8. Présentation technique
Projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême)
17 juin 2022
But et objectif
- Combler une lacune dans le droit criminel à la suite des décisions R c Brown, et R c Sullivan et Chan, rendues par la Cour suprême du Canada.
- Protéger le public et tenir responsables les individus qui, par négligence, se placent dans un état d’intoxication volontaire extrême et causent des préjudices à autrui.
Origine
- Le moyen de défense de l’intoxication extrême a été créé par la Cour suprême (arrêt R c Daviault, rendu en 1994), le jugeant nécessaire pour assurer la conformité avec la Charte.
- Certains ont critiqué la décision du fait qu’elle ne protégeait pas le public et permettait à des individus d’échapper à la responsabilité criminelle pour préjudices causés à autrui alors qu’ils sont dans un état d’intoxication extrême.
- En 1995, le Parlement a édicté l’article 33.1 du Code criminel, qui visait à empêcher un prévenu d’invoquer le recours à l’intoxication extrême comme moyen de défense pour les crimes violents, comme les voies de fait, l’agression sexuelle et l’homicide involontaire coupable.
Contexte
- Le 13 mai 2022, la Cour suprême du Canada a invalidé l’article 33.1 du Code criminel, parce que cet article visait des personnes qui ne remplissaient pas les conditions minimales de responsabilité pénale en vertu de la Charte.
- Par conséquent, à l’heure actuelle, un accusé qui établit qu’il était dans un état d’intoxication extrême lors de la perpétration d’une infraction violente pourrait échapper aux conséquences pénales, même lorsqu’il a agi d’une manière négligente.
- Les provinces et les territoires (PT), les organisations de défense des droits des femmes et des victimes et le grand public ont exprimé des préoccupations à l’égard des décisions et ont sollicité une réponse législative qui remédierait à cette lacune juridique, tout en respectant la Charte.
Intoxication extrême
- L’intoxication extrême un état dans lequel la personne est inconsciente de sa conduite ou est incapable de la maîtriser.
- Il est peu probable qu’une intoxication extrême se produise avec la consommation d’alcool seulement, sans certaines conditions préexistantes.
- L’intoxication extrême est rare – la grande majorité des cas de violence perpétrée en état d’intoxication ne comportent pas d’intoxication extrême, et les décisions de la CSC et le projet de loi C-28 n’ont pas d’incidence sur ces situations.
- Le moyen de défense de l’intoxication extrême a des exigences juridiques strictes. Cette défense exige une preuve d’expert et doit être prouvée suivant une prépondérance des probabilités (norme qui signifie qu’une chose est « plus susceptible de se produire que de ne pas se produire ») pour être accueillie.
- D’autres conditions peuvent également entraîner une perte de conscience ou de maîtrise, comme un trouble mental ou un traumatisme crânien soudain, et lorsqu’elles sont invoquées comme moyen de défense, les mêmes exigences strictes s’appliquent.
Aperçu du projet de loi C-28
- Il réédicte et modifie l’article 33.1 afin de prévoir une responsabilité criminelle pour les actes de violence commis en état d’intoxication extrême, et corriger les problèmes constitutionnels que la CSC a relevés à l’égard de la version antérieure de la disposition.
- Il prévoit une norme de faute fondée sur la négligence criminelle, que la CSC a reconnue comme compatible avec la Charte.
- Il vise à atteindre les mêmes objectifs en matière de protection du public et de responsabilisation que l’ancien article 33.1, mais d’une manière qui respecte les droits que la Charte garantit aux accusés.
La norme de faute fondée sur la négligence criminelle
- Le projet de loi C-28 créerait une responsabilité criminelle pour les actes de violence commis en état d’intoxication extrême sur le fondement de la norme de négligence criminelle, reconnue par la jurisprudence, une norme bien comprise utilisée dans plusieurs autres infractions, notamment la conduite dangereuse et l’omission de fournir les choses nécessaires à l’existence d’un enfant.
- À cette fin, des personnes pourraient être tenues responsables d’infractions violentes d’intention générale (par ex., agression sexuelle, homicide involontaire coupable) si elles causent du préjudice à autrui lorsqu’elles sont dans un état d’intoxication extrême, lorsque leur conduite s’écarte de « façon marquée » de la norme de diligence que respecterait une personne raisonnable qui ingère des substances intoxicantes.
- Pour déterminer s’il existe un écart marqué, les tribunaux seraient tenus d’évaluer s’il existait un risque prévisible d’intoxication extrême susceptible de causer un préjudice, et d’examiner toutes les circonstances pertinentes, qui pourraient varier selon les faits de chaque cause (par ex., où la substance a été consommée, l’état d’esprit de l’accusé, la quantité de la substance et la durée de sa consommation).
Application prévue
- L’article 33.1 proposé n’entre en jeu que lorsque le moyen de défense de l’intoxication extrême est soulevé par le prévenu, ce qui exige une preuve d’expert. L’intoxication extrême n’est jamais présumée exister.
- Dans les cas où le moyen de défense de l’intoxication extrême est invoqué, l’article 33.1 proposé offrirait au poursuivant un moyen additionnel d’établir la perpétration de l’infraction perpétrée : établir que l’intoxication volontaire extrême du prévenu constituait une négligence criminelle.
Annexe : Réponses générales du gouvernement à l’égard de la violence fondée sur le sexe
- Réformes du droit : Modifications apportées en 2021 à la Loi sur les juges afin d’améliorer la formation et la compréhension des juges sur le contexte social entourant la violence sexuelle (C-3); modifications apportées en 2018 au Code criminel afin d’élargir les dispositions relatives à la protection des victimes de viol et de contribuer à veiller à ce que les affaires d’agression sexuelle soient tranchées de façon équitable et sans l’influence des mythes et stéréotypes (C-51); modifications apportées en 2019 au Code criminel notamment en vue de mieux protéger les victimes contre la violence entre partenaires intimes, au moment de la mise en liberté sous caution et de la détermination de la peine (C-75).
- Financement – programmes de Justice Canada : Financement aux provinces/territoires et aux organisations non gouvernementales à l’appui d’un accès accru à la justice pour les victimes et les survivantes et survivants; à partir de 2021-2022, un montant de 85,3 M$ sur cinq ans à l’appui d’un programme national axé sur les conseils juridiques indépendants et la représentation juridique indépendante pour les victimes d’agression sexuelle, et à l’appui de projets pilotes pour les victimes de violence entre partenaires intimes.
- Le Budget de 2022 a prévu un montant de 539,3 M$ sur cinq ans, à compter de 2022-2023, affecté à Femmes et Égalité des genres Canada afin de permettre aux provinces et aux territoires de compléter et d’accroître les mesures de soutien en vue de prévenir la violence fondée sur le sexe et d’appuyer les survivantes et survivants.
- Le Budget 2021 a engagé 601,3 millions de dollars sur cinq ans pour « l’établissement d’un nouveau plan d’action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe ».
- Date de modification :