Opinion des minorités sur la Loi Antiterroriste

2. Points saillants du rapport

2. Points saillants du rapport

2.1 Contexte, Objet et méthode

2.1.1 Contexte

En décembre 2001, le Parlement du Canada a proclamé en vigueur la Loi antiterroriste (le projet de loi C-36). Par suite de l'adoption de la loi, les médias notamment ont mentionné que des groupes minoritaires pourraient être injustement ciblés par les dispositions de la loi. La Division de la recherche et de la statistique du ministère de la Justice du Canada a décidé d'examiner l'opinion des groupes minoritaires concernant les diverses dispositions de la Loi antiterroriste (LA). Aux fins de la présente étude, il a été tenu compte des consultations menées auprès de divers groupes avant la proclamation de la loi ainsi que de l'opinion exprimée par les participants de groupes minoritaires dans les groupes de discussion qui ont eu lieu à travers le pays. Il ne s'agissait pas d'une consultation mais de conversations structurées avec les participants et les participantes. Le Parlement doit examiner la Loi dans les trois ans de la sanction royale. La recherche doit permettre d'obtenir des renseignements qui guideront l'examen.

2.1.2 Objet

La présente étude qualitative avait pour objet de préciser l'opinion de la population canadienne et plus précisément les attitudes et préoccupations des Canadiens et des Canadiennes d'origines ethnoculturelles diverses concernant la LA et quelques-unes de ses principales composantes.

2.1.3 Questions méthodologiques

Les sondages d'opinion peuvent permettre de connaître le point de vue de la population canadienne dans son ensemble. Toutefois, une recherche qualitative tente de connaître l'opinion d'individus en posant des questions et en écoutant les réponses et en demandant aux participants de donner librement leur point de vue. L'étude a pour objet de déceler les attitudes et de comprendre le sens des propos et des comportements des participants.  

Grâce au contexte, les groupes de discussion permettent aux participants d'exprimer leur point de vue librement et d'orienter la discussion comme ils le souhaitent. En outre, les sondages par téléphone ne permettent peut-être pas de connaître l'opinion des groupes ethnoculturels à cause du petit échantillonnage et du fait que certains répondants ne sont pas à l'aise de donner leur opinion, particulièrement sur des questions délicates. La recherche qualitative, au moyen notamment de groupes de discussion, permet aux participants d'examiner une grande quantité de renseignements précis puis de donner leur avis. (C'est ce que les participants ont fait pendant les sessions de deux heures).

Les groupes de discussion permettent à des personnes d'origines ethniques et culturelles semblables de discuter entre eux. Il ne s'agit pas d'obtenir un consensus mais d'explorer les connaissances, les perceptions et les opinions. L'animateur doit faciliter la discussion, recueillir de l'information et observer les participants tout en les encourageant à interagir librement. Il ne doit ni donner des renseignements ni proposer de bonnes ou de mauvaises réponses.

Comme dans toute recherche qualitative et conformément au Code de déontologie et Normes de pratique de l'Association professionnelle de recherche en marketing (APRM), les conclusions de l'étude font ou ne font pas état, statistiquement parlant, de l'opinion de l'ensemble de la population visée. Toutefois, d'autres instruments de recherche pourraient permettre d'augmenter la base de connaissances; par exemple, si le client souhaite des résultats statistiquement valides, il pourrait demander un sondage quantitatif complémentaire distinct.

2.1.4 Méthode

L'étude nationale a été menée auprès de 16 groupes de discussion à Halifax, Montréal, Toronto, Calgary et Vancouver. Elle regroupait 138 participants représentant 60 groupes ethnoculturels minoritaires. Les discussions ont eu lieu du 10 au 21 mars 2003. Les sessions, qui ont duré en moyenne deux heures, ont été menées en anglais dans 13 groupes (3 groupes dans chacune des villes de Halifax, Toronto, Calgary et Vancouver et un groupe à Montréal) et en français dans 3 groupes de Montréal.

Les participants ont été répartis dans les groupes selon l'origine ethnique déclarée (se reporter à la classification des groupes de Statistique Canada, annexe 3) aux fins de former 3 groupes susceptibles d'avoir des opinions divergentes sur la Loi antiterroriste. Les 3 groupes étaient composés de :

  1. groupe 1: personnes d'origine arabe ou d'Asie occidentale, de même que d'origine nord-africaine et pakistanaise.
  2. groupe 2: personnes d'origine Afro-américaine, africaine, d'Asie orientale, d'Asie du Sud-Est et du Sud, à l'exclusion des membres du groupe 1.
  3. groupe 3: personnes d'Europe de l'Ouest, du Nord, du Centre, du Sud et de l'Est, y compris les personnes d'origine juive et indigène.

Tous les types de groupes ont été formés dans chacune des villes; à Montréal, il y a eu un groupe 3 de plus, celui-ci étant formé de participants anglophones.

Les participants ont été recrutés au moyen d'un échantillonnage aléatoire à partir de listes téléphoniques disponibles dans chacune des villes choisies. Les participants étaient âgés de 18 à 54 ans. Chaque groupe comportait des participants des deux sexes qui avaient un niveau d'instruction différent et diverses occupations. La plupart des participants des minorités visibles et un grand nombre de participants de minorités non-visibles étaient nés à l'étranger. Quelques-uns étaient nés au Canada.

L'animateur a posé des questions aux participants de tous les groupes de discussion en suivant le guide de discussion approuvé tant en anglais qu'en français. Tous les participants ont reçu un document  de synthèse (qui comportait un nombre moins important de termes juridiques) qu'ils pouvaient consulter en discutant de certains aspects de la Loi antiterroriste.

2.2 Conclusions

2.2.1 Connaissance des dispositions législatives sur le terrorisme et de la loi antiterroriste

Même si les participants de certaines villes ne savaient pas réellement ce qu'était le terrorisme ou une activité terroriste, dans l'ensemble, les participants des diverses villes et des divers groupes ignoraient que des actes de terrorisme avaient été perpétrés au Canada. Dans l'ensemble, les participants ne pensaient pas que la situation actuelle pour ce qui concerne le terrorisme était exceptionnelle ou particulièrement menaçante au Canada, même dans le contexte du climat tendu avant la guerre en Iraq. La plupart des participants et des participantes étaient d'avis que grâce au multiculturalisme canadien et à la réputation de pays paisible qu'avait le Canada, le risque de terrorisme au Canada était très faible. Ils ont également mentionné une autre raison : le fait que le Canada n'appuie pas les États-Unis dans sa guerre contre l'Iraq.

En règle générale, les participants de tous les groupes et de toutes les villes ne connaissaient pas les dispositions législatives sur le terrorisme que ce soit la Loi antiterroriste, le Code criminel ou les autres mesures législatives adoptées avant ou après le 11 septembre. Dans l'ensemble, les participants connaissaient les mesures de sécurité qui avaient été adoptées en matière de transport, particulièrement dans les aéroports et aux frontières, notamment la nécessité d'avoir un passeport ou une carte de résident permanent pour se rendre aux États-Unis. Les participants étaient également d'avis que les dispositions antiterroristes étaient moins draconniennes au Canada qu'aux États-Unis et au Royaume-Uni.

Pendant les discussions, les participants n'ont pas distingué les répercussions législatives de la Loi et l'impact des événements du 11 septembre, et la discrimination dont pourraient être victimes les minorités ethniques et les minorités visibles, particulièrement celles du Moyen-Orient. Lorsque l'animateur leur a posé des questions sur l'impact législatif de la Loi, la plupart des participants ont mentionné les pratiques discriminatoires en milieu de travail, dans les activités quotidiennes (p. ex. dans les transports en commun), en matière de location d'un logement ou d'achat d'une maison, dans les établissements scolaires, lieux du culte et en société. Certains participants des groupes 1 et 2 avaient fait plus souvent l'objet de soupçons et de traitement différentiel depuis le 11 septembre.

2.2.2 Dispositions de la Loi

L'obligation de présenter un rapport au Parlement a été très bien acceptée et comprise comme mesure de sauvegarde permettant d'exercer un certain contrôle sur les pouvoirs de la police. Toutefois, quelques participants ont mis en doute la transparence du gouvernement et auraient préféré un « chien de garde » indépendant.

Dans l'ensemble, les participants de tous les groupes et de toutes les villes se sont intéressés aux renseignements concernant la LA. Ils voulaient que ces renseignements visent « tout le monde » plutôt que certaines collectivités ethniques. Ils voulaient également que les renseignements soient disponibles dans «  plusieurs » langues, plutôt qu'uniquement en français et en anglais.

Malgré toutes les préoccupations exprimées, la majorité des participants étaient d'avis que le risque posé par une LA « réaliste » et « équilibrée » et les nouveaux pouvoirs de police était acceptable afin de « mieux protéger le pays et sa population ». Plusieurs d'entre eux se sentaient plus en sécurité à cause de la loi alors que, pour d'autres elle n'avait rien changé. Dans l'ensemble, les groupes préféraient attendre les résultats de la loi avant de se prononcer.