Projet de loi C-22 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Projet de loi C-22 : Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances

Déposé à la Chambre des communes le 11 juin 2021

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-22, Loi modifiant le Code criminel et la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suite à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-22 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.

Aperçu

Le projet de loi C‑22 vise à apporter plusieurs modifications au Code criminel et à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de donner suite à l’engagement du gouvernement du Canada de lutter contre les inégalités systémiques, notamment la surreprésentation des canadiens autochtones, noirs ou marginalisés dans le système de justice pénale. Le projet de loi propose : (1) d’abroger toutes les peines minimales obligatoires d’emprisonnement pour les infractions à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ainsi que les peines minimales obligatoires pour une infraction liée à des produits du tabac et certaines infractions mettant en cause la possession ou l’usage d’armes à feu prévues au Code criminel; (2) d’apporter des modifications afin de permettre un recours accru aux ordonnances de sursis prévues au Code criminel; et (3) de modifier la Loi réglementant certaines drogues et autres substances afin de favoriser le recours à des mesures de déjudiciarisation pour les infractions de possession simple de drogues.

Abrogation de certaines peines minimales obligatoires d’emprisonnement

Les peines minimales obligatoires limitent le pouvoir discrétionnaire des tribunaux en matière de détermination de la peine et exigent du juge qu’il prononce, à la suite d’une condamnation, une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à la durée minimale établie.

Protection contre les traitements ou peines cruels et inusités (article 12)

L’article 12 de la Charte garantit le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels et inusités. Dans le contexte de la détermination de la peine, l’article 12 interdit les peines qui sont exagérément disproportionnées. Les peines minimales obligatoires réduisent le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’infliger des peines qui sont proportionnelles à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Par conséquent, selon les circonstances, les peines minimales obligatoires peuvent donner lieu à des peines qui pourraient sembler exagérément disproportionnées. Les modifications visant à abroger les peines minimales obligatoires pour certaines infractions auraient pour effet de réduire ce risque en redonnant aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire de déterminer une peine qui est appropriée et proportionnelle dans les circonstances.

Recours aux ordonnances de sursis

Les ordonnances de sursis favorisent l’application des principes de justice réparatrice dans le contexte de la détermination de la peine. Elles visent à lutter contre la surreprésentation des délinquants autochtones dans les établissements de détention et à réduire, dans la mesure du possible, le recours à l’incarcération. L’ordonnance de sursis permet au délinquant de purger sa peine dans la collectivité sous réserve de conditions strictes, telles que le confinement au domicile, le couvre-feu, la thérapie, et/ou des restrictions sur la possession et le port d’arme, tout en mettant en avant les objectifs de dénonciation et de dissuasion associés à la détermination de la peine. Pour qu’une ordonnance de sursis soit rendue, plusieurs conditions énoncées à l’article 742.1 du Code criminel doivent être réunies : (1) le tribunal est convaincu que l’ordonnance de sursis ne met pas en danger la sécurité de la collectivité et est conforme à l’objectif essentiel et aux principes de la détermination de la peine; (2) le délinquant a été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans; et (3) le délinquant n’a pas été déclaré coupable d’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue.

D’autres restrictions dans le Code criminel limitent actuellement le recours aux ordonnances de sursis pour certains types d’infractions. Les modifications auraient pour effet d’abroger ces restrictions dans le cas des infractions poursuivies par voie de mise en accusation suivantes :

L’abrogation de ces restrictions permettrait d’accroître le recours aux ordonnances de sursis lorsque les conditions générales énoncées à l’article 742.1 du Code criminel sont réunies. Il demeurerait toutefois impossible de prononcer une ordonnance de sursis pour les infractions de terrorismes et d’organisation criminelle poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine d’emprisonnement maximale de dix ans ou plus. En outre, le projet de loi modifierait l’article 742.1 afin qu’il soit impossible de prononcer une ordonnance de sursis pour les infractions d’encouragement au génocide, de torture et de tentative de meurtre.

Droit à la liberté (article 7 de la Charte)

L’article 7 garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne et autorise le gouvernement à ne porter atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Ces principes englobent les notions de caractère arbitraire, de portée excessive et de disproportion exagérée. Une mesure législative est arbitraire lorsqu’elle a des répercussions sur les droits garantis par l’article 7 d’une façon qui n’a aucun lien rationnel avec l’objectif de la mesure. Une mesure législative est excessive lorsqu’elle a des répercussions sur les droits garantis par l’article 7 d’une façon qui, bien que généralement rationnelle, va trop loin en visant un comportement qui n’a aucun lien avec l’objectif de la mesure. Une mesure législative est exagérément disproportionnée lorsque ses répercussions sur les droits garantis par l’article 7 sont graves au point d’être « sans rapport aucun » avec l’objectif de la mesure. Étant donné que les modifications auraient pour effet d’imposer certaines nouvelles restrictions sur le recours aux ordonnances de sursis comme solutions de rechange à l’emprisonnement pour les infractions d’encouragement au génocide, de torture et de tentative de meurtre, elles peuvent être privatives de liberté et doivent donc respecter les principes de justice fondamentale.

Les considérations suivantes appuient la conformité des nouvelles restrictions au recours aux ordonnances de sursis à l’article 7. Les modifications sont conçues de façon à interdire les ordonnances de sursis pour certaines infractions graves seulement, soit les infractions d’encouragement au génocide, de torture et de tentative de meurtre. Les modifications ne limitent pas autrement le pouvoir discrétionnaire des tribunaux d’infliger une peine qui est appropriée et proportionnelle dans les circonstances.