Projet de loi C‑59 : Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023
Déposé à la Chambre des communes le 01 février 2024
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés (« la Charte »). Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des informations juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi C-59, Loi portant exécution de certaines dispositions de l’énoncé économique de l’automne déposé au Parlement le 21 novembre 2023 et de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, conformément à l’obligation que lui impose l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi C-59 est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi. Elle ne contient pas de description exhaustive de l’ensemble du projet de loi, mais porte plutôt sur les éléments dont il doit être nécessairement question dans un énoncé concernant la Charte.
Les principaux droits protégés par la Charte auxquels les mesures proposées sont susceptibles de porter atteinte sont les suivants :
Liberté d’expression (alinéa 2b) de la Charte)
L’alinéa 2b) prévoit que chacun a la liberté de pensée, de croyance, d’opinion et d’expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication. L’alinéa 2b) est interprété de façon générale comme englobant toute activité ou communication, sauf si celle-ci prend la forme de la violence ou de menaces de violence qui transmet ou tente de transmettre une signification.
Droit à la liberté (article 7 de la Charte)
L’article 7 de la Charte protège contre l’atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité d’une personne, à moins que cela ne se fasse en conformité avec les principes de justice fondamentale. Parmi ces principes, on retrouve les notions de caractère arbitraire, de portée excessive et de disproportion totale. Une loi est arbitraire lorsqu’elle touche les droits garantis à l’article 7 d’une manière qui n’est pas rationnellement liée à l’objet de la loi. Une loi d’une portée excessive touche les droits garantis à l’article 7 en ce sens que, bien que généralement rationnelle, elle va trop loin en interdisant certains actes qui n’ont aucun lien avec la réalisation de l’objectif législatif. Une loi est totalement disproportionnée lorsque ses effets sur les droits garantis à l’article 7 sont si sévères qu’ils sont « sans rapport aucun » avec l’objet de la loi. Les infractions passibles d’une peine d’emprisonnement sont potentiellement privatives de liberté et doivent donc être conformes aux principes de justice fondamentale. Les principes de justice fondamentale comprennent également des protections résiduelles contre l’auto-incrimination et pour le droit au silence, qui fournissent certaines garanties supplémentaires au-delà de celles accordées par les droits plus spécifiques contre l’auto-incrimination prévus à l’alinéa 11c) et à l’article 13 de la Charte.
Droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives (article 8 de la Charte)
L’article 8 de la Charte garantit le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies « abusives ». L’objectif de l’article 8 est de protéger toute personne contre les intrusions abusives lorsqu’il y a une attente raisonnable en matière de respect de la vie privée. La fouille, la perquisition ou la saisie ne sera pas abusive si elle est autorisée par la loi, si la loi elle-même est raisonnable, en ce qu’elle établit un juste équilibre entre les droits à la vie privée et l’intérêt de l’État, et si la fouille est effectuée de façon raisonnable. L’évaluation du caractère raisonnable de la loi est souple et tient compte de la nature et de l’objectif du régime législatif, ainsi que de la nature des intérêts en matière de respect de la vie privée touchés.
Droits des personnes inculpées d’une infraction (article 11 de la Charte)
L’article 11 de la Charte garantit certains droits procéduraux aux personnes inculpées d’une infraction. Les protections qu’il prévoit s’appliquent uniquement à ces personnes. Une personne est inculpée au sens de l’article 11 si elle est visée par une procédure de nature criminelle ou qui entraîne de « véritables conséquences pénales ». Les véritables conséquences pénales comprennent l’emprisonnement et les amendes ayant un objectif ou un effet punitif, comme cela peut être le cas lorsque l’amende ou la sanction est disproportionnée par rapport à la somme requise pour atteindre les objectifs réglementaires.
Droit à un procès équitable et à la présomption d’innocence (alinéa 11d) de la Charte)
L’alinéa 11d) garantit le droit d’être présumé innocent jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public et équitable devant un tribunal indépendant et impartial. Il protège également le droit de l’accusé à une défense pleine et entière. Les mesures qui régissent le déroulement d’un procès et qui fixent des règles de preuve peuvent, dans certaines circonstances, mettre en jeu les droits à un procès équitable et à la présomption d’innocence protégés par l’alinéa 11d).
Protection contre les peines ou traitements cruels ou inusités (article 12 de la Charte)
L’article 12 de la Charte garantit le droit à la protection contre les peines ou traitements cruels et inusités. Dans le contexte de la détermination de la peine, l’article 12 interdit les peines manifestement disproportionnées, ainsi que les peines qui sont cruelles et inusitées par nature.
Droits à l’égalité (article 15 de la Charte)
Le paragraphe 15 (1) de la Charte protège les droits à l’égalité. Il prévoit que la loi ne fait acception de personne et s’applique également à tous, et que chacun a droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur l’âge ou les déficiences mentales ou physiques. L’égalité suppose la promotion d’une société dans laquelle chacun est sûr d’être reconnu par la loi comme un être humain méritant le même intérêt, le même respect et la même considération.
Partie 1 – Modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu et à d’autres lois
La partie 1 apporterait un certain nombre de modifications à la Loi de l’impôt sur le revenu. Parmi ces modifications figurent des dispositions imposant des sanctions administratives pécuniaires afin de favoriser le respect de certaines dispositions actuelles et proposées de la Loi. Les situations qui feraient l’objet d’une telle pénalité comprennent les suivantes : s’engager dans une opération d’évitement fiscal en omettant de divulguer l’opération au ministre; demander un crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone ou un crédit d’impôt pour l’investissement dans les technologies propres au taux normal du crédit d’impôt, sans répondre aux exigences en matière de main-d’œuvre dans certaines circonstances; ne pas respecter certaines exigences en matière de déclaration et de production conformément au crédit d’impôt à l’investissement pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone. Les sanctions pourraient être imposées par le ministre du Revenu national. Étant donné la possibilité de sanctions pécuniaires importantes, les modifications pourraient être perçues comme ayant une incidence sur les droits conférés par l’article 11.
Les considérations suivantes appuient la compatibilité des dispositions avec la Charte. La procédure conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire serait de nature administrative. L’objectif de l’imposition d’une sanction serait de promouvoir un comportement conforme aux objectifs des parties pertinentes de la Loi. Les sanctions administratives pécuniaires seraient soumises à des limites fixées par la loi en fonction de la nature de l’infraction et d’autres facteurs. Les dispositions proposées en matière de sanctions suivraient de près l’exemple de dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires figurant dans d’autres lois fiscales. Dans ce contexte, l’imposition d’une sanction ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » au sens de l’article 11 de la Charte.
Partie 2 – Promulgation de la Loi sur la taxe sur les services numériques
La partie 2 édicterait la Loi sur la taxe sur les services numériques afin de mettre en œuvre une taxe sur certains revenus des services numériques associés au Canada et réalisés à partir des marchés en ligne, de la publicité ciblée en ligne, des plateformes de médias sociaux et de la vente ou de l’octroi de licences pour les données d’utilisateurs en ligne. La taxe s’appliquerait à l’entité dont le revenu annuel est d’au moins 750 000 000 euros, le calcul étant fait en euros conformément aux pratiques internationales, et dont le revenu de services numériques canadiens est d’au moins 20 000 000 $. Le calcul du revenu peut se faire pour l’entité prise de façon distincte ou à l’intérieur d’un groupe plus large dirigé par une entité mère. La loi définit les exigences en matière de déclaration et de dépôt ainsi que les règles permettant de déterminer l’assujettissement à la nouvelle taxe. À l’instar d’autres lois fiscales, la loi comprendrait également des dispositions relatives à l’application de la loi afin d’encourager le respect du régime législatif.
Sanctions administratives pécuniaires
La Loi sur la taxe sur les services numériques établirait des sanctions administratives pécuniaires en cas de manquement à certaines exigences de la Loi. Ces sanctions pourraient être imposées par le ministre du Revenu national dans les circonstances suivantes en vertu de la Loi : défaut de s’inscrire; défaut de produire une déclaration; déclarations fausses ou trompeuses; appel non fondé interjeté pour reporter le paiement d’une somme payable; évitement fiscal planifié. Étant donné la possibilité de sanctions pécuniaires importantes, les modifications pourraient être perçues comme ayant une incidence sur les droits conférés par l’article 11.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité des dispositions avec la Charte. La procédure conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire serait de nature administrative. L’objectif de l’imposition d’une sanction serait de promouvoir un comportement conforme aux objectifs des parties pertinentes de la Loi. Les sanctions administratives pécuniaires seraient soumises à des limites fixées par la loi en fonction de la nature de l’infraction et d’autres facteurs. Les dispositions proposées en matière de sanctions suivraient de près l’exemple de dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires figurant dans d’autres lois fiscales. Dans ce contexte, l’imposition d’une sanction ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » au sens de l’article 11 de la Charte.
Infractions et sanctions
La Loi sur la taxe sur les services numériques établirait des infractions qui réprimeraient, entre autres, l’omission de produire une déclaration ou de se conformer à une obligation ou à une ordonnance, le fait de faire des déclarations fausses ou trompeuses ou d’y participer, et l’omission intentionnelle de payer la taxe comme l’exigent les dispositions. Une disposition générale relative aux infractions serait également adoptée afin de faire respecter le nouveau régime fiscal dans son ensemble. Les sanctions prévues par les nouvelles dispositions se limiteraient à des amendes, notamment des amendes minimales obligatoires de 2 000 $ pour le défaut de production d’une déclaration et de 50 % du montant dû pour l’infraction consistant à faire une déclaration fausse ou trompeuse.
L’article 12 de la Charte prévoit que chacun a le droit de ne pas être soumis à des peines ou traitements cruels et inusités. Étant donné que les montants minimaux obligatoires des amendes constitueraient des sanctions pour une infraction, ils sont susceptibles de porter atteinte à l’article 12 de la Charte.
Les facteurs suivants confirment la compatibilité des amendes minimales obligatoires avec l’article 12. Les contrevenants potentiels sont des personnes morales ayant un revenu annuel d’au moins 750 000 000 euros, ou leurs dirigeants et administrateurs. Une personne morale ne bénéficie pas de la protection de l’article 12. En ce qui concerne les dirigeants et les administrateurs, les montants minimaux obligatoires des amendes ne seraient pas excessifs compte tenu de l’ampleur des activités commerciales auxquelles les nouvelles dispositions s’appliqueraient.
Pouvoirs d’inspecter, d’exiger l’assistance d’une personne, de fouiller et de perquisitionner
La Loi sur la taxe sur les services numériques conférerait des pouvoirs réglementaires similaires à ceux conférés par d’autres lois fiscales. Une personne autorisée par le ministre du Revenu national aurait le droit d’inspecter les dossiers, les processus, les biens ou les locaux d’une personne susceptibles de permettre de déterminer les obligations fiscales ou les droits, et de vérifier le respect des nouvelles dispositions. Les personnes autorisées auraient la possibilité d’exiger d’une personne qu’elle fournisse une assistance raisonnable dans le cadre de l’inspection, y compris en répondant à toutes les questions pertinentes liées à l’application des nouvelles dispositions. Les nouvelles dispositions permettraient également aux personnes autorisées de perquisitionner tout bâtiment ou lieu au moyen d’un mandat pour y trouver tout document ou objet susceptible d’apporter la preuve de la commission d’une infraction en vertu des nouvelles dispositions, et de saisir tout document ou objet de ce type.
Les mesures proposées décrites ci-dessus sont susceptibles de porter atteinte à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives prévue à l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes viennent étayer la compatibilité des mesures avec l’article 8. Les pouvoirs d’inspecter et d’obliger une personne à prêter assistance ne seraient pas conférés pour faire avancer une enquête pénale. Ils seraient plutôt utilisés à des fins réglementaires, par exemple pour déterminer les obligations ou les droits fiscaux et pour vérifier le respect des nouvelles dispositions. Dans ces circonstances, les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. Dans le cas d’un lieu constituant une résidence, où les intérêts en matière de vie privée sont plus élevés, les inspecteurs ne seraient autorisés à entrer qu’avec le consentement de l’occupant ou avec un mandat délivré par un juge. Un mandat serait également nécessaire pour perquisitionner et saisir des documents ou des objets susceptibles de constituer des preuves de la commission d’une infraction en vertu des nouvelles dispositions. Les mandats délivrés en vertu des nouvelles dispositions seraient obtenus par autorisation judiciaire, ce qui signifie qu’un juge serait convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire que le document ou l’objet en question sera vraisemblablement trouvé dans les locaux et fournira la preuve de l’infraction, satisfaisant ainsi aux exigences de l’article 8 de la Charte pour qu’une fouille, une perquisition ou une saisie soit raisonnable.
Pouvoirs du président d’enquête
La Loi sur la taxe sur les services numériques permettrait à un président d’enquête autorisé par le ministre du Revenu national de mener une enquête nécessaire à toute fin liée à l’application des nouvelles dispositions. Le président d’enquête aurait le pouvoir de convoquer tout témoin à l’enquête et de l’obliger à témoigner oralement ou par écrit, et à produire tout document ou objet pertinent. Toute personne qui témoigne ou dont les affaires font l’objet d’une enquête dans le cadre d’une enquête aura le droit d’être représentée par un avocat.
Le pouvoir de contraindre une personne à se présenter à un endroit précis pour un interrogatoire oral avec prestation de serment peut porter atteinte au droit à la liberté prévu à l’article 7 de la Charte, qui comprend des protections résiduelles contre l’auto-incrimination.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces pouvoirs avec l’article 7. Le pouvoir de contraindre à témoigner sert un objectif important, à savoir l’application d’une loi qui impose une taxe sur les revenus des services commerciaux; il ne vise pas principalement à favoriser les poursuites à l’encontre du témoin. En outre, toute preuve incriminante obtenue au cours d’une enquête ne peut être utilisée dans une autre procédure si cette utilisation viole le principe d’auto-incrimination. En outre, la personne faisant l’objet d’une enquête et les témoins éventuels ont le droit d’être représentés par un avocat.
Le pouvoir de contraindre à la production de documents ou d’objets dans le cadre d’une enquête peut porter atteinte au droit à la vie privée protégé par l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ce pouvoir avec l’article 8. Le type de documents ou d’objets dont la remise peut être exigée doit être pertinent pour l’application d’une loi fiscale dans un contexte où les attentes en matière de protection de la vie privée sont réduites. En outre, l’ordonnance de produire un document ou un objet n’est pas particulièrement intrusive, puisqu’elle n’implique pas de pénétrer dans la propriété privée d’un contribuable pour y effectuer une perquisition ou une saisie. Des pouvoirs d’enquête similaires existant dans d’autres lois fiscales ont été confirmés par les tribunaux.
Pouvoirs de collecte, de divulgation et d’utilisation des renseignements
La Loi sur la taxe sur les services numériques prévoit des pouvoirs de collecte, de divulgation et/ou d’utilisation de renseignements. Le ministre du Revenu national serait autorisé à exiger de toute personne qu’elle fournisse des renseignements ou des dossiers, comme des documents utiles pour établir le revenu qu’un contribuable a tiré de services numériques canadiens, à des fins liées à l’administration ou à l’application des nouvelles dispositions. Les nouvelles dispositions autoriseraient également le ministre à exiger d’une personne résidant au Canada ou d’une personne non résidente qui exerce une activité commerciale au Canada qu’elle fournisse des renseignements ou des registres établis à l’étranger. L’expression « renseignement ou registre étranger » s’entendrait de tout renseignement ou registre disponible ou situé à l’étranger et susceptible d’être utile à l’application ou au contrôle de l’application de la loi. En outre, les nouvelles dispositions autoriseraient la divulgation et l’utilisation de renseignements confidentiels dans des circonstances précises.
Les mesures de collecte, de divulgation et/ou d’utilisation des renseignements sont susceptibles de porter atteinte à l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces mesures avec l’article 8. Les intérêts en matière de protection de la vie privée sont moindres dans les contextes réglementaire et administratif. Des pouvoirs similaires permettant d’exiger la production ou de permettre la communication de renseignements pertinents à des fins réglementaires ou administratives, plutôt qu’à des fins d’enquête sur des infractions, ont été jugés raisonnables en vertu de l’article 8. Les modifications prévoient de nombreuses mesures visant à protéger les intérêts de la vie privée, notamment : l’obligation d’obtenir une autorisation judiciaire pour obtenir des renseignements sur des personnes non nommées; des règles strictes régissant la divulgation et l’utilisation autorisées de renseignements confidentiels; et la possibilité d’un contrôle judiciaire d’une ordonnance de communication d’éléments de preuve relatifs à des renseignements confidentiels ou d’une obligation de fournir des renseignements étrangers.
Partie 4 – Modifications à la Loi de 2001 sur l’accise et à des lois connexes (produits de vapotage)
La partie 4 prévoit des sanctions administratives pécuniaires pour les infractions à la Loi de 2001 sur l’accise, notamment pour la vente, l’achat, la possession, l’élimination ou la distribution de produits de vapotage qui ne sont pas correctement emballés et estampillés pour indiquer que le droit sur le vapotage en vertu de cette loi a été acquitté. Des sanctions administratives pécuniaires peuvent également être imposées pour la fabrication de produits de vapotage sans licence, l’importation pour la vente au Canada de produits de vapotage qui ne sont pas emballés et estampillés correctement, et l’omission de livrer immédiatement les produits de vapotage importés aux fins d’estampillage. La sanction pourrait être imposée par le ministre du Revenu national. Étant donné la possibilité de sanctions pécuniaires importantes, les modifications pourraient être perçues comme ayant une incidence sur les droits conférés par l’article 11.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité des dispositions avec la Charte. La procédure conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire serait de nature administrative. L’objectif de l’imposition d’une sanction serait de promouvoir un comportement conforme aux objectifs des parties pertinentes de la Loi. Les sanctions administratives pécuniaires seraient établies en fonction du montant du droit imposé sur les produits de vapotage en question. Les dispositions proposées en matière de sanctions suivraient de près l’exemple de dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires figurant dans la Loi et dans d’autres lois fiscales. Dans ce contexte, l’imposition d’une sanction ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » au sens de l’article 11 de la Charte.
Section 2 de la partie 5 – Congé pour perte de grossesse et congé de deuil
La section 2 de la partie 5 propose que soit adopté un nouveau congé pour perte de grossesse dans le Code canadien du travail. Ce congé serait accordé à l’employée dont la grossesse s’est soldée par la perte du fœtus, à l’époux ou au conjoint de fait d’une personne ayant subi une perte de grossesse, et à l’employée qui avait l’intention d’être le parent légal de l’enfant qui serait né si la grossesse d’une autre personne s’était soldée par une naissance vivante.
La durée du congé accordé dépendrait du type de perte de grossesse. Dans le cas d’une mortinaissance après vingt semaines de grossesse, les employés admissibles auraient droit à un congé d’au plus huit semaines, tandis que dans le cas d’une perte de grossesse avant la vingtième semaine de grossesse, les employés admissibles auraient droit à un congé d’au plus 3 jours.
La création d’un nouveau congé pour perte de grossesse pourrait être considérée comme contraire au paragraphe 15 (1) de la Charte, étant donné que certains hommes ne pourraient pas en bénéficier s’ils n’étaient pas mariés ou ne vivaient pas en union libre avec la personne ayant subi la perte de grossesse, à moins qu’ils ne puissent démontrer qu’ils avaient l’intention d’être parents de l’enfant lors de la naissance. Une distinction pourrait éventuellement être faite pour le motif énuméré du sexe et pour le motif analogue de l’état civil. Les considérations suivantes soutiennent la compatibilité des dispositions avec la Charte.
Le nouveau congé pourrait avoir des effets positifs sur les personnes enceintes, leurs conjoints et partenaires, et toute personne qui démontre qu’elle a l’intention de devenir parent, y compris par l’intermédiaire d’une mère porteuse. En permettant aux époux, aux conjoints de fait et aux employés qui avaient l’intention d’être le parent légal de l’enfant à naître de bénéficier de ce congé, les modifications proposées ciblent les personnes les plus susceptibles d’être affectées par la perte de la grossesse.
Section 6 de la partie 5 – Mesures relatives à la concurrence
La section 6 de la partie 5 comprendrait plusieurs modifications de la Loi sur la concurrence. Ces modifications amélioreraient l’efficacité des dispositions relatives à la conduite faisant entrave à la concurrence et renforceraient le cadre d’application, notamment en autorisant plusieurs nouvelles ordonnances correctives qui pourraient inclure des sanctions administratives pécuniaires.
Déclaration concernant les avantages d’un produit pour l’environnement
Si une personne se livre à un « comportement susceptible d’examen », au sens de Loi sur la concurrence, le commissaire de la concurrence peut demander au Tribunal de la concurrence, à la Cour fédérale ou à la cour supérieure d’une province de rendre une ordonnance civile contraignante pour mettre un terme à ce comportement. L’ordonnance peut inclure l’interdiction de prendre certaines mesures, l’obligation de prendre certaines mesures ou une sanction administrative pécuniaire, selon les circonstances. Les modifications proposées ajouteraient, à la section existante traitant des déclarations au public, une nouvelle forme de comportement susceptible d’examen : une déclaration, une garantie ou une caution concernant les avantages d’un produit pour la protection de l’environnement ou l’atténuation des effets environnementaux et écologiques du changement climatique, qui ne repose pas sur une épreuve suffisante et appropriée.
Cette modification pourrait porter atteinte à la liberté d’expression visée à l’alinéa 2b) de la Charte, car elle permettrait d’imposer des ordonnances juridiquement contraignantes à des personnes, en conséquence de certains types de déclarations faites au public au sujet d’un produit. L’alinéa 2b) prévoit la protection de la publicité et d’autres formes d’expression à des fins commerciales.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de cette modification avec la Charte. L’expression commerciale susceptible d’induire le public en erreur a une valeur moindre par rapport à d’autres formes d’expression protégée, car elle a un lien plus faible avec les valeurs fondamentales du droit. La modification proposée viserait à protéger les consommateurs, les concurrents et le bon fonctionnement du marché contre les préjudices causés par des déclarations n’ayant pas été démontrées par des essais concernant les avantages d’un produit pour la protection de l’environnement ou l’atténuation des effets du changement climatique. Le fait d’exiger des personnes qu’elles effectuent des essais adéquats pour leurs déclarations en matière d’environnement améliore le fonctionnement du marché en renforçant la fiabilité des renseignements fournis aux consommateurs et en empêchant les personnes de s’appuyer sur des déclarations non vérifiées pour obtenir un avantage sur le marché. La modification n’imposerait pas que les essais démontrent l’exactitude de la déclaration avec une certitude absolue. Au contraire, elle exige que l’allégation soit testée de manière « suffisante et appropriée ». En outre, la modification n’établirait pas d’infraction pénale : s’il s’avère qu’une personne a eu un comportement susceptible d’examen aux fins de cette modification, seules des procédures civiles ou administratives seraient possibles.
Sanctions administratives pécuniaires
Les modifications établiraient plusieurs nouvelles circonstances dans lesquelles une personne qui ne respecte pas une exigence de la Loi sur la concurrence pourrait être condamnée à payer une sanction administrative pécuniaire. De telles sanctions pourraient être imposées dans les circonstances suivantes : non-respect d’un consentement, qu’il soit conclu avec le commissaire de la concurrence ou entre les parties à une action privée; non-respect par une partie privée de signifier un consentement au commissaire; conclusion ou proposition d’un accord ou arrangement entre concurrents qui empêche ou réduit sensiblement la concurrence sur un marché, ou qui est susceptible de le faire; et mise en œuvre de représailles ou probabilité de mise en œuvre de telles représailles. Selon les circonstances, la sanction peut être imposée par le Tribunal de la concurrence, la Cour fédérale ou la cour supérieure d’une province. Étant donné la possibilité de sanctions pécuniaires importantes, les modifications pourraient être perçues comme ayant une incidence sur les droits conférés par l’article 11.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité des dispositions avec la Charte. La procédure conduisant à l’imposition d’une sanction pécuniaire serait de nature administrative. Comme le précisent les modifications, l’objectif de l’imposition d’une sanction serait de promouvoir un comportement conforme aux objectifs des parties pertinentes de la Loi sur la concurrence, et « non en vue d’une sanction ». Les sanctions administratives pécuniaires seraient soumises à des limites fixées par la loi en fonction de la nature de la violation, de sa durée et d’autres facteurs. Aucun montant minimum obligatoire n’est prévu pour les sanctions. Les dispositions proposées en matière de sanctions suivraient de près l’exemple d’un certain nombre de dispositions relatives aux sanctions administratives pécuniaires figurant dans la Loi sur la concurrence. Dans ce contexte, l’imposition d’une sanction ne donnerait pas lieu à de « véritables conséquences pénales » au sens de l’article 11 de la Charte.
Section 8 de la partie 5 – Blanchiment d’argent, financement du terrorisme, contournement des sanctions et autres mesures
Sous-section A – Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes
La sous-section A de la section 8 de la partie 5 apporterait un certain nombre de modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (LRPCFAT), ainsi que des modifications corrélatives à d’autres lois et à un règlement.
Contournement des sanctions
Les modifications visent à inclure expressément le contournement des sanctions dans le champ d’application du régime de déclaration, d’analyse et de divulgation de la LRPCFAT. Ces modifications exigeraient que les entités déclarantes (telles que les institutions financières) fassent une déclaration au Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) lorsqu’elles ont des soupçons raisonnables qu’une transaction, ou une tentative de transaction, qui a lieu dans le cadre de leurs activités est liée à la commission d’une infraction de contournement des sanctions. Ils exigeraient également que CANAFE, après avoir effectué son analyse, fasse un rapport aux forces de police compétentes lorsque CANAFE soupçonne raisonnablement que les renseignements seraient pertinents pour enquêter sur une infraction de contournement des sanctions ou pour engager des poursuites à cet égard. CANAFE devra également communiquer les renseignements à d’autres organismes lorsque ceux-ci sont liés à la fois à une infraction de contournement des sanctions et à des questions relevant du mandat de ces organismes. Étant donné que ces modifications impliquent la déclaration obligatoire de renseignements, ainsi que leur analyse et leur divulgation ultérieures aux organismes chargés de l’application de la loi, elles pourraient avoir des effets potentiels au regard de l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec la Charte. Les modifications étendraient aux infractions de contournement des sanctions le même type d’obligations de déclaration, d’analyse et de divulgation que celles qui existent déjà dans la LRPCFAT pour le blanchiment d’argent et les infractions terroristes. Ces infractions se recoupent largement. Même dans les cas où une infraction de contournement des sanctions ne constitue pas simultanément une infraction de blanchiment d’argent ou de financement d’activités terroristes, la détection et la poursuite de ces infractions posent des défis similaires à la détection et à la poursuite des infractions de blanchiment d’argent et de financement d’activités terroristes. Il s’agit notamment du fait qu’il n’y a pas de « victime » directe incitée à signaler le délit à la police et que la complexité de ces mécanismes signifie souvent que les indices de délit n’apparaissent que lors de l’analyse des schémas d’activité en cours. En outre, la législation canadienne sur les sanctions, conformément aux obligations internationales du Canada, exige déjà que les Canadiens et les personnes au Canada signalent aux organismes chargés de l’application de la loi ou de la sécurité tout bien en leur possession ou sous leur contrôle qui fait l’objet de sanctions, ainsi que toute transaction ou tentative de transaction concernant ces biens. Elle oblige également un large éventail d’institutions financières à surveiller ces biens et à les signaler à l’organisme de réglementation compétent. Les garanties de protection de la vie privée qui existent actuellement dans la LRPCFAT s’appliqueraient également à la communication, à l’analyse et à la divulgation de renseignements relatifs à des infractions de contournement des sanctions.
Guichets automatiques bancaires privés
Les modifications prévoient d’inclure, en tant qu’entreprises de services monétaires au sens de l’article 5 de la LRPCFAT, les fournisseurs de services d’acquisition pour les guichets automatiques bancaires (GAB) privés « à étiquette blanche », c’est-à-dire les guichets qui ne sont pas la propriété d’une banque ou d’une autre institution financière au sens du projet de loi. Les « acquéreurs » fournissent aux propriétaires de ces machines une connexion entre la machine et les réseaux de paiement, tels que le réseau Interac, et jouent ainsi un rôle dans le traitement des transactions effectuées par le biais des guichets automatiques en marque blanche. L’inclusion de ces entités dans le champ d’application de l’article 5 de la LRPCFAT les soumettrait à des obligations, notamment en ce qui concerne le devoir de vigilance à l’égard de la clientèle, la tenue de registres et la déclaration des transactions suspectes à CANAFE, sous réserve de la réglementation en vigueur. Étant donné que l’inscription de ces entités sur la liste les obligerait à fournir certains renseignements à CANAFE, cette modification pourrait être considérée comme ayant des effets potentiels au regard de l’article 8 de la Charte.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8. Les acquéreurs sont tout comme les autres entités actuellement énumérées à l’article 5, en ce sens qu’ils effectuent des transactions financières pour le compte d’autrui. Le secteur des GAB à étiquette blanche, en particulier, a été désigné comme une source de risque de blanchiment d’argent par les organismes chargés de l’application de la loi, le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux (GAFI) et CANAFE. En effet, ces machines peuvent être alimentées en argent liquide provenant de sources illicites, qui peut ensuite être blanchi en le distribuant aux clients du GAB, en échange de quoi le propriétaire/exploitant du GAB reçoit un dépôt électronique sur son compte bancaire. Les acquéreurs, qui constituent le lien entre le propriétaire du GAB et le réseau de paiement, sont bien placés pour faire preuve de la diligence requise afin de contribuer à la détection du blanchiment d’argent dans le cadre de l’utilisation de GAB à étiquette blanche et, en réalité, ils prennent actuellement certaines mesures à cet effet en vertu de leurs obligations contractuelles à l’égard d’Interac. Les garanties en matière de protection de la vie privée qui existent actuellement dans la LRPCFAT s’appliqueraient également à la déclaration, à l’analyse et à la divulgation des renseignements fournis par les acquéreurs.
Importation et exportation de marchandises
Les modifications instaureraient une partie 2.1 dans la LRPCFAT, qui créerait des obligations et des pouvoirs afin de répondre au risque de blanchiment d’argent par voies commerciales (BAVC). Il s’agit notamment d’obligations de déclaration à l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) et d’un système de divulgation par l’ASFC aux organismes chargés de l’application de la loi et aux organismes de réglementation, ainsi que de pouvoirs de perquisition et de saisie pour faciliter l’application de la nouvelle obligation de déclaration.
Déclaration et divulgation
Aux termes des modifications, toute personne qui déclare l’importation ou l’exportation de marchandises en vertu de l’article 12 ou 95 de la Loi sur les douanes, ou qui effectue une transaction financière destinée à payer ces marchandises, doit déclarer à un agent si les marchandises sont des produits du crime ou des marchandises liées au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme ou au contournement des sanctions, ainsi que déclarer que les marchandises sont effectivement importées ou exportées. Elles permettraient également aux agents des douanes de divulguer le contenu de ces déclarations, ainsi que d’autres renseignements obtenus aux fins de la partie 2.1 de la LRPCFAT et des renseignements établis à partir de l’une ou l’autre de ces catégories, aux organismes chargés de l’application de la loi et/ou de la réglementation. Les renseignements feraient l’objet d’une déclaration lorsque l’agent des douanes aurait des motifs raisonnables de soupçonner que ces renseignements seraient utiles pour enquêter sur une infraction de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de contournement des sanctions, ou pour engager des poursuites à cet égard. Étant donné que ces dispositions impliquent la collecte obligatoire de renseignements et permettent leur divulgation éventuelle aux organismes chargés de l’application de la loi, elles sont susceptibles de porter atteinte à l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Les attentes en matière de protection de la vie privée sont moindres dans le contexte des frontières. Ces modifications servent les objectifs importants de contrôle de l’importation et de l’exportation des produits de la criminalité, ainsi que de l’utilisation du commerce international comme moyen de blanchiment d’argent, qui a été reconnu comme une source de risque de blanchiment d’argent, notamment par le Groupe d’action financière sur le blanchiment de capitaux et la Commission of Inquiry into Money Laundering in British Columbia (Commission d’enquête sur le blanchiment d’argent en Colombie britannique). Les renseignements demandés sont strictement limités à ceux qui sont nécessaires pour contrôler l’importation et l’exportation des produits du crime et pour détecter le blanchiment d’argent par voies commerciales. La divulgation de renseignements aux organismes chargés de l’application de la loi est discrétionnaire et non obligatoire, et ne peut avoir lieu que sur la base d’un soupçon raisonnable, comme c’est actuellement le cas pour les renseignements divulgués par CANAFE. La divulgation et l’utilisation de ces renseignements sont également interdites, sauf aux fins décrites ci-dessus.
Rétention, fouilles, perquisitions, saisies et confiscations
Les modifications accordent aux agents des douanes le pouvoir de retenir temporairement des marchandises lorsqu’une déclaration n’a pas encore été faite, de fouiller des personnes à la recherche de marchandises qui n’ont pas été déclarées ou qui sont des produits du crime, d’exercer les pouvoirs d’examen et de perquisition prévus par la Loi sur les douanes à l’égard de ces marchandises, de saisir ces marchandises et de les confisquer. Parce que ces actions constituent des perquisitions et des saisies, elles ont des effets potentiels au regard de l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8. Ces pouvoirs sont semblables aux pouvoirs existants en vertu de la Loi sur les douanes et d’autres lois sur les frontières. Les attentes en matière de protection de la vie privée sont moindres dans le contexte des frontières. La disposition relative aux fouilles de personnes inclut le droit d’une personne faisant l’objet d’une fouille de demander un examen par un agent des douanes principal. Les dispositions relatives à la saisie de marchandises et à la confiscation prévoient un droit de recours et d’appel et exigent des agents qu’ils informent les personnes concernées de ces droits.
Infractions
Les modifications visent à ériger en infraction le fait de ne pas faire une déclaration obligatoire à un agent des douanes. Ils créent également une infraction pour les fonctionnaires qui divulguent ou utilisent des renseignements contenus dans des rapports en dehors des circonstances spécifiées dans la loi. Ces infractions étant passibles d’une peine d’emprisonnement, elles pourraient porter atteinte au droit à la liberté protégé par l’article 7 de la Charte.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 7. Les infractions sont conçues de manière à ne viser que les comportements pertinents au regard de l’objectif de la loi. Dans le cas du défaut de déclaration, elles remplissent une fonction importante en contribuant à assurer le respect de la nouvelle obligation de déclaration. En ce qui concerne les infractions relatives à la divulgation ou à l’utilisation non autorisée de renseignements déclarés en vertu de la nouvelle partie 2.1, elles contribuent à assurer la protection de la vie privée en imposant des sanctions en cas de divulgation ou d’utilisation dans des conditions autres que celles spécifiées dans la loi. Les infractions ne sont pas assorties d’une peine minimale.
Divulgation au ministère de l’Environnement et au ministère des Pêches et des Océans
Aux termes de ces modifications, CANAFE serait tenu de communiquer des renseignements au ministère de l’Environnement et/ou au ministère des Pêches et des Océans s’il a des motifs raisonnables de soupçonner que ces renseignements sont utiles à une enquête ou à des poursuites concernant une infraction de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de contournement des sanctions, et que ces renseignements sont également utiles à une enquête concernant une infraction relevant de la responsabilité du ministre de l’Environnement ou du ministre des Pêches et des Océans, respectivement. Étant donné que ces modifications exigent la divulgation de renseignements aux organismes chargés de l’application de la loi, elles sont susceptibles de porter atteinte à l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8. La divulgation n’est autorisée que lorsque CANAFE a déjà des motifs raisonnables de soupçonner que les renseignements seraient pertinents dans le cadre d’une enquête sur une infraction de blanchiment d’argent, de financement du terrorisme ou de contournement des sanctions, et qu’il serait donc déjà tenu de les divulguer aux services de police compétents. La divulgation au ministère de l’Environnement et au ministère des Pêches et des Océans serait accessoire et tiendrait compte du fait que les renseignements relatifs au blanchiment d’argent, au financement du terrorisme et au contournement des sanctions peuvent également révéler des renseignements utiles à l’enquête sur d’autres infractions. Le pouvoir de divulgation n’étendrait pas la compétence de CANAFE au-delà du blanchiment d’argent, du financement du terrorisme et du contournement des sanctions, mais permettrait simplement la divulgation accessoire de renseignements qui sont déjà divulgués à la police.
Sous-section B – Code criminel
La sous-section B de la section 8 de la partie 5 modifie les dispositions du Code criminel relatives aux produits de la criminalité et aux pouvoirs généraux de certains fonctionnaires.
Questions relatives à la preuve
L’article 462.31 du Code criminel établit l’infraction de recyclage des produits de la criminalité. Cette infraction s’applique aux biens ou produits obtenus ou dérivés, directement ou indirectement, de la perpétration d’une « infraction désignée ». Les infractions désignées sont énoncées à l’article 462.3 du Code criminel.
Cette sous-section modifierait l’article 462.31 du Code criminel afin de mieux traiter le problème du blanchiment d’argent par des tiers. Les modifications précisent qu’il n’est pas nécessaire que l’accusation prouve que l’accusé savait ou croyait que les produits ont été obtenus ou proviennent, ou ne s’est pas soucié du fait qu’ils ont été obtenus ou proviennent de l’infraction désignée. Les modifications prévoient également une inférence prévue par la loi qui permettrait à un tribunal de déduire que l’élément moral (la mens rea) de l’infraction est constitué, s’il est convaincu que la manière dont l’accusé a traité les biens ou les produits est nettement inhabituelle ou que les transactions de l’accusé sont incompatibles avec les activités légales typiques du secteur dans lequel elles se déroulent. Ces dispositions ne seraient applicables que si l’accusé n’est pas également inculpé pour l’infraction désignée qui a généré les produits du crime. Étant donné que ces modifications portent sur la manière dont l’infraction est prouvée, elles pourraient être considérées comme ayant des effets potentiels sur les droits de l’accusé à un procès équitable, protégés par l’alinéa 11d) de la Charte.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’alinéa 11d). La modification précise que le poursuivant n’a pas à prouver la mens rea en ce qui concerne la nature spécifique de l’infraction désignée – il n’élimine pas la nécessité de prouver la mens rea. Elle précise simplement quelle mens rea doit être établie par l’accusation au-delà de tout doute raisonnable : il s’agit d’une mens rea générale concernant le fait que les biens ou les produits sont des produits de la criminalité. La modification permettant à un tribunal de tirer une inférence quant à la manière dont l’accusé a traité les biens ou les produits est permissive. La modification n’oblige pas le tribunal à tirer une telle inférence et elle préserve la nécessité pour le tribunal d’être convaincu au-delà de tout doute raisonnable de la mens rea et d’autres éléments de l’infraction avant de pouvoir condamner un accusé.
Fouilles, perquisitions, saisies et blocage – engagement
Cette sous-section modifierait les articles 462.32, 462 321 et 462.33 du Code criminel afin de supprimer l’obligation pour un juge d’obtenir du procureur général un engagement relatif au paiement de dommages ou de frais lorsqu’il délivre un mandat de perquisition et de saisie de produits de la criminalité ou une ordonnance de blocage de produits de la criminalité. Étant donné que cette mesure affecte les conditions dans lesquelles un mandat de perquisition et de saisie peut être délivré, elle pourrait avoir des effets potentiels au regard de l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8. La suppression de l’obligation d’engagement ne signifie pas que le procureur général ne sera pas responsable du paiement des dommages ou des frais lorsque ceux-ci sont justifiés en vertu de la Charte ou d’une autre manière. Les modifications maintiennent les mesures de responsabilité existantes en vertu de l’article 462.32, y compris, par exemple, les obligations concernant la remise d’un avis, la tenue de registres et la restitution des objets saisis, ainsi que l’obligation de prendre des précautions raisonnables pour s’assurer que les biens sont préservés afin d’être traités conformément à la loi. Les modifications permettraient au juge d’inclure les conditions raisonnables qu’il estime nécessaires pour ces trois types de mandats. Un tel pouvoir n’existe actuellement qu’au titre de l’article 462.33.
Ordonnances de fouille, de perquisition, de saisie et de blocage
Cette partie modifierait les articles 462.32, 462.321 et 462.33 du Code criminel afin d’exiger que le juge ait des motifs raisonnables de croire que les biens ou les actifs numériques sont des produits de la criminalité au sens du paragraphe 462.3(1) pour être en mesure de délivrer un mandat de perquisition et de saisie ou de prendre une ordonnance de blocage. Il s’agit d’un changement par rapport au libellé actuel, qui exige qu’un juge ait des motifs raisonnables de croire que le bien est un bien à l’égard duquel une ordonnance de confiscation peut être émise. Ces modifications pourraient avoir des effets sur le droit à la protection contre les fouilles, perquisitions et saisies abusives protégé par l’article 8 de la Charte, étant donné que les mandats de fouille, de perquisition et de saisie et les ordonnances de blocage en vertu de ces dispositions constituent des fouilles, perquisitions et saisies aux fins de l’article 8.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8. Les modifications, tout en clarifiant les motifs pour lesquels une ordonnance de blocage peut être émise, maintiennent les garanties essentielles des dispositions actuelles. Il s’agit notamment du fait que l’ordonnance est autorisée par un juge, sur la base de motifs raisonnables de croire aux faits essentiels qui soutiennent la saisie ou le blocage du bien, à savoir que le bien est un produit de la criminalité lié à une infraction particulière. En outre, une personne ayant un intérêt dans un bien saisi ou bloqué peut demander à un tribunal de réexaminer la saisie ou le blocage.
Ordonnance de communication de données financières – Actifs numériques
Cette partie modifierait l’article 487 018 du Code criminel, qui permet la délivrance d’ordonnances de communication autorisées par un juge pour obtenir des données financières, y compris les noms associés à un numéro de compte ou les numéros de compte associés à un nom. Les modifications précisent que ces ordonnances peuvent être émises pour obtenir les noms et les numéros de compte d’une personne, lorsque les autorités connaissent un identifiant associé à des actifs numériques, comme un numéro de portefeuille bitcoin. Dans la mesure où cette mesure a une incidence sur le champ d’application d’un pouvoir de délivrance d’ordonnances de communication autorisé par un juge, elle pourrait avoir des effets potentiels au regard de l’article 8 de la Charte, qui garantit le droit à la protection contre les fouilles, les perquisitions et les saisies abusives.
Les considérations suivantes étayent la compatibilité de ces modifications avec l’article 8 de la Charte. Les modifications moderniseraient la disposition existante, afin de tenir compte des développements technologiques en matière de données financières. Les renseignements qui pourraient être obtenus à la suite de ces modifications seraient de même nature que les renseignements actuellement visés par ces ordonnances, à savoir les renseignements d’identification associés à un compte financier. Le champ d’application de ces ordonnances reste circonscrit et les modifications n’affectent pas les garanties actuellement en place en ce qui concerne l’émission de ces ordonnances de communication.
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