La nature des gangs urbains au Canada et l'utilisation qu'ils font des armes à feu : recension des écrits et enquête auprès de services policiers
2. Études canadiennes sur les gangs urbains
Nous présentons ici les études recensées, en donnant la définition des gangs urbains employée dans chaque étude. Il faut signaler que des études et des services de police utilisent l'expression « gang de rue » en guise de synonyme de « gang urbain ». Nous emploierons ici les deux expressions de façon interchangeable.
2.1 Définitions
Hebert, Hamel et Savoie (1997) ont fait une recension exhaustive des écrits canadiens et américains sur six sujets se rapportant aux gangs, y compris sur la définition d'un gang urbain, et ils ont présenté six catégories différentes de gangs. Les trois catégories moins structurées de gangs sont les gangs copieurs, les gangs territoriaux et les groupes délinquants qui, de façon générale, ne se livrent pas à des actes de violence. Les trois autres gangs organisés comprennent les gangs violents ayant des objectifs idéologiques, les gangs de rue et les organisations criminelles.
Les gangs violents ayant des objectifs idéologiques ont tendance à avoir des objectifs politiques ou religieux et à se livrer à des activités violentes pour arriver à leurs fins, comme des rituels sataniques. Les têtes rasées (skinheads) sont un exemple de cette catégorie de groupes. Ces gangs peuvent avoir une hiérarchie très élaborée et peuvent faire partie d'organisations plus grandes. Ses membres s'identifient par les vêtements qu'ils portent et par des préjugés culturels, religieux ou politiques, mais ils ne se préoccupent généralement pas de contrôler un territoire. Ces groupes peuvent commettre des crimes graves, y compris des actes de violence collective (p. ex. voies de fait ou homicide) pour affirmer leurs croyances.
Les gangs de rue sont habituellement composés d'adolescents et de jeunes adultes qui commettent différentes formes d'actes criminels. Le degré d'organisation a tendance à varier d'un gang à un autre et les gangs peuvent avoir des liens avec des organisations criminelles formées d'adultes. Ils ont tendance à être très territoriaux, être motivés par des considérations économiques et à se livrer principalement au trafic de stupéfiants. Les gangs de rue peuvent aussi commettre des actes d'une grande violence.
Les organisations criminelles ont tendance à être de petits groupes aux opérations stables et sophistiquées, avec l'objectif de faire des gains financiers. Les intérêts sont habituellement très diversifiés. Certains de ces groupes peuvent être dotés de règles élaborées et, de façon générale, ne pas chercher à attirer l'attention. Ils se préoccupent beaucoup du contrôle de leur territoire et ils peuvent utiliser l'intimidation et la violence pour promouvoir ou protéger leurs intérêts et ils peuvent aller jusqu'à éliminer leurs concurrents par la violence.
L'étude sur les gangs dans la région métropolitaine de Vancouver (Gordon et Foley, 1998) était un projet visant quatre objectifs : collecter des données pour dresser le profil des membres de gangs connus; analyser la validité des classifications et des définitions utilisées dans des études antérieures; déterminer les raisons d'adhérer à un gang et de le quitter; et examiner les caractéristiques des gangs du point de vue des membres des gangset des agents qui travaillent avec des membres de gangs (p. ex. des agents de probation).
Gordon et Foley (1998) ont défini une typologie des groupes avant de collecter des données. Ils ont utilisé les catégories suivantes : mouvements de jeunes, groupes de jeunes, groupes criminels, groupes d'aspirants, gangs de rue et organisations d'entreprises criminelles. Les deux premiers groupes (mouvements de jeunes, groupes de jeunes) n'étaient pas considérés et ils n'ont pas été visés dans l'étude.
- Groupes criminels :
- petits noyaux d'amis qui se réunissent, habituellement pendant une brève période (au plus un an) pour commettre des actes criminels, surtout aux fins de gains financiers. Ils peuvent être constitués de jeunes et/ou d'adultes et peuvent être désignés à tort, ou sans réfléchir, comme un gang.
- Groupes d'aspirants :
- des jeunes qui se réunissent en un groupe peu structuré essentiellement pour se livrer à des activités sociales spontanées et à des activités criminelles excitantes et impulsives, y compris à des actes de violence collective contre d'autres groupes de jeunes. Un groupe d'aspirants sera très visible et ses membres se vanteront de leur appartenance à un « gang » parce qu'ils veulent être vus comme des membres d'un gang.
- Gangs de rue :
- groupes d'adolescents et de jeunes adultes qui se réunissent pour former une organisation semi structurée, essentiellement pour se livrer à des activités criminelles planifiées et profitables ou à des actes de violence organisés contre des gangs de rue rivaux.
- Organisations d'entreprises criminelles :
- groupes organisés qui présentent une structure établie et un grand degré de sophistication. Ces groupes sont constitués essentiellement d'adultes, y compris des adultes plus âgés. Ils se livrent à des activités criminelles, essentiellement pour des motifs économiques et ils se font invariablement discrets, une caractéristique clé qui les distingue des gangs des rues (Gordon et Foley, 1998, p. v).
L'enquête d'Astwood Strategy a été le premier projet de recherche dans le cadre duquel les services policiers canadiens ont été sondés sur l'étendue et les caractéristiques des problèmes liés aux gangs de jeunes au Canada. L'expression « gang de jeunes » a été définie comme suit :
… un groupe d'adolescents ou de jeunes adultes faisant partie du territoire du participant à l'enquête, âgés de moins de 21 ans, que le participant ou d'autres personnes responsables de son service ou de sa collectivité étaient disposés à identifier ou à classifier comme gang. Nous avons demandé aux participants d'exclure de cette définition les bandes de motards, les groupes haineux ou idéologiques, les gangs dans les établissements correctionnels et les autres bandes réservées aux adultes (Astwood, 2004, p. 1).
Mellor, MacRaw et Pauls (2005) ont exécuté une étude ayant trois objectifs : élaborer un cadre conceptuel pluridimensionnel de la participation de jeunes à des gangs dans le contexte canadien; recenser les programmes et les services se rapportant aux gangs de jeunes au Canada; et classer les initiatives de programme selon leur degré de prévention. Les auteurs ont obtenu des renseignements au moyen de recensions des écrits et par l'intermédiaire d'informateurs clés représentant des ministères, des services de police et des organisations non gouvernementales. Les auteurs ont proposé un modèle pluridimensionnel des activités de gang, de l'organisation des gangs et de la motivation à adhérer à un gang, de même que des stratégies de recrutement et de sortie. Le modèle mettait l'accent sur cinq catégories différentes de gangs/groupes :
- Type A – Groupe d'amis :
- leurs membres ne sont pas antisociaux et ces groupes ne sont donc pas visés dans le présent rapport.
- Type B – Groupe ou gang dont les activités criminelles sont spontanées :
- ces groupes peuvent être importants et de nature sociale. Les membres sont généralement pro sociaux et l'activité criminelle, s'il y en a, est spontanée ou motivée par la situation, comme le vol à l'étalage, le vol, la persécution, le vol en groupe et la violence gratuite. Les membres attachent de l'importance à maintenir une grande visibilité et une image glorieuse. On rapporte que des groupes ont une structure fluide, sans leadership permanent ni hiérarchie. Les membres peuvent faire partie de plusieurs groupes ou gangs sans conséquences négatives. Ils ont peu ou pas de lien avec les groupes criminels organisés. L'utilisation d'armes semble limitée, mais comprend, entre autres, les couteaux, les bâtons, les armes artisanales et les armes de poing. En plus de répondre à une mode, les membres peuvent adhérer pour d'autres motifs : protection contre d'autres jeunes, croyance que l'adhésion à un gang est « normale », l'acquisition d'un sentiment d'appartenance et de reconnaissance et l'absence d'activités ou d'associations de rechange légitimes. Le recrutement se fait habituellement à l'intérieur des réseaux sociaux existants où des amis se réunissent et, dans d'autres cas, les membres bénéficient d'une protection. Les membres ont tendance à sortir du groupe ou du gang quand ils mûrissent ou qu'ils changent de groupe de pairs.
- Type C –Groupe ou gang dont les activités ont des fins précises :
- ces groupes ou gangs se forment habituellement dans l'objectif principal de commettre une infraction particulière. Leur taille dépend de la finalité de leur création. Les actes criminels comprennent les infractions contre les biens, le cambriolage à domicile, le trafic de stupéfiants, le recel, l'extorsion, le vol qualifié, les crimes haineux et les agressions à des fins d'autodéfense. Ces gangs peuvent apparaître pour une fin déterminée à partir des gangs existants et ils peuvent disparaître une fois que l'infraction ou l'activité a été exécutée. Ces gangs ont tendance à avoir une structure hiérarchique plus définie que les groupes de type B. Ils comptent peu de membres et ils sont à prédominance masculine et ils ont peu ou pas de liens avec des organisations criminelles. Les jeunes peuvent y adhérer pour satisfaire à des besoins de survie ou à des besoins affectifs, obtenir des sensations fortes, se désennuyer ou participer à des règlements de comptes. Le recrutement peut se faire au sein des groupes sociaux existants, habituellement pour une courte durée, mais l'intervention policière donnant lieu à des arrestations ou à des mesures de déjudiciarisation peut entraîner la dissolution du groupe.
- Type D – Gangs de rue :
- les gangs de rue constitués de jeunes sont habituellement organisés pour exécuter des activités criminelles motivées par l'appât du gain ou la violence organisée contre d'autres gangs. Les membres s'identifient comme tels par leur style vestimentaire, des tatouages ou des bijoux et ils marquent leur territoire par des graffitis identifiés à leur gang.
Les activités ont tendance à être planifiées et organisées. Les gangs de rue ont la réputation de commettre un vaste éventail d'actes criminels, dont le harcèlement sexuel et non sexuel, le vol de véhicules, le trafic de stupéfiants, l'achat d'armes, la prostitution, l'intimidation, l'extorsion, le vol qualifié, les voies de fait et l'homicide.
Ces gangs ont habituellement une hiérarchie et peuvent ou non avoir des liens avec des groupes criminels organisés. Ils ont tendance à avoir des niveaux modérés de leadership et un code de conduite est souvent imposé. Il peut également y avoir des membres affiliés ou associés à ces gangs qui ne sont pas pleinement initiés et qui ne connaissent pas toutes les activités du gang tout en pouvant bénéficier de protection et d'un accès à des stupéfiants et à des armes. Les membres initiés sont généralement des membres de plein droit du gang à qui ils offrent leur entière loyauté et dévotion. Parce qu'ils s'attachent à promouvoir les intérêts du gang, ils exercent habituellement une influence considérable sur les autres membres. Parmi les motifs pour lesquels les jeunes deviennent membres de cette catégorie de gang, mentionnons l'argent, le pouvoir, la protection, l'absence de solutions de rechange légitimes et l'acceptation sociale.
Les nouveaux membres peuvent être recrutés par des amis ou des parents ou par l'accueil de jeunes marginalisés. Certains membres sont forcés à adhérer au gang au cours de leur séjour en prison. Les initiations sont habituellement dirigées par les chefs du gang et elles peuvent comporter la perpétration de certaines infractions, se faire rouer de coups ou, pour les femmes, obligation d'avoir des relations sexuelles avec tous les membres masculins du gang.
Certains gangs peuvent même exiger la preuve d'antécédents criminels. Ce type de gang est habituellement le plus difficile à quitter mais les membres peuvent avoir la possibilité de quitter en
« se faisant rouer de coups »
, un processus qui comporte des voies de fait graves. Ceux qui choisissent de quitter doivent habituellement avoir recours à des stratégies de sortie à multiples volets avec l'aide de la police, de groupes communautaires et de leur famille. - Type E – Organisations criminelles structurées :
- ces organisations ont tendance à être des opérations commerciales hautement structurées et sophistiquées qui peuvent avoir des activités internationales. Pour se faire discrets et de distancer des actes criminels, ces groupes ont tendance à utiliser des groupes de rue pour mener à bien de nombreux aspects de l'entreprise. On sait qu'ils utilisent des enfants de moins de 12 ans pour espionner, s'introduire par effraction dans les domiciles, servir de messagers et se livrer à la pornographie juvénile. Dans ces organisations, les adolescents ont généralement un statut bas.
Plus récemment, Kelly et Caputo (2005) ont fait une enquête auprès de services policiers pour déterminer la nature des gangs urbains et examiner leurs liens avec les groupes criminels organisés. Le Code criminel définit le crime organisé, mais il ne définit pas les types de gangs. Par conséquent, les définitions de gangs urbains varient d'une administration à une autre. Kelly et Caputo (2005) proposent qu'en plus de la nécessité d'une définition universelle des gangs de rue, le Canada doit aussi définir les liens entre les types de groupes criminels organisés et, en particulier, la façon dont la police canadienne peut déterminer si un gang de rue est un véritable « gang de rue » ou une présence au niveau de la rue d'un groupe criminel organisé. Les chercheurs proposent également d'interpréter l'activité criminelle dans le contexte social plus large dans lequel elle se produit.
Quand Kelly et Caputo ont demandé aux policiers de décrire comment ils déterminent si l'activité criminelle est liée à un gang, la plupart des répondants ont mentionné les indicateurs communs ci-dessous :
[A] Une source d'information fiable selon laquelle un individu fait partie d'un gang; l'individu a été observé en relation avec des membres de gangs connus; l'individu reconnaît son appartenance à un gang; l'individu a été impliqué dans un acte criminel lié à un gang; une décision judiciaire indique que l'individu est un membre d'un gang; et l'individu utilise les marques d'un gang, comme des symboles, des attirails et des tatouages de gang. En fait, l'un des moyens les plus souvent utilisés pour déterminer si l'activité est liée à un gang de rue est la présence de symboles, tatouages, vêtements et graffitis associés à un gang
(Kelly et Caputo, 2005, p. 23).
Des répondants ont également indiqué qu'ils suivent l'argent provenant des ventes de stupéfiants pour déterminer si le gang de rue le garde comme profit ou l'achemine à un autre groupe. La surveillance de l'évolution des activités criminelles de membres de gangs connus est un autre indicateur. Par exemple, des crimes de violence plus nombreux, une participation accrue au trafic de stupéfiants et la participation moins importante à d'autres catégories d'actes criminels, comme la perpétration d'infractions contre les biens, donnent à penser que la relation a évolué et peut justifier un examen plus approfondi.
2.2 Caractéristiques démographiques
Les études recensées aux fins du présent rapport comprennent des études qui étaient limitées à des populations particulières, comme les adolescents, la population carcérale fédérale, les hommes ou les femmes. Par conséquent, le résumé de l'information ne donne peut-être pas un portrait fidèle de la véritable représentation démographique des membres de gangs urbains.
2.2.1 Sexe
Trois études ne portaient que sur des hommes (Craig et coll., 2002; Nafehk, 2002; Nafehk et Stys, 2004), une étude portait sur un échantillon exclusivement féminin (Mackenzie et Johnson, 2003) et les autres études portaient sur des échantillons mixtes. Dans ces dernières, les femmes représentaient une faible proportion du groupe des participants, de 3 % (Gordon et Foley, 1998) à 32 % (Hamel et coll., 1998). Selon les répondants policiers ayant participé à l'enquête d'Astwood (2004), le pourcentage de femmes appartenant à des gangs varie de 0 % (Nouvelle-Écosse) à 12 % (Colombie-Britannique), la moyenne nationale se situant à 6 %.
2.2.2 Âge
Plusieurs des études recensées englobaient des personnes d'âges différents dans le cadre de la nature de l'étude (c.-à-d. des études sur des gangs d'adolescents excluaient les adultes plus âgés et les études sur les délinquantes incarcérées excluaient les adolescents). L'étude longitudinale de Craig et coll. (2002) portait sur 76 garçons qui étaient devenus membres de gangs dès l'âge de 13 ou 14 ans. Deux autres études englobaient des individus plus âgés dans la définition de « jeune ». Hamel et coll. (1998) ont élargi la tranche d'âges de leur échantillon d'anciens et d'actuels membres de gangs de rue, d'où l'âge moyen de 18 ans (tranche d'âges variant de 14 à 25 ans). Astwood (2004) a demandé aux participants à l'enquête policière canadienne d'estimer le nombre de membres de gangs de jeunes dans cinq tranches d'âges. Les résultats variaient d'un endroit à un autre, donnant une moyenne nationale de 10 % de membres de moins de 16 ans; 39 % âgés de 16 ans à 18 ans; 37 % âgés de 19 à 21 ans et 14 % âgés de plus de 21 ans. Dans leur étude menée à Vancouver et ne portant pas exclusivement sur des jeunes, Gordon et Foley (1998) ont constaté que les 35 membres de gangs de rue constituant leur échantillon étaient de 18 ans (les auteurs n'ont pas indiqué l'écart des âges).
2.2.3 Origine ethnique
Nafekh (2002) a examiné les caractéristiques des détenus fédéraux autochtones qui appartenaient à un gang tandis que Craig et coll. (2002) ont limité leur échantillon aux garçons dont le français était la langue maternelle et dont les parents étaient nés au Québec. D'autres études décrivent un éventail de caractéristiques ethniques. Trente-huit pour cent des jeunes Montréalais faisant partie de l'étude de Hamel et coll. (1998) étaient nés de parents canadiens, 19 % étaient d'origine haïtienne, 16 % étaient d'origine latino-américaine et les autres provenaient de différentes origines. Dans l'étude de Vancouver (Gordon et Foley, 1998), le groupe le plus important était constitué de membres de gangs d'origine asiatique (45 %), suivi de Blancs (20 %), d'Autochtones (14 %), de Moyen-orientaux (8 %), d'Indo-Canadiens (5 %), d'Afro-Canadiens (3 %) et d'Hispaniques (2 %).
Les auteurs ont également observé la composition ethnique variée des gangs à l'échelle nationale. L'enquête policière d'Astwood (2004) fait état de la composition des membres de gangs dans l'ensemble du Canada : Afro-Canadiens (25 %), Premières nations (22 %), Blancs (18 %), Asiatiques (12 %), es Indes orientales (14 %), Latino-hispaniques (6 %) et Moyen-orientaux (3 %). La Colombie-Britannique affiche la plus forte proportion de membres asiatiques (67 %) tandis que la Saskatchewan, l'Alberta et le Manitoba affichent la plus forte représentation de membres des Premières nations (96 %, 58 % et 58 % respectivement). L'Ontario a le plus grand pourcentage de membres des Indes orientales (21 %) ainsi qu'une forte proportion d'Afro-Canadiens (36 %), tout comme le Québec (50 %) et la Nouvelle-Écosse (48 %). En Nouvelle-Écosse, les membres de gangs sont en grande partie des Blancs (47 %). Les répondants ont également indiqué que 36 % des gangs de jeunes comprennent des membres d'au moins deux groupes ethniques/raciaux, la moyenne variant de moins de 1 % en Nouvelle-Écosse à 46 % en Colombie-Britannique.
Enfin, après avoir examiné la composition ethnique de la population carcérale fédérale appartenant à des gangs, Nafekh et Stys (2004) rapportent qu'il y avait 916 membres affiliés à des gangs urbains en prison entre 1996 et 2003, dont 37 % d'Afro-Canadiens, 29 % de Blancs, 20 % d'Autochtones, 3 % d'Asiatiques et 11 % d'origines diverses.
2.3 Motifs d'adhérer à un gang de rue
Plusieurs des études recensées évoquent les motifs pour lesquels des adolescents adhèrent à des gangs. Dans leur étude de gangs de jeunes de Montréal, Hamel et coll. (1998) constatent que les membres sont recrutés différemment selon leur sexe. Les filles sont habituellement recrutées d'une façon systématique en trouvant une fille vulnérable, en lui offrant protection et amitié puis en la piégeant. Il est moins clair si la plupart des garçons adhèrent de leur propre gré ou s'ils ont été contraints eux aussi. Plusieurs études indiquent que beaucoup de membres de gangs proviennent de milieux violents et de quartiers au statut socioéconomique faible. L'adhésion à un gang peut offrir à ces personnes un sentiment d'appartenance, le gang devenant souvent une famille substitut. Pour certains membres, les activités du gang leur procurent le moyen d'acquérir des possessions matérielles et un sentiment de puissance. Le mode de vie a également été glorifié, en particulier par l'industrie du divertissement.
2.4 Activités des gangs
Plusieurs études révèlent que les membres de gangs urbains ont tendance à se livrer aux graffitis ou au « marquage » (tag). Les images stylisées et symboliques sont peintes à l'aide de bombes-aérosols sur des édifices, des ponts ou d'autres structures. L'intention semble d'annoncer la présence du gang, de marquer son territoire et de semer la peur dans la collectivité. Le marquage est généralement fait par des gangs relativement nouveaux et non par les gangs plus établis dont les membres y voient un guide pour les policiers.
Il n'est pas étonnant de constater que comparativement aux jeunes qui n'adhèrent pas à un gang, ceux qui le font ont généralement plus de comportement délinquant, qui prend le plus souvent la forme de batailles, de vols, de vandalisme et de consommation de stupéfiants (Craig et coll., 2002). Dans leur étude, Hamel et coll. (1998) révèlent que 68 % des jeunes constituant leur échantillon avaient déjà commis un quelconque acte délinquant avant d'adhérer à un gang et 83 % croyaient que leur gang commettait des actes de violence. Les répondants à l'enquête policière d'Astwood (2004) ont classé les activités criminelles selon le degré de participation à un gang de jeunes au Canada. Les voies de fait se classaient au premier rang (72 %), suivies du trafic de stupéfiants (70 %), des cambriolages/introductions par effraction (68 %), du vandalisme/graffiti/marquage (64 %), de l'intimidation/extorsion (56 %) et du vol/exportation d'autos (47 %). Dans leur étude sur les gangs de jeunes de Montréal, Hamel et coll. (1998) rapportent que les femmes apportent habituellement un revenu aux gangs comme danseuses exotiques, escortes ou prostituées ou en agissant comme passeuses de drogue.
En incluant les adolescents et les adultes de toutes les catégories de gangs dans leur échantillon de membres de gangs en probation, Gordon et Foley (1998) ont rapporté que 38 % de tous les membres de gangs avaient été condamnés pour un acte de violence (nature non précisée), 35 % pour des infractions contre les biens, 9 % pour des infractions relatives aux stupéfiants et 3 % pour des infractions relatives aux armes. De plus, 34 % des membres de l'échantillon avaient déjà été condamnés pour une infraction de violence. Deux études sur la population carcérale fédérale ont également combiné les détails relatifs aux infractions pour différentes catégories de gangs. Dans un échantillon de délinquantes incarcérées (Mackenzie et Johnson, 2003), les membres de gangs étaient plus susceptibles que les membres d'un échantillon apparié de détenus n'appartenant pas à un gang d'avoir commis des voies de fait ou un vol qualifié, mais moins susceptibles d'avoir commis un meurtre. Dans un échantillon de détenus autochtones membres d'un gang, Nafekh (2002) a constaté que les membres de gangs étaient plus susceptibles d'être condamnés pour vol qualifié, voie de fait et infraction relative à des armes qu'un échantillon apparié de détenus autochtones non affiliés à un gang, mais moins susceptibles d'être condamnés d'agression sexuelle. Nafekh et Stys (2004) révèlent dans une autre étude portant sur la population carcérale fédérale que les membres de gangs de rue étaient plus susceptibles d'être condamnés pour vol qualifié, infraction relatives aux stupéfiants, homicide, agression sexuelle et infraction relative aux armes. Par ailleurs, les membres de gangs de rue étaient plus susceptibles que les membres d'autres catégories de gangs d'être condamnés pour des infractions de violence.
2.5 Emploi d'armes par des gangs
En plus de rapporter des statistiques sur les infractions relatives aux armes, deux études examinaient l'emploi d'armes à titre de variable distincte. Hamel et coll. (1998) rapportent que le nombre d'armes utilisées par les gangs urbains a augmenté au fil du temps de même que le nombre d'armes mortelles. Selon eux, auparavant, les réactions de gangs à des transgressions mineures se limitaient à des batailles à coups de poing tandis qu'aujourd'hui, les réactions peuvent mettre en jeu des armes. Les répondants à l'enquête d'Astwood (2004) devaient indiquer la fréquence de l'utilisation d'armes à feu dans la perpétration de crimes d'agression. Quarante-six pour cent ont répondu « pas du tout » ; 24 % ont répondu « rarement » ; 19 % ont répondu « parfois » ; et 11 % ont répondu « souvent » . Dans la catégorie « souvent » , la ventilation provinciale des réponses variait de 0 % (Colombie-Britannique et Nouvelle-Écosse) à 67 % (Alberta).
2.6 Liens aux groupes criminels organisés
Hamel et coll. (1998) sont d'avis que les crimes commis par les gangs de jeunes plus structurés ne sont pas très différents de ceux commis par des groupes criminels organisés, mais les gangs de rue semblent se livrer à différentes activités au fil du temps sans se spécialiser à long terme. Selon les répondants des services policiers qui ont participé à l'enquête de Kelly et Caputo (2005), une activité importante des gangs de rue consiste à fournir des réseaux de distribution pour le commerce de la drogue, le contrôle du territoire et le recouvrement de dettes. D'autres études rapportent qu'une grande partie des actes de violence commis par des gangs de rue le sont dans le cadre du trafic de stupéfiants, par exemple les batailles entre concurrents ou les raids contre la compétition, les vols qualifiés et les infractions contre les biens visant à rassembler des fonds pour acheter des stupéfiants. Toutefois, certains gangs de rue dirigent leurs propres opérations indépendantes, comme les opérations de culture de marijuana que des gangs de rue de la Colombie-Britannique possèdent et exploitent ou des opérations de fraude (cartes de crédit et de débit) et les réseaux de prostitution générés par des gangs de rue au Québec. Bon nombre de gangs de rue semblent avoir des liens avec les groupes criminels organisés. La nature de ces liens peut varier de relations contractuelles temporaires à une intégration permanente, le gang assurant une présence au niveau de la rue du groupe criminel en question. En utilisant les gangs de rue pour parvenir à leurs fins, les groupes criminels organisés peuvent se tenir à l'écart et être jusqu'à un certain point à l'abri de la détection directe.
Selon l'enquête d'Astwood (2004), les services policiers en Ontario rapportent que 38 % du trafic de stupéfiants lié à des gangs et 15 % des infractions de possession d'armes et de vol et d'exportation de véhicules sont commis en collaboration avec des groupes criminels organisés. En Colombie-Britannique, le crime organisé est impliqué dans 42 % du trafic de stupéfiants, 33 % des cas d'intimidation/extorsion et 33 % des infractions de prostitution commises par des membres de gangs de jeunes. Les statistiques combinées de l'Alberta, de la Saskatchewan et du Manitoba montrent que les gangs criminels organisés sont impliqués dans 42 % du trafic de stupéfiants, 32 % des voies de fait et 32 % des infractions de vandalisme/graffiti/marquage. Selon 44 % des répondants à l'enquête, les gangs de jeunes sur leur territoire ont des rapports de subordination ou d'affiliation en bonne et due forme avec des groupes criminels organisés. Cette situation est plus fréquente dans les gangs d'Autochtones/Premières nations (40 %), dans les gangs asiatiques (22 %) et dans les gangs de motards criminalisés (22 %).
Selon la définition appliquée à l'expression « gang de rue » , les activités peuvent varier d'actes antisociaux quoique non techniquement illégaux aux crimes les plus graves. À mesure que les membres de gangs de jeunes mûrissent, ils ont tendance soit à renoncer à l'affiliation à un gang soit devenir plus retranchés en adhérant à des gangs plus importants ou plus dangereux. Toutes les études recensées ont un point en commun, la propension des gangs de rue à être impliqués dans le trafic de stupéfiants, accompagné de la violence qui entoure cette implication.
- Date de modification :