La prostitution chez les jeunes – incidence de la violence familiale : analyse documentaire
1. Introduction
Depuis le début des années 1980, la prostitution chez les jeunes suscite de plus en plus de préoccupations. La découverte du problème social que constitue ce phénomène a inspiré un nombre sans précédent de rapports gouvernementaux visant à aider à mieux comprendre et à mieux enrayer le commerce du sexe chez les jeunes. Depuis 1981, trois groupes de travail importants ont été mis sur pied à cette fin. D’abord, il y a eu le Comité sur les infractions sexuelles à l’égard des enfants et des jeunes (Comité Badgley, 1984), chargé d’examiner les sanctions prévues par la loi dans les cas de violence sexuelle faite aux enfants et de formuler des recommandations destinées à protéger les enfants à risque; il devait également tirer des conclusions et faire des recommandations par suite d’entrevues menées auprès de 229 « jeunes prostitués »
. Le Rapport Badgley (1984) renfermait donc 52 recommandations qui avaient pour but d’aider à lutter contre l’exploitation sexuelle des jeunes; le Comité préconisait entre autres la création d’infractions visant à protéger les jeunes et à punir les proxénètes et les clients des prostitués mineurs – tout en reconnaissant que les jeunes portent une partie du blâme.
Ensuite, le Comité spécial d’étude de la pornographie et de la prostitution (Comité Fraser) a publié ses conclusions en 1985. En ce qui concerne la recherche et les recommandations relatives à la « prostitution chez les jeunes »
, le Comité Fraser s’en est remis en grande partie au Comité Badgley, mais il a quand même abordé l’implication des jeunes dans la prostitution.
Enfin, un Groupe de travail fédéral-provincial-territorial (FPT) sur la prostitution s’est vu confier en 1992 la mission d’examiner « les lois, la politique et les pratiques concernant les activités liées à la prostitution – y compris en particulier la prostitution chez les jeunes »
puis de formuler des recommandations au sujet des interventions juridiques et sociales possibles (1998, p. 1). Il devait considérer spécialement la prostitution chez les jeunes et a publié un rapport final contenant 16 recommandations où il soulignait que les jeunes ayant commis des infractions à l’article 213 avaient besoin d’aide et ne devaient pas être vus comme des délinquants.
1.1 Objet de l’étude
Le présent rapport constitue une recension exhaustive des ouvrages sur la prostitution chez les jeunes et met l’accent sur la violence familiale (qu’elle soit sexuelle, physique ou émotionnelle) de même que sur la façon dont elle a pu pousser un jeune à se livrer au commerce du sexe. La recension comprend ce qui suit : un examen général des ouvrages, une bibliographie annotée, un cartable réunissant les documents examinés et un feuillet d’information d’une page. Les données ayant servi à notre étude ont été recueillies auprès des bibliothèques, sur certains sites Internet et à l’aide de demandes de renseignements sur la prostitution adressées aux représentants du Groupe de travail FPT sur la prostitution.
1.2 Définitions
Divers débats se poursuivent dans les recherches sur la définition et les caractéristiques de la prostitution chez les jeunes. En général, le phénomène était associé aux jeunes femmes, mais les études effectuées dans ce domaine font état également de la prostitution chez les hommes (par exemple, voir Badgley, 1984; Earls et David, 1989; Visano, 1987) et de la surreprésentation des Autochtones (par exemple, voir Currie et coll., 1996; Lowman, 1987). Les auteurs ne s’entendent pas non plus sur la façon de définir la prostitution chez les jeunes : pour certains, il s’agit de l’exploitation sexuelle directe des jeunes, tandis que d’autres la voient comme l’échange de services sexuels à des fins de subsistance (cest-à-dire pour se nourrir ou se loger) ou à des fins lucratives (cest-à-dire pour acheter de la drogue). Des études récentes soulignent la victimisation et l’exploitation des jeunes qui se prostituent (Colombie-Britannique, 1996; Halldorson Jackson, 1998; Manitoba, 1996).
D’autres débats concernent l’âge moyen des jeunes au moment où ils commencent à se prostituer et l’âge utilisé pour définir les jeunes prostitués. Le Comité Badgley (1984) a constaté que près de la moitié des répondants avaient commencé à se prostituer avant l’âge de 15 ans. Lowman et Fraser (1996) ont constaté que cet âge moyen se chiffrait à 16,3 ans chez les filles et à 15,6 ans pour les garçons. Les études effectuées à Victoria, en Colombie-Britannique (Report of the Sexually Exploited Youth Committee of the Capital Regional District, 1997) ont révélé que l’âge moyen auquel les jeunes commençaient à se livrer à laprostitution était de 15,5 ans. En général, les ouvrages indiquent que la plupart des jeunes prostitués se sont adonnés pour la première fois au commerce du sexe avant l’âge de 18 ans, et bon nombre, avant l’âge de 16 ans.
Les chercheurs ont également utilisé différents âges pour définir un jeune qui se prostitue. D’après le Comité Badgley (1984), les jeunes prostitués étaient des jeunes de moins de 20 ans, alors que le Comité Fraser s’est attardé aux jeunes de moins de 18 ans. Plus récemment, le Groupe de travail FPT sur la prostitution a défini les jeunes prostitués comme des jeunes de moins de 18 ans en invoquant la Loi sur les jeunes contrevenants, qui dispose qu’un « adolescent »
a moins de 18 ans, et l’article 212(4) du Code criminel, qui interdit d’acheter ou de tenter d’acheter les services sexuels d’une personne de moins de 18 ans. Néanmoins, la plus grande partie des auteurs définissent les jeunes prostitués comme les garçons et les filles ayant moins de 18 ans[1].
1.3 Examen des questions
L’examen général des ouvrages actuels met en lumière bon nombre des enjeux clés entourant l’incidence du commerce du sexe chez les jeunes. Les auteurs traitent de divers sujets, qui vont des précurseurs de la prostitution chez les jeunes jusqu’aux discussions relatives aux réponses possibles, de nature juridique ou non, au phénomène. La première partie du présent rapport porte sur l’historique et l’élaboration des dispositions législatives et de l’application de la loi en matière de prostitution. Nous examinons ensuite les rapports et les activités des gouvernements ainsi que plusieurs constatations et débats qui se retrouvent dans les ouvrages en sciences sociales. En guise de conclusion, nous passons ces conclusions en revue puis recommandons des travaux de recherche à effectuer.
Notre rapport s’articule autour des grands enjeux suivants :
- Historique et élaboration des dispositions législatives
- Rapports et activités des gouvernements (aussi bien les articles critiques qu’élogieux)
- Ouvrages en sciences sociales : Aperçu des conclusions et débats
- Antécédents des jeunes prostitués : violence familiale et implication subséquente dans le commerce du sexe
- La prostitution masculine chez les jeunes
- Questions psychologiques
- Les jeunes itinérants ou fugueurs qui se livrent à la prostitution
- Diverses questions internationales
- Études sur les clients
- Questions relatives au VIH
- Discours et concepts
- Conclusion : Recommandations concernant les travaux de recherche futurs
[1] Certains organismes de services sociaux définissent un jeune comme étant une personne de moins de 24 ans, ce qui leur procure un plus grand nombre de clients et leur permet d’avoir droit à d’autres sources de financement de l’État (données recueillies à Vancouver par Bittle, 1999).
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