1. Discours d’ouverture

Système canadien de mise en liberté sous caution

Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes

Ministre de la Justice

6 mars 2023

Monsieur le Président,

J’apprécie l’occasion de m’exprimer au sujet de la mise en liberté sous caution et d’une possible réforme au Canada. Je sais que c’est un enjeu important qui préoccupe les Canadiennes et les Canadiens. Il s’agit certainement d’une priorité de mon gouvernement que les lois soient efficaces, justes et qu’elles protègent les Canadiennes et les Canadiens, tout en respectant la Charte.

Tout d’abord, je voudrais présenter mes condoléances aux familles des policiers Greg Pierzchala et Michael Finlay de même qu’à Katie Nguyen Ngo et à toutes les victimes des actes de violence troublants qui secouent le pays depuis quelques mois. Chacun de ces événements est une tragédie pour les personnes et un dur coup pour nos collectivités.

Je suis heureux de constater que le comité entreprend un examen de tous les aspects de la mise en liberté sous caution au Canada. Les Canadiennes et les Canadiens méritent d’être et de se sentir en sécurité. Nous avons tous un rôle à jouer pour protéger nos collectivités. Je crois que notre système de mise en liberté sous caution est sain et vigoureux, mais nous restons toujours ouverts aux suggestions visant à l’améliorer, qu’il s’agisse de réformer le droit ou d’adopter des mesures facilitant l’administration de la justice et le travail de nos forces policières. Les provinces jouent un rôle clé à cet égard. Déjà, la Colombie-Britannique s’est retroussé les manches, et je suis encouragé de voir aussi que l’Ontario et le Manitoba font le nécessaire en vue d’améliorer leurs systèmes.

Je me réjouis à l’idée de rencontrer le ministre Mendicino de même que nos homologues provinciaux et territoriaux ce vendredi afin de discuter d’une réforme touchant la mise en liberté sous caution et de voir comment nous pouvons unir nos efforts, dans un esprit de collaboration, pour faire en sorte que les Canadiennes et les Canadiens se sentent en sécurité. Je prévois présenter les mesures que nous envisageons au niveau fédéral et j’espère que mes homologues me feront part de celles qu’ils entendent mettre en œuvre dans leur administration.

Pour ce qui est du fédéral, je veux rassurer les Canadiennes et les Canadiens en insistant sur le fait que, en ce moment, selon les règles de droit, si une personne représente un risque important pour la sécurité du public, elle ne devrait pas bénéficier de la mise en liberté sous caution.

Il n’existe pas de recette magique ni de solution miracle. Voilà pourquoi j’ai ordonné la tenue d’un examen à ce sujet il y a quelques mois – en collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux – afin de trouver des solutions qui permettront de veiller à la sécurité à long terme de nos collectivités.

Je crois qu’il est important de souligner qu’il y a des données manquantes, ce qui risque d’embrouiller le portrait de la situation. D’une part, nous avons entendu les membres de l’opposition brandir des données indiquant que la criminalité est en hausse, en particulier chez les personnes qui ont été libérées sous caution. D’autre part, les chiffres de la police de Toronto montrent qu’il y a eu une baisse, entre 2019 et 2021, aussi bien dans le pourcentage de contrevenants bénéficiant d’une mise en liberté sous caution que dans le nombre de récidivistes qui se trouvaient en liberté sous caution.

Dans la mesure où notre gouvernement cherche toujours des façons d’améliorer la sécurité publique et l’efficacité de notre système de justice, je me dois de corriger les nombreuses désinformations qui circulent au sujet de l’ancien projet de loi C-75.

Le projet de loi C-75 est le fruit d’une longue et étroite collaboration avec les provinces et les territoires. La loi a codifié les principes de mise en liberté sous caution tels qu’articulés dans le cadre de décisions contraignantes de la Cour suprême du Canada. Je veux réitérer que le C-75 n’a apporté aucun changement fondamental au régime des mises en liberté sous caution. La loi n’a pas modifié les critères selon lesquels un accusé peut être libéré par le tribunal, et elle n’a pas touché les règles de base du régime.

Au contraire, le C-75 a rendu plus difficile la mise en liberté sous caution dans le cas de certaines infractions, telles que la violence à l’endroit de partenaires intimes, en renversant le fardeau de la preuve.

Il est tout simplement faux d’alléguer que les incidents tragiques que nous avons récemment vécus au Canada peuvent être attribués au projet de loi C-75. C’est une question bien plus complexe qu’une seule loi, et il est excessivement simpliste de prétendre autrement.

Notre gouvernement poursuit sa réflexion et son travail sur le système avec sérieux, et dans un esprit collaborateur afin de trouver des solutions qui protégeront les membres de nos communautés.

Une des mesures que nous analysons, et qui concorde avec la demande formulée dans la lettre reçue des premiers ministres, consiste à inverser le fardeau de la preuve en cas de récidive. Quand la charge de la preuve est inversée, l’accusé se voit refuser la liberté sous caution à moins qu’il puisse prouver au tribunal que sa mise en liberté ne représente pas un risque important pour la sécurité du public ou ne mine pas la confiance du public.

Cette phase est déjà bien amorcée.

Je veux également souligner qu’il existe déjà une inversion du fardeau de la preuve pour plusieurs infractions en matière d’armes à feu, y compris quand un accusé visé par une interdiction de possession d’arme à feu est inculpé d’une infraction liée aux armes à feu. Cependant, il y a lieu d’examiner soigneusement la possibilité d’élargir les situations dans lesquelles la charge de la preuve devrait être inversée. C’est avec plaisir que j’approfondirai cette question avec les provinces et territoires plus tard cette semaine.

Nous avons aussi entendu les organismes d’application de la loi réclamer une réforme à cet égard. J’ai eu la chance de rencontrer les chefs de police de tout le pays en février et je leur suis reconnaissant de m’avoir fait part de leurs recommandations, qui reposent sur leur expérience aux premières lignes. Le travail s’est amorcé en vue de l’élaboration de solutions législatives et non législatives qui permettraient de réagir aux défis particuliers que posent les récidivistes violents. Je vais également discuter de ces idées avec mes collègues vendredi.

Nous savons aussi que ce n’est pas seulement avec une réforme législative que nous allons complètement régler cet enjeu.

La police doit avoir les ressources nécessaires pour surveiller ceux qui bénéficient d’une mise en liberté sous caution et pour arrêter ceux qui ne respectent pas leurs conditions de leur mise en liberté.

Nous avons déjà fourni un financement significatif et nous sommes ouverts à l’accroître là où il y a des besoins.

Il faut également du soutien et des soins pour la santé mentale, ainsi que des traitements pour les dépendances. Il faut un filet social. Le gouvernement précédent a coupé dans les programmes sociaux et aujourd’hui, on constate les conséquences bien trop réelles et sérieuses.

Pour notre part, en tant que gouvernement, nous avons fait des investissements sans précédent pour la santé mentale, y compris cinq milliards de dollars pour les provinces et les territoires afin d’augmenter l’accès aux soins.

Je félicite nos partenaires de la Colombie-Britannique pour les mesures qu’ils ont prises en novembre sur la question de la mise en liberté sous caution dans le cadre de leur plan d’action pour la sécurité des collectivités. Je signale également que le Manitoba a financé l’apport de nouveaux poursuivants qui s’occuperont en priorité des infractions graves liées aux armes à feu et des crimes violents. J’encourage toutes les provinces à profiter des nombreux outils déjà en place pour faire en sorte que les dispositions en matière de liberté sous caution soient appliquées de manière sécuritaire, équitable et efficace.

J’ai déjà communiqué avec plusieurs de mes homologues sur cet enjeu ainsi qu’avec les dirigeants des organisations autochtones nationales. Je suis impatient de poursuivre notre dialogue et notre collaboration.

Afin de régler les problèmes qui sont associés plus particulièrement aux récidivistes violents, nous devons adopter une approche globale qui transcende les administrations et tous les ordres de gouvernement. Nous allons agir à l’échelle fédérale, et j’espère que mes homologues provinciaux et territoriaux feront de même.

C’est seulement par la collaboration que nous pourrons relever ce défi avec succès.

J’ai espoir que, tous ensemble, nous pourrons mettre à profit les mois de travail consacrés à ce travail de collaboration entre les représentants fédéraux et provinciaux puis que nous pourrons nous entendre sur une solution exhaustive pour l’avenir.

Nous savons qu’il n’y a pas de solutions faciles à un enjeu si complexe. Nous croyons fermement qu’il faut protéger les Canadiennes et les Canadiens.

En même temps, nous devons nous assurer que les mesures mises en place ne vont pas exacerber la surreprésentation des Autochtones, des personnes noires et des Canadiennes et Canadiens racialisés dans nos prisons. Nous ne devons pas marginaliser davantage les personnes vulnérables, y compris celles qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et des dépendances.

L’équilibre à préserver est délicat, mais le gouvernement est déterminé à trouver le bon chemin pour y parvenir.

Merci.