3. Questions et réponses
Projet de loi S-12, Loi modifiant le Code criminel, la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et la Loi sur le transfèrement international des délinquants
Q1. En quoi consistent les modifications proposées au Code criminel et au Registre national des délinquants sexuels qui visent à donner suite à la décision de la Cour suprême du Canada?
Selon le projet de loi :
- Les délinquants sexuels déclarés coupables d’une infraction sexuelle visant un enfant qui sont condamnés à une peine d’emprisonnement de deux ans ou plus, à la suite d’une mise en accusation, auraient automatiquement l’obligation de s’inscrire au Registre national des délinquants sexuels et de se conformer à ses exigences,
- Toute personne ayant déjà été déclarée coupable d’une infraction sexuelle désignée ou étant déjà tenue de se conformer aux exigences du Registre aurait automatiquement l’obligation de s’inscrire au Registre,
- Tous les autres délinquants sexuels auraient l’obligation de s’inscrire à moins qu’il ne puisse être démontré que leur inscription ne servirait pas l’objet du Registre – soit d’aider la police à prévenir les crimes sexuels ou à enquêter sur ceux-ci – ou qu’elle aurait pour eux des conséquences totalement disproportionnées,
- Les juges auraient la possibilité d’ordonner l’inscription à perpétuité des délinquants sexuels qui sont déclarés coupables de plus d’une infraction dans le cadre d’une même poursuite, si le comportement délinquant en cause dénote un risque de récidive.
Q2. Quelles sont les modifications proposées aux dispositions concernant les ordonnances de non-publication?
Les ordonnances de non-publication sont des outils précieux lorsqu’il s’agit de protéger l’identité des victimes et des témoins et d’éviter que d’autres torts leur soient causés. Cependant, il arrive que des survivants ou des survivantes souhaitent s’exprimer publiquement sur ce qu’ils ont vécu et ne puissent pas le faire en raison d’une ordonnance de non-publication.
Les modifications proposées aux ordonnances de non-publication exigeraient des juges qu’ils s’assurent, avant de rendre une ordonnance de non-publication, qu’on a bien demandé aux victimes si elles souhaitent qu’une telle ordonnance soit rendue. Les modifications proposées clarifieraient également le processus de révocation d’une ordonnance de non-publication.
Ces dispositions permettraient aux victimes, y compris les survivants et survivantes d’agression sexuelle, de mieux se faire entendre au sein du système de justice pénale.
Q3. Quelles sont les modifications proposées au droit des victimes d’obtenir des renseignements concernant leur dossier?
Conformément à la Canadian Charter des droits des victimes, toutes les victimes d’actes criminels au Canada ont le droit d’être informées, d’être protégées, de donner leur point de vue et d’obtenir un dédommagement.
Le gouvernement du Canada a pris acte des préoccupations des victimes et des intervenants concernant les difficultés que les victimes peuvent rencontrer lorsqu’elles tentent d’accéder à des renseignements dans le cadre du processus de justice pénale. Des victimes et des intervenants se sont également dits préoccupés par certaines incohérences entre le Code criminel et la Canadian Charter des droits des victimes.
Les modifications proposées au Code criminel permettraient d’accroître l’accès des victimes à l’information en exigeant des tribunaux qu’ils demandent aux victimes si elles souhaitent que des renseignements concernant leur dossier leur soient communiqués après la détermination de la peine. Les modifications exigeraient également des tribunaux qu’ils fournissent les coordonnées des victimes à Service correctionnel Canada afin de s’assurer que les renseignements parviennent bien aux victimes.
Q4. De quelle façon ce projet de loi reconnaît-il le droit des victimes d’obtenir des renseignements concernant leur dossier?
La Canadian Charter des droits des victimes reconnaît aux victimes le droit de demander que des renseignements concernant leur dossier leur soient communiqués. Le projet de loi reconnaîtrait le droit des victimes d’obtenir des renseignements sur la peine infligée et sur les prochaines étapes dans les cas impliquant un verdict de non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux.
Les modifications exigeraient également que les tribunaux informent Service correctionnel Canada de la volonté de la victime d’obtenir des renseignements sur la façon dont la peine est purgée.
Q5. Pourquoi ces modifications sont-elles nécessaires?
Les modifications proposées au Registre national des délinquants sexuels donnent suite à une décision d’application obligatoire de la Cour suprême du Canada dans laquelle cette dernière a invalidé deux dispositions du Code criminel régissant l’inscription des délinquants sexuels. La première de ces dispositions prévoyait l’inscription automatique au Registre de toute personne déclarée coupable, ou non criminellement responsable pour cause de troubles mentaux, d’une infraction sexuelle désignée. La seconde concernait l’inscription obligatoire à perpétuité des personnes déclarées coupables de plus d’une infraction sexuelle dans le cadre d’une même poursuite, peu importe la nature ou le moment de l’infraction.
La Cour a accordé au Parlement un délai d’un an pour donner suite à sa décision concernant l’inscription automatique. Cela signifie que si aucune mesure législative n’est prise, aucun délinquant ne pourra être ajouté au Registre après le 28 octobre 2023.
En outre, devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes, des victimes et des défenseurs des droits des victimes ont réitéré leurs préoccupations de longue date concernant les ordonnances de non-publication et le droit des victimes d’obtenir des renseignements sur leur dossier. Le projet de loi répondrait à ces préoccupations.
Ces modifications législatives sont nécessaires pour s’assurer que le droit qui régit le Registre est conforme à la Canadian Charter des droits et libertés. Elles contribueront également à accroître le sentiment de sécurité au sein de la population et favoriseront la confiance envers notre système de justice pénale.
Q6. La décision de la Cour suprême du Canada signifie-t-elle qu’il est désormais impossible d’inscrire des délinquants au Registre et que le Registre cessera d’exister?
Le Registre national des délinquants sexuels est toujours en service. Dans la foulée de sa décision dans l’affaire R. c. Ndhlovu, la Cour suprême du Canada a accordé au Parlement un délai d’un an pour donner suite à sa décision concernant l’inscription automatique. Cela signifie que, si aucune nouvelle loi n’est adoptée, il ne sera plus possible, à compter du 28 octobre 2023, d’ajouter des délinquants sexuels au Registre national des délinquants sexuels.
Les modifications proposées au Code criminel donneraient suite à la décision de la Cour suprême et permettraient de s’assurer qu’il demeure possible d’inscrire des délinquants au Registre, tout en conférant aux juges le pouvoir discrétionnaire de soustraire à l’inscription les délinquants dont l’inscription ne servirait pas l’objet du Registre – soit d’aider la police à prévenir les crimes sexuels et à enquêter sur ceux-ci – ou pour lesquels l’inscription aurait des conséquences totalement disproportionnées.
Q7. Qu’adviendrait-il si le projet de loi n’était pas adopté avant la date limite du 28 octobre?
Nous espérons que tous les parlementaires collaboreront avec nous afin que le projet de loi puisse être adopté avant la date limite du 28 octobre 2023. Ces mesures législatives sont nécessaires pour renforcer le Registre national des délinquants sexuels au Canada, donner plus de pouvoir aux victimes d’actes criminels et accroître la confiance envers notre système de justice pénale.
Q8. Qu’arrive-t-il lorsqu’une personne est tenue de s’inscrire au Registre national des délinquants sexuels?
Une fois qu’un tribunal a ordonné l’inscription d’une personne au Registre national des délinquants sexuels, cette personne dispose d’un délai de sept jours pour comparaître en personne à un bureau d’inscription et fournir les renseignements exigés par la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels. Elle doit par la suite comparaître tous les ans et s’acquitter des autres obligations de déclaration qui peuvent s’appliquer si elle se rend à l’étranger, change de lieu de résidence ou opère d’autres changements dans sa vie.
Q9. Pourquoi le gouvernement propose-t-il d’assujettir certains délinquants à l’inscription automatique alors même que la Cour suprême du Canada a déclaré l’inscription automatique inconstitutionnelle? Une telle disposition ne risque-t-elle pas d’être invalidée de nouveau?
Nous croyons que les modifications législatives proposées établissent un juste équilibre entre la nécessité de disposer d’un registre national exhaustif des délinquants sexuels – afin de prévenir les infractions sexuelles et de pouvoir enquêter sur celles-ci – et celle de respecter les droits que la Charte garantit aux délinquants sexuels qui sont tenus de se conformer aux exigences du Registre.
Q10. Dans quelle mesure le Registre national des délinquants sexuels aide-t-il la police à prévenir les infractions sexuelles et à enquêter sur celles-ci?
Le Registre national des délinquants sexuels est un outil efficace qui est utilisé par les autorités policières pour prévenir les infractions sexuelles et enquêter sur celles-ci. Le gouvernement est convaincu, à la lumière de la rétroaction reçue des autorités policières, que le Registre est efficace, et entend réaliser au cours des années à venir une analyse approfondie qui permettra d’étayer les preuves de son efficacité.
Q11. Qu’en est-il des personnes déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux?
Les modifications proposées donneraient aux personnes accusées déclarées non criminellement responsables pour cause de troubles mentaux la possibilité de demander que leur nom soit retiré du Registre lorsqu’un tribunal ou un comité de révision juge qu’elles ne représentent plus une menace importante pour la sécurité du public.
Cette modification est une réponse directe à la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans Ontario (procureur général) c. G. en 2020, dans laquelle la Cour a statué que le fait de n’offrir à ces personnes aucune possibilité d’être dégagées de leurs obligations de comparution et de déclaration constituait une violation de leurs droits à l’égalité (article 15 de Charte), car elles se trouvaient ainsi à être traitées plus sévèrement que les délinquants déclarés coupables ayant obtenu un pardon.
Q12. Le projet de loi S-12 propose-t-il de rendre public le registre des délinquants sexuels?
Le projet de loi S-12 ne propose pas de rendre publiques les informations contenues dans le registre des délinquants sexuels. Les informations contenues dans le Registre national des délinquants sexuels sont étroitement contrôlées et ne peuvent être consultées que par les forces de l’ordre dans le but d’enquêter sur un crime de nature sexuelle ou en vue de le prévenir. Tout mauvais usage des informations contenues dans la base de données est interdit et peut donner lieu à des poursuites criminelles.
Les provinces et les territoires peuvent, dans certaines circonstances, émettre des avis publics concernant des délinquants à haut risque, mais cela ne se fait pas par l’intermédiaire du Registre national des délinquants sexuels.
Q13. Le projet de loi S-12 prévoit-il un mécanisme de surveillance des délinquants sexuels dangereux? Le gouvernement serait-il prêt à soutenir un amendement qui autoriserait une surveillance plus étroite et un contrôle plus accru des délinquants sexuels?
Le projet de loi S-12 contient des propositions visant à permettre à la police de surveiller plus efficacement les délinquants sexuels enregistrés, notamment un mandat d’arrestation pour les délinquants qui ne respectent pas leurs obligations d’enregistrement et des obligations de notification plus strictes pour les délinquants enregistrés qui s’éloignent de leur résidence. Dans le cadre juridique actuel, la police effectue des contrôles de conformité sur les délinquants sexuels enregistrés pour s’assurer, entre autres, que leur adresse est correcte et qu’ils respectent leurs autres obligations. Le projet de loi S-12 propose d’articuler plus clairement ce pouvoir au sous-alinéa 16(4)c)(i.1) de l’article 44.
Les services de police et les procureurs de la Couronne disposent d’autres outils permettant de surveiller efficacement les délinquants dangereux, notamment :
- les dispositions du Code criminel relatives aux délinquants dangereux et aux délinquants à contrôler qui autorisent la détention pour une durée indéterminée dans certaines circonstances,
- le Système national de repérage des délinquants violents à risque élevé soit une base de données et un réseau de fonctionnaires provinciaux et territoriaux chargés d’identifier et de repérer les délinquants à risque élevé. Les dossiers relatifs à ces délinquants sont partagés par l’intermédiaire du Centre d’information de la police canadienne (CIPC) et fournissent aux procureurs des informations complètes sur ces délinquants afin qu’ils puissent agir de manière appropriée (par exemple, en introduisant une demande de déclaration de délinquant dangereux) s’ils récidivent n’importe où au Canada,
- les dispositions du Code criminel relatives à l’engagement de ne pas troubler l’ordre public (aux articles 810 à 810.2) qui permettent à un juge d’exiger d’une personne qu’elle contracte un engagement pour une durée maximale d’un an si certaines conditions sont remplies, notamment s’il existe une crainte, fondée sur des motifs raisonnables de croire, qu’une infraction sera commise, et
- le pouvoir du Code criminel qui permet aux juges d’ordonner la surveillance électronique comme condition de probation (alinéa 732.1(3)h)) ou comme ordonnance d’emprisonnement avec sursis (alinéa 742.3(2)f)), et le pouvoir de l’article 57.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition qui permet à Service correctionnel Canada d’imposer des exigences de surveillance électronique aux délinquants condamnés par le gouvernement fédéral dans certaines circonstances.
Toute proposition visant à modifier le projet de loi S-12 afin d’accroître la surveillance et le suivi des délinquants sexuels devra être examinée attentivement afin de s’assurer qu’elle est conforme aux objectifs de la Loi sur l’enregistrement de renseignements sur les délinquants sexuels et à la Charte.
Q14. Les victimes devront-elles encore se présenter devant le tribunal pour faire modifier ou révoquer une ordonnance de non-publication? En quoi ce nouveau processus leur faciliterait-il la tâche?
Il existe déjà en common law un processus pour faire lever ou modifier une ordonnance de non-publication. Les modifications proposées permettraient de codifier et de clarifier ce processus, et de s’assurer par le fait même que tous les intervenants du système judiciaire comprennent de quelle façon et pourquoi une ordonnance de non-publication peut être révoquée ou modifiée. Le tribunal serait tenu d’examiner les motifs pour lesquels l’ordonnance de non-publication initiale n’est plus de mise ou nécessaire pour protéger la personne qu’elle visait à protéger.
De plus, les juges auraient l’obligation de s’enquérir auprès du poursuivant si des mesures raisonnables ont été prises pour consulter la victime avant de solliciter une ordonnance de non-publication. La victime aurait ainsi plus d’emprise sur le processus, et les poursuivants auraient tout de même la possibilité de demander des ordonnances de non-publication pour protéger les victimes. Les victimes recevraient également des renseignements sur toute ordonnance de non-publication rendue dans leur dossier, y compris sur la marche à suivre pour faire modifier ou révoquer une ordonnance, ce qui clarifierait le processus et permettrait aux victimes de s’y retrouver plus facilement.
Q15. Pourquoi n’avez-vous pas donné suite aux autres recommandations du rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes?
Les modifications proposées aux ordonnances de non-publication et au droit des victimes d’obtenir des renseignements concernant leur dossier répondent directement aux demandes formulées par des victimes et des intervenants ainsi qu’aux recommandations 4 et 11 du rapport Améliorer le soutien aux victimes d’actes criminels présenté par le Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes. La réponse du gouvernement a été déposée le 17 avril 2023.
Dans sa réponse, le gouvernement réitère son engagement à redoubler d’efforts pour mettre en œuvre et renforcer les droits des victimes au titre de la Canadian Charter des droits des victimes et d’autres lois fédérales. Le gouvernement fédéral continuera de travailler en partenariat avec tous les ordres de gouvernement, les partenaires autochtones et les organismes non gouvernementaux afin de mieux faire connaître les expériences des victimes au sein du système de justice pénale et améliorer l’accès aux services et aux mesures de soutien.
Q16. Le gouvernement envisage-t-il d’amender les dispositions relatives à l’interdiction de publication compte tenu des commentaires de certains groupes de victimes selon lesquels les propositions actuelles ne vont pas assez loin?
Le gouvernement est toujours ouvert aux points de vue des principaux acteurs de la justice pénale et envisage de modifier les dispositions relatives à l’interdiction de publication en fonction des commentaires reçus de certains groupes de victimes.
- Date de modification :