Guide de traitement des victimes d’actes criminels: Application de la recherche à la pratique clinique (deuxième édition)
7.0 Synthèse et conclusion
Les victimes d’actes criminels doivent recevoir rapidement des traitements efficaces qui les aident à se remettre de leur victimisation et à revenir à un état le plus près possible de la normale. Le présent guide offre aux intervenants de l’information sur les recherches récentes qui les aidera à préparer et à offrir des services aux victimes. Les fournisseurs de services de première ligne aux victimes d’actes criminels peuvent souvent rencontrer des personnes qui éprouvent une détresse profonde, des problèmes d’adaptation au traumatisme ou des problèmes de santé mentale, qui manquent de soutien social, qui peuvent avoir été plusieurs fois victimes d’un crime, etc. Les victimes d’actes criminels constituent essentiellement un groupe diversifié; elles ont donc des réactions différentes et nécessitent des services différents. Rappelons aussi que tous les intervenants offrant des services aux victimes font face à ces problèmes complexes, depuis le préposé à l’accueil qui représente le premier contact avec les clients, en personne ou au téléphone, jusqu’aux intervenants qui dirigent les thérapies individuelles et en groupes. Toutes ces personnes peuvent tirer profit de l’information contenue dans le présent guide.
Tous les intervenants devraient consacrer une partie de leur temps et de leurs énergies à la recherche et à la pratique d’activités autothérapeutiques. Ces activités les aideront à prendre soin d’eux-mêmes, de leurs clients et de leurs collègues. Les intervenants doivent être en parfaite forme mentale s’ils veulent être en mesure d’aider les victimes à prendre des décisions, adopter de nouvelles stratégies d’adaptation, consulter leurs aidants et trouver la motivation dont elles ont besoin. Ils peuvent aussi s’inspirer des conclusions de la recherche et des renseignements théoriques exposés dans le présent guide pour mieux comprendre les réactions probables des victimes et pour mieux planifier leurs interventions. Ainsi prémunis, ils pourront adapter leurs interventions aux besoins particuliers de chacun de leurs clients, ce qu’ils doivent absolument faire pour offrir à ces derniers les meilleurs services possible. Les intervenants doivent aussi se rappeler que les renseignements et les aptitudes dont il est question dans le guide peuvent être utiles aux autres personnes qui subissent les conséquences des actes criminels, comme le réseau de soutien naturel des victimes. Ils sont probablement très habitués de collaborer avec les aidants des victimes afin d’assurer à ces dernières un milieu de vie sain.
7.1 Principales conclusions de la recherche
Comme nous l’avons déjà mentionné, l’un des objectifs du présent guide est d’offrir aux intervenants une source d’information sur les principales conclusions de la recherche et sur les liens vers les ressources d’aide aux victimes. La présente section est un résumé facile à consulter de ces conclusions. Grâce au modèle de Casarez-Levison [1992], qui sous-tend les principales conclusions de la recherche, le lecteur peut se faire une idée précise des obstacles que peut rencontrer la victime sur la voie de l’adaptation et du rétablissement. Dans le cadre de leur travail auprès des victimes et de leurs aidants, les intervenants voudront peut-être garder en mémoire les éléments suivants.
Prévictimisation et organisation
Ce stade caractérise le degré d’adaptation de l’individu avant la victimisation (Casarez-Levison [1992]). À ce stade, les intervenants voudront se faire une idée assez détaillée des antécédents du sujet, en recueillant l’information dans le cadre d’une entrevue formelle ou en ayant recours à leurs moyens habituels. Ils devraient tenir compte des éléments suivants:
- Antécédents de violence et d’agressions sexuelles durant l’enfance (Hembree et coll. [2004]; Messman et Long [1996]; Nishith et coll. [2000]; Pimlott-Kubiak et Cortina [2003]); Young et coll. [2007]);
- Antécédents du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) (Brunet et coll. [2001]);
- Gravité des épisodes antérieurs du SSPT (Brunet et coll. [2001]);
- Antécédents de victimisation ou de traumatisme découlant d’un acte criminel (Amstadter et coll. [2007]; Byrne et coll. [1999]; Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Nishith et coll. [2000]; Norris et coll. [1997]; Ozer et coll. [2003]);
- Antécédents psychiatriques, particulièrement de dépression (Boccellari et coll. [2007]; Ozer et coll. [2003]);
- Antécédents familiaux de troubles psychiatriques (Ozer et coll. [2003]);
- Caractéristiques de la personnalité (Davis et coll. [1998]; Nolen-Hoeksema et Davis [1999]; Thompson et coll. [2002]);
- Antécédents d’adaptation (Dempsey [2002]; Everly et coll. [2000]; Harvey et Bryant [2002]);
- Inventaire des forces et des ressources (Bandura [1997]; Bonanno [2004]; Bonanno [2005]; Tedeschi et Calhoun [2004]);
- Antécédents des relations interpersonnelles (Kliewer et coll. [2001]; Mikulincer et coll. [1993]; Nelson et coll. [2002]).
Victimisation et désorganisation
- Les caractéristiques du crime, et plus particulièrement sa gravité, ont une influence déterminante sur le traumatisme (Gilboa-Schechtman et Foa [2001]; Hembree et coll. [2004]; Norris et coll. [1997]; Ozer et coll. [2003]);
- Les caractéristiques de la victime, comme son sexe, son âge, sa culture et ses antécédents peuvent avoir une influence sur sa réaction (Boccellari et coll. [2007]; Brewin et coll. [2000], Greenberg et Ruback [1992]; Gabriel et coll. [2007]; Pimlott-Kubiak et Cortina [2003]; Wilmsen-Thornhill et Thornhill [1991]; Weinrath [2000]; Yamawaki [2007]);
- Mise en garde contre la victimisation secondaire causée par le système (Amstadter et coll. [2007]; Campbell et coll. [1999]; Hagemann [1992]; Norris et coll. [1997]);
- Les interviewers doivent être au courant des problèmes liés aux caractéristiques des victimes comme les déficiences intellectuelles (Cederborg et Lamb [2008]) et d’autres problèmes cognitifs qui pourraient nuire aux rapports;
- La dissociation, pendant ou immédiatement après le crime, est un prédicteur significatif du SSPT (Halligan et coll. [2003]; Ozer et coll. [2003]);
- Les souvenirs associés au traumatisme sont plus désorganisés que les autres souvenirs (Halligan et coll. [2003]);
- Dans certains cas, la dissociation initiale (choc) peut être adaptative, c’est-à-dire qu’elle peut empêcher l’encodage dans la mémoire à long terme (Bromberg [2003]);
- L’attention peut diminuer (Holman et Silver [1998]);
- Besoin de soutien social (émotionnel, informatif, appréciatif et matériel);
- Donner à la victime de l’information qui l’aidera à prendre des decisions;
- Donner de l’information sur les ressources et les réactions les plus courantes;
- Les réactions émotives doivent être vécues et traitées (Green et Diaz [2008]; Hill [2004]);
- Évaluation des stratégies d’adaptation de la victime;
- Bon nombre de victimes de crimes ne signalent pas le crime aux autorités (Boeckmann et Turpin-Petrosino [2002]; Garnetts et coll. [1990]; Herek et coll. [2002]; Janoff [2005]; Kaysen et coll. [2005]; Kuehnle et Sullivan [2003]);
- Des modèles d’intervention en cas d’urgence peuvent aider la victime à surmonter les premiers problèmes causés par la victimisation (Calhoun et Atkeson [1991]; Miller [1998]). Cependant, des travaux de recherche récents n’indiquent aucun effet sur le développement ultérieur du SSPT (Marchand et coll. [2006]), et certains soutiennent que le compte rendu est inefficace et peut-être préjudiciable (Kamphuis et Emmelkamp [2005]).
Transition et protection
- Le traitement actif peut commencer (Casarez-Levison [1992]);
- La victime peut avoir accès aux soutiens naturels et professionnels (Casarez-Levison [1992]; Combalbert et Vitry [2007]; Miller [1998]);
- L’intervenant peut recourir au modèle transthéorique de changement de comportement pour déterminer le niveau de service dont la victime a besoin (Prochaska et coll. [1992]);
- La dissociation peut être un indice de difficultés ultérieures (Ozer et coll. [2003]);
- Une friction interpersonnelle peu après le crime peut être un prédicteur d’un SSPT ultérieur (Zoellner et coll. [1999]);
- Le SSPT peut être un prédicteur de problèmes de colère ultérieurs (Orth et coll. [2008]);
- Les personnes chez qui on a diagnostiqué un trouble de la personnalité préexistant (trouble de la personnalité limite) peuvent encore bénéficier d’un traitement (Clarke et coll. [2008]);
- Il peut y avoir un blocage actif des souvenirs (Nordanger [2007]; Thompson [2000]);
- La victime peut fuir le souvenir du crime au moyen de l’alcool, de la drogue ou encore de l’évitement actif (Everly et coll. [2000]; Hagemann [1992]; Janoff [2005]; Manktelow [2007]; Mezy [1988]; Nordanger [2007]; Wolkenstein et Sterman [1998]);
- Il y a certaines données selon lesquelles la couverture médiatique du crime peut avoir un effet négatif sur les victimes (Maercker et Mehr [2006]);
- La victime peut adopter un comportement axé sur la sécurité (Hagemann [1992]);
- La victime peut se concentrer sur la recherche d’une signification (Gorman [2001]; Layne et coll. [2001]; Nolen-Hoeksema et Davis [1999]; Thompson [2000]);
- Les victimes peuvent utiliser la comparaison sociale pour comprendre la victimisation (Hagemann [1992]; Greenberg et Ruback [1992]; Thompson [2000]);
- La victime peut se livrer à l’autocomparaison axée sur les changements avant et après la victimisation (« survivant ») (McFarland et Alvaro [2000]);
- La victime doit être prévenue qu’au début du traitement son état peut s’aggraver avant de s’améliorer (Nishith et coll. [2002]);
- Les traitements du SSPT qui comprennent un élément d’exposition semblent efficaces (Bryant et coll. [2003]; Hembree et Foa [2003]; Nishith et coll. [2002]);
- L’autoefficacité peut jouer un rôle important dans les programmes de traitement (Thompson et coll. [2002]);
- Le modèle de traitement peut influer sur le taux d’abandon du programme (McDonagh et coll. [2005]);
- Les clients qui s’engagent sur le plan émotif se rétablissent plus rapidement (Gilboa-Schechtman et Foa [2001]);
- La victime peut éviter les fournisseurs de services aux victimes (Boccellari et coll. [2007]);
- Le fait d’avoir un emploi peut accroître le risque d’une piètre adaptation, probablement en raison de l’ajout d’agents de stress attribuables au travail (Boccellari et coll. [2007]);
- L’adaptation axée sur l’émotion peut diminuer la détresse (Green et Diaz [2007 et 2008]).
Réorganisation et résolution du problème
- Le rétablissement ne signifie pas le retour à l’état qui précédait la victimisation (Hagemann [1992]);
- Le modèle transthéorique de changement de comportement peut aider au maintien de nouveaux comportements plus sains (Prochaska, DiClemente et Norcross [1992]);
- La victime peut se convaincre qu’avoir survécu au crime signifie qu’elle est forte (Hagemann [1992]; Thompson [2000]);
- Les stratégies d’adaptation négatives qui subsistent doivent être délaissées (Dempsey [2002]);
- L’activisme peut devenir un résultat positif à long terme de la victimisation (Hagemann [1992]);
- La victime peut attribuer les problèmes physiques aux effets négatifs du traumatisme (Manktelow [2007]).
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