2. Discours d’ouverture du ministre

Projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard)

Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes

Octobre 2023

Merci de m’avoir invité pour vous parler du projet de loi C-40, Loi sur la Commission d’examen des erreurs du système judiciaire (Loi de David et Joyce Milgaard). Je suis accompagné de deux préposés de mon ministère qui pourront répondre aux questions techniques que vous pourriez avoir concernant ce projet de loi.

Ce projet de réforme répond aux appels de longue date lancés par des intervenants et des défenseurs des personnes condamnées à tort. Au cours des dernières décennies, plusieurs commissions d’enquête sur les condamnations injustifiées au Canada ont recommandé la création d’une commission indépendante. Le projet de loi C-40 fait suite à l’établissement de commissions indépendantes semblables dans d’autres pays. Des « Criminal Case Review Commissions » ont été établies dans les juridictions suivantes du Commonwealth :

La lettre de mandat du premier ministre à mon prédécesseur prévoyait l’engagement d’établir une commission indépendante d’examen des affaires pénales pour faciliter et accélérer l’examen des demandes des personnes susceptibles d’avoir été condamnées à tort. Pour donner suite à cet engagement, un vaste processus de consultation publique a eu lieu au cours de l’été 2021, auquel ont participé plus de 200 personnes et groupes. Par la suite, des consultations subséquentes ont eu lieu avec les provinces et territoires, les organisations de la magistrature, les organisations autochtones nationales, des organisations liées aux communautés noires et d’autres groupes en quête d’équité, et des associations du barreau.

Ce qui a été entendu clairement c’est qu’une commission indépendante était essentielle et aussi qu’il était nécessaire d’élaborer un processus plus rapide et efficace pour traiter les condamnations injustifiées potentielles. L’une des principales choses qui est ressortie au cours des consultations publiques, c’est que les commissions à l’étranger réussissent à traiter les demandes beaucoup plus rapidement que selon l’expérience au Canada. Pour que le processus d’examen soit plus rapide, le projet de loi C-40 vise à adopter certaines approches suivies à l’étranger, tout en tenant compte de notre propre contexte juridique et de gouvernance.

Au Canada, depuis les dernières réformes apportées à la partie concernée du Code criminel en 2002, un peu plus de 200 demandes de révisions ont été soumises, ce qui a mené à un gain de cause dans 26 renvois [jusqu’au 30 octobre 2023]. Tous les demandeurs concernés sauf cinq étaient blancs, et tous étaient des hommes.

Le rapport sur les consultations de 2021 a souligné que le système actuel n’a pas réussi à accorder des mesures de redressement aux femmes, aux Autochtones ou aux personnes noires dans les mêmes proportions que leur représentation dans les prisons canadiennes.

Une commission indépendante consacrée exclusivement à l’examen des erreurs judiciaires permettra à la fois d’accroître la confiance dans le processus de révision et d’améliorer l’accès à la justice en facilitant et en accélérant l’examen des demandes des personnes susceptibles d’avoir été condamnées à tort. Une commission composée de cinq à neuf commissaires à temps plein ou à temps partiel, en plus du personnel, sera en mesure d’examiner plus rapidement les demandes au motif d’erreur judiciaire. Les recommandations pour la nomination des commissaires devront refléter la diversité de la société canadienne, et également tenir compte de l’égalité des genres et la surreprésentation de certaines populations dans le système de justice pénale, notamment les peuples autochtones et les personnes noires.

Tout au long du processus d’examen, le projet de loi oblige la Commission de traiter les demandes le plus rapidement possible, de fournir régulièrement des mises à jour aux parties et de leur accorder un délai raisonnable pour fournir leurs réponses.

Le projet de loi exige que la Commission soit accessible et qu’elle fasse preuve de transparence. La Commission devra adopter, et publier sur son site Web, des politiques procédurales pour la conduite de ses travaux. Elle aura un coordonnateur des services aux victimes qui se consacrera à apporter un soutien aux victimes et contribuera à l’élaboration des politiques procédurales, particulièrement en ce qui a trait à la façon d’aviser les victimes et aux modalités de participation.

Afin d’aider à régler les problèmes systémiques et à prévenir les erreurs judiciaires, le projet de loi oblige la Commission de mener des activités de sensibilisation, de fournir des renseignements au sujet de sa mission et des erreurs judiciaires au public et aux demandeurs potentiels, et de publier ses décisions.

La Commission pourra charger son personnel de fournir aux demandeurs des renseignements et des conseils généraux et elle pourrait apporter du soutien aux demandeurs dans le besoin pour les aider à se réinsérer dans la société. Elle peut aussi leur fournir des services de traduction et d’interprétation, les aider à obtenir de l’assistance juridique et concernant leurs besoins de base.

En ce qui a trait aux réformes en matière de droit substantif, le projet de loi C-40 modifie les critères de recevabilité. Le mot « condamnation » est remplacé par le terme « déclarations de culpabilité » pour clarifier que les déclarations de culpabilité en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, ou l’ancienne Loi sur les jeunes contrevenants, peuvent faire l’objet d’un examen. Cela comprend également les absolutions conditionnelles et inconditionnelles, et plus important encore, les plaidoyers de culpabilité. Le projet de loi C-40 ajoute aussi les verdicts de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux à la liste de déclarations recevables pour un examen au motif d’erreur judiciaire.

L’épuisement des droits d’appel demeurera un critère de recevabilité. Cependant, le projet de loi C-40 clarifie comment ce critère sera appliqué, conformément avec la jurisprudence pertinente sur cette question. Bref, tous les demandeurs devront avoir interjeté un appel à la cour d’appel de la province avant que leur demande à la commission soit recevable, cependant un appel subséquent à la Cour suprême du Canada ne sera pas nécessaire dans tous les cas.

Donc, les deux critères de recevabilité sont axés sur les types de déclarations ou verdicts pouvant faire l’objet d’un examen par la Commission et la question d’avoir épuisé les droits d’appel. Ce processus simplifié pour déterminer si une demande est recevable suit la pratique des commissions similaires à l’étranger et devrait faciliter et accélérer l’examen des demandes des personnes susceptibles d’avoir été condamnées à tort.

En ce qui a trait aux pouvoirs d’enquêtes, la Commission aura les mêmes pouvoirs d’enquête que j’ai à l’heure actuelle en tant que ministre de la Justice en vertu des dispositions en vigueur. Ces pouvoirs se retrouvent dans la partie 1 de la Loi sur les enquêtes, et ils peuvent être utilisés afin de demander la production de la preuve ou de renseignements pertinents, et aussi pour assigner des témoins pour déposer sous la foi du serment.

Le projet de loi C-40 modifiera le seuil requis afin de mener des enquêtes. Comme sous le régime actuel, la Commission pourra mener des enquêtes si elle a des motifs raisonnables de croire qu’une erreur judiciaire a pu être commise. Cependant, la Commission pourrait aussi mener des enquêtes si elle estime que cela servirait l’intérêt de la justice. Cette approche est suivie en Écosse et en Nouvelle-Zélande.

En ce qui a trait à la prise de décision finale, le projet de loi dispose que la Commission pourrait renvoyer une affaire à la cour d’appel appropriée, ou prescrire la tenue d’un nouveau procès ou une nouvelle audition, si elle a des motifs raisonnables de conclure qu’une erreur judiciaire « a pu être commise », au lieu d’exiger, selon le critère juridique actuel, qu’une erreur judiciaire ait « probablement été commise ». Cependant, la Commission devra aussi estimer que cela servirait l’intérêt de la justice. Si ce nouveau critère juridique n’est pas satisfait, la Commission doit rejeter la demande. Les mesures de redressement prévues dans le projet de loi sont les mêmes qu’à l’heure actuelle : un renvoi pour un nouvel appel ou la tenue d’un nouveau procès ou d’une nouvelle audition. La Commission n’aura pas le pouvoir d’annuler une condamnation ou de déterminer la question de culpabilité, puisqu’il s’agit d’une décision qui peut seulement être prise par les tribunaux.

Le projet de loi C-40 énumère les facteurs dont la Commission devra tenir compte dans la prise de ses décisions. Les facteurs actuellement prévus qui portent sur des considérations liées à l’administration de la justice sont reproduits dans le projet de loi C-40, et deux nouveaux facteurs liés aux circonstances particulières des demandeurs sont ajoutés.

Aux fins de responsabilisation et de supervision de la Commission, celle-ci sera tenue de présenter des rapports annuels approfondis que le ministre de la Justice déposera au Parlement. Le projet de loi prévoit également qu’un examen parlementaire sera mené après cinq ans, et tous les dix ans par la suite.

Avant de terminer, j’aimerais souligner l’importance de reconnaître que des erreurs judiciaires se produisent, et souvent elles ne sont pas identifiées que bien après la fin des instances devant les tribunaux. Ceci diminue progressivement la confiance du public envers notre système de justice pénale qui existe pour protéger les gens. Ce projet de loi constitue une importante démarche afin de rétablir la confiance envers notre système de justice. Je vous remercie à l’avance pour vos questions sur le projet de loi C-40.