2. Discours d’ouverture

Chambre des communes

Projet de loi C-39, Loi modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)

Comité permanent de la justice et des droits de la personne

Discours d’ouverture

Ministre de la Justice

14 février 2023

Monsieur le Président, je vous remercie de me donner l’occasion de prendre la parole devant le Comité au sujet du projet de loi C-39, et de reconnaître l’urgence d’examiner cet important projet de loi.

L’ancien projet de loi C-7, Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir), a élargi l’admissibilité à l’aide médicale à mourir (ou l’AMM) aux personnes dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible en mars 2021. Il a aussi temporairement exclu le fait qu’une maladie mentale puisse servir de fondement à une demande d’AMM. En d’autres mots, l’ancien projet de loi exclut l’admissibilité à l’AMM dans les circonstances où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée à l’appui d’une demande d’AMM. En l’absence de modification législative, cette exclusion sera automatiquement abrogée le 17 mars 2023, date à laquelle l’AMM deviendra légale dans ces circonstances. Le projet de loi C-39 propose de proroger l’exclusion relative à la maladie mentale pour un an, jusqu’au 17 mars 2024.

L’objectif principal du projet de loi est de faciliter l’évaluation et la prestation sécuritaires de l’AMM dans tous les cas où la seule condition médicale invoquée au soutien de la demande d’aide médicale à mourir est une maladie mentale. Une prolongation de l’exclusion de l’admissibilité à l’AMM dans ces circonstances assurerait l’état de préparation du système de soins de santé, notamment en accordant plus de temps au milieu médical et infirmier pour la diffusion et l’utilisation des ressources clés. Le gouvernement fédéral aurait également plus de temps pour examiner à fond le rapport du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, qui est attendu le 17 février 2023. Je suis convaincu qu’une prolongation d’un an établit un juste équilibre en ce que cela permet ainsi de reconnaître l’importance de procéder aussi rapidement que possible et de le faire de façon prudente et mesurée pour bien faire les choses.

Comme toujours, le gouvernement fédéral demeure déterminé à veiller à ce que nos textes législatifs reflètent l’évolution des besoins des Canadiens, protègent les personnes susceptibles d’être vulnérables et favorisent l’autonomie et la liberté de choix.

Comme je viens d’expliquer, l’ancien projet de loi C-7 a temporairement exclu l’accès à l’AMM où une maladie mentale est le seul fondement à une demande d’AMM. Cette exclusion temporaire de l’admissibilité s’expliquait par la reconnaissance du fait que, dans ces circonstances, les demandes d’AMM sont complexes et exigeaient un examen supplémentaire.

Pendant cette période, le Groupe d’experts sur l’AMM et la maladie mentale a procédé à un examen indépendant des protocoles, des directives et des mesures de sauvegarde recommandés dans les circonstances où une maladie mentale constitue le fondement d’une demande d’AMM. Le rapport final du Groupe d’experts a été déposé au Parlement le 13 mai 2022. Entre autres, le Groupe a conclu qu’il était possible de mettre en œuvre ses recommandations sans ajouter de nouvelles mesures de sauvegarde au Code criminel. Le Groupe a estimé que les critères d’admissibilité et les mesures de sauvegarde existantes concernant l’AMM, renforcés par les lois, les normes et les pratiques en vigueur dans les domaines connexes des soins de santé, peuvent fournir une structure adéquate pour la prestation de l’AMM aux personnes ayant des troubles mentaux tant qu’ils sont interprétés de manière appropriée pour prendre en considération la spécificité des troubles mentaux.

Le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir a également terminé son examen parlementaire des dispositions du Code criminel sur l’AMM et de leur application ainsi que d’autres enjeux connexes, dont la maladie mentale. En juin 2022, le Comité a publié un rapport intérimaire sur l’AMM et la maladie mentale comme seul problème médical invoqué dans lequel il a résumé les témoignages de ceux qui se sont présentés devant le Comité. Ces témoins comprenaient des psychiatres et d’autres médecins, ainsi que des personnes vivant avec une maladie mentale, et des représentants de diverses organisations représentant les personnes vivant avec une maladie mentale. Nous attendons avec impatience le rapport final du Comité mixte spécial, prévu pour le 17 février 2023, ce vendredi.

Je tiens à préciser clairement que la période initiale d’inadmissibilité et la prolongation proposée ne sont pas fondées sur l’hypothèse préjudiciable et erronée que les personnes atteintes de maladie mentale n’ont pas la capacité de prendre des décisions ni sur leur incapacité d’apprécier la gravité de la souffrance qui peut être causée par la maladie mentale. L’évaluation et la prestation de l’AMM dans les cas où la condition médicale invoquée au soutien de la demande d’AMM est une maladie mentale présentent une complexité particulière, notamment des difficultés à évaluer si la maladie mentale est effectivement irrémédiable, et l’effet potentiel des tendances suicidaires sur ces demandes.

Nous reconnaissons que la maladie mentale peut causer le même degré de souffrances que la maladie physique. Nous sommes conscients qu’il y a des personnes qui s’attendent à devenir admissibles à l’AMM en mars 2023. Nous reconnaissons que ces personnes seront déçues de la prolongation de la période d’inadmissibilité, et nous sympathisons avec elles. Je tiens à faire ressortir que cette prolongation est, à mon avis, nécessaire pour assurer la prestation sécuritaire de l’AMM dans tous les cas où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée au soutien d’une demande d’AMM. Nous avons besoin de cette prolongation pour veiller à apporter tous les changements nécessaires de façon prudente et mesurée, et à ne pas précipiter l’élargissement de l’admissibilité à l’AMM. Notre principale priorité est d’assurer la prestation sécuritaire de l’AMM, et je suis convaincu que les tribunaux concluraient à la constitutionnalité de cette prolongation.

Je tiens à répéter qu’il nous faut plus de temps avant d’élargir l’admissibilité dans ces circonstances – pour garantir l’état de préparation du système de soins de santé et examiner à fond les recommandations du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir, et éventuellement y donner suite.

Je vous remercie et il me fera un plaisir de répondre à vos questions.