1. Discours d’ouverture
Réponse du gouvernement au dernier rapport du Comité spécial sur l’Afghanistan intitulé « Honorer l’héritage du Canada en Afghanistan : répondre à la crise humanitaire et amener les gens en lieu sûr »
Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes
Ministre de la Justice
Mars 2023
Je tiens à remercier les membres de ce comité de m’avoir invité à parler de la réponse du gouvernement au dernier rapport du Comité spécial sur l’Afghanistan intitulé « Honorer l’héritage du Canada en Afghanistan : répondre à la crise humanitaire et amener les gens en lieu sûr ».
Mes remarques porteront sur les recommandations du dernier rapport qui ont trait à mes responsabilités en tant que ministre de la Justice, en particulier celles qui concernent les modifications du Code criminel.
Les recommandations 10 et 11 du dernier rapport du Comité spécial sur l’Afghanistan demandaient deux choses. Premièrement, elles demandaient une dérogation spécifique à l’infraction sur le financement du terrorisme prévue à l’alinéa 83.03(b) pour permettre aux organisations canadiennes enregistrées de fournir de l’aide humanitaire et d’autres besoins fondamentaux au peuple afghan.
Deuxièmement, elles demandaient au gouvernement de revoir les dispositions du Code criminel relatives au financement du terrorisme et de prendre d’urgence les mesures législatives nécessaires pour garantir que ces dispositions ne restreignent pas indûment les actions humanitaires légitimes conformes aux principes et au droit humanitaires internationaux.
Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001 aux États-Unis, le Canada a répondu à la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies et a adopté, en quelques mois, la Loi antiterroriste (2001). Cette loi modifiait, entre autres, le Code criminel afin de créer plusieurs infractions destinées à prévenir les actes de terrorisme, ce qui comprenait trois infractions de financement du terrorisme.
Adoptées rapidement pour faire face à l’importante menace terroriste à laquelle le monde était confronté, ces infractions sont larges et strictes dans leur application.
L’une de ces infractions se trouve à l’alinéa 83.03(b) du Code criminel. Cette infraction criminalise le fait, directement ou indirectement, de réunir, de rendre disponible, de fournir ou d’inviter quelqu’un à fournir des biens ou des services financiers ou connexes en sachant que ceux-ci seront utilisés par un groupe terroriste ou lui profiteront.
La connaissance en droit pénal a deux composantes : la connaissance réelle ou l’aveuglement volontaire. L’aveuglement volontaire signifie l’ignorance délibérée. Dit autrement, les accusés ont-t-ils fermé les yeux parce qu’ils savaient ou soupçonnaient fortement que le fait de se renseigner leur donnerait la connaissance?
Un autre élément clé de l’infraction de financement du terrorisme à l’alinéa 83.03(b) est le terme « groupe terroriste ». Le terme s’entend d’une entité dont l’un des buts ou l’une des activités est de faciliter ou de mener une activité terroriste ou d’une entité inscrite.
Dans le but de lutter énergiquement contre le fléau du terrorisme, en 2001, le Parlement n’a pas créé d’exemptions statutaires à l’infraction de financement du terrorisme prévue à l’alinéa 83.03(b). Le Parlement n’a pas non plus modifié ces dispositions depuis ce temps pour permettre des exceptions.
En revanche, les régimes de nombre de nos alliés, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, sont plus souples et peuvent prévoir des exceptions ciblées appropriées, ce qui leur a permis de modifier récemment leur régime afin que les personnes en Afghanistan puissent continuer à recevoir l’aide nécessaire.
Ceci nous amène à la situation en Afghanistan et aux recommandations 10 et 11. Avant août 2021, de nombreuses organisations non gouvernementales ou ONG travaillaient avec diligence pour fournir une aide humanitaire et d’autres types d’assistance au peuple afghan, souvent avec l’aide financière des gouvernements. Depuis de nombreuses années, le gouvernement afghan travaillait de concert avec ses alliés pour empêcher les talibans de prendre le contrôle de l’Afghanistan.
Comme nous ne le savons que trop bien, tout a changé au printemps et à l’été 2021, lorsque les talibans ont pris le pouvoir. D’un point de vue canadien, il y a de bonne raisons d’être préoccupés par l’application du Code criminel aux activités des ONG canadiens et des fonctionnaires du gouvernement qui les aident. S’ils effectuent des paiements en sachant qu’une partie de cet argent ira aux talibans, un groupe terroriste, par exemple en payant les salaires des employés afghans qui sont soumis à l’impôt sur le revenu, ils pourraient encourir une responsabilité criminelle en vertu de l’infraction de financement du terrorisme prévue à l’alinéa 83.03(b).
À la lumière de la loi existante, le gouvernement convient que nous devons revoir nos infractions de financement du terrorisme pour faire en sorte que les activités humanitaires et autres activités appropriées puissent se poursuivre, sans ouvrir des échappatoires qui permettraient à des acteurs malveillants de soutenir des groupes terroristes sous le couvert d’activités dignes d’intérêt. À cet égard, le gouvernement du Canada a présenté le projet de loi C-41 le 9 mars 2023 visant à modifier le Code criminel afin de permettre la prestation d’une action humanitaire fondée sur des principes tout en maintenant de solides dispositions relatives à la lutte contre le financement du terrorisme.
Ce projet de loi créerait un régime d’autorisation pour protéger les personnes admissibles au Canada ou les Canadiens à l’extérieur du Canada de la responsabilité criminelle pour la prestation de certains programmes et services nécessaires lorsqu’ils procureraient sciemment un avantage à un groupe terroriste ou seraient utilisés par celui-ci. Cela permettra non seulement aux organisations humanitaires de fonctionner plus facilement en Afghanistan, mais aussi dans d’autres régions géographiques contrôlées par un groupe terroriste.
Je vous remercie encore de m’avoir invité à m’exprimer devant ce Comité et je suis disponible pour répondre à vos questions.
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