Projet de loi C‑49 : Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de l’Accord atlantique Canada — Terre-Neuve-et-Labrador et la Loi de mise en œuvre de l’Accord Canada — Nouvelle-Écosse sur les hydrocarbures extracôtiers

Déposé à la Chambre des communes le 12 juin 2023
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin de vérifier s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [la Charte]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre fait part de plusieurs des considérations principales qui ont guidé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. Il recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature des effets, eu égard aux mesures proposées.
L’Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés ne peuvent être restreints que par une règle de droit, dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Il s’ensuit que le législateur peut adopter des lois qui restreignent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification d’une restriction ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
L’Énoncé concernant la Charte vise à fournir au public et au législateur des renseignements juridiques se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés, dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations envisageables liées à la Charte. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. L’Énoncé concernant la Charte ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-49 afin de vérifier s’il est incompatible avec la Charte conformément à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Le texte qui suit constitue une analyse non exhaustive des effets potentiels du projet de loi C‑49 sur les droits et libertés garantis par la Charte. Il est présenté en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Il ne décrit pas de façon exhaustive l’ensemble du projet de loi; il est plutôt axé sur les éléments pertinents quant à l’objet d’un Énoncé concernant la Charte.
Aperçu
Le projet de loi C-49 s’appuie sur le régime de réglementation des hydrocarbures existant pour établir un nouveau régime de réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse, par l’intermédiaire de leurs lois de mise en œuvre de l’Accord respectives. Un projet d’énergie renouvelable extracôtière désigne toute activité liée à l’exploitation actuelle ou potentielle d’une ressource renouvelable pour réaliser un projet d’énergie qui n’est pas mené par un gouvernement ou un établissement d’enseignement ni pour leur compte.
Premièrement, les mesures proposées dans ce projet de loi comprennent l’établissement de nouveaux organismes de réglementation des projets d’énergie renouvelable extracôtière, qui remplaceront les offices des hydrocarbures existants, et l’établissement d’un régime foncier pour l’octroi de permis visant des terres submergées afin d’autoriser l’utilisation de zones extracôtières pour y effectuer des projets d’énergie renouvelable. Deuxièmement, les mesures comprennent l’établissement d’un processus de décisions ministérielles pour l’octroi de permis visant des terres submergées et l’exercice, par les organismes de réglementation, de certaines attributions relatives à la réglementation des activités. Troisièmement, les mesures prévoient que le gouverneur en conseil peut prendre des règlements interdisant le début ou la poursuite de certaines activités liées aux hydrocarbures ou à l’énergie renouvelable, ou régissant l’accès aux infrastructures extracôtières, notamment la mise en application de droits et de tarifs.
Le pouvoir d’échanger des renseignements
Le projet de loi permet l’accès aux ministres fédéraux et provinciaux désignés aux renseignements et aux documents concernant les activités liées aux hydrocarbures et à l’énergie renouvelable dans la zone extracôtière qui sont fournis aux organismes pour l’application de la loi. Les organismes de réglementation pourraient communiquer des renseignements aux gouvernements lorsqu’il y est principalement question d’une activité liée aux hydrocarbures ou d’un projet d’énergie renouvelable extracôtière.
Selon l’article 8 de la Charte, chacun est protégé contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives. La « fouille », la « perquisition » et la « saisie » sont des interventions de l’État qui portent atteinte à une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. Le pouvoir de recueillir des renseignements, d’en communiquer ou d’inspecter des espaces réglementés peut porter atteinte à la vie privée et doit en conséquence satisfaire à l’exigence du « caractère raisonnable » prévu à l’article 8.
Une fouille, une perquisition ou une saisie qui porte atteinte à une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée est dite raisonnable si elle répond à trois exigences. Premièrement, elle doit être autorisée par la loi.
Deuxièmement, la loi elle-même doit être raisonnable en ce sens qu’elle établit un juste équilibre entre les intérêts relatifs à la vie privée et l’intérêt de l’État. Troisièmement, la fouille, perquisition ou saisie doit être effectuée de façon raisonnable. L’appréciation du caractère raisonnable de la loi est souple et tient compte de la nature et de l’objet du régime législatif ainsi que de la nature des droits liés à la vie privée touchés.
Les intérêts relatifs à la vie privée sont restreints dans les contextes réglementaires et administratifs. Le pouvoir de recueillir, d’obliger à produire ou de communiquer des renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions, a été jugé raisonnable au regard de l’article 8. En examinant les dispositions pertinentes, le ministre n’a pas recensé d’effets potentiels qui pourraient constituer une atteinte abusive à la vie privée, en contravention de l’article 8.
Infractions – régime de contraventions liées à l’énergie renouvelable extracôtière
En établissant les régimes de réglementation des activités d’énergie renouvelable extracôtière, le projet de loi établit de nouvelles infractions pour certaines violations de ses dispositions et de ses règlements. En particulier, le projet de loi étend l’application d’infractions existantes aux personnes qui entreprennent des activités dans le cadre d’un projet d’énergie renouvelable extracôtière sans l’autorisation des nouveaux organismes de réglementation. En vertu du projet de loi, un contrevenant déclaré coupable d’une infraction peut être condamné à une peine d’emprisonnement par voie de procédure sommaire ou de mise en accusation.
Selon l’article 7 de la Charte, chacun est protégé contre les atteintes au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, sauf si de telles atteintes sont portées conformément aux principes de justice fondamentale. Une infraction passible d’une peine d’emprisonnement porte atteinte au droit à la liberté et doit en conséquence être conforme aux principes de justice fondamentale. Au cours de son examen des dispositions pertinentes, le ministre de la Justice n’a pas recensé de dispositions potentiellement incompatibles avec les principes de justice fondamentale. Les infractions en cause servent à mettre en œuvre le régime lié aux projets d’énergie renouvelable extracôtière mentionné ci-dessus en contribuant à assurer le respect des règlements, des décrets, des arrêtés et des directives. Le régime d’application de la loi tient compte de considérations importantes telles que la sécurité, la protection de l’environnement et la conservation.
Les pénalités administratives (les pénalités)
Le projet de loi élargit le régime actuel des pénalités administratives pour certaines violations et certains règlements, décrets et arrêtés pris en vertu du projet de loi. Les organismes de réglementation établis par le projet de loi peuvent imposer et percevoir des pénalités pour certaines contraventions au régime lié à l’énergie renouvelable extracôtière. Le montant des pénalités pour ces contraventions ne dépasserait pas 25 000 $ dans le cas d’un particulier.
L’article 11 de la Charte garantit certains droits procéduraux aux inculpés. Ses protections s’appliquent aux procédures qui sont « de nature pénale » ou qui peuvent entraîner « de véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes qui ont un objet ou un effet punitif, comme lorsque le montant de la pénalité est disproportionné par rapport à celui qui permet d’atteindre les objectifs de la réglementation. Le paragraphe 11d) garantit à tout inculpé le droit d’être présumé innocent jusqu’à ce qu’il soit déclaré coupable conformément à la loi, par un tribunal indépendant et impartial à l’issue d’un procès public et équitable.
Le projet de loi peut entraîner l’imposition d’importantes pénalités et, par conséquent, avoir un effet sur les droits prévus à l’article 11. Les considérations qui suivent militent en faveur de la conformité de ces modifications avec la Charte. La procédure menant à l’imposition d’une pénalité est de nature administrative. De telles pénalités visent à favoriser le respect du projet de loi et de ses règlements, et non pas à punir. Les modifications, correctement interprétées et appliquées, n’autorisent pas l’imposition de pénalités qui peuvent constituer de « véritables conséquences pénales ». Enfin, les pénalités sont soumises aux mesures d’exécution civile devant une cour supérieure, mais ne peuvent pas donner lieu à une peine d’emprisonnement en cas de défaut de paiement.
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