2. Discours d’ouverture
Projet de loi C-62, Loi no 2 modifiant la Loi modifiant le Code criminel (aide médicale à mourir)
Comité permanent de la santé de la Chambre des communes
Discours d’ouverture du ministre de la Justice
Février 2024
Je suis heureux d’être ici aujourd’hui pour discuter du projet de loi C-62, qui propose de reporter l’élargissement de l’admissibilité à l’aide médicale à mourir (AMM) aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale pour une période de trois ans, jusqu’au 17 mars 2024. Ce projet de loi exigerait également qu’une étude parlementaire conjointe soit menée sur le sujet et que ces travaux débutent au plus tard un an avant la nouvelle date l’élargissement.
Comme le Comité le sait, la Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Carter, a mené à la légalisation de l’AMM au Canada. Dans sa décision, la Cour suprême a déclaré inconstitutionnelle l’interdiction absolue de l’aide d’un médecin pour mourir prévue au Code criminel, notant qu’elle devrait être admissible à une personne adulte capable qui consent clairement à mettre fin à sa vie, et qui est affectée de problèmes de santé graves et irrémédiables. Cela a mené à la première loi du Canada en matière d’AMM en 2016, laquelle a restreint l’admissibilité à l’AMM aux personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible.
Quelques années plus tard, dans la décision Truchon, un tribunal de première instance du Québec a jugé inconstitutionnelle l’exigence d’une mort naturelle raisonnablement prévisible. Le gouvernement fédéral n’a pas interjeté appel de cette décision; il a plutôt pris la décision de politique générale de déposer l’ancien projet de loi C-7 afin d’élargir l’admissibilité de l’AMM aux personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Ce projet de loi, tel qu’il a été déposé, excluait de façon permanente à l’admissibilité à l’AMM les personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale. Pendant l’étude du projet de loi, le Sénat a apporté un amendement afin de rendre cette exclusion temporaire. La Chambre a appuyé l’amendement, et le projet de loi, tel qu’adopté, aurait automatiquement annulé l’exclusion visant la santé mentale deux ans plus tard.
Je tiens à préciser que la décision du gouvernement d’aller de l’avant en ce qui concerne ces deux élargissements était une question de politique sociale. Je reconnais, cependant, que certains pensent que la Charte nous obligeait à agir. Je tiens donc à aborder ce point.
L’AMM est une question complexe et très délicate, et elle met en jeu d’importants intérêts protégés par la Charte. D’une part, il y a l’autonomie des individus à prendre des décisions de fin de vie. D’autre part, il y a la protection des personnes vulnérables qui pourraient être à risque dans un régime permissif.
Dans l’arrêt Carter, la Cour suprême a reconnu la complexité de légiférer dans ce domaine et elle était d’avis que les choix du Parlement quant à la manière d’équilibrer ces intérêts divergents commandent une grande déférence.
L’AMM est particulièrement complexe dans le contexte de la santé mentale. Comme il est indiqué dans les divers énoncés relatifs à la Charte liés à l’aide médicale à mourir, ces complexités inhérentes sont à la base de l’exclusion de la maladie mentale. Parmi ces complexités, citons le fait que l’évolution d’une maladie mentale est plus difficile à prévoir que celle d’une maladie physique, et de nombreuses personnes dont le pronostic est faible verront leur état s’améliorer, du moins en ce qui concerne leurs souffrances et leur désir de mourir. En outre, établir une distinction entre la suicidalité et une demande valide d’AMM devient particulièrement difficile lorsque la suicidalité peut être un symptôme de la maladie mentale qui a mené une personne à demander l’AMM en premier lieu.
L’exclusion des maladies mentales de l’AMM n’est pas fondée sur des suppositions et des stéréotypes préjudiciables à l’égard de la santé mentale. Nous reconnaissons que la souffrance que la maladie mentale peut causer est comparable à la souffrance que peut causer la maladie physique. L’exclusion n’est pas un déni de ce fait.
Le Parlement a décidé que cet élargissement devrait aller de l’avant et notre gouvernement appuie cette décision. Toutefois, nous sommes d’avis que cet élargissement n’est pas exigé par la Charte. Comme nous l’avons dit, nous pensons que l’exclusion devrait être levée lorsque le système de soins de santé sera prêt à gérer les complexités et les risques inhérents liés à l’évaluation des demandes d’AMM fondées uniquement sur une maladie mentale. Nos partenaires provinciaux et territoriaux sont de cet avis; par conséquent, ce projet de loi reflète la prudence requise dans ce domaine complexe.
Merci.
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