Projet de loi C-18 : Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada
Déposé à la Chambre des communes le 21 juin 2022
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C‑18, Loi concernant les plateformes de communication en ligne rendant disponible du contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada (Loi sur les nouvelles en ligne), afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C‑18 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte aux fins d’un Énoncé concernant la Charte.
Aperçu
De nombreux Canadiens consultent du contenu de nouvelles rendu disponible par des intermédiaires de nouvelles numériques. Le projet de loi C‑18 vise à promulguer la Loi sur les nouvelles en ligne (la « Loi »), qui propose l’établissement d’un cadre pour réglementer les plateformes numériques qui servent d’intermédiaires dans l’écosystème de médias d’information au Canada afin de renforcer l’équité sur le marché canadien des nouvelles numériques. Ce projet de loi établit un nouveau cadre de négociation visant à aider les entreprises de nouvelles à obtenir une indemnisation équitable lorsque leur contenu de nouvelles est rendu disponible par des intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché et que ces intermédiaires en tirent des avantages économiques. Ce cadre a pour but de favoriser l’équilibre des négociations entre les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché et les entreprises de qui relèvent les médias d’information qui produisent ce contenu de nouvelles. Le projet de loi prévoit également un processus d’arbitrage sur l’offre finale qui peut être utilisé en dernier recours dans les cas où les parties ne parviennent pas à négocier un accord, si l’une d’elles souhaite entamer ce processus. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le « Conseil ») sera chargé de l’exécution et du contrôle d’application de la Loi.
Champ d’application de la Loi sur les nouvelles en ligne
La Loi vise à réglementer les intermédiaires de nouvelles numériques qui rendent disponible du contenu de nouvelles produit par des médias d’information aux personnes se trouvant au Canada. Les moteurs de recherche et les services de réseautage social s’inscrivent dans la définition d’intermédiaire de nouvelles numériques. Cependant, les services de messagerie dont l’objectif principal est de permettre aux personnes de communiquer entre elles en privé sont exclus de la portée de la Loi. La Loi ne s’applique aux intermédiaires de nouvelles numériques que s’il existe un déséquilibre important entre le pouvoir de négociation des exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques et les médias d’information qui produisent le contenu de nouvelles rendu disponible par ces intermédiaires. Cela sera déterminé en fonction de critères prévus par la loi, tels que la taille de l’intermédiaire de nouvelles numériques et si ce dernier occupe ou non une position de premier plan au sein du marché. Un intermédiaire de nouvelles numériques peut également être exempté de la Loi si son exploitant a conclu des accords avec des entreprises de nouvelles qui remplissent certains critères, par exemple si les accords conclus prévoient une indemnisation équitable des entreprises de nouvelles et contribuent à la viabilité du marché canadien des nouvelles.
La Loi énonce également les critères d’admissibilité au processus de négociation. Pour être admissible, une entreprise de nouvelles doit être une organisation journalistique canadienne qualifiée ou doit remplir d’autres critères prévus par la Loi, ce qui comprend notamment l’obligation d’exercer ses activités au Canada ou d’employer régulièrement au moins deux journalistes au Canada.
Établissement d’un nouveau cadre de négociation pour régir la mise à disposition de contenus de nouvelles
Les exploitants d’intermédiaires de nouvelles numériques dominants qui sont assujettis à la Loi devront s’acquitter d’une nouvelle obligation de négocier avec l’entreprise de nouvelles admissible ou le groupe d’entreprises de nouvelles admissibles qui a entamé le processus de négociation. Ce processus peut comporter jusqu’à trois étapes : des séances de négociation, des séances de médiation et un arbitrage sur l’offre finale.
Arbitrage sur l’offre finale
Lorsque, dans le cadre de séances de négociation ou de médiation, les intermédiaires de nouvelles numériques et les entreprises de nouvelles n’arrivent pas s’entendre sur la mise à disposition de contenus de nouvelles, un processus d’arbitrage sur l’offre finale peut être entamé pour régler les différends pécuniaires qui subsistent, si l’une des parties souhaite entamer ce processus. Dans le cadre de ce processus, une formation arbitrale indépendante choisit l’offre finale de l’une ou l’autre des parties. Pour ce faire, la formation arbitrale tient compte de la valeur ajoutée par chaque partie au contenu de nouvelles en question, ainsi que du bénéfice que chaque partie réalise du fait que le contenu de nouvelles est rendu disponible par l’intermédiaire de nouvelles numériques concerné. Les parties peuvent également demander à un tribunal de rendre une ordonnance obligeant le respect d’une décision d’arbitrage ou d’un accord négocié et le recouvrement de tout paiement en souffrance.
Liberté d’expression (alinéa 2b) de la Charte)
L’alinéa 2b) de la Charte garantit à chacun la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. Selon l’interprétation large qui a été donnée à l’alinéa 2b), il comprend toutes les activités ou les communications, à l’exception de la violence ou des menaces de violence, qui transmettent ou tentent de transmettre une signification. La liberté d’expression protège tant les auditeurs que les orateurs. Elle s’entend de toutes les étapes de la communication, depuis le concepteur ou l’expéditeur jusqu’au destinataire, qu’il s’agisse d’un auditeur ou d’un spectateur, en passant par le fournisseur ou le distributeur.
Un nouveau cadre de négociation exécutoire et applicable à la distribution numérique de contenus de nouvelles pourrait mettre en jeu le droit à la liberté d’expression garanti par l’alinéa 2b) de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité du projet de loi C‑18 avec l’alinéa 2b) de la Charte.
Le projet de loi C‑18 vise à renforcer l’équité des relations économiques entre les entreprises de nouvelles et les plateformes de communication en ligne en raffermissant la position de négociation des entreprises de nouvelles par rapport aux grands intermédiaires de nouvelles numériques qui dominent le marché. La Loi ne s’applique aux intermédiaires de nouvelles numériques que s’il existe un déséquilibre important dans le pouvoir de négociation. L’objectif est d’aider les entreprises de nouvelles à négocier et à recevoir une indemnisation équitable lorsque des tierces parties dominant le marché tirent des avantages pécuniaires de leur contenu de nouvelles dans un environnement de marché qui n’est pas favorable à ces entreprises de nouvelles. Les mesures prévues par la Loi à cet égard visent à maintenir la production de contenus de nouvelles et leur distribution à grande échelle et, ainsi, à assurer le respect des valeurs fondamentales qui sont à la base de la liberté d’expression au Canada, incluant la recherche de la vérité au moyen d’un échange ouvert d’idées, la participation à la prise de décisions d’intérêt social et politique, et l’épanouissement personnel par l’expression. Selon ces valeurs, un grand nombre d’entreprises de nouvelles pourront avoir recours au processus de négociation, que ce soit les très petites entreprises de nouvelles ou les entreprises de nouvelles qui forment un groupe pour négocier. Le projet de loi comprend une définition générale du contenu de nouvelles qui reflète la grande diversité des sources de nouvelles et des points de vue que ce contenu cherche à véhiculer. De plus, le projet de loi indique expressément qu’il est entendu que la Loi s’interprète et s’applique de manière compatible avec la liberté d’expression et de façon à soutenir l’indépendance journalistique et à assurer le traitement neutre du contenu de nouvelles rendu disponible par les intermédiaires de nouvelles numériques.
Le cadre de négociation établi en vertu du projet de loi s’applique aux divers moyens qui sont mis à la disposition des intermédiaires de nouvelles numériques pour rendre disponible du contenu de nouvelles, en tout ou en partie. Le but de la portée de ce cadre est de faciliter la réalisation des objectifs du projet de loi et d’assurer son application efficace dans un environnement numérique dynamique. Le projet de loi prévoit que les intermédiaires de nouvelles numériques peuvent rendre disponible du contenu de nouvelles en le reproduisant ou en y facilitant l’accès, y compris en générant des liens vers du contenu de nouvelles. Pour faciliter l’accès à du contenu, les intermédiaires peuvent utiliser tout moyen, que ce soit un répertoire, une agrégation ou un classement du contenu qui sont tous des méthodes utilisées par les plateformes de communication en ligne pour organiser et distribuer du contenu de nouvelles. Cependant, le projet de loi n’exige pas automatiquement ou nécessairement que les intermédiaires de nouvelles numériques versent une indemnisation aux éditeurs de nouvelles lorsqu’ils rendent disponible du contenu de nouvelle, en tout ou en partie, notamment lorsque les intermédiaires de nouvelles numériques génèrent des liens vers du contenu de nouvelles. Le projet de loi donne plutôt aux parties la latitude nécessaire pour négocier le montant de l’indemnisation à verser en fonction de la nature du contenu et de la manière dont il est rendu disponible par les intermédiaires. Compte tenu de la complexité et de la fluidité du marché, le projet de loi propose d’adopter une approche uniforme qui ne tient pas compte du format en ce qui a trait aux divers moyens qui peuvent être utilisés pour monétiser du contenu de nouvelles, que ce soit au profit des intermédiaires de nouvelles numériques, des éditeurs de nouvelles ou des parties à la négociation. Le projet de loi permettra ainsi d’éviter la perturbation des moyens de diffusion qui sont actuellement utilisés pour rendre disponible du contenu de nouvelles et, grâce aux autres mesures qu’il prévoit, il favorisera la tenue de négociations équilibrées qui sont axées sur le marché.
Ce projet de loi est soigneusement conçu pour que ses objectifs généraux soient atteints. Les entreprises de nouvelles ne sont pas obligées de participer au processus de négociation: elles ont le choix d’y participer ou non. Le projet de loi prévoit des mesures qui visent à encourager les parties à négocier des accords d’indemnisation. Lorsqu’elles négocient de façon indépendante des accords avec des entreprises de nouvelles, les plateformes numériques qui dominent le marché peuvent bénéficier d’une exemption générale et ne pas avoir à s’acquitter des obligations que leur impose la Loi. Toutefois, la Loi dispose que ces accords ne doivent pas laisser l’influence des entreprises porter atteinte à la liberté d’expression et à l’indépendance journalistique dont jouit tout média d’information.
Lorsque la Loi s’applique et que les parties n’arrivent pas à négocier un accord, un mécanisme d’arbitrage sur l’offre finale entre en jeu. Ce mécanisme permet de résoudre les différends en conférant à des arbitres le pouvoir de choisir l’offre finale de l’une des parties. Il se limite toutefois aux différends pécuniaires et aux cas où les parties ne parviennent pas à négocier un accord dans le cadre de séances de négociation ou de médiation. Pour l’application de la Loi, l’octroi d’une indemnisation équitable est étroitement lié aux gains économiques et autres. Le projet de loi exige que les arbitres tiennent compte de la valeur et des bénéfices que peut procurer aux plateformes numériques et aux éditeurs de nouvelles la communication de contenus de nouvelles par des plateformes numériques. Ce faisant, le projet de loi énonce clairement que la question de l’octroi d’une indemnisation équitable doit être analysée de façon équilibrée. Les arbitres ont le pouvoir de rejeter toute offre qui est susceptible de causer un préjudice grave à la fourniture d’un contenu de nouvelles aux personnes se trouvant au Canada ou qui est par ailleurs incompatible avec les objectifs de la Loi. Qui plus est, il est interdit aux plateformes numériques d’accorder une préférence indue à des entreprises de nouvelles ou de leur faire subir un désavantage de même nature relativement à leur diffusion de contenus de nouvelles.
Rôle et pouvoirs du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes
Le projet de loi conférerait de nouveaux rôles et pouvoirs au Conseil. Ainsi, le Conseil devrait rédiger un code de conduite pour guider les négociations; désigner les entreprises de nouvelles admissibles à participer au processus de négociation; tenir une liste des intermédiaires de nouvelles numériques assujettis à la Loi; déterminer les circonstances dans lesquelles un intermédiaire de nouvelles numériques peut être exempté de la Loi en raison de la conclusion d’une entente négociée volontairement qui répond aux critères prévus par la loi; appuyer le processus d’arbitrage; recevoir les plaintes portant sur différents sujets relatifs au régime et infliger des sanctions administratives pécuniaires pour non-respect de la loi. Le Conseil aurait également le pouvoir de rédiger un règlement visant à régir différents aspects de l’application de la Loi.
Le projet de loi autorise le Conseil à recueillir les renseignements dont il a besoin pour s’acquitter de ses responsabilités. Le Conseil peut également désigner des personnes qui peuvent enjoindre à tout exploitant d’intermédiaires de nouvelles numériques ou à toute entreprise de nouvelles admissible de lui fournir les registres dont elles ont des motifs raisonnables de croire qu’ils contiennent des renseignements utiles pour vérifier le respect de la Loi ou prévenir son non‑respect. De plus, les parties qui fournissent au Conseil certains types de renseignements commerciaux de nature délicate, dont des secrets industriels, peuvent désigner ces renseignements comme confidentiels. Ces renseignements ne peuvent être utilisés qu’à des fins particulières et leur communication fait l’objet de restrictions qui sont assorties de sanctions en cas de non‑respect. Le Conseil aurait le pouvoir d’effectuer la communication de renseignements désignés comme confidentiels s’il conclut, après avoir pris connaissance des observations des intéressés, qu’elle est dans l’intérêt public ou d’en effectuer la communication au commissaire de la concurrence s’il conclut que ces renseignements concernent des questions de concurrence qui ont été soulevées. Par ailleurs, le ministre responsable et le statisticien en chef du Canada peuvent tous deux demander et obtenir des renseignements qui ont été fournis au Conseil, y compris des renseignements désignés comme confidentiels, afin de pouvoir exécuter les fonctions que leur confère la Loi.
Fouilles, perquisitions ou saisies (article 8 de la Charte)
L’article 8 de la Charte garantit une protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies « abusives ». La fouille, la perquisition ou la saisie ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle‑même est raisonnable en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l’intérêt de l’État, et si la fouille est effectuée de façon raisonnable. Étant donné que les pouvoirs de collecte, d’échange et de communication de renseignements pourraient entraver le droit au respect de la vie privée, ils pourraient mettre en jeu l’article 8.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de ces pouvoirs avec la Charte. Les pouvoirs de recueillir, d’échanger et de communiquer des renseignements ne pourraient pas être exercés à des fins pénales, mais ils seraient utilisés pour atteindre les importants objectifs de réglementation de la Loi, qui vise à réglementer les intermédiaires de nouvelles numériques afin de renforcer l’équité sur le marché des nouvelles numériques et de contribuer à sa viabilité. Les attentes en matière de vie privée seront réduites dans ce contexte réglementaire. Le projet de loi prévoit la protection des renseignements confidentiels. Les restrictions applicables à l’utilisation et à la communication de renseignements désignés comme confidentiels seraient assorties de sanctions qui pourraient être infligées en cas de non‑respect de ces restrictions. Les pouvoirs d’exiger la collecte, la production ou la communication de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives plutôt qu’aux fins de mener une enquête sur des infractions ont été jugés raisonnables au titre de l’article 8. Après examen des dispositions pertinentes, le ministre n’a pas relevé d’effets possibles qui pourraient constituer une atteinte déraisonnable au droit au respect de la vie privée protégé par l’article 8.
Droit à la liberté d’expression (alinéa 2b) de la Charte)
L’alinéa 2b) peut également prévoir un droit d’accès limité aux documents qui sont en la possession du gouvernement. Cet accès est protégé par la Constitution seulement dans la mesure où, sans cet accès, les discussions publiques véritables et les critiques relatives à des questions d’intérêt public seraient considérablement entravées. Toutefois, même dans un cas où l’intérêt de l’accès public est établi, cet accès pourrait être refusé en fonction de facteurs défavorables. Les restrictions applicables à la communication publique des renseignements confidentiels transmis au Conseil pourraient mettre en jeu l’alinéa 2b) de la Charte.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité de l’interdiction visant à restreindre la communication de renseignements confidentiels avec l’alinéa 2b) de la Charte. De façon générale, le projet de loi ne restreint pas l’accès public aux renseignements transmis dans le cadre d’une affaire dont le Conseil est saisi. Les restrictions relatives à la communication publique de renseignements confidentiels s’appliqueraient uniquement à des types de renseignements précis et limités, comme les secrets industriels, dont la communication publique pourrait causer un préjudice. L’interdiction de communication ne serait pas absolue. Le Conseil aurait le pouvoir discrétionnaire de permettre l’accès public aux renseignements confidentiels s’il est d’avis qu’il est dans l’intérêt public de le faire.
Droits à un procès équitable (article 11 de la Charte)
L’article 11 de la Charte garantit certains droits procéduraux aux personnes qui ont été accusées d’une infraction. Sa protection s’applique aux procédures qui sont « de nature pénale » ou qui peuvent donner lieu à de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes ayant un objectif ou un effet punitif, comme cela peut être le cas lorsque l’amende ou la sanction est disproportionnée par rapport au montant requis pour atteindre les objectifs réglementaires. L’alinéa 11d) garantit le droit de tout inculpé d’être présumé innocent tant qu’il n’est pas déclaré coupable, conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.
Le projet de loi érigerait au titre d’infractions la violation du paragraphe 55(2), qui interdit la communication des renseignements désignés comme confidentiels, ainsi que la violation du paragraphe 55(6), qui interdit l’utilisation des renseignements transmis au commissaire de la concurrence à des fins non autorisées. Bien que ces infractions ne soient pas passibles d’une peine d’emprisonnement, les dispositions proposées à cet égard prévoient qu’elles pourraient faire l’objet d’accusations criminelles, d’un procès et de sanctions qui pourraient faire intervenir les droits garantis par l’article 11 de la Charte. Après examen des mesures pertinentes, aucune incompatibilité possible entre les dispositions prévoyant ces infractions et les droits garantis par l’article 11 n’a été relevée.
Le projet de loi créerait également un régime de sanctions administratives pécuniaires en cas de violation de certaines dispositions de la Loi. Les agents verbalisateurs désignés par le Conseil auraient le pouvoir de dresser des procès‑verbaux s’ils ont des motifs raisonnables de croire qu’une violation a été commise. Un procès‑verbal comprendrait l’acte ou l’omission à l’origine de la violation, le montant de la pénalité à payer et un résumé des droits et des obligations de la personne, y compris le droit de communiquer des renseignements au Conseil en ce qui concerne la violation ou la pénalité. Le Conseil devrait ensuite décider, selon la prépondérance des probabilités, si la personne a commis la violation en tenant compte de tout engagement contracté qui a été accepté par le Conseil.
Le régime de sanctions administratives pécuniaires mis en place par la Loi pourrait donner lieu à la possibilité de sanctions pécuniaires importantes et pourrait donc être perçu comme ayant un impact sur les droits garantis par l’article 11. Les considérations suivantes appuient la conformité du régime de sanctions administratives pécuniaires avec la Charte. Les procédures conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire seraient de nature administrative. L’objectif de ces pénalités serait de favoriser le respect de la Loi, et non de « punir », selon la définition de ce concept aux fins de l’article 11 de la Charte. Les pénalités ne seraient pas assorties de montants minimums prescrits et seraient déterminées en fonction des critères relatifs au respect de la loi énumérés dans le projet de loi. Le projet de loi, correctement interprété et appliqué, ne permettrait pas l’imposition d’une pénalité qui pourrait donner lieu à de « véritables conséquences pénales ».
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