Projet de loi C-19 : Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures

Déposé à la Chambre des communes le 3 juin 2022

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations liées à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-19, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 7 avril 2022 et mettant en œuvre d’autres mesures, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-19 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne constitue pas une description exhaustive de l’ensemble du projet de loi; elle est plutôt axée sur les éléments qu’il convient de prendre en compte aux fins d’un Énoncé concernant la Charte.

Les principaux droits et libertés protégés par la Charte qui pourraient être touchés par les mesures proposées sont les suivants :

Partie 3, section 1 – Modifications à la Loi de 2001 sur l’accise et textes connexes (produits de vapotage)

La section 1 de la partie 3 modifierait la Loi de 2001 sur l’accise afin d’instaurer un nouveau droit d’accise sur les produits de vapotage, applicable aux solides et aux liquides, qui seront tous deux taxés en quantités équivalentes dès le début. Les modifications créeraient de nouvelles obligations juridiques, ce qui augmenterait la gamme de comportements visés par les infractions applicables aux termes de la Loi de 2001 sur l’accise. Les nouvelles infractions comprennent la possession ou la vente d’un produit de vapotage sans licence, à moins qu’il ne soit emballé et estampillé pour indiquer que le droit sur le vapotage a été acquitté, et la production, la possession, la vente ou l’offre de fournir des timbres d’accise de vapotage contrefaits.

Étant donné que les sanctions prévues pour les nouvelles infractions comprennent une peine d’emprisonnement, les modifications peuvent faire entrer en jeu le droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte. Le ministre de la Justice a examiné la mesure et n’a relevé aucune incompatibilité possible avec les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée des infractions est adaptée à leurs objectifs et, sur déclaration de culpabilité, le juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine appropriée.

Partie 4 – Loi sur la taxe sur certains biens de luxe

La partie 4 édicterait la Loi sur la taxe sur certains articles de luxe afin de mettre en œuvre une taxe sur les ventes au Canada et les importations au Canada de nouveaux véhicules et aéronefs de luxe dont le prix de vente au détail est supérieur à 100 000 $, et de nouveaux bateaux de plus de 250 000 $. La taxe serait calculée selon le moins élevé des deux montants suivants : 20 % de la valeur qui dépasse le seuil de prix applicable ou 10 % de la valeur totale de la voiture de luxe, de l’aéronef ou du bateau (bien assujetti). La partie 4 énonce les exigences et les règles applicables en matière de déclaration et de production de déclarations et les règles pour déterminer la responsabilité des personnes relativement à la nouvelle taxe. La partie 4 comprend également de nombreuses dispositions relatives à l’administration et à l’exécution qui figurent dans d’autres lois fiscales pour promouvoir le respect du régime législatif.

Pouvoirs du président d’enquête

La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe permettrait à une personne autorisée par le ministre du Revenu national (un président d’enquête) de faire une enquête qu’il juge nécessaire à toute fin liée à l’administration et à l’application de la Loi. Le président d’enquête aurait le pouvoir de convoquer tout témoin à l’enquête et de l’obliger à témoigner (oralement ou par écrit) et à produire toute chose ou tout document pertinent. Toute personne qui témoigne à une enquête ou dont les affaires donnent lieu à une enquête aurait le droit d’être représentée par un avocat.

Le pouvoir d’exiger des personnes qu’elles comparaissent à une enquête et qu’elles témoignent peut faire entrer en jeu le droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la cohérence de ces pouvoirs avec l’article 7. L’enquête a pour objet d’appuyer l’administration et l’application d’une loi qui impose une taxe fondée sur les transactions visant les biens assujettis. Les pouvoirs d’enquête ne sont pas offerts dans le but principal de poursuivre le témoin. En outre, toute preuve incriminante qui aurait été exigée au cours d’une enquête ne peut être utilisée dans une autre instance si cette utilisation enfreignait le principe interdisant l’auto-incrimination. En outre, les témoins et les sujets d’une enquête auraient le droit d’être représentés par un avocat.

Le pouvoir d’exiger la production de documents ou d’objets dans le cadre d’une enquête peut faire entrer en jeu la protection contre une perquisition ou une saisie déraisonnable aux termes de l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la cohérence de ce pouvoir avec l’article 8. Le type de documents ou de choses qu’il peut être nécessaire de fournir doit être pertinent pour l’administration et l’application d’une loi fiscale dans un contexte où les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. De plus, l’ordonnance de produire un document ou une chose n’est pas particulièrement intrusive, car elle n’implique pas l’entrée dans la propriété privée d’un contribuable pour effectuer une perquisition ou une saisie. Les tribunaux ont confirmé les pouvoirs d’enquête semblables qui existent dans d’autres lois fiscales.

Infractions et peines

La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe créerait plusieurs infractions. Ces infractions sanctionneraient, entre autres, le défaut de produire une déclaration ou de se conformer à une obligation ou à une ordonnance, de faire des déclarations fausses ou trompeuses ou de participer à celles-ci, ainsi que le défaut intentionnel de payer l’impôt exigé aux termes des dispositions. Une disposition d’infraction générale serait également créée afin de promouvoir le respect du nouveau régime fiscal dans son ensemble.

Étant donné que les nouvelles dispositions relatives à l’infraction pourraient entraîner une peine d’emprisonnement, le droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte entre en jeu. Le ministre de la Justice a examiné les dispositions d’infraction et n’a relevé aucune incompatibilité possible de celles-ci avec les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée des infractions est adaptée à leurs objectifs et, sur déclaration de culpabilité, le juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine appropriée.

Pouvoirs de collecte, de divulgation et d’utilisation de renseignements

La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe édicterait divers pouvoirs afin de collecter, de divulguer ou d’utiliser des renseignements. Le ministre serait autorisé à exiger de toute personne qu’elle fournisse des renseignements ou registres (comme le numéro d’identification unique d’un bien en question et le statut de vendeur inscrit d’une personne) à des fins liées à l’application ou à l’exécution des dispositions. Le ministre aurait le pouvoir d’exiger d’une personne résidant au Canada ou d’une personne non-résidente qui exploite une entreprise au Canada qu’elle fournisse des renseignements ou registres étrangers. L’expression « renseignement ou registre étranger » s’entendrait d’un renseignement accessible, ou d’un registre situé, en dehors du Canada, qui peut être pris en compte pour l’application ou l’exécution de la Loi sur la taxe sur certains biens de luxe. De plus, les nouvelles dispositions autoriseraient la divulgation et l’utilisation de renseignements confidentiels (comme le nom et l’adresse d’une personne qui achète un bien en question) dans des circonstances précises.

Les dispositions relatives à la collecte, à la divulgation ou à l’utilisation de renseignements peuvent faire entrer en jeu l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la cohérence de ces mesures avec l’article 8. Dans les contextes réglementaire et administratif, les droits en matière de protection de la vie privée sont réduits. Le caractère raisonnable des pouvoirs semblables visant à exiger la production ou à permettre l’échange de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions, a été confirmé aux termes de l’article 8. Les modifications énoncent de nombreuses mesures visant à protéger les intérêts en matière de protection de la vie privée, notamment l’obligation d’obtenir une autorisation judiciaire afin d’exiger la production de renseignements concernant une personne non désignée nommément, des règles strictes régissant la divulgation et l’utilisation autorisées de renseignements confidentiels et la capacité de demander le contrôle judiciaire d’une ordonnance de production de toute preuve relative à des renseignements confidentiels ou à l’obligation de fournir des renseignements étrangers.

Pouvoirs d’inspection, d’exigences et de recherche

La Loi sur la taxe sur certains biens de luxe créerait un certain nombre de pouvoirs de réglementation analogues à ceux de lois semblables. Une personne autorisée par le ministre aurait la permission d’inspecter les registres, les processus, les biens ou les locaux d’une personne qui pourraient être utiles afin de déterminer les obligations ou les droits fiscaux, et de vérifier la conformité aux nouvelles dispositions. Les personnes autorisées auraient la possibilité d’exiger d’une personne qu’elle fournisse toute l’aide raisonnable dans le cadre de l’inspection, y compris en répondant à toutes les questions pertinentes relatives à l’administration ou à l’exécution des nouvelles dispositions. Les personnes autorisées auraient la permission de pénétrer, en vertu d’un mandat, dans tout bâtiment, contenant ou endroit, et y perquisitionner pour y chercher des registres ou choses qui peuvent constituer des éléments de preuve de la perpétration d’une infraction aux nouvelles dispositions, et de saisir ces registres ou choses.

Les mesures proposées décrites ci-dessus pourraient déclencher l’application de l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la cohérence de ces mesures avec l’article 8. Il serait interdit d’invoquer les pouvoirs d’inspection et d’exigence pour poursuivre une enquête de nature pénale. Ces pouvoirs seraient plutôt disponibles à des fins réglementaires (afin de déterminer les obligations ou les droits fiscaux et pour vérifier la conformité aux nouvelles dispositions). Dans ces circonstances, les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. Dans le cas des maisons d’habitation (lieux occupés comme résidence) où les droits en matière de protection de la vie privée sont renforcés, les inspecteurs ne seraient autorisés à entrer qu’avec le consentement de l’occupant ou s’ils ont un mandat décerné par un juge. Un mandat serait également requis pour pénétrer dans un endroit et saisir des registres ou des choses qui sont susceptibles de constituer des éléments de preuve de la perpétration d’une infraction aux termes des nouvelles dispositions. Les mandats émis en vertu de ces dispositions seraient obtenus par autorisation judiciaire fondée sur une norme des « motifs raisonnables de croire », ce qui répondrait aux exigences de l’article 8 pour qu’une perquisition ou une saisie soit raisonnable.

Partie 5, section 2 – Modifications à la Loi sur l’Accord définitif nisga’a

Les modifications apportées à la Loi sur l’Accord définitif nisga’a modifieraient une disposition pour donner force de loi à l’ensemble de l’accord nisga’a sur la fiscalité et abrogeraient les dispositions qui n’ont force de loi qu’à l’égard de certaines dispositions de l’accord fiscal.

Dans la mesure où les modifications pourraient être considérées comme créant une distinction fondée sur la race ou l’ethnicité d’une manière qui fait entrer en jeu la protection du paragraphe 15(1) de la Charte parce qu’elles prévoient un traitement fiscal différent ou unique pour la nation Nisga’a, elles le font en conformité avec l’objet de l’article 15, qui est de promouvoir l’égalité réelle et de prévenir la discrimination, en l’espèce, en soutenant la nation Nisga’a dans l’exercice de son droit d’autonomie gouvernementale prévu à l’article 35 la Loi constitutionnelle de 1982. La promotion de l’égalité réelle exige souvent d’établir des distinctions en fonction des besoins, des capacités et des circonstances des différents groupes, ce qui comprend le droit à l’autonomie gouvernementale.

Partie 5, section 15 – Modifications à la Loi sur la concurrence

La section 15 de la partie 5 comprend un certain nombre de modifications à la Loi sur la concurrence afin de renforcer la protection des consommateurs et d’assurer que les règles du jeu soient équitables pour toutes les entreprises. En particulier, elle modifierait la Loi sur la concurrence afin d’accroître les pouvoirs d’enquête du commissaire de la concurrence à l’égard des sociétés affiliées de répondants commerciaux et des personnes à l’étranger qui exercent des activités commerciales ou vendent des produits au Canada. En outre, les modifications criminaliseraient les accords de fixation des salaires entre employeurs, qui seraient punissables sur déclaration de culpabilité par les sanctions existantes en vertu de la Loi sur la concurrence. Les modifications augmenteraient également le montant maximal des sanctions administratives pécuniaires qui pourraient être imposées pour des pratiques commerciales trompeuses et des comportements anticoncurrentiels. De plus, les modifications préciseraient que la divulgation incomplète des prix, en représentant un prix impossible à atteindre en raison de frais obligatoires fixes, constitue une déclaration fausse ou trompeuse et élargirait les définitions des termes « agissement anti‑concurrentiel » et « accords anti-concurrentiels ».

Les modifications proposées visant à augmenter les montants maximaux des sanctions administratives pécuniaires existantes qui peuvent être imposées en vertu de la Loi sur la concurrence pourraient faire entrer en jeu les droits garantis à l’article 11. Les considérations suivantes appuient la cohérence des modifications avec la Charte. Les pénalités viseraient à promouvoir la conformité à la Loi sur la concurrence et non à « punir ». Les modifications autoriseraient des sanctions potentiellement élevées, mais celles-ci seraient imposées au besoin afin de tenir compte du volume de commerce touché et de fournir des incitatifs économiques suffisants pour assurer la conformité. En outre, l’imposition de sanctions ne donnerait pas lieu au dépôt d’accusations criminelles, à l’amorce de poursuites ou à la détermination de la peine. Les modifications augmenteraient le plafond maximal prévu par la loi, mais elles ne prescriraient aucune sanction minimale. Dans ce contexte, les dispositions n’autoriseraient pas l’imposition de sanctions qui auraient de « véritables conséquences pénales » aux fins de l’application de l’article 11.

Étant donné que les sanctions prévues pour la nouvelle infraction relative aux accords de fixation des salaires entre employeurs comprennent une peine d’emprisonnement, les modifications peuvent faire entrer en jeu le droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte. Le ministre de la Justice a examiné la mesure et n’a relevé aucune incompatibilité possible avec les principes de justice fondamentale énoncés à l’article 7. La portée de l’infraction est adaptée à ses objectifs et, sur déclaration de culpabilité, le juge aura le pouvoir discrétionnaire d’imposer une peine appropriée.

Partie 5, section 16 – Modifications à la Loi sur le droit d’auteur

Les modifications à la Loi sur le droit d’auteur prolongeraient la durée générale de la protection du droit d’auteur de la vie de l’auteur, plus 50 ans, à la vie de l’auteur, plus 70 ans. De même, les modifications prolongent la durée de la protection du droit d’auteur sur certaines œuvres créées en collaboration et sur les œuvres posthumes.

Le droit d’auteur confère aux auteurs et à leurs successeurs des droits économiques et moraux exclusifs sur des formes d’expression, comme des œuvres littéraires et artistiques. La prolongation de la durée de ces droits prévus par la loi peut potentiellement porter atteinte à la liberté d’expression, qui est protégée par l’alinéa 2b) de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la cohérence de la prolongation de la durée du droit d’auteur avec la Charte. Le droit d’auteur permet aux créateurs de tirer des avantages de leurs œuvres et contribue à encourager la création et la diffusion d’œuvres expressives. La présente loi prolonge la durée de protection des intérêts matériels et moraux des créateurs, ce qui favorise et protège certaines valeurs expressives. La période supplémentaire de protection continue d’être assujettie à des restrictions et à des exceptions, comme l’utilisation équitable (qui confère aux utilisateurs le droit d’utiliser équitablement tout objet du droit d’auteur à diverses fins, par exemple aux fins de recherche, d’étude privée, d’éducation et de critique). De plus, la période supplémentaire de protection sera comprise dans le contexte de l’équilibre des droits énoncé dans la Loi sur le droit d’auteur, qui vise à établir un juste équilibre entre les droits des créateurs et des détenteurs de droits d’auteur et ceux des utilisateurs, et ce, dans l’intérêt du public.La présente loi met en œuvre l’une des obligations du Canada prévues par l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, est conforme à celle de nombreux autres pays et peut appuyer les créateurs canadiens sur le marché international.

Partie 5, section 18 – Loi de mise en œuvre de l’Accord sur la station lunaire civile Gateway

La Loi de mise en œuvre de l’Accord sur la station lunaire civile Gateway vise à respecter les obligations du Canada en vertu du Mémorandum d’accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique concernant la coopération relative à la station lunaire civile Gateway (conclu le 15 décembre 2020). Ce mémorandum d’accord a été établi dans le cadre d’un partenariat mutuellement avantageux à des fins pacifiques en ce qui concerne la conception, la mise au point, l’exploitation et l’utilisation détaillées de la station spatiale lunaire Gateway (un avant-poste humain en orbite autour de la lune).

Pouvoir d’exiger des renseignements ou registres

La section 18 de la partie 5 permettrait au ministre d’exiger de toute personne qu’elle fournisse des renseignements ou documents que le ministre estime, pour des motifs raisonnables, pertinents à l’application ou à l’exécution de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur la station lunaire civile Gateway. Il pourrait s’agir de renseignements nécessaires pour vérifier la conformité aux protections prévues par la loi entourant les données confidentielles.

Le pouvoir d’exiger la production de renseignements ou de documents pourrait faire entrer en jeu l’article 8 de la Charte. Les considérations suivantes appuient la cohérence de ce pouvoir avec l’article 8. Dans les contextes réglementaire et administratif, les droits en matière de protection de la vie privée sont réduits. Le caractère raisonnable des pouvoirs prévus par la loi visant à exiger la production de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions criminelles, a été confirmé aux termes de l’article 8. De plus, le ministre doit avoir des motifs raisonnables de croire que les renseignements ou les documents demandés sont pertinents à l’application ou à l’exécution de la Loi de mise en œuvre de l’Accord sur la station lunaire civile Gateway. Le ministre de la Justice a examiné les dispositions pertinentes et n’a relevé aucune incidence potentielle susceptible de constituer une ingérence déraisonnable dans la vie privée, protégée par l’article 8.

Certaines activités menées à l’étranger considérées comme des actes criminels

La section 18 de la partie 5 modifierait également le Code criminel. Les modifications créeraient deux dispositions déterminatives afin de permettre d’intenter des poursuites pénales à l’encontre de membres d’équipage de la station lunaire Gateway en cas d’infraction criminelle commise hors du Canada, lorsque les actes commis, s’ils étaient commis au Canada, constitueraient un acte criminel. En particulier, les activités doivent se dérouler au cours d’un vol spatial vers la station lunaire Gateway ou relativement à celle-ci, ou sur la surface de la Lune.

La première disposition déterminative s’applique à un membre d’équipage canadien (un citoyen canadien ou un citoyen d’un État étranger, autre qu’un État partenaire, qui est autorisé par le Canada à agir en tant que membre d’équipage pour le Canada). La disposition prévoit qu’un membre d’équipage canadien qui commet un acte ou une omission hors du Canada qui, s’il était commis au Canada, constituerait un acte criminel, est réputé avoir commis cet acte ou cette omission au Canada. La deuxième disposition déterminative s’applique à un membre d’équipage d’un État partenaire (un citoyen d’un État partenaire ou un citoyen d’un État autre qu’un État partenaire, qui est autorisé par un État partenaire à agir en tant que membre d’équipage pour cet État partenaire). Elle entraînerait des répercussions semblables à celles de la première disposition déterminative, mais l’acte ou l’omission en question doit également avoir menacé la vie ou la sécurité d’un membre d’équipage canadien ou avoir été commis à bord d’un élément de vol fourni par le Canada, ou relativement à tel élément, ou l’endommage. Il faudrait obtenir le consentement du procureur général du Canada pour intenter toute poursuite de nature criminelle pouvant découler des dispositions en cause.

Étant donné que les deux dispositions déterminatives pourraient entraîner des poursuites pénales et une peine d’emprisonnement éventuelle si l’individu est reconnu coupable, le droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte et les droits prévus à l’article 11 pour les personnes « accusées d’une infraction » peuvent entrer en jeu. Les considérations suivantes appuient la cohérence des dispositions déterminatives avec l’article 7 et l’article 11. Les mesures ne créeraient pas de nouvelles infractions et n’élargiraient pas la portée des infractions existantes ou des sanctions applicables; il s’agirait simplement d’étendre l’application du Code criminel aux activités commises hors du Canada qui, si elles étaient commises au Canada, constitueraient des infractions criminelles. En outre, les mesures ne viseraient pas à éliminer ou à limiter les protections garanties par l’article 11 de la Charte aux personnes accusées d’une infraction, comme le droit à un procès équitable.

Partie 5, section 19 – Modifications à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

La section 19 de la partie 5 modifierait la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin de clarifier les circonstances dans lesquelles un détenu peut être placé dans une cellule nue afin de détecter et de saisir des objets interdits. Ce nouveau régime limiterait l’utilisation de cellules nues. On pourrait utiliser des cellules nues lorsque le directeur de l’établissement est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré des objets interdits ou qu’il les transporte dans son rectum. Le nouveau régime ne permettrait pas l’utilisation de cellules nues pour les détenues soupçonnées de transporter des objets interdits dans leur vagin. Les modifications proposées s’appuient sur la décision de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse dans Adams c. Établissement Nova (2021) où l’autorisation précédente relative aux cellules nues a été trouvée incohérente avec l’article 15 de la Charte parce qu’elle avait une incidence discriminatoire sur le sexe.

De plus, les modifications ajoutent une exigence selon laquelle un détenu placé dans une cellule nue doit recevoir la visite d’un professionnel de la santé agréé une fois par jour. En outre, les modifications édictent de nouveau l’autorisation d’utiliser un appareil de radiographie, avec le consentement du détenu et d’un médecin qualifié. Un appareil de radiographie pourrait être utilisé lorsque le directeur de l’établissement est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré des objets interdits ou qu’il les transporte dans une cavité corporelle, qui comprend à la fois le rectum et le vagin.

Les modifications pourraient faire entrer en jeu les droits à la liberté et à la protection de la vie privée en vertu des articles 7 et 8 de la Charte. Étant donné que la disposition autorisant l’isolement d’un détenu dans une cellule nue lui imposerait des restrictions et des conditions supplémentaires, cela porterait atteinte au droit résiduel du détenu à la liberté et, par conséquent, la disposition doit respecter les principes de justice fondamentale. Même si les détenus ont généralement une attente moindre à l’égard de la protection de leur vie privée dans les prisons, étant donné leur nature intrusive, les perquisitions des cellules nues et par appareil de radiographie peuvent faire entrer en jeu les droits des détenus en matière de vie privée garantis par l’article 8.

Les considérations suivantes appuient la cohérence de ces modifications avec les articles 7 et 8. L’utilisation d’une cellule nue et la fouille au moyen d’un appareil de radiographie seraient autorisées par la loi. Il s’agit d’outils importants de perquisition et de saisie visant à résoudre le grave problème de l’introduction d’objets interdits dans les pénitenciers. Leur utilisation se limiterait à des circonstances particulières liées à cette fin. Le pouvoir de placer un détenu dans une cellule nue est limité aux cas où le directeur de l’établissement est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu : 1) a ingéré un objet interdit; ou 2) transporte un objet interdit dans son rectum, et lorsqu’on s’attend à ce que l’objet interdit soit expulsé. Le placement doit prendre fin si l’une ou l’autre de ces conditions disparaît. Le pouvoir d’effectuer une fouille au moyen d’un appareil de radiographie est uniquement disponible lorsque le directeur de l’établissement est convaincu qu’il y a des motifs raisonnables de croire qu’un détenu a ingéré des objets interdits ou qu’il les transporte dans une cavité corporelle. De plus, les modifications comprennent plusieurs mesures de protection, comme l’obligation pour un professionnel de la santé de visiter quotidiennement un détenu lorsqu’il est placé dans une cellule nue, et l’obligation pour le détenu et un médecin qualifié de consentir à un examen radiographique.

Partie 5, section 21 – Modifications au Code criminel

La section 21 de la partie 5 modifierait le Code criminel de façon à ce que quiconque, par la communication de déclarations autrement que dans une conversation privée, fomente volontairement (ou intentionnellement) l’antisémitisme en cautionnant, en niant ou en minimisant l’Holocauste est coupable d’un acte criminel passible d’un emprisonnement maximal de deux ans, ou d’une infraction passible d’un maximum d’un emprisonnement de deux ans moins un jour, ou d’une amende maximale de 5 000 $ sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire. Le projet de loi définit « Holocauste » comme étant « [l]a persécution et l’anéantissement délibérés et planifiés, parrainés par l’État, des Juifs européens par les nazis et leurs collaborateurs entre les années 1933 et 1945 ». Le projet de loi modifierait les dispositions actuelles sur la propagande haineuse en ce qui a trait à la confiscation et au consentement du procureur général pour engager des poursuites, de sorte qu’elles s’appliquent à la nouvelle infraction.

L’infraction mettrait en jeu l’alinéa 2(b) (liberté d’expression) parce qu’elle interdirait des actes de communication définis. Les considérations suivantes appuient la cohérence de l’infraction avec la Charte.

L’infraction vise à empêcher la promotion intentionnelle de l’antisémitisme par des déclarations qui cautionnent, nient ou minimisent l’Holocauste. L’infraction est adaptée pour atteindre son but tout en restant conforme à la Charte. Elle cible la fomentation volontaire de l’antisémitisme. L’intention requise existe si une personne a l’intention ou prévoit, avec certitude, d’inciter directement et activement à un préjudice contre les Juifs ou à la haine envers les Juifs. L’infraction n’interdirait pas les déclarations sur l’Holocauste lorsque celles-ci sont communiquées sans une telle intention. De plus, l’infraction ne s’applique pas aux conversations privées. L’infraction est assujettie aux mêmes moyens de défense que pour la fomentation volontaire de la haine, à savoir les défenses fondées sur des déclarations véridiques, des opinions ou arguments religieux de bonne foi, des déclarations se rapportant à des questions d’intérêt public raisonnablement considérées comme véridiques, et l’acte d’attirer l’attention sur des déclarations de bonne foi afin qu’elles soient retirées. Ces moyens de défense sont des exemples d’activités expressives qui, en règle générale, ne constitueraient pas une fomentation volontaire de l’antisémitisme, ou une minimisation, un cautionnement ou un déni de l’Holocauste; leur inclusion contribue à expliciter la portée étroite de l’infraction.

L’inclusion d’une défense fondée sur des déclarations véridiques peut faire entrer en jeu la présomption d’innocence prévue à l’alinéa 11d) de la Charte parce qu’elle s’applique d’une manière qui exige que l’accusé prouve, selon la prépondérance des probabilités, la véracité de ses déclarations, pour que la défense s’applique. Les considérations suivantes appuient la conformité de cette défense avec la Charte. Afin d’atteindre l’objectif de l’infraction, qui est d’empêcher la fomentation volontaire de l’antisémitisme, il incombe à l’accusé de démontrer, de façon convaincante, que les déclarations étaient véridiques plutôt que de simplement soulever un doute raisonnable quant à leur fausseté. Dans ces circonstances, l’accusé est mieux placé pour expliquer et tenter d’établir le bien-fondé des déclarations, comparativement à la Couronne qui devrait établir, hors de tout doute raisonnable, que toutes les déclarations de l’accusé étaient fausses.

Partie 5, section 22 – Juges et protonotaires

La section 22 de la partie 5 modifierait les lois touchant la magistrature au Canada, ce qui inclut les juges et les officiers de justice appelés protonotaires qui exercent certaines fonctions judiciaires. La Loi sur les juges serait notamment modifiée afin de tenir compte des rajustements salariaux déterminés par la formule actuelle énoncée au paragraphe 25(2), d’augmenter les indemnités annuelles pour les frais accessoires et les frais de représentation conformément aux recommandations d’un organisme consultatif indépendant et d’établir une nouvelle indemnité qui couvrirait les frais de déplacement raisonnables lorsqu’un juge qui reçoit une indemnité de service pour le Nord canadien aux termes de la Loi sur les juges est tenu de voyager pour obtenir des soins médicaux ou dentaires non facultatifs d’urgence.

En outre, un nouveau poste de protonotaire surnuméraire serait créé conformément aux règles actuellement applicables aux juges surnuméraires. Toutefois, la durée du mandat du nouveau poste de protonotaire surnuméraire serait fixée à cinq ans, se différenciant de la limite de dix ans applicable aux juges surnuméraires. De nouvelles dispositions permettant de désigner le juge de contrôle qui peut attribuer des fonctions seraient également établies.

La Loi sur les Cours fédérales serait modifiée afin de faciliter la mise en œuvre de ces changements, y compris par l’intermédiaire d’un nouveau pouvoir de réglementation pour le gouverneur en conseil afin de fixer la charge de travail d’un protonotaire surnuméraire en tant que pourcentage de la charge de travail d’un protonotaire. La Loi sur la Cour canadienne de l’impôt serait également modifiée afin de créer des postes de protonotaire et de protonotaire surnuméraire à la Cour canadienne de l’impôt. Les mesures qui auraient une incidence sur la rémunération des juges aux termes de la Loi et qui créeraient le nouveau poste de protonotaire surnuméraire pourraient faire entrer en jeu l’alinéa 11d).

Les considérations suivantes appuient la cohérence de ces changements avec le principe de l’indépendance judiciaire garanti par l’alinéa 11d) de la Charte. Les modifications proposées concernant les traitements et les avantages financiers sont fondées sur les recommandations formulées par la sixième Commission d’examen de la rémunération des juges. La Commission d’examen de la rémunération des juges est un organisme indépendant et objectif qui examine toutes les questions susceptibles d’avoir une incidence sur la rémunération des juges et des protonotaires nommés par le gouvernement fédéral, afin de les protéger contre toute ingérence à l’égard de leur sécurité financière. Dans ce cas, les modifications augmenteraient les indemnités et maintiendraient la formule actuelle en ce qui concerne les salaires, conformément aux recommandations de la Commission, que le gouvernement a acceptées.

La sixième Commission s’est montrée favorable à la création du poste de protonotaire surnuméraire. Les règles relatives à la durée du mandat, à l’admissibilité, aux fonctions et au salaire suivent de près les règles qui régissent actuellement la fonction de juge surnuméraire, à quelques modifications mineures près. Les protonotaires admissibles peuvent choisir eux-mêmes d’occuper le poste de protonotaire surnuméraire pendant une période maximale de cinq ans.

Partie 5, section 30 – Modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions

Les modifications proposées à la Loi canadienne sur les sociétés par actions (LCSA) exigeraient que certaines sociétés envoient des renseignements sur la propriété effective au directeur nommé en vertu de la LCSA. L’obligation s’appliquerait aux renseignements figurant dans le registre des particuliers ayant un contrôle important que les sociétés doivent tenir en vertu des dispositions actuelles de la LCSA (article 21.1). Les renseignements devraient être envoyés au directeur annuellement ou à la suite d’un changement. Les modifications proposées permettraient également au directeur de fournir tout ou partie de ces renseignements à certains organismes d’enquête, au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) ou à une entité réglementaire. Étant donné que ces pouvoirs de recueillir et de divulguer des renseignements peuvent nuire aux intérêts en matière de vie privée, ils peuvent faire entrer en jeu l’article 8 de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la cohérence des dispositions avec l’article 8 de la Charte. Les nouvelles dispositions proposées s’appliqueraient à un ensemble restreint de renseignements, comme ceux énoncés au paragraphe 21.1(1) de la LCSA, qui sont nécessaires pour identifier les personnes physiques qui possèdent et contrôlent des sociétés canadiennes. Compte tenu de cet ensemble restreint de renseignements, les intérêts en matière de respect de la vie privée à l’égard de ces renseignements sont réduits. Il y a un grand intérêt public à accroître la transparence dans les renseignements sur la propriété effective et à veiller à ce que les organismes concernés aient accès à ces renseignements afin de prévenir et de détecter l’utilisation abusive des sociétés à des fins d’activités illicites comme la fraude fiscale, le blanchiment d’argent et le financement des activités terroristes. De plus, la création d’un registre central des renseignements sur la propriété effective des sociétés canadiennes irait de pair avec les normes et les pratiques exemplaires internationales dans ce domaine.

Partie 5, section 31 – Sanctions économiques

La section 31 modifierait la Loi sur les mesures économiques spéciales (LMES) et la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (Loi de Sergueï Magnitski) afin de créer des régimes permettant la confiscation de biens qui ont été saisis ou bloqués en vertu de ces lois. Elle modifierait également les deux lois afin de créer de nouveaux pouvoirs de collecte et d’échange de renseignements.

Les modifications proposées autoriseraient le ministre des Affaires étrangères à exiger de toute personne qu’elle fournisse des renseignements dont il a des motifs raisonnables de croire qu’ils sont utiles à la prise, à l’exécution ou au contrôle d’application d’un décret de saisie ou de blocage de biens en vertu de la LMES ou de la Loi de Sergueï Magnitski.

Les modifications proposées permettraient également à un certain nombre de personnes d’assister en matière de prise, d’exécution ou de contrôle d’application de mesures imposées en vertu de ces lois, et de recueillir et d’échanger des renseignements à cette fin. Les parties qui seraient autorisées à échanger des renseignements en vertu de chacune des lois sont le ministre des Affaires étrangères, le ministre des Finances, le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, le directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, le chef du Centre de la sécurité des télécommunications, le président de l’Agence des services frontaliers du Canada et le surintendant des institutions financières.

Enfin, les modifications proposées permettraient au commissaire de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) de recueillir et d’échanger des renseignements avec les mêmes parties énumérées ci-dessus aux fins plus étroites de prendre un décret de saisie ou de blocage, de saisir ou de bloquer des biens faisant l’objet d’un tel décret, ou de présenter une demande de confiscation des biens. Ces modifications pourraient faire entrer en jeu le droit à la vie privée en vertu de l’article 8 de la Charte

Les considérations suivantes appuient la conformité de ces pouvoirs avec la Charte. Les régimes créés par la LMES et la Loi de Sergueï Magnitski visent principalement à mettre en œuvre des mesures économiques à l’encontre d’États étrangers et de ressortissants étrangers qui sont responsables d’une rupture à la paix et à la sécurité internationales, ou qui commettent de graves violations des droits de la personne ou des actes de corruption reconnus à l’échelle internationale. Ces lois, qui ne sont pas de nature criminelle, appuient l’imposition de sanctions à l’encontre de ces États étrangers et de ces ressortissants étrangers au moyen de diverses interdictions ou restrictions à l’exercice d’activités particulières avec eux, ainsi que de la saisie et la confiscation de leurs biens au Canada. Le pouvoir du ministre d’exiger des renseignements de toute personne est semblable aux pouvoirs de contraintes qui ont été confirmés dans des contextes semblables concernant des lois à caractère administratif ou réglementaire. Les dispositions qui permettent la collecte et l’échange de renseignements sont adaptées de manière à limiter toute interférence potentielle avec les intérêts en matière de vie privée. La liste des personnes qui peuvent recueillir et échanger des renseignements entre elles est clairement établie dans la loi et se limite aux parties qui sont susceptibles d’avoir des renseignements utiles à l’exécution ou au contrôle d’application des décrets ou des règlements pris en vertu des deux lois. Le pouvoir d’échanger des renseignements avec le commissaire de la GRC n’est conféré qu’à des fins restreintes, lesquelles ne comprennent pas les enquêtes relatives aux infractions ou les poursuites à l’égard de celles-ci et qui reflètent le rôle de la GRC dans l’exécution de ces lois, particulièrement en ce qui concerne les décrets, la saisie et le blocage de biens, et les demandes de confiscation. Enfin, le pouvoir discrétionnaire d’exiger, de recueillir ou d’échanger des renseignements en vertu des nouvelles dispositions devrait être exercé en conformité avec la Charte.

Partie 5, section 32 – Conseil d’appel en assurance-emploi

La section 32 de la partie 5 modifie la partie 5 de la Loi sur le ministère de l’Emploi et du Développement social, en vue de créer le Conseil d’appel en assurance-emploi (le conseil d’appel). L’une de ces dispositions donne à la Commission de l’assurance-emploi du Canada le pouvoir de prévoir, par règlement, les circonstances dans lesquelles le Conseil d’appel peut tenir des audiences à huis clos.
Le principe de la publicité des débats judiciaires garanti à l’alinéa 2b) de la Charte s’applique aux tribunaux administratifs exerçant des fonctions quasi judiciaires comme le Conseil d’appel. Le pouvoir de permettre la tenue d’audiences à huis clos peut déclencher l’application de l’alinéa 2b) de la Charte.

Les considérations suivantes appuient la cohérence de la proposition susmentionnée avec l’alinéa 2b). Les modifications proposées permettraient à la Commission de l’assurance-emploi du Canada de prévoir, par règlement, les circonstances dans lesquelles le Conseil d’appel peut tenir des audiences à huis clos. Le respect du principe de la publicité des débats judiciaires est important pour assurer la liberté de la presse et la capacité du public à accéder à l’information sur la procédure devant le Conseil d’appel. Toutefois, dans certaines circonstances, les considérations liées à la protection de la vie privée peuvent l’emporter sur le principe de la publicité des débats judiciaires. Plus précisément, des audiences à huis clos peuvent être nécessaires dans certaines circonstances pour protéger la vie privée des personnes qui comparaissent devant le Conseil d’appel, dont les renseignements sont souvent de nature très délicate (par exemple, des rapports médicaux). Tout règlement énonçant les circonstances entourant la tenue d’audiences à huis clos doit respecter la Charte.