Conduite avec facultés affaiblies par les drogues : Document de consultation
Théorie de l'évaluation pour détecter la consommation de drogues appliquée par des agents formés à cette fin
Dans le cadre de leurs enquêtes, les policiers de la Colombie-Britannique et de certaines autres administrations canadiennes ayant reçu une formation spécifique en matière d'évaluation des drogues et une attestation à cet effet demandent aux conductrices et aux conducteurs soupçonnés de conduite avec facultés affaiblies par les drogues de se soumettre de plein gré aux tests pour déterminer leur sobriété. Ils appliquent à cette fin un protocole utilisé depuis longtemps dans de nombreux États américains et prévu dans leurs mesures législatives sur la circulation routière et parfois dans leurs mesures législatives pénales. Aux États-Unis, la loi suppose que la conductrice ou le conducteur a donné son consentement à l'analyse chimique d'un échantillon de sang, d'haleine ou d'urine s'il est arrêté légalement pour vérifier s'il conduit son véhicule alors que ses facultés sont affaiblies par l'alcool ou les drogues. Cette disposition connue sous le nom de « règle du consentement implicite » est très utile pour les organismes responsables de l'application de la loi. Le défaut de se soumettre à ces analyses chimiques entraîne une sanction pénale. Ces mesures législatives prévoient non seulement que le suspect doit fournir un échantillon, mais aussi que le policier peut détenir ou arrêter l'individu afin d'obtenir des éléments de preuve.
Afin de bien comprendre les propositions législatives exposées ci-dessous, il est nécessaire de bien connaître la nature du protocole applicable aux enquêtes portant sur la conduite avec facultés affaiblies par les drogues. Une bonne enquête réalisée par un policier formé à cet effet aboutira à une évaluation exacte de l'affaiblissement des facultés d'un suspect, et, le cas échéant, aux fins de l'alinéa 253a) du Code.
L'évaluation d'un suspect réalisée par un agent de la paix formé à cet effet a été élaborée en Californie et mise en application avec succès dans plusieurs administrations afin de lutter contre la conduite avec facultés affaiblies par les drogues; cette évaluation est connue sous le nom de Programme d'expert en reconnaissance de drogues (« Drug Recognition Expert (DRE) Program ») (ci-après le « Programme »). En vertu de ce Programme, les policiers reçoivent une formation intensive leur permettant de faire subir divers tests, d'évaluer le suspect et de déterminer si ses facultés sont affaiblies par les drogues et, le cas échéant, d'établir de quelle drogue il s'agit. Après lui avoir fait passer plusieurs tests, si le policier conclut que les facultés du suspect sont affaiblies par les drogues, il pourra lui demander de fournir un
échantillon de sang ou d'urine à des fins d'analyse. L'échantillon de sang ou d'urine ainsi obtenu fait l'objet d'une analyse pour déterminer la présence de drogue (et non sa concentration). Si le policier a bien fait passer les tests et évalué le suspect avec exactitude, ses conclusions concernant la nature de la drogue consommée devraient correspondre aux résultats de l'analyse des échantillons de sang ou d'urine réalisée par le technicien de laboratoire. Une poursuite est engagée lorsqu'il y a concordance entre les résultats.
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Au cours de la Phase I, l'attention de l'enquêteur sera attirée par un véhicule conduit d'une manière irrégulière ou qui semble s'écarter de la norme. Le policier entrera alors en contact avec la conductrice ou le conducteur suspect en la ou le contraignant à arrêter son véhicule et en s'approchant d'elle ou de lui, ou en s'arrêtant sur les lieux d'un accident. Pendant ce contact, le policier pourra ainsi se rendre compte de l'état physique de la conductrice ou du conducteur. Ses observations pourront porter sur des indicateurs communs dans les cas de conduite avec facultés affaiblies : difficultés d'élocution, yeux injectés de sang, problèmes de coordination lorsqu'il s'agit de montrer son permis de conduire, etc. De plus, le policier peut lui demander de se soumettre sur-le-champ à des tests de sobriété normalisés (par exemple, marcher, se tenir sur une
jambe, le nystagmus du regard horizontal) afin de lui permettre d'invoquer des motifs raisonnables pour affirmer que les facultés du conducteur sont affaiblies. Si les observations du policier correspondent à l'état d'un individu dont les facultés sont affaiblies par l'alcool, il pourra demander au suspect de fournir un échantillon d'haleine. S'il n'y a pas d'indice de la présence d'alcool, mais que le policier soupçonne un affaiblissement des facultés, le policier pourra demander à la conductrice ou au conducteur de lui fournir un échantillon de salive. L'analyse de l'échantillon de salive prend environ cinq minutes et elle peut être faite sur place. Toutefois, il se peut que l'analyse de la salive ne puisse détecter une gamme étendue de drogues. Certaines administrations ont utilisé un échantillon de sueur prélevé sur le front de la conductrice ou du conducteur, mais à l'instar des
échantillons de salive, il se peut que cette analyse ne puisse détecter une gamme étendue de drogues. Compte tenu des observations découlant des tests de sobriété normalisés ou des résultats de l'analyse de la salive ou de la sueur, le policier peut raisonnablement croire que les facultés du suspect sont affaiblies par les drogues; dans ce cas, il aura des motifs pour demander au suspect de le suivre au poste de police afin d'y subir une évaluation en vertu du Programme.
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La Phase II de l'enquête se déroule au poste de police alors qu'un échantillon d'haleine est obtenu pour confirmer que les facultés ne sont pas affaiblies par l'alcool. De fait, si le taux d'alcoolémie de la conductrice ou du conducteur correspond aux indicateurs d'affaiblissement des facultés causé par l'alcool, le policier ne continuera pas son enquête concernant les drogues, mais il recommandera simplement le dépôt d'accusations de conduite avec facultés affaiblies par l'alcool (c'est-à-dire que l'alcool serait considéré comme la cause de l'affaiblissement des facultés) ou de conduite avec une alcoolémie dépassant la « limite légale ».
Si l'individu réussit le test de l'alcootest approuvé, éliminant dès lors l'alcool comme cause de l'affaiblissement des facultés, le policier commencera une série de tests pour déterminer si les facultés sont affaiblies par les drogues. Ces tests comprennent :
Un examen des yeux pour mesurer la taille de la pupille, le mouvement vertical et horizontal des yeux et leur convergence. La taille de la pupille et la capacité de mouvement fluctuent selon le niveau d'affaiblissement des facultés et la drogue qui en est responsable.
Ensuite, le suspect est amené dans une chambre noire où le policier mesure de nouveau la taille de la pupille et procède à un examen d'ingestion lui permettant de déterminer s'il y a des résidus de drogue dans les narines ou dans la gorge. Cet examen a lieu dans une pièce totalement noire dans laquelle le suspect doit demeurer environ 90 secondes avant l'examen; cet examen a lieu à la lampe de poche. Le policier pointe sa lampe de poche à partir de plusieurs directions dans les yeux du suspect et, à l'aide d'un appareil, il prend note de plusieurs mesures de la pupille et de la façon dont l'œil réagit au changement de lumière. La drogue consommée a une incidence sur la réaction de l'œil. De plus, le policier demande au suspect d'ouvrir la bouche afin qu'il puisse voir l'intérieur de celle-ci et la gorge. Il inspectera aussi les narines du suspect.
Le policier administre aussi des tests de sobriété exigeant des habiletés en matière de fractionnement de l'attention. Ces tests comprennent un test d'équilibre, marcher et tourner, se tenir sur un pied et placer un doigt sur le nez. Chacun de ces tests permettra d'observer non seulement les habiletés en matière de coordination, mais la capacité du suspect de se concentrer simultanément sur plusieurs tâches. Chaque test aidera à déterminer le niveau de l'affaiblissement des facultés et fournira des indices au sujet de la drogue consommée.
Le policier procède aussi à des examens physiques pour vérifier les signes vitaux, à savoir la fréquence cardiaque du suspect et sa pression artérielle, le tonus musculaire et la recherche des endroits sur le corps où la drogue a été injectée. La drogue consommée aura une incidence sur les signes vitaux et par conséquent, ceux-ci sont utiles aux fins de l'évaluation.
Enfin, le policier interroge le suspect afin d'obtenir un aveu au sujet de la consommation de la drogue ou d'autres renseignements susceptibles d'aider à son évaluation.
Les tests d'évaluation prennent environ 45 minutes. À l'issue de cette phase, le policier sera en mesure de donner son opinion sur l'affaiblissement des facultés du suspect et sur la cause de celle-ci.
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La Phase III de l'enquête exige un examen toxicologique; on demande au suspect de fournir un échantillon de sang ou d'urine pour fins d'analyse. Cette phase de l'évaluation est essentielle puisque l'analyse détectera toute trace de drogue consommée par le suspect. Lorsque l'analyse concorde avec l'opinion formée par la personne ayant réalisé l'évaluation en vertu du Programme, les preuves médico-légales confirment cette opinion. Il convient de signaler que l'analyse de l'échantillon de sang ou d'urine ne vise pas à déterminer quelle drogue a été consommée ou quand les facultés du suspect ont été affaiblies par une drogue en particulier. L'évaluation du policier et ses observations sur les indicateurs de l'affaiblissement des facultés, confirmées par les résultats de l'analyse de l'échantillon de sang ou d'urine, permettent à la
poursuite de convaincre le tribunal que les facultés de la conductrice ou du conducteur étaient affaiblies par une drogue pendant qu'elle ou qu'il conduisait son véhicule.
En bref, la première phase concerne le contact initial au bord de la route entre la conductrice ou le conducteur et le policier. À ce moment-là, le policier, par ses observations générales ou des tests de sobriété normalisés administrées par un agent formé à cette fin ou par un examen de salive ou de sueur par écouvillon peut avoir des motifs raisonnables de croire à un affaiblissement des facultés attribuable aux drogues, et passer à la phase II. La deuxième phase consiste en une série plus complète de tests physiques administrés au poste de police par un agent formé à cette fin; celui-ci classifie la famille de drogue susceptible d'avoir affaibli les facultés du suspect. La troisième phase concerne l'analyse d'un échantillon de sang ou d'urine fourni par la conductrice ou le conducteur. La principale préoccupation à l'égard de ce
système (utilisé dans certaines administrations canadiennes, comme la Colombie Britannique, mais seulement lorsque le suspect y participe de son plein gré) est que plusieurs conductrices ou conducteurs dont les facultés sont affaiblies par les drogues n'accepteront vraisemblablement pas de se soumettre aux tests. Par conséquent, il est souhaitable d'adopter des mesures législatives autorisant les policiers à demander au suspect de se soumettre aux tests.