Les facteurs de risque pour les enfants exposés à la violence familiale dans le contexte de la séparation ou du divorce
6. Le lien entre l'évaluation du risque et la gestion du risque
Dans le cadre du dépistage des enfants exposés à un risque en cas de séparation, les professionnels et organismes ont besoin de connaître les signaux d’alarme possibles qui leur permettront de déterminer les outils d’évaluation à utiliser. Le processus d’évaluation ne devrait pas constituer une fin en soi, mais plutôt une étape menant à la planification de mesures de sécurité et de gestion du risque en ce qui concerne l’enfant victime de violence et les parents. Une correspondance doit exister entre le degré de risque évalué et les ressources fournies par le tribunal et la collectivité. Plus le risque est élevé, plus les interventions obligatoires devront être privilégiées plutôt que les services volontaires.
Le diagramme 1 illustre les liens entre le niveau de risque et les interventions appropriées à la lumière de l’examen de la littérature et d’une consultation auprès d’experts canadiens dans le domaine. Les facteurs de risque sont examinés à l’intérieur des dimensions des facteurs propres aux enfants et aux parents dans un contexte socioculturel. Les stratégies de gestion du risque sont conceptualisées à titre d’interventions ciblant l’enfant et les parents et peuvent varier le long d’un spectre allant des interventions volontaires aux interventions exigées par le tribunal. Le diagramme 1 présente un cadre de travail à l’intérieur duquel il est possible de prendre des décisions de façon à établir une correspondance entre le risque auquel l’enfant est exposé après la séparation de ses parents et différentes interventions des services judiciaires et communautaires. Ces décisions peuvent être prises sur une base de consultation avec les parents et les professionnels communautaires lorsque le degré de risque est peu élevé. Si le degré de risque est plus élevé, le tribunal ordonnera vraisemblablement un plan de protection pour l’enfant et le parent victime, dans le cadre de procédures relevant du droit de la famille ou du droit de la protection de l’enfance ou encore du droit criminel. Ce cadre pourrait constituer le fondement d’études supplémentaires visant à en déterminer la valeur comme outil permettant aux intervenants du domaine de prévoir les résultats des interventions pour les enfants et la famille.
Ce diagramme traduit l’importance de tenir compte du contexte socioculturel (p. ex., statut socioéconomique; populations et collectivités vulnérables; isolement) de la famille au moment de déterminer les interventions qui conviennent. En raison de certains facteurs socioculturels, il pourrait être difficile pour les enfants et pour les victimes d’âge adulte d’avoir accès aux ressources; il est donc important que les tribunaux et les services communautaires aident les familles à obtenir l’accès à du soutien financier, à un emploi, à un logement et à des services de consultation adaptés sur le plan culturel, ainsi qu’à des interventions appropriées qui minimiseront le risque de violence ultérieur. Les services communautaires ou les tribunaux ne devraient pas pouvoir invoquer le caractère insuffisant des ressources pour mettre en jeu la vie des enfants par inadvertance. Ainsi, si les enfants ont besoin d’un centre de visite surveillée et ne peuvent avoir accès à cette ressource, les intervenants ne devraient pas autoriser des visites non surveillées susceptibles de donner lieu à d’autres incidents de violence.
Lors de l’examen des facteurs socioculturels, il importe de reconnaître que ces facteurs n’existent pas en vase clos et que, dans bien des cas, les victimes et les enfants sont aux prises avec plusieurs difficultés en même temps. Ces problèmes interdépendants ont une incidence sur le risque et sur les réactions à la violence conjugale et à la violence envers les enfants. Les  risques peuvent être plus importants pour les femmes autochtones, immigrantes et réfugiées. Les facteurs qui augmentent le risque peuvent comprendre le statut minoritaire, les défis d’ordre linguistique et culturel, les menaces liées au parrainage, la pauvreté/le manque d’accès aux services, les déficiences, l’isolement social et géographique et l’absence de services ou leur inaccessibilité (Martinson, 2013). Le tribunal et les personnes appelées à faire des évaluations parentales indépendantes devraient être conscients de ces problèmes interdépendants et en tenir compte (Martinson, 2013).
Diagramme 1 : Lien entre le niveau de risque et l’intervention appropriée
[Traduction de l'illustration]
School and community supports and counselling = École, soutiens communautaires et counseling
Voluntary trauma counseling for victims of DV; mental health interventions; home-visiting programs; parenting education = Counseling volontaire par suite d'un traumatisme pour les victimes de VC; interventions en matière de santé mentale; programmes de visites à domicile; éducation des parents
Socio-cultural contextual factors = Facteurs contextuels socioculturels
Child Factors e.g., age, gender, disability, existing emotional and behavioural problems = Facteurs propres à l'enfant p. ex., âge, sexe, d éficience, problèmes affectifs et comportementaux existants
Parental factors e.g., addictions, trauma history, mental health, perpetration of violence = Facteurs propres au parent p. ex., toxicomanie, alcoolisme, traumatismes passés, sant émentale, violence
e.g., socio-economic status, vulnerable populations, isolation = p. ex., statut socioéconomique, populations vuln érables, isolement
Specialized counselling; safety planning = Counseling spécialisé planification de la sécurité
Conditions in parenting plan – mandated addictions treatment; mandated parenting/PAR group; supervised access; ongoing assessment and monitoring by CPS and the courts = Conditions énoncées dans le plan - traitement obligatoire de la toxicomanie et de l'alcoolisme, participation obligatoire à un groupe sur le rôle des parents/à un PIPV, accès surveillé, évaluation et examen constants par le SPE et les tribunaux
Low = Faible
Evaluated Risk to Children = Risque évalué auquel les enfants sont exposés
Need for Court/CPS Intervention = Nécessité d'une intervention des tribunaux/du SPE
Minimal Intervention, Family and community supports, Court/CPS endorsed parent education programs = Intervention minimale, soutiens familiaux et communautaires, programmes d'éducation des parents approuvés par les tribunaux/le SPE
Assessment & Court/CPS monitoring and review = Évaluation, et surveillance et examen par les tribunaux/le SPE
Court mandated intervention and sanctions, intrusive interventions, temporary termination of parental contact = Interventions et sanctions ordonnées par les tribunaux, interventions comportant intrusion, cessation temporaire des rapports entre les parents
Équivalent texte du diagramme 1 : Lien entre le niveau de risque et l'intervention appropriée
Ce diagramme fait ressortir les facteurs qui augmentent le risque de préjudice pour les enfants exposés à la violence familiale lors de la séparation de leurs parents. Les facteurs de risque sont examinés à l'intérieur des dimensions des facteurs propres à l'enfant et au parent dans un contexte socioculturel. Ils sont représentés dans deux petits cercles (l'un pour les facteurs propres à l'enfant, l'autre pour ceux propres au parent) figurant dans un cercle plus grand qui représente les facteurs contextuels socioculturels. Parmi les facteurs propres à l'enfant qui sont indiqués dans le diagramme, mentionnons l'âge, le sexe, la déficience et les problèmes affectifs et comportementaux existants. Les facteurs propres au parent comprennent la toxicomanie et l'alcoolisme, les traumatismes passés, la santé mentale et la violence. Enfin, le statut socioéconomique, les populations vulnérables et l'isolement sont des exemples de facteur contextuel socioculturel.
Les stratégies de gestion du risque pour l'enfant et le parent varient le long d'un spectre allant des interventions volontaires aux interventions ordonnées par le tribunal, selon le niveau de risque. Le diagramme renferme des flèches verticales dont le haut indique que le risque est faible et que la nécessité d'une intervention des tribunaux ou du système de protection de l'enfance est faible également et le bas, que le risque est élevé et que la nécessité d'une intervention est forte. Le niveau d'intervention nécessaire s'étend d'une intervention minimale, incluant des soutiens familiaux et communautaires et des programmes d'éducation des parents, à une intervention modérée, qui comprendrait l'évaluation, ainsi que la surveillance et l'examen par les tribunaux ou le système de protection de l'enfance, à une intervention intensive qui exigerait des mesures et des sanctions ordonnées par les tribunaux, des interventions comportant une plus grande intrusion et la cessation temporaire de tous rapports entre les parents. Ce spectre est placé à côté des flèches indiquant le niveau de risque et la nécessité d'une intervention, l'intervention minimale étant alignée sur le haut des flèches indiquant le faible risque et la faible nécessité d'une intervention et les interventions intensives étant alignées sur le bas des flèches indiquant le risque élevé et la forte nécessité d'une intervention.
Le diagramme montre des exemples de stratégies d'intervention pour l'enfant et les parents selon le niveau de risque et la nécessité d'intervenir. Parmi les stratégies d'intervention minimale suggérées pour les enfants, mentionnons l'école, les soutiens communautaires et le counseling. Pour ce qui est des parents, il est question de counseling volontaire par suite d'un traumatisme pour les victimes de violence conjugale, d'interventions en matière de santé mentale, de programmes de visites à domicile et d'éducation des parents. Le counseling spécialisé et la planification de la sécurité font partie des stratégies d'intervention intensive suggérées pour les enfants. Dans le cas des parents, ces stratégies comprennent les conditions énoncées dans les plans parentaux, le traitement obligatoire de la toxicomanie et de l'alcoolisme, la participation obligatoire à un groupe sur le rôle des parents ou à un groupe d'intervention auprès des partenaires violents (IPV), l'accès surveillé ainsi que l'évaluation et l'examen constants par le système de protection de l'enfance et les tribunaux. Les interventions minimales suggérées sont inscrites dans des flèches pointant vers le haut qui sont situées au dessus des cercles contenant les facteurs propres à l'enfant et au parent et les interventions intensives, dans des flèches pointant vers le bas qui sont placées sous les cercles des facteurs propres à l'enfant et au parent.
La détermination d’interventions susceptibles de faciliter la planification de la sécurité et la gestion du risque pour les enfants et adultes victimes de violence familiale soulève un certain nombre de défis. En plus de trouver les ressources, il faut également déterminer en quoi ces interventions sont justifiées lorsqu’un parent refuse d’admettre ses problèmes ou de demander de l’aide et du soutien. Certaines interventions peuvent être exigées à titre de conditions de l’ordonnance de probation dans le cadre de procédures criminelles ou à titre de conditions d’exercice du droit d’accès auprès des enfants dans le cadre d’un litige relevant de la protection de l’enfance. En cas de différend concernant la garde, les interventions et la remise de rapports provisoires sur la participation à un traitement peuvent constituer des conditions dont l’exercice des droits de garde ou d’accès à l’égard des enfants est assorti. De plus, dans les recherches concernant l’efficacité des traitements, un débat est en cours au sujet des interventions ayant démontré les meilleurs résultats. Ce débat déborde le cadre du présent document, mais laisse entendre que le courant de pensée actuel dans le domaine tend vers une approche coordonnée en ce qui concerne le traitement de la violence familiale. Ainsi, le traitement des auteurs de violence conjugale se révèle très efficace lorsque le programme d’intervention est intégré dans un plan communautaire coordonné qui comporte une surveillance et un examen constants par les intervenants du système judiciaire pour assurer le respect des conditions et la protection des victimes (Gondolf, 2012).
Il peut être difficile de se tenir à l’affût des recherches canadiennes et des pratiques prometteuses dans ce domaine, car il n’existe aucun réseau central permettant l’accès public aux très nombreux rapports et ressources importants qui sont publiés et élaborés par l’entremise de ministères et d’organismes communautaires. Dans ce contexte, un nouveau projet aidera les Canadiens à se tenir au courant des recherches et pratiques dans ce domaine : il s’agit de la Canadian Domestic Homicide Prevention Initiative (CDHPI) (initiative canadienne de prévention de l’homicide au sein de la famille), qui a été élaborée par le Centre for Research & Education on Violence against Women & Children de la Western University et par le Centre for the Study of Social and Legal Responses to Violence de l’Université de Guelph. La CDHPI est un répertoire centralisé en ligne qui regroupe des données principalement canadiennes sur l’examen et la prévention de l’homicide au sein de la famille et que les professionnels et le grand public peuvent consulter. Le site Web comporte des rapports, du matériel didactique et des résultats clés obtenus au moyen de recherches, d’enquêtes et d’examens des décès causés par la violence conjugale. La CDHPI fournit des renseignements sur les populations vulnérables, y compris les enfants tués dans le cadre d’incidents de violence conjugale.
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