État des lieux sur la situation de l'accès à la justice dans les deux langues officielles

Chapitre 5 : Île-du-Prince-Édouard

Structure du système judiciaire

Organisation judiciaire

Les cours supérieures

La Supreme Court Act[21] de l'Île-du-Prince-Édouard établit une Cour supérieure d'archives : Supreme Court of Prince Edward Island. Celle-ci est constituée en deux divisions qui sont :

Cette dernière est, de plus, divisée en quatre sections :

Tous les appels sont entendus par la Appeal Division.[23]

Les cours provinciales

La Provincial Court Act[24] de l'Île-du-Prince-Édouard établit la Provincial Court of Prince Edward Island. Cette cour a compétence en matière criminelle et quasi-criminelle.

Est aussi établie une « youth court » ayant compétence sur les jeunes contrevenants[25] et dont les juges ont la même compétence que ceux de la Provincial Court.

De plus, en vertu de la Provincial Court Act, le lieutenant-gouverneur en conseil peut temporairement nommer un juge d'une cour provinciale d'une autre province autre que l'Île-du-Prince-Édouard afin de présider un procès en français.[26]

Obligations constitutionnelles

Il n'y a pas d'obligation constitutionnelle d'offrir des services judiciaires et juridiques en français à l'Île-du-Prince-Édouard.

Lois provinciales

La French Services Act[27] de l'Île-du-Prince-Édouard fait référence à la Constitution canadienne, notamment à la Charte canadienne des droits et libertés, en déclarant que le gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard reconnaît que la langue française est l'une des deux langues officielles du pays.

L'objet de la Loi sur les services en français est énoncé à l'article 2. Elle définit les paramètres pour l'utilisation du français à l'Assemblée législative; elle spécifie l'étendue des services offerts dans la langue française par les institutions gouvernementales lesquelles sont définies à l'article 1 de la Loi; elle délimite l'étendue des services en français à être offerts dans l'administration de la justice. Cette loi vise à contribuer au développement et à l'épanouissement de la communauté acadienne et francophone de la province.

En ce qui a trait à l'administration de la justice dans la province, l'article 11 énonce que le français peut être utilisé dans toute procédure devant la Cour provinciale et la Cour suprême de l'Île-du-Prince-Édouard. En vertu de l'article 12, les décisions de la cour provinciale et de la Cour suprême devront être rendues simultanément en français et en anglais dans les cas où le français a été utilisé lors des procédures.

La cour provinciale et la Cour suprême devront s'assurer que chacun a le droit d'être entendu en français ou en anglais selon son choix et prévoit l'utilisation de la traduction simultanée dans le cas où une partie en fait la demande. La plupart de ces dispositions n'ont cependant pas été promulguées.

Profil de la communauté francophone[28]

Démographie

La population de l'Île-du-Prince-Édouard est très homogène sur le plan linguistique. Sur les 132 860 habitants de la province, 94,1% sont de langue maternelle anglaise. Les francophones représentent 4,3% de la population totale (5 722 selon le recensement de 1996). La population de langue maternelle française de l'Île-du-Prince-Édouard est stable depuis 1981. Elle a à peine baissé en quinze ans, passant de 5 835 personnes en 1981 à 5 722 en 1996.

Géographie

Sept francophones sur dix habitent l'Ouest de l'Île, le comté de Prince, où ils comptent environ 10% de la population. Ils se concentrent en grande partie dans la région Évangéline, où ils forment la majorité dans quelques villages dont Wellington et Abram-Village. Ils y ont développé un fort sentiment d'appartenance qui facilite leur cohésion et leur organisation communautaire. Une autre concentration importante d'Acadiens et de francophones est localisée dans la région de Summerside. Un dernier regroupement d'importance se situe dans le nord du comté.

La francophonie insulaire est essentiellement rurale, bien que plus d'un millier de personnes vivent à Summerside, le centre régional de services pour l'Ouest de l'Île, et dans ses localités avoisinantes.

Économie

La communauté acadienne et francophone a donné priorité aux secteurs d'intervention économiques suivants : le tourisme culturel; le développement économique communautaire; l'appui à la petite et moyenne entreprise et au mouvement coopératif; l'exploitation des technologies de l'information et des communications; le développement des ressources humaines. Le mouvement coopératif joue un rôle important dans le développement de la communauté acadienne. La Société de développement de la Baie acadienne, organisme de développement économique pour la région Évangéline, a comme mandat provincial d'appuyer les entreprises acadiennes et francophones.

Éducation

Une formation postsecondaire en français est disponible depuis septembre 1995 à l'Île-du-Prince-Édouard par l'entremise de la Société éducative de l'Île-du-Prince-Édouard. À partir du Centre provincial de formation pour adultes, la Société éducative offre des cours de niveau postsecondaire et un service de formation à distance grâce au réseau du Collège de l'Acadie de la Nouvelle-Écosse, ainsi qu'un éventail de cours à temps partiel et sur mesure à la clientèle adulte francophone insulaire.

Soulignons que le dossier de l'éducation en français est dirigé principalement par la Fédération des parents de l'Île-du-Prince-Édouard et la Commission scolaire de langue française de l'Île-du-Prince-Édouard.

Milieu associatif

La Société Saint-Thomas-d'Aquin (SSTA) est l'organisme porte-parole officiel de la communauté acadienne et francophone de l'Île-du-Prince-Édouard. Elle a été fondée en 1919. Elle regroupe de nombreux organismes sur les plans locaux, régional et provincial. L'obtention de services provinciaux et fédéraux en français fait partie des objectifs poursuivis par la Société. Il n'y a pas d'association de juristes francophones à l'Île-du-Prince-Édouard.

Profil des répondants

En l'absence d'association de juristes francophones sur l'Île-du-Prince-Édouard, des efforts ont été déployés en vue d'identifier des juristes aptes à s'exprimer en français. Ces efforts ont permis l'identification de trois personnes susceptibles de répondre au questionnaire. Deux d'entre elles ont accepté de participer. Il s'agit de deux francophones, l'une pratiquant dans le comté de Prince (où habite la majorité des francophones) et l'autre dans la capitale, Charlottetown. Le nombre de répondants n'est pas élevé mais ceci est à l'image d'une pratique limitée du droit en français dans cette province.

Demande et offre de services en français

Proportion de la clientèle de langue française et demande de services en français

Comme on peut s'y attendre, la demande de services en français est relativement limitée. Seulement 13% de la clientèle des deux répondants est de langue française et environ le quart de celle-ci demande des services judiciaires et juridiques en français. Le faible taux de demande de services judiciaires et juridiques en français est confirmé par nos entrevues avec d'autres intervenants. Selon les renseignements recueillis, il n'y aurait pas plus que trois ou quatre procès criminels en français par année.

Ce faible taux de demande de services judiciaires et juridiques en français est peut-être dû à la perception de coûts additionnels associés au choix de procéder en français selon l'un des deux répondants. La perception de délais dans la prestation de services pourrait être une autre raison de ce faible taux de demande. On note que la province fait venir, au besoin, des juges du Nouveau-Brunswick pour des procès criminels au niveau de la cour provinciale (trois ou quatre fois par année). Cependant, aucun des deux répondants ne perçoit une crainte d'incidence négative chez ses clients.

Offre active de services

Selon les informations obtenues, il n'y aurait pas de politique d'offre active de services à l'Île-du-Prince-Édouard. Les services semblent être offerts lorsqu'ils sont demandés mais il ne semble pas y avoir une approche proactive à cet effet.

Obstacles à la justice en français

Aperçu global de la satisfaction à l'égard des services judiciaires et juridiques en français

Les répondants au sondage manifestent leur insatisfaction à l'égard des services judiciaires et juridiques en français. Ils se disent insatisfaits de la qualité des services en français dans le domaine du droit dans lequel ils exercent, c'est-à-dire le droit criminel et le droit du divorce. Comme aucun n'exerce le droit en matière de faillite, nous n'avons pas de réponse à ce sujet.

Facilité d'accès aux services et aux documents en français selon les avocats exerçant dans le domaine du droit criminel

En matière de droit criminel, les avocats estiment qu'il est difficile d'obtenir des services de la part des auxiliaires de justice de la cour, des procureurs ainsi que du personnel administratif du palais de justice. Cependant, ils soutiennent que les services en français de la part des juges sont disponibles. Cette opinion est corroborée par les autres intervenants du système judiciaire. Il n'y a qu'un seul juge bilingue rattaché aux services judiciaires et juridiques de la province. Il n'y a pas de greffier bilingue et le personnel de soutien au palais de justice est unilingue anglophone.

Il n'est pas facile d'avoir accès à la documentation en français (jurisprudence, doctrine, actes de procédure).

Les lois de la province ne sont pas publiées dans les deux langues officielles, excepté la Loi sur les services en français. Les Règles de procédure ne sont pas traduites en français. La Loi sur les services en français prévoit que les justiciables de la province ont accès aux services judiciaires et juridiques dans les deux langues officielles, mais cette partie de la loi n'a pas encore été promulguée. La langue des tribunaux est l'anglais.

Les justiciables francophones ont accès à la justice dans leur langue lorsqu'il s'agit d'une cause au criminel, mais ils n'ont pas accès à la justice dans leur langue lorsqu'il s'agit d'une cause au civil.

Le cas échéant, la province a recours aux services de juges bilingues ou francophones du Nouveau-Brunswick pour la tenue de procès en français au criminel. Les capacités linguistiques dans la langue officielle minoritaire sont très limitées. Cependant des services de traduction peuvent être offerts.

Un très petit nombre de policiers peut s'exprimer en français.

Comme le nombre d'avocats de pratique privée pouvant dispenser des services en français est très limité, il arrive fréquemment que la cause soit entendue en anglais parce que des avocats unilingues anglophones y participent. Les justiciables de cette province ont parfois recours à des avocats francophones d'autres provinces (du Nouveau-Brunswick, par exemple).

Il n'y a pas d'avocats francophones ou bilingues au service d'aide juridique. Cependant, il nous a été précisé que si un client de l'aide juridique a réellement besoin de services en français, l'aide juridique confiera un mandat à l'un des avocats francophones de pratique privée.

Il n'y a pas de programme de formation linguistique dans la province qui permettrait aux juges désireux d'acquérir une capacité d'exercer leurs fonctions dans les deux langues officielles de le faire. Seul le Bureau du Commissaire à la magistrature fédérale offre des cours de français juridique aux juges de la minorité linguistique pendant une semaine chaque année.

Facilité d'accès aux services et aux documents en français selon les avocats exerçant dans le domaine du droit du divorce et de la pension alimentaire

La situation au niveau de l'accès à la justice dans le domaine du droit du divorce est similaire à celle qui prévaut dans le domaine du droit criminel.

Initiatives

La principale initiative à l'Île du Prince-Édouard en matière d'accès aux services judiciaires et juridiques en français se retrouve dans la loi de 1999 relative aux services en français (French Services Act). La promulgation des articles ayant trait à l'administration de la justice aurait certainement pour effet d'améliorer l'accès aux services judiciaires et juridiques en français dans cette province. On nous a cependant indiqué que les deux juges en chef de la province ont demandé au ministère du Procureur général de créer un comité pour planifier la mise en œuvre de ces articles. Il nous faut souligner que, lors des consultations publiques tenues au sujet de la mise en œuvre de cette loi, les services judiciaires et juridiques en français n'ont pas reçu le même appui du public que d'autres services gouvernementaux devant être offerts en français. Il semble que l'absence d'un appui du public face aux services judiciaires et juridiques en français occasionnera des délais dans la promulgation de ces articles.

Pistes de solutions

Les défis de l'accès à la justice en français à l'Île-du-Prince-Édouard demeurent importants. Nous reprenons ici les quelques pistes de solutions qui ont été identifiées par les intervenants au cours de l'étude.

Fédéral

Comme pistes de solution au palier fédéral, il pourrait s'agir de :

Provincial

Comme pistes de solution au palier provincial, il pourrait s'agir de :

Mettre en œuvre les dispositions de la Loi sur les services en français portant sur le judiciaire et le droit à un procès en français.