2. Discours d’ouverture

Projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants

Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles

Juin 2023

Bonjour Madame la Présidente / Monsieur le Président et honorables collègues. Je vous remercie de me donner l’occasion de vous parler aujourd’hui du projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants.

Ce projet de loi est une priorité pour le gouvernement pour de nombreuses raisons, en particulier parce que le fonctionnement futur du Registre national des délinquants sexuels est en jeu. Si ce projet de loi ne reçoit pas la sanction royale avant le 29 octobre 2023, les tribunaux n’auront plus la possibilité d’exiger que les délinquants sexuels s’inscrivent au Registre national. Je suis sûr que nous sommes d’accord pour dire que ce résultat est inacceptable, et je sollicite votre coopération pour l’adoption rapide de ce projet de loi.

Comme vous le savez, en octobre dernier, la Cour suprême du Canada a invalidé deux dispositions du Code criminel relativement au registre des délinquants sexuels dans sa décision R. c. Ndhlovu.

La première disposition invalidée était celle qui exigeait l’enregistrement automatique des personnes condamnées ou déclarées non-criminellement responsables pour cause de troubles mentaux pour un crime sexuel. La deuxième disposition était celle qui exigeait l’enregistrement obligatoire, à vie, des personnes condamnées ou déclarées non-criminellement responsables pour cause de troubles mentaux pour des infractions multiples dans le cadre d’une même poursuite.

La Cour a estimé que ces dispositions étaient incompatibles avec la Charte, car elles s’appliquaient de manière trop large et visaient des personnes qui ne présentaient aucun risque de récidive.

La Cour a invité le Parlement à élaborer une réponse législative et nous a donné un an pour mettre en place quelque chose avant que les tribunaux ne perdent la possibilité d’ordonner aux individus de s’enregistrer. Le projet de loi S-12 représente la réponse proposée par le gouvernement.

Notre réponse propose d’exiger l’enregistrement obligatoire pour un petit groupe de cas particulièrement graves et d’exiger par présomption l’enregistrement pour tous les autres individus. Dans ces cas de présomption, un individu devrait démontrer que, pour son cas, l’enregistrement porterait indûment atteinte à ses droits.

Plus précisément, il devra démontrer que l’enregistrement serait manifestement disproportionné par rapport à l’objectif de l’enregistrement, ou qu’il n’y aurait pas de lien entre son enregistrement et l’objectif d’aider les services de police à prévenir et à enquêter sur les crimes sexuels.

Madame la Présidente / Monsieur le Président, comme je l’ai mentionné, certains types d’infractions sexuelles sont si clairement préjudiciables à la société que l’inscription automatique demeure appropriée. C’est pourquoi le projet de loi S-12 propose de maintenir l’inscription automatique
au registre des délinquants sexuels pour tous ceux qui commettent des infractions sexuelles contre un enfant entraînant une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus lorsque la Couronne procède par voie de mise en accusation, ainsi que pour tous les récidivistes sexuels.

L’approche que nous adoptons établit un juste équilibre entre la nécessité de protéger le public et le respect de l’obligation qu’ont tous les gouvernements – qu’ils soient fédéraux ou provinciaux – de veiller à ce que la législation et l’action gouvernemental soient conformes à la Charte. Notre gouvernement croit fermement que ces deux objectifs ne sont pas opposés et qu’une réforme législative responsable peut assurer à la fois la sécurité publique et respecter les droits constitutionnels.

Le projet de loi S-12 propose d’autres changements pour répondre à la décision de la Cour suprême concernant l’enregistrement automatique à vie. Les réformes proposées permettraient aux tribunaux d’ordonner l’enregistrement à vie dans les cas où le profil indique que l’individu présente un risque de récidive.

Cela permet aux tribunaux de continuer à ordonner l’enregistrement à vie, tout en répondant aux préoccupations soulevées par la Cour suprême.

La nécessité de répondre à l’affaire Ndhlovu nous a également donné l’occasion de renforcer le régime d’enregistrement des délinquants sexuels et de le rendre plus efficace en adoptant les réformes réclamées par ceux qui connaissent le mieux son fonctionnement, à savoir les provinces, les territoires et les forces de l’ordre.

Ces réformes incluraient, entre autres, les éléments suivants :

  1. l’ajout de nouvelles infractions à la liste de celles pouvant faire l’objet d’une ordonnance sous la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels – ce changement signifierait qu’un plus grand nombre de personnes pourraient être enregistrées lorsqu’il est approprié de le faire,
  2. l’obligation pour les personnes condamnées à l’étranger pour des délits sexuels de fournir davantage d’informations à la police lorsqu’elles arrivent au Canada – cela renforcerait la capacité de la police à déterminer si ces personnes devraient être tenues de s’enregistrer au Canada, et
  3. l’obligation pour les personnes déjà enregistrées de fournir un préavis de 14 jours pour tout voyage ainsi que l’adresse spécifique de leur destination, lorsqu’elle est disponible – cela donnerait à la police plus de temps pour évaluer les risques potentiels et, si nécessaire, alerter d’autres partenaires policiers des projets de voyage de l’individu.

Enfin, compte tenu du fait que plus de 20 % des délinquants enregistrés ne respectent pas leurs obligations de déclaration en vertu de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels, le projet de loi S-12 met en place de nouveaux mécanismes pour faciliter l’application et le respect de la loi.

Il s’agit notamment d’une nouvelle disposition relative aux mandats qui permettrait à la police d’arrêter un délinquant qui ne respecte pas ses obligations en matière de déclaration et de l’emmener dans un bureau d’inscription afin de faciliter le respect de ses obligations.

Les modifications que nous proposons d’apporter à la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels sont judicieuses et assureront la sécurité de nos communautés en veillant, si elles sont adoptées, à ce que le nouveau cadre de cette Loi soit plus solide et plus efficace que celui dont nous disposons aujourd’hui.

Le projet de loi S-12 comprend également des changements essentiels qui répondent aux besoins des victimes, notamment des victimes de violence sexuelle au Canada. Ces changements visent à donner plus de pouvoir aux victimes et à tenir compte de leur point de vue en modernisant les règles régissant les interdictions de publication et en donnant plus d’effet à leur droit à l’information, tel qu’énoncé dans la Canadian Charter des droits des victimes.

Le premier changement que je voudrais souligner dans ce domaine est celui qui exigerait qu’un tribunal demande si une victime souhaite obtenir des informations postsentencielles. Pour les délinquants condamnés à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus, le tribunal serait tenu de fournir les coordonnées de la victime à Service correctionnel Canada afin de faciliter la communication d’informations par le Service ainsi que par la Commission des libérations conditionnelles du Canada.

En ce qui concerne les ordonnances de non-publication, comme vous le savez peut-être, le régime des ordonnances de non-publication a été adopté à l’origine pour permettre aux victimes et aux témoins de participer au système judiciaire sans subir les conséquences négatives liées à la publication de leur identité. Les ordonnances de non-publication et la certitude qu’elles soient prononcées peut également encourager le signalement d’infractions qui ne sont pas suffisamment signalées, comme les infractions sexuelles. Toutefois, certaines victimes ont exprimé le souhait d’avoir davantage une voix concernant la demande d’interdiction de publication. Ce souhait est exprimé également une fois l’ordonnance rendue, à savoir concernant sa révocation ou modification, afin de permettre de partager plus librement leur expérience avec d’autres personnes.

Les réformes proposées exigeraient donc que les procureurs prennent des mesures raisonnables pour consulter les victimes avant de demander une interdiction de publication en vertu de l’article 486.4 du Code criminel, et clarifieraient la procédure de révocation ou de modification des interdictions de publication, notamment en prévoyant qu’un tribunal doit tenir une audience sur la question lorsque la victime demande la levée d’une interdiction de publication.

Enfin, le projet de loi garantirait que les dispositions relatives à l’interdiction de publication s’appliquent au matériel archivé sur Internet, afin de résoudre les problèmes liés au matériel publié avant l’entrée en vigueur de l’interdiction de publication.

Je sais que depuis l’introduction de ce projet de loi, certains groupes de victimes et de défenseurs ont indiqué que les réformes proposées concernant les interdictions de publication pourraient ne pas répondre de manière adéquate aux préoccupations des victimes. Je tiens à dire que j’ai entendu ces préoccupations et que je suis tout à fait disposé à trouver des moyens de faire en sorte que le projet de loi S-12 atteigne son but.

Je vous remercie à nouveau de m’avoir donné l’occasion d’être ici et il me ferait plaisir de répondre à vos questions.