5. Document d’information

Modifications proposées au Code criminel du Canada relativement à l’intoxication extrême

Nous savons qu’il s’agit d’un sujet difficile pour plusieurs personnes. Les personnes qui ont besoin d’aide peuvent demander des services dans leur région : https://femmes-egalite-genres.canada.ca/fr/centre-savoir-violence-fondee-sexe/lignes-crise.html

Le 17 juin 2022, le ministre de la Justice et procureur général du Canada a présenté un projet de loi afin de modifier le Code criminel pour donner suite aux décisions du 13 mai 2022 de la Cour suprême du Canada (CSC) en ce qui a trait à la défense d’intoxication extrême (R c. Brown et R c. Sullivan et Chan). La CSC a conclu que l’article du Code criminel qui empêchait d’invoquer la défense d’intoxication extrême pour la plupart des crimes violents était inconstitutionnel.

Ce projet de loi comblerait la lacune créée dans la loi à la suite des décisions de la CSC en intégrant des modifications qui feraient en sorte que les personnes qui consomment volontairement des substances intoxicantes en faisant preuve de négligence criminelle, qui deviennent extrêmement intoxiquées, qui perdent la maîtrise de leurs actes et qui causent du tort à autrui pourraient être tenues criminellement responsables de leurs actes. Dans ce contexte, la négligence s’entend d’une personne qui n’a pas suffisamment pris soin d’éviter un risque raisonnablement prévisible de perte de maîtrise de ses actes violente.

Les modifications favoriseraient la sécurité publique, en particulier pour les personnes qui risquent d’être victimes de violence, comme les femmes et les enfants, tout en respectant les droits garantis par la Charte.

Les modifications proposées appuient l’engagement général du gouvernement du Canada d’accroître l’accès à la justice pour les victimes et les survivants d’actes criminels et d’améliorer la confiance envers le système de justice pénale.

Quelles sont les modifications proposées au Code criminel?

Le projet de loi propose de modifier et d’adopter à nouveau l’article 33.1 du Code criminel. La nouvelle disposition ferait en sorte qu’une personne qui cause du tort à une autre personne alors qu’elle est dans un état d’intoxication extrême serait tenue criminellement responsable de ses actes s’il y avait un risque prévisible de perte de maîtrise de ses actes violente à la suite de la consommation de substances intoxicantes.

Qu’entend-on par intoxication extrême?

L’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme est un état dans lequel une personne n’a pas conscience de ses actes ou n’est pas capable de maîtriser volontairement ses actes en raison de l’intoxication. De façon générale, l’alcool seul n’entraînera pas un état d’automatisme.

Il est important de souligner qu’un accusé doit prouver qu’il était dans un état d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme. Cela exige une preuve d’expert au procès.

Quelles sont les répercussions des arrêts de la CSC?

Le projet de loi répondrait aux lacunes créées dans la loi à la suite des décisions de la Cour suprême du Canada. Bien que ces cas seraient rares, les décisions de la CSC ont pour effet qu’une personne qui s’intoxique de façon négligente à un niveau extrême, qui perd la maîtrise de ses actes et qui cause du tort à autrui pourrait échapper à des conséquences pénales. C’est le cas même dans les situations où une personne raisonnable aurait dû savoir qu’elle pourrait perdre la maîtrise de ses actes et causer du tort à autrui, mais n’a fait aucun effort pour minimiser ce risque.

Quelle était la disposition antérieure du Code criminel en ce qui a trait à la défense d’intoxication extrême?

Le fait d’être ivre ou drogué n’est généralement pas une défense pour une personne qui a commis des actes criminels. Le fait d’être intoxiqué à un degré qui ne constitue pas une intoxication extrême n’est jamais une défense pour une personne qui commet des actes criminels comme les voies de fait, l’agression sexuelle et l’homicide involontaire coupable.

L’article 33.1 du Code criminel, qui a été invalidé par la CSC, traitait d’infractions avec violence commises alors qu’une personne est dans un état d’intoxication volontaire. La CSC a conclu que l’article 33.1 antérieur ne permettait pas à l’accusé d’invoquer la défense d’intoxication volontaire dans le cas d’infractions avec violence comme les voies de fait et les agressions sexuelles. En d’autres termes, la CSC a affirmé qu’il permettait de tenir injustement des personnes criminellement responsables de leurs actes commis alors qu’elles étaient dans un état d’automatisme qu’elles ne pouvaient raisonnablement prévoir lorsqu’elles ont choisi de consommer des substances intoxicantes.

Quelle a été la décision de la Cour suprême du Canada dans les arrêts R c. Brown et R c. Sullivan et Chan?

Dans les affaires R c. Brown et R c. Sullivan et Chan, la CSC était invitée à examiner la constitutionnalité de l’article 33.1 du Code criminel.

La CSC a conclu que l’article 33.1 était inconstitutionnel, car il portait atteinte à l’article 7 (droit à la liberté; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu’en conformité avec un principe de justice fondamentale) et à l’alinéa 11d) (présomption d’innocence) de la Charte. La CSC a conclu que l’article 33.1 antérieur ne permettait pas à l’accusé d’invoquer la défense d’intoxication volontaire dans le cas d’infractions avec violence comme les voies de fait et les agressions sexuelles, même lorsqu’une personne raisonnable n’aurait pu prévoir le risque d’une perte de maîtrise de ses actes violente. Par conséquent, l’article 33.1 n’est plus en vigueur au Canada. Le projet de loi propose de modifier le Code criminel afin de remplacer l’ancienne disposition et de combler la lacune législative.

La Cour suprême du Canada a-t-elle estimé qu’une personne pourrait invoquer le seul fait d’être ivre ou droguée comme moyen de défense dans le cas d’une accusation de voies de fait?

Non. La CSC a clairement indiqué que l’ivresse n’est pas un moyen de défense à l’égard d’actes criminels, dont les voies de fait et les agressions sexuelles. Les arrêts de la CSC ne s’appliquent pas à la vaste majorité des affaires mettant en cause une personne qui a commis une infraction criminelle alors qu’elle est intoxiquée.

La décision de la CSC ne s’applique que dans les rares cas où une personne choisit de consommer des substances qui causent une intoxication extrême au point de mener à un état d’automatisme puis cause du tort à une autre personne.