaction de la clientèle et de protéger la réputation du DFC.

iii. Codes de déontologie

L'étude portait sur l'expérience des avocats, des clients et des autres professionnels et non sur la déontologie. Toutefois, cette question prend de plus en plus d'importance dans certains milieux, où l'on craint que la pratique du droit collaboratif permette de contourner les règles de déontologie — par exemple en ce qui concerne les obligations de représentation, les compétences et le désistement.

14. Conclusion

Le droit collaboratif offre aux conjoints en instance de séparation l'occasion de négocier des solutions durables, réalistes et novatrices qui leur paraissent à tous deux « équitables ». Véritable tribune pour un dialogue franc, il offre la possibilité de mettre fin à une relation en toute dignité. Les avocats de droit de la famille qui se tournent vers le DFC y voient un processus de règlement des différends empreint d'intégrité, qui responsabilise le client et aide les familles à vivre avec succès ces transitions difficiles.

Il reste toutefois de nombreux problèmes. Certains clients tombent de haut lorsque les échanges s'avèrent plus ardus que prévus, parfois pour constater que le DFC entraîne des coûts et des délais plus importants que ce qu'ils avaient cru. Souvent, les clients ne veulent pas que le travail d'équipe prenne le pas sur la défense de leurs intérêts personnels par leur avocat. Certains auraient eu besoin qu'on leur explique plus clairement, d'emblée, ce que cet engagement pouvait entraîner pour eux plus tard, émotivement et pratiquement.

Ces problèmes font ressortir quatre grandes valeurs dont dépend l'excellence en DFC, à savoir : l'engagement (trouver le juste équilibre entre le respect du processus et la loyauté envers le client et ses collègues); la transparence (exposer clairement au client ses valeurs fondamentales et les problèmes possibles); la souplesse et la réceptivité (respecter les différents styles de pratique du DFC et adapter le plus possible sa propre pratique aux besoins du client); et l'acceptation des limites théoriques et pratiques du DFC (le DFC n'est pas une panacée, et tous les avocats ne possèdent pas les compétences requises pour n'importe quelle cause de DFC) Si les intéressés gardent à l'esprit ces valeurs fondamentales, continuent de se remettre en question et se prêtent à des évaluations externes, le DFC est promis à un bel avenir.