Projet de loi S-11 : Loi no 4 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law

Déposé au Sénat le 17 novembre 2022
Note explicative
L’article 4.2 de la Loi sur le ministère de la Justice exige que le ministre de la Justice prépare un « Énoncé concernant la Charte » pour chaque projet de loi du gouvernement afin d’éclairer le débat public et parlementaire au sujet d’un projet de loi du gouvernement. L’une des plus importantes responsabilités du ministre de la Justice est d’examiner le projet de loi afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte canadienne des droits et libertés [« la Charte »]. Par le dépôt d’un Énoncé concernant la Charte, le ministre partage plusieurs des considérations principales ayant informé l’examen visant à vérifier si un projet de loi est incompatible avec la Charte. L’Énoncé recense les droits et libertés garantis par la Charte susceptibles d’être touchés par un projet de loi et il explique brièvement la nature de ces répercussions, eu égard aux mesures proposées.
Un Énoncé concernant la Charte présente également les raisons pouvant justifier les restrictions qu’un projet de loi pourrait imposer aux droits et libertés garantis par la Charte. L’article premier de la Charte prévoit que ces droits et libertés peuvent être assujettis à des limites raisonnables, pourvu qu’elles soient prescrites par une règle de droit et que leurs justifications puissent se démontrer dans le cadre d’une société libre et démocratique. Cela signifie que le Parlement peut adopter des lois qui limitent les droits et libertés garantis par la Charte. Il n’y aura violation de la Charte que si la justification de ces limites ne peut être démontrée dans le cadre d’une société libre et démocratique.
Un Énoncé concernant la Charte vise à fournir des renseignements juridiques au public et au Parlement se rapportant aux effets possibles d’un projet de loi sur les droits et libertés dans la mesure où ces effets ne sont ni négligeables ni trop théoriques. Il ne s’agit pas d’un exposé détaillé de toutes les considérations liées à la Charte envisageables. D’autres considérations constitutionnelles pourraient également être soulevées pendant l’examen parlementaire et la modification d’un projet de loi. Un Énoncé ne constitue pas un avis juridique sur la constitutionnalité d’un projet de loi.
Considérations relatives à la Charte
Le ministre de la Justice a examiné le projet de loi S-11, Loi no 4 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil du Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, afin d’évaluer s’il est incompatible avec la Charte, conformément à l’obligation qui lui incombe aux termes de l’article 4.1 de la Loi sur le ministère de la Justice. Cet examen comprenait la prise en considération des objectifs et des caractéristiques du projet de loi.
Voici une analyse non exhaustive des façons par lesquelles le projet de loi est susceptible de toucher les droits et libertés garantis par la Charte. Elle est présentée en vue d’aider à éclairer le débat public et parlementaire relativement au projet de loi.
Aperçu
Le projet de loi est le quatrième d’une série de projets de loi visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit privé des provinces et des territoires, en particulier le droit civil au Québec. Le droit privé vise un ensemble de règles qui régit les relations entre les personnes, comme celles portant sur les biens et la responsabilité civile dans une province ou un territoire. L’harmonisation veille à ce que les versions française et anglaise des lois fédérales nécessitant le recours à des concepts de droit privé provincial soient adaptées à la tradition de droit civil du Québec et à la tradition de common law des autres provinces et territoires, afin de tenir compte des quatre auditoires juridiques : le droit civil en français, le droit civil en anglais, la common law en anglais et la common law en français. Les modifications d’harmonisation visent essentiellement des adaptations ou des ajouts de termes juridiques techniques lorsqu’il s’agit de questions de droit privé, comme les biens, la sécurité et la responsabilité civile.
Le projet de loi modifierait cinquante et une lois fédérales pour faire en sorte qu’elles illustrent les concepts et les institutions de droit privé propres aux traditions juridiques de droit civil et de common law. La partie I du projet de loi modifierait les lois fédérales qui traitent des institutions financières, comme la Loi sur les banques et la Loi sur les sociétés d’assurances. La partie II modifierait une série d’autres lois, dont la Loi sur l’accès à l’information, la Loi sur la protection des renseignements personnels, la Loi sur la preuve au Canada et la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par exemple, la version française d’une disposition de la Loi canadienne sur les droits de la personne serait modifiée pour mieux tenir compte du droit de la preuve en droit civil.
Les modifications proposées dans le projet de loi sont de nature technique et n’ont pas pour but d’avoir une incidence sur la portée juridique des dispositions ou sur leurs objectifs stratégiques sous-jacents. Elles visent plutôt à faire en sorte que les lois modifiées illustrent fidèlement la terminologie des traditions juridiques du droit civil et de la common law, dans les deux langues officielles.
Contribution au respect des langues officielles du Canada et accès à la justice facilité
Ce projet de loi contribuerait au respect des principes et des valeurs qui sous-tendent les paragraphes 16(1) et 18(1) de la Charte. Le paragraphe 16(1) de la Charte prévoit que le français et l’anglais sont les langues officielles du Canada et qu’ils ont un statut et des droits et privilèges égaux quant à leur usage dans les institutions du Parlement et du gouvernement du Canada. Pour sa part, le paragraphe 18(1) de la Charte prévoit que les lois, les archives, les comptes rendus et les procès-verbaux du Parlement sont imprimés et publiés en français et en anglais,que les deux versions des lois ont également force de loi et que celles des autres documents ont même valeur.
Le projet de loi favorise l’utilisation égale des deux langues officielles en veillant à ce que les lois fédérales soient tout aussi intelligibles en français et en anglais du point de vue du droit privé provincial et territorial. Il facilite également l’accès à la justice en rendant les lois plus accessibles à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes, anglophones ou francophones, et appartenant à la tradition juridique de la common law ou du droit civil.
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