Énoncé concernant la Charte - Projet de loi C-56: Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence

Projet de loi C‑56 : Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence

Déposé à la Chambre des communes le 16 octobre 2023

Note explicative

L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant guidé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.

Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.

Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé exhaustif de toutes les considérations envisageables liées à la Charte. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.

Considérations relatives à la Charte

Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-56, Loi modifiant la Loi sur la taxe d’accise et la Loi sur la concurrence, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, suivant l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.

Voici une analyse non exhaustive des façons dont le projet de loi C-56 pourrait faire intervenir les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle n’inclut pas de description exhaustive du projet de loi, mais est plutôt axée sur les éléments qui sont pertinents pour l’Énoncé concernant la Charte.

Aperçu

Le projet de loi C-56 modifierait la Loi sur la concurrence (la Loi) afin d’établir un cadre permettant au ministre de l’Industrie d’ordonner au commissaire de la concurrence de mener une enquête sur l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie. En vertu des modifications proposées, le ministre serait autorisé à ordonner au commissaire de mener une enquête s’il est d’avis que l’enquête est dans l’intérêt public. Le cadre de référence de l’enquête serait proposé par le commissaire, affiché sur un site Web public pendant au moins 15 jours pour permettre au public de formuler des commentaires, et devrait être approuvé par le ministre.

Pouvoir d’exiger des renseignements

Le projet de loi modifierait la Loi afin que les pouvoirs d’enquête existants prévus à l’article 11 puissent être utilisés aux fins de cette nouvelle forme d’enquête. En vertu de l’article 11, le commissaire peut présenter une demande ex parte à un juge d’une cour supérieure ou d’une cour de comté afin d’obtenir une ordonnance obligeant une personne à comparaître sous serment; à produire des documents; à préparer et à donner une déclaration écrite faite sous serment et énonçant les renseignements exigés. Avant d’accorder l’ordonnance, le juge doit être convaincu qu’une enquête est menée en application de la Loi et que la personne détient ou détient vraisemblablement des renseignements pertinents à l’enquête.

L’article 7 de la Charte garantit à chacun le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne, et prévoit qu’il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec les principes de justice fondamentale. Les principes de justice fondamentale comprennent également des protections résiduelles pour la protection contre les témoignages incriminants et le droit au silence, qui offrent certaines garanties en plus de celles accordées par le droit contre les témoignages incriminants prévu à l’alinéa 11c) et à l’article 13 de la Charte.

L’article 8 de la Charte garantit une protection contre les fouilles, les perquisitions ou les saisies « abusives ». L’objet de l’article 8 est de protéger toute personne contre les intrusions abusives dans sa vie privée. La fouille, la perquisition ou la saisie ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi est raisonnable en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l’intérêt de l’État, et si elle est effectuée de façon raisonnable.

Le pouvoir d’obliger une personne à comparaître sous serment pourrait porter atteinte au droit à la liberté garanti par l’article 7 de la Charte. Le pouvoir d’exiger des renseignements dans le cadre d’une enquête sur le marché pourrait également faire intervenir les droits à la vie privée protégés par l’article 8. Les considérations suivantes appuient la compatibilité du projet de loi avec les articles 7 et 8 de la Charte.

Le pouvoir de contraindre une personne à témoigner et à fournir des renseignements a un objectif administratif important, à savoir évaluer l’état de la concurrence dans un marché ou une industrie en particulier. Ce pouvoir ne s’applique pas lorsque l’objectif premier d’une enquête est d’intenter des poursuites contre le témoin. De plus, la Loi prévoit des protections contre l’auto-incrimination. Lorsqu’une personne est tenue de comparaître ou de fournir une déclaration écrite sous serment conformément à une ordonnance rendue en vertu de l’article 11 de la Loi, le témoignage ou la déclaration ne peut être utilisé contre elle dans le cadre d’une procédure criminelle, à l’exception des poursuites criminelles liées au parjure ou à la présentation d’éléments de preuve trompeurs.