2. Discours du ministre
Projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution)
Étude du projet de loi C-48
Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles
Discours du ministre de la Justice
Septembre 2023
(L’allocution prononcée fait foi)
Merci beaucoup, monsieur le Président / madame la Présidente, et merci aux membres du Comité.
Je suis très heureux d’être ici aujourd’hui pour vous parler du projet de loi C-48, Loi modifiant le Code criminel (réforme sur la mise en liberté sous caution). Comme vous le savez déjà, ce projet de loi vise à renforcer nos lois sur la mise en liberté sous caution afin qu’elles continuent de protéger nos collectivités et d’assurer la confiance du public à l’égard des récidivistes violents et des infractions mettant en jeu des armes.
Ce projet de loi arrive à un moment où nous avons tous été profondément troublés par un certain nombre d’actes de violence tragiques qui ont ébranlé le sentiment de sécurité du public et sa confiance dans le système de justice pénale.
Je tiens tout d’abord à présenter mes condoléances aux victimes, ainsi qu’à leurs familles, et à reconnaître les difficultés rencontrées par tous ceux qui ont été touchés par ces actes de violence insensés. Chacun mérite de se sentir en sécurité dans sa communauté. Bien que notre système de libération sous caution soit solide, il est possible de l’améliorer afin de mieux soutenir ceux qui administrent la justice à travers le Canada et de mieux répondre aux préoccupations en matière de sécurité publique que nous avons entendues. La réforme du droit est un moyen d’atteindre ces objectifs et nous faisons notre part – le renforcement de la sécurité publique est une priorité absolue pour tout gouvernement et c’est le cas pour le nôtre.
Permettez-moi de vous rappeler que ce projet de loi est le fruit de discussions approfondies avec nos homologues provinciaux et territoriaux. Ces discussions ont également impliqué nos partenaires autochtones, en particulier les organisations autochtones nationales, ainsi que les organismes chargés de l’application de la loi dans l’ensemble du Canada.
Dans le cadre de notre régime actuel de mise en liberté sous caution, et conformément à la Charte canadienne des droits et libertés, le point de départ est que chacun a droit à une mise en liberté sous caution raisonnable. Pour la plupart des infractions pénales, il incombe à la Couronne de convaincre le tribunal que l’accusé doit être détenu. Les motifs pour lesquels une personne peut être détenue sont énoncés au paragraphe 515(10) et sont au nombre de trois :
- assurer sa présence au tribunal (pour éviter le risque de fuite de l’accusé),
- protéger la sécurité publique, y compris toute probabilité importante de récidive de la part de l’accusé, et
- éviter de saper la confiance du public dans l’administration de la justice.
Ces règles n’ont pas changé, ni avec l’ancien projet de loi C-75, ni avec le présent projet de loi. Contrairement à ce que certains ont dit, le projet de loi C-75 n’a pas facilité l’obtention de la libération sous caution. En fait, le projet de loi C-75 a rendu plus difficile l’obtention d’une libération sous caution dans le contexte de la violence entre partenaires intimes.
Ce projet de loi s’appuie sur ce travail en proposant d’autres amendements aux dispositions du Code criminel relatives à l’inversion de la charge de la preuve en matière de mise en liberté sous caution, afin de rendre plus difficile l’obtention de la mise en liberté sous caution pour certains accusés. Le renversement du fardeau de la preuve fait passer la charge de la preuve de la Couronne à l’accusé lors de l’enquête sur le cautionnement, ce qui signifie qu’il y a présomption que l’accusé sera détenu à moins qu’il puisse démontrer au tribunal que sa libération ne poserait pas de risque important pour la sécurité publique ou qu’elle ne minerait pas la confiance du public.
Le projet de loi C-48 prévoit l’inversion de la charge de la preuve en cas de récidive d’infractions violentes commises avec des armes. Pour que cette inversion du fardeau de la preuve s’applique, l’accusé doit 1) être accusé d’une infraction violente impliquant l’utilisation d’une arme, 2) avoir été condamné au cours des cinq dernières années pour une infraction violente impliquant l’utilisation d’une arme, et 3) l’infraction reprochée et l’infraction passée doivent être assorties d’une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans ou plus.
Cette approche encouragerait les tribunaux à concentrer leur attention sur les personnes qui présentent un risque plus élevé de récidive au stade de la mise en liberté provisoire de la procédure pénale.
Deuxièmement, les quatre infractions suivantes liées aux armes à feu seraient ajoutées aux dispositions relatives au renversement de la charge de la preuve : possession illégale d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée (ou facile à charger) (article 95); introduction par effraction pour voler une arme à feu (article 98); vol qualifié pour voler une arme à feu (article 98.1); et fabrication d’une arme à feu automatique (article 102). Cette modification répond aux préoccupations des organismes chargés de l’application de la loi dans tout le Canada concernant la violence armée et répond à l’appel lancé par les 13 Premiers ministres en faveur de l’inversion de la charge de la preuve pour l’infraction de possession d’une arme à feu prohibée ou à autorisation restreinte chargée.
La troisième modification proposée renforcerait l’inversion de la charge de la preuve qui s’applique aux personnes accusées d’un délit de violence entre partenaires intimes, lorsqu’elles ont déjà été condamnées pour ce type de délit.
Cette disposition serait élargie pour s’appliquer aux personnes accusées qui ont été non seulement condamnées pour une telle infraction, mais également relaxées. Cette modification signalera aux tribunaux que les personnes qui ont été violentes à l’égard d’un partenaire intime dans le passé – qu’elles aient été condamnées ou absous – peuvent présenter un risque élevé de récidive si elles sont remises en liberté.
Outre les modifications proposées pour le renversement de la charge de la preuve, ce projet de loi clarifie également les ordonnances d’interdiction au stade de la mise en liberté sous caution.
Le renversement de la charge de la preuve au moment de la mise en liberté sous caution s’applique actuellement aux personnes accusées d’infractions impliquant des armes à feu ou d’autres armes lorsqu’elles font l’objet d’une ordonnance d’interdiction de port d’armes. Le projet de loi précise qu’une ordonnance d’interdiction comprend une ordonnance de mise en liberté sous caution imposant des conditions interdisant à l’accusé d’être en possession d’armes à feu ou d’autres armes.
Les deux dernières modifications concernent les considérations que les tribunaux doivent prendre en compte lorsqu’ils décident d’une mise en liberté sous caution. Ce projet de loi exigerait que les tribunaux chargés de la mise en liberté sous caution examinent si le casier judiciaire de l’accusé comporte des antécédents de condamnations pour violence, que l’accusé soit ou non soumis à un renversement de la charge de la preuve. Deuxièmement, le projet de loi ajouterait une exigence supplémentaire selon laquelle les tribunaux chargés de la mise en liberté sous caution doivent expressément prendre en compte la sécurité de la communauté par rapport à l’infraction présumée lorsqu’ils rendent une ordonnance de mise en liberté sous caution, en plus de la sécurité de toute victime. Cela garantirait que les préoccupations spécifiques des petites municipalités, des communautés autochtones et des communautés racialisées ou marginalisées soient prises en compte lors de l’audience de libération sous caution.
Il est tout aussi important de veiller à ce que les mesures mises en place n’exacerbent pas la surreprésentation des autochtones, des Noirs et des personnes racialisées dans notre système de justice pénale. Je suis convaincue que notre décision de proposer des réformes mesurées qui ciblent un groupe de personnes présentant un risque accru pour la sécurité publique est conforme à la mission de notre gouvernement de s’attaquer à la discrimination systémique dans le système de justice pénale du Canada.
J’aimerais également souligner que la mise en liberté sous caution est une responsabilité commune. Tous les niveaux de gouvernement ont un rôle à jouer pour s’assurer que notre système de mise en liberté sous caution fonctionne comme prévu. Les changements non législatifs, tels que la nécessité de continuer à renforcer les programmes communautaires de supervision de la mise en liberté sous caution, l’accès à un logement durable, le soutien à la santé mentale et à la toxicomanie, entre autres, sont également des éléments importants pour l’amélioration de notre système de mise en liberté sous caution. Je salue le travail accompli récemment dans ces domaines et je continuerai à collaborer avec tous les niveaux de gouvernement pour veiller à ce que les objectifs du système de mise en liberté sous caution soient atteints. Je m’engage également à veiller à ce que nous obtenions des données précises et complètes sur la mise en liberté sous caution au Canada et je continuerai à travailler avec nos partenaires à cette fin.
Monsieur le Président / Madame la Présidente, je vous remercie de m’avoir donné l’occasion de m’exprimer aujourd’hui sur cet important projet de loi. J’ai hâte de répondre aux questions des honorables députés.
Je vous remercie de votre attention.
- Date de modification :