3. Questions et réponses
Q & R
Ancien projet de loi C-28, Loi modifiant le Code criminel (intoxication volontaire extrême)
- Q 1 Quels sont les objectifs des modifications, puisqu’il n’existe pas de préambule?
- Q 2 L’adjonction dans le projet de loi du terme « extrême » limite la disposition ou son application par rapport à l’ancienne version de l’article 33.1?
- Q 3 Le nouvel article 33.1 est fort semblable à l’ancienne version de la disposition. Quelle est la principale différence entre les deux?
- Q 4 L’exigence de négligence criminelle signifie-t-elle que la personne serait déclarée coupable de négligence criminelle causant des lésions corporelles ou la mort?
- Q 5 Qu’est-ce qu’une « personne raisonnable » et comment quelqu’un peut-il savoir ce que ferait une « personne raisonnable »?
- Q 6 Qu’est-ce qu’un « écart marqué »?
- Q 7 Qu’entend-on par « prévisibilité objective »?
- Q 8 Qu’entend-on par les termes « tous les autres éléments constitutifs de l’infraction sont présents » (à l’alinéa 33.1(1)a))?
- Q 9 Comment peut être prouvé(e) le risque violent de perte de maîtrise, ou la négligence même? Le fardeau de preuve est-il trop lourd?
- Q 10 Comment le projet de loi s’applique-t-elle à des drogues particulières ou lorsque la personne a une dépendance? (Note : Ce qui suit établit une formule pour répondre à toute question sur la manière dont une circonstance ou un fait précis aurait une incidence sur le verdict.)
- Q 11 Quelle est l’incidence du projet de loi sur les personnes qui ont une dépendance?
- Q 12 Quelle est la relation entre le moyen de défense de l’intoxication extrême et la nouvelle version de l’article 33.1?
- Q 13 Comment la nouvelle disposition fonctionnera-t-elle dans la pratique en ce qui concerne la façon dont l’accusé établira le moyen de défense et celle dont la Couronne prouvera la négligence?
- Q 14 Comment l’ancien projet de loi C-28 aborde-t-il les violations de la Charte énoncées dans l’arrêt Brown?
- Q 15 La définition de « intoxication extrême » au paragraphe 33.1(4) du projet de loi est-elle trop limitative puisqu’elle ne fait pas expressément référence à un état qui s’apparente à l’aliénation mentale?
- Q 16 Le gouvernement envisagerait-il d’ajouter une présomption selon laquelle l’alcool seul ne donnerait jamais lieu à un état d’intoxication extrême?
- Q 17 Comment le projet de loi protégera-t-il mieux les victimes?
- Q 18 Comment les décisions de la Cour suprême du Canada rendues dans les affaires Brown, Sullivan et Chan seraient-elles prises en vertu du nouvel article 33.1?
- Q 19 Quel travail le gouvernement a-t-il fait à l’appui de la mise en œuvre depuis l’adoption du projet de loi?
- Q 20 Y a-t-il eu de nouveaux cas d’intoxication involontaire depuis l’entrée en vigueur de la disposition?
- Q 21 Comment répondez-vous à des groupes comme l’Association nationale de la femme et du droit (ANFD) qui laisse entendre qu’il sera pratiquement impossible au poursuivant d’établir le critère de prévisibilité raisonnable?
Q 1 Quels sont les objectifs des modifications, puisqu’il n’existe pas de préambule?
- Les préambules aident les tribunaux à connaître l’objet d’un projet de loi; le dossier parlementaire en constitue un autre. Nous avons clairement établi que l’ancien projet de loi C-28 maintient les mêmes objectifs que l’ancien article 33.1, qui étaient reflétés dans le préambule de l’ancien projet de loi C-72 : protéger le public et tenir responsables les individus qui causent un préjudice à autrui alors qu’ils se trouvent dans un état d’intoxication extrême.
- Le préambule de l’ancien projet de loi C-72 faisait explicitement mention du fait que « la violence entrave la participation des femmes et des enfants dans la société et nuit gravement au droit à la sécurité de la personne et à l’égalité devant la loi que leur garantissent les articles 7, 15 et 28 de la Charte canadienne des droits et libertés » et du lien entre l’intoxication et la violence.
Q 2 L’adjonction dans le projet de loi du terme « extrême » limite la disposition ou son application par rapport à l’ancienne version de l’article 33.1?
- Non. L’ancienne version de l’article 33.1 visait seulement l’intoxication extrême même si le terme « extrême » n’y figurait pas. Ceci ressort clairement du texte de l’ancienne disposition qui exigeait que la personne soit « incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite ». En vertu de l’article 33.1, ces termes font maintenant partie de la définition de « intoxication extrême » (paragraphe 33.1(4)) et le terme « extrême » est ajouté à plusieurs endroits pour clarifier explicitement la portée de la loi.
Q 3 Le nouvel article 33.1 est fort semblable à l’ancienne version de la disposition. Quelle est la principale différence entre les deux?
- L’ancienne version de la disposition, telle qu’elle a été interprétée par la Cour, présumait l’existence d’une négligence criminelle dans tous les cas où l’intoxication extrême avait mené à la violence, ce qui aurait pu donner lieu à une déclaration de culpabilité pour une personne dont la négligence criminelle n’avait pas été établie.
- La nouvelle version établit clairement que le poursuivant doit établir cette négligence hors de tout doute raisonnable (alinéa 33.1(1)b)). Ceci signifie que, lorsque le risque de perte violente de maîtrise n’était pas prévisible ou lorsqu’il était prévu, mais que des efforts raisonnables ont été déployés pour éviter ce type de préjudice, même si celui-ci devait se matérialiser, la personne qui a fait preuve de diligence raisonnable ne serait pas coupable d’un crime.
Q 4 L’exigence de négligence criminelle signifie-t-elle que la personne serait déclarée coupable de négligence criminelle causant des lésions corporelles ou la mort?
- Non. Le concept de négligence est utilisé de deux façons en droit criminel. Premièrement, il est utilisé pour désigner un crime précis où la négligence dans tout type de conduite – comme la fabrication de biens de consommation – entraîne des lésions corporelles ou la mort. Deuxièmement, la négligence criminelle est également un type de faute, ou un état mental, qui peut être inclus dans des infractions ciblant un comportement précis, comme la conduite dangereuse et l’omission pour une personne de fournir des soins nécessaires à la vie de jeunes enfants confiés à ses soins.
- Les modifications apportées à l’article 33.1 reflètent la deuxième façon dont la négligence criminelle est utilisée. Elles font de la négligence criminelle en relation avec la consommation de substances intoxicantes – menant à un état extrême d’intoxication et à des actes de violence – la norme de faute pour les crimes avec violence comme les voies de fait.
Q 5 Qu’est-ce qu’une « personne raisonnable » et comment quelqu’un peut-il savoir ce que ferait une « personne raisonnable »?
- Les tribunaux connaissent très bien le concept de personne raisonnable. Une personne raisonnable est une personne prudente et soucieuse de son entourage. Elle réfléchit avant d’agir, et si elle voit un risque pour autrui, elle essaie de prévenir l’occurrence de ce risque.
- Par exemple, dans le cas de l’intoxication, un tribunal peut conclure qu’une personne raisonnable prévoyant prendre des substances intoxicantes voudrait savoir quels en sont les effets possibles - bons ou mauvais – et prendrait des mesures pour minimiser le risque là où elle le voit.
- L’obligation légale de l’accusé n’est pas fondée sur ses caractéristiques personnelles, mais sur la nature de l’activité et les circonstances entourant l’omission par l’accusé de prendre les précautions requises. Ces circonstances ne personnalisent pas la norme objective; elles la contextualisent.
Q 6 Qu’est-ce qu’un « écart marqué »?
- Un « écart marqué » est le terme juridique utilisé pour exprimer la norme de négligence criminelle. Il signifie que la conduite de l’accusé est bien en deçà de la conduite attendue d’une personne raisonnable dans ces circonstances. Cette norme doit être respectée aux fins du prononcé d’une déclaration de culpabilité.
Q 7 Qu’entend-on par « prévisibilité objective »?
- La « prévisibilité objective » renforce le fait que la norme énoncée à l’article 33.1 est celle de la négligence criminelle. L’adjectif « objective » fait référence à ce qu’une personne raisonnable prévoirait, même si ce n’est pas ce que la personne visée prévoit (ce que le prévenu prévoit serait une prévisibilité « subjective »). Pour établir si le prévenu a fait preuve de négligence criminelle, le tribunal doit examiner si une personne raisonnable aurait été consciente du risque d’intoxication extrême qui aurait pu amener la personne à causer un préjudice à autrui. C’est une autre façon de dire que le prévenu aurait dû savoir, même s’il ne le savait pas réellement.
Q 8 Qu’entend-on par les termes « tous les autres éléments constitutifs de l’infraction sont présents » (à l’alinéa 33.1(1)a))?
- Comme l’ancien article, le nouvel article 33.1 s’appliquerait à un certain nombre d’infractions violentes, énoncées au paragraphe 33.1(3). Puisque ces infractions comportent des éléments différents, l’alinéa 33.1(1)a) établit clairement que le poursuivant continue d’avoir le fardeau de prouver ces éléments distincts, en plus de l’intoxication par négligence. Par exemple, dans le cas de voies de fait causant des lésions corporelles, les lésions corporelles doivent être prouvées, et dans le cas d’une agression sexuelle, la nature sexuelle des contacts devrait l’être.
Q 9 Comment peut être prouvé(e) le risque violent de perte de maîtrise, ou la négligence même? Le fardeau de preuve est-il trop lourd?
- La négligence criminelle dépend toujours fortement des faits et des circonstances uniques de chaque cas. Dans ce contexte, on envisage un processus à deux étapes : premièrement, une personne raisonnable aurait-elle prévu un risque de perte de maîtrise et de violence? Deuxièmement, est-ce que l’omission par l’accusé d’évaluer ou de prévenir le risque constituait un écart marqué par rapport au comportement attendu d’une personne raisonnable?
- Fait important, l’accusé doit tout d’abord établir le fait qu’il était dans un état d’intoxication extrême et doit étayer cette affirmation par une preuve d’expert. Ces mêmes éléments de preuve donneraient au poursuivant des moyens d’établir que l’intoxication extrême était prévisible dans ces circonstances. Par exemple, la preuve qu’il a été signalé qu’une personne avait perdu la maîtrise de ses actes et causé un préjudice à autrui en raison de la consommation élevée de certains types de drogues pourrait être utilisée pour contribuer à établir que la perte de maîtrise et les actes de violence étaient également prévisibles.
- L’évaluation du risque consiste à mettre en balance la probabilité du préjudice et sa gravité s’il se matérialise. La norme est souple et permet au tribunal de mettre l’accent sur la question cruciale, en l’occurrence de savoir si la conduite de la personne se situe en deçà de celle attendue d’une personne raisonnable pour éviter de causer un préjudice à autrui dans les circonstances de l’affaire.
Q 10 Comment le projet de loi s’applique-t-elle à des drogues particulières ou lorsque la personne a une dépendance? (Note : Ce qui suit établit une formule pour répondre à toute question sur la manière dont une circonstance ou un fait précis aurait une incidence sur le verdict.)
- Je ne spéculerai pas sur la façon dont un facteur aurait une incidence sur l’issue d’une poursuite. De nombreux facteurs sont pertinents dans ces cas.
- Cependant, certains types de facteurs devraient être pertinents relativement à la question de la prévisibilité d’une perte violente de maîtrise, tels que :
- le milieu où les substances sont consommées;
- l’état d’esprit de l’individu à ce moment-là;
- la nature de la substance et la quantité consommée, et s’il y a eu consommation d’une combinaison de substances;
- les effets connus des substances consommées;
- la durée de la période de consommation des drogues;
- la présence ou l’absence de dangers;
- les mesures prises pour minimiser le risque, comme une supervision effectuée par une personne sobre.
Q 11 Quelle est l’incidence du projet de loi sur les personnes qui ont une dépendance?
- L’ancien projet de loi C-28 ne favorise ni ne criminalise la consommation de drogues, et ne vise aucunement des drogues particulières ou leur légalité.
- Ce projet de loi est conforme au droit pénal de façon générale – une dépendance n’est pas une chose qui rend une personne coupable ou non coupable d’un crime. C’est également ainsi que le droit traite toutes les formes d’intoxication qui n’atteignent pas cet état rare d’intoxication extrême.
- Bien qu’un tribunal soit, dans un cas particulier, susceptible de conclure que la dépendance est pertinente à l’égard de la négligence, selon la preuve, cela ne serait pas en soi déterminant de l’issue de l’affaire.
Q 12 Quelle est la relation entre le moyen de défense de l’intoxication extrême et la nouvelle version de l’article 33.1?
- L’article 33.1 ne cible pas directement le moyen de défense de l’intoxication extrême, qui demeure une question de common law. Conformément à l’arrêt Daviault de 1994 de la Cour suprême du Canada, une personne accusée d’une infraction d’intention générale peut invoquer la défense d’intoxication extrême si elle peut prouver, selon la prépondérance des probabilités et à l’aide de preuves d’expert, qu’elle a commis les actes involontairement.
- La nouvelle version de l’article 33.1 ne supprime ni ne limite le moyen de défense; il s’y applique parallèlement. En pratique, le fait de se trouver dans un état d’intoxication extrême ne constituerait pas un moyen de défense lorsque cet état résulte de la propre négligence criminelle de l’accusé.
Q 13 Comment la nouvelle disposition fonctionnera-t-elle dans la pratique en ce qui concerne la façon dont l’accusé établira le moyen de défense et celle dont la Couronne prouvera la négligence?
- Pour que l’article 33.1 entre en jeu dans un cas donné, l’accusé devrait tout d’abord faire valoir le moyen de défense d’intoxication extrême, reconnu en common law, conformément aux exigences aux termes du critère établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Daviault, notamment par un témoignage d’expert.
- Le poursuivant pourrait tenter d’établir que la personne n’était pas dans un état d’intoxication extrême, auquel cas la personne pourrait être déclarée coupable de la façon habituelle, pour avoir volontairement et intentionnellement causé un préjudice à la victime. En vertu de l’article 33.1 nouvellement adopté, le poursuivant aurait également la possibilité d’établir que l’accusé a fait une consommation de substances intoxicantes par négligence criminelle. Le jury ou le tribunal tiendrait compte de tous les éléments de preuve et appliquerait le droit de la façon habituelle pour décider du verdict approprié.
Q 14 Comment l’ancien projet de loi C-28 aborde-t-il les violations de la Charte énoncées dans l’arrêt Brown?
- La Cour suprême a expressément noté qu’il serait loisible au Parlement d’instaurer une responsabilité pour les infractions d’intention générale de violence, fondées sur la négligence criminelle dans la consommation de substances intoxicantes avant une perte de maîtrise avec violence. C’est exactement ce que fait le projet de loi.
- L’ancien projet de loi C-28 est conforme à la Charte et répond aux motifs énoncés par la Cour suprême dans l’arrêt Brown. Elles visent à protéger le public, en particulier les femmes et les enfants, contre la violence perpétrée par des contrevenants en état d’intoxication extrême. Elles visent également à tenir les individus responsables de la violence qu’ils infligent à autrui lorsqu’ils s’écartent de façon marquée de la norme de diligence attendue d’une personne raisonnable en ingérant volontairement des substances intoxicantes alors qu’il existe un risque prévisible de perte de maîtrise de soi pouvant donner lieu à de la violence.
- Le projet de loi respecte les balises que la Cour a données sur la nature du risque qui doit être prévisible - un aspect essentiel de la négligence criminelle; il doit y avoir un risque objectivement prévisible d’intoxication extrême susceptible de mener à des actes de violence. Les individus qui n’auraient pu raisonnablement percevoir un risque de perte de contrôle et de préjudice à autrui ou qui prennent des mesures raisonnables pour prévenir ce risque ne peuvent être tenus responsables en vertu du nouvel article 33.1, ce qui était au cœur de la préoccupation de la Cour à l’égard de l’ancienne disposition.
Q 15 La définition de « intoxication extrême » au paragraphe 33.1(4) du projet de loi est-elle trop limitative puisqu’elle ne fait pas expressément référence à un état qui s’apparente à l’aliénation mentale?
- Le paragraphe 33.1(4) nouvellement adopté utilise la même expression que dans l’ancienne disposition de l’article 33.1 qui décrivait l’état d’intoxication volontaire comme « l’intoxication qui rend une personne incapable de se maîtriser consciemment ou d’avoir conscience de sa conduite ».
- Pendant plus de 25 ans, ces termes ont décrit l’état que la Cour suprême a vaguement qualifié d’état « s’apparentant à l’automatisme » ou « s’apparentant à l’aliénation mentale » qui sape la responsabilité criminelle à l’égard des actes commis par la personne.
- Au cours des dernières années, la Cour suprême semble avoir abandonné l’expression « s’apparentant à l’aliénation mentale » et utilise maintenant l’idée particulière « s’apparentant à l’automatisme. » La Cour caractérise à maintes reprises la situation en question comme incluant des états de « psychose toxique » où les actions de la personne sont fortement influencées par des délires provoqués par des drogues, sans exprimer de préoccupation à l’égard du texte actuel de la définition au paragraphe 33.1(4).
- Par exemple, dans l’arrêt Bouchard-Lebrun de 2011, la Cour suprême a adopté une interprétation souple de l’ancien article 33.1 pour affirmer que la disposition visait « toute condition mentale qui constitue le prolongement direct d’un état d’intoxication » (à l’alinéa 91).
- Les termes « incapable de se maîtriser consciemment » utilisés dans l’ancien projet de loi C-28 offre suffisamment de souplesse pour s’adapter à l’évolution de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada relative à l’automatisme. Il ne s’agit pas d’une classification rigide qui exclurait certains états mentaux pouvant résulter d’une intoxication extrême.
Q 16 Le gouvernement envisagerait-il d’ajouter une présomption selon laquelle l’alcool seul ne donnerait jamais lieu à un état d’intoxication extrême?
- Je ne crois pas qu’une présomption soit nécessaire pour le moment et je ne suis pas préoccupé par la façon dont les tribunaux aborderont la question de l’intoxication extrême. Bien que la Cour suprême n’ait pas fermé la porte à la possibilité que l’alcool seul entraîne un tel état, tout accusé qui désire soulever ce moyen de défense est tenu d’établir qu’il n’avait pas la maîtrise de ses actes lorsqu’il a commis l’acte violent. Il est peu probable que l’alcool seul permette de satisfaire à un tel critère.
- Contrairement à de nombreuses autres substances intoxicantes, l’effet de l’alcool sur le cerveau est d’inhiber les fonctions cognitives et motrices simultanément. Une personne dont les capacités sont affaiblies à tel point qu’elle n’a pas la capacité de choisir comment agir (c.-à-d. agir volontairement) sera vraisemblablement incapable d’exécuter des fonctions complexes comme celles que comporte la perpétration d’actes de violence.
- Il est préférable de laisser cette question aux juges qui décideront si une telle défense pourrait être établie compte tenu des données scientifiques existantes, du lourd fardeau de preuve requis pour établir l’intoxication extrême et du fait que la Cour suprême du Canada a reconnu que la défense de l’intoxication extrême ne sera généralement pas pertinente dans les cas de consommation d’alcool seulement.
Q 17 Comment le projet de loi protégera-t-il mieux les victimes?
- La décision Brown de la Cour suprême du Canada a laissé une lacune dans le droit qui aurait permis à un accusé d’échapper à toute forme de responsabilité criminelle s’il pouvait prouver qu’il était dans un état d’intoxication extrême au moment de la perpétration de l’infraction, quelles que soient les circonstances. Le projet de loi C-28 a été rapidement adopté pour combler cette lacune.
- Le projet de loi C-28 a apporté des précisions grandement nécessaires pour les victimes, en veillant à ce qu’un accusé ne puisse être tenu responsable d’infractions avec violence qu’il a commis dans un état d’intoxication extrême.
Q 18 Comment les décisions de la Cour suprême du Canada rendues dans les affaires Brown, Sullivan et Chan seraient-elles prises en vertu du nouvel article 33.1?
- Il serait malavisé que je conjecture la manière dont un juge pourrait statuer sur une affaire donnée.
- Cela dit, le nouvel article 33.1 exige que le tribunal se demande ce que ferait une personne raisonnable dans la situation d’un accusé. Un tribunal se demanderait ce qu’un Canadien raisonnable connaîtrait des risques de consommation de certaines substances, et il déciderait si la conduite de l’accusé s’est écartée de façon marquée de ce qu’une personne raisonnable aurait fait dans les circonstances.
- La Cour suprême du Canada est actuellement saisie de deux affaires très médiatisées où il est question d’actes de violence commis par des accusés ayant consommé de la psilocybine, également connue sous le nom de « champignons magiques ». Une personne raisonnable devrait savoir que la psilocybine, si elle est prise en grande quantité ou mélangée à d’autres substances intoxicantes, peut donner lieu à une perte de maîtrise avec violences - sur la base de ces affaires et des renseignements accessibles au public. Selon les faits, il peut être loisible aux tribunaux de déduire qu’une perte de maîtrise avec violence était raisonnablement prévisible dans de futures affaires lorsque les éléments de preuve suggèrent que la consommation de psilocybine peut avoir été la cause de l’intoxication extrême.
- Bien entendu, avant de décider si l’accusé s’est écarté de façon marquée de la norme de diligence, le tribunal doit tenir compte de toute mesure d’atténuation des risques, prise par l’accusé, ainsi que de l’ensemble des circonstances.
Q 19 Quel travail le gouvernement a-t-il fait à l’appui de la mise en œuvre depuis l’adoption du projet de loi?
- En tant que ministre de la Justice, je continuerai de travailler avec mes homologues des provinces et des territoires pour répondre à toute préoccupation qui persiste à l’égard des arrêts Brown, Sullivan et Chan de la Cour suprême du Canada, et renforcer le soutien aux victimes d’actes criminels, y compris les victimes d’actes de violence commis par des individus en état d’intoxication.
- Les fonctionnaires du ministère de la Justice continueront d’avoir des discussions soutenues avec les intervenants provinciaux et territoriaux afin de suivre l’évolution des dossiers dans le système et de garantir l’application et la mise en œuvre efficaces de la nouvelle disposition.
Q 20 Y a-t-il eu de nouveaux cas d’intoxication involontaire depuis l’entrée en vigueur de la disposition?
- Depuis l’arrêt Brown de la Cour suprême, il y a eu des cas où un accusé a soulevé la défense de l’intoxication extrême, mais, dans chaque cas, les faits étaient antérieurs à l’entrée en vigueur de l’ancien projet de loi C-28. Dans chaque cas, le tribunal a conclu que l’accusé n’avait pas établi la défense d’intoxication extrême.
- Aucune décision publiée n’a nécessité l’application de l’article 33.1 depuis sa modification. Les fonctionnaires du ministère suivent de près les développements du droit.
Q 21 Comment répondez-vous à des groupes comme l’Association nationale de la femme et du droit (ANFD) qui laisse entendre qu’il sera pratiquement impossible au poursuivant d’établir le critère de prévisibilité raisonnable?
- Je suis au courant des propositions présentées par des groupes comme l’ANFD, mais je suis convaincu que l’approche adoptée dans le projet de loi C-28 est à la fois valide sur le plan constitutionnel et nécessaire pour protéger les victimes d’actes criminels, et également exécutoire.
- Rappelons que l’article 33.1 n’entrera en jeu que si l’accusé réussit à établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’avait pas la volonté ou l’intention générale requise pour commettre l’infraction dont il est inculpé – en d’autres termes, il était tellement intoxiqué qu’il n’avait pas la maîtrise de ses actes.
- Dans les faits, cela s’est avéré très difficile de prouver pour un accusé, et nécessite une preuve d’expert importante autre que celle du témoignage de l’accusé. Il est très peu probable qu’un accusé établisse qu’il était dans un état d’intoxication extrême s’apparentant à l’automatisme, car il s’agit d’un état rare où une personne est en même temps incapable de se maîtriser ou d’avoir conscience de sa conduite, tout en étant capable de commettre l’acte interdit.
- En vertu du nouvel article 33.1, la question n’est pas de savoir si un accusé aurait dû savoir qu’une drogue particulière entraînerait une perte de maîtrise avec violence, mais plutôt de savoir si la drogue pourrait entraîner une telle perte de maîtrise. Le texte législatif n’exige pas qu’une perte de maîtrise avec violence soit probable ou même plus probable qu’improbable. Je crois que, correctement interprété, il s’agit d’un critère très peu exigeant qui reflète la gravité de la menace à la sécurité publique que présentent les personnes qui interprètent mal la réalité et ne peuvent avoir la maîtrise de leurs actes.
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