Guide de traitement des victimes d’actes criminels: Application de la recherche à la pratique clinique (deuxième édition)

3.0 Réactions courantes chez les victimes d’un crime

Il est utile de connaître les réactions habituelles que peuvent manifester les victimes d’actes criminels. Les intervenants doivent se rappeler que chaque victime aura son propre cheminement vers le rétablissement, mais il leur faut connaître aussi les réactions courantes qui se produisent afin de pouvoir mieux l’aider dans cette voie. Selon une étude, environ 25 p. 100 des victimes de crimes avec violence ont manifesté des degrés extrêmes de détresse comme la dépression, l’hostilité et l’anxiété (Norris et coll. [1997]). Une autre proportion de 22 à 27 p. 100 a signalé des problèmes de nature modérée ou grave. Cela signifie qu’environ 50 p. 100 des victimes de crimes avec violence souffrent de détresse modérée ou extrême. Le tableau 1 présente les réactions que les chercheurs et les théoriciens ont eux-mêmes observés chez les victimes d’actes criminels. Il peut arriver aussi que les intervenants observent ces mêmes réactions chez les amis et la famille des victimes, car l’acte criminel produit des effets sur les amis et les proches, le milieu scolaire, le lieu de travail et la collectivité dans son ensemble (Burlingame et Layne [2001]).

Colère

La colère est une question plus complexe qu’elle ne paraît à première vue. Les chercheurs font souvent un lien entre la colère et les crimes contre les biens ainsi qu’entre la peur et les crimes avec violence (Greenberg et Ruback [1992]). Mais la colère est essentiellement la réaction d’une personne qui se sent privée d’une chose qu’elle juge lui appartenir. Un acte criminel ôte à la victime ses sentiments de sécurité et d’équité, sa foi en un monde juste, etc. C’est pourquoi la colère peut être une réaction raisonnable à tout type de crime. Dans la vie, la colère peut agir comme facteur de changement. Greenberg et Ruback [1992] soulignent qu’un grand nombre de victimes ont des fantasmes de vengeance ou de justice. Si ces fantasmes sont associés à des résultats positifs (par exemple si l’auteur du crime est arrêté), il y a plus de chances que la victime passe à l’action. C’est pourquoi ce qu’on appelle la « juste colère » peut aider l’individu à remonter la pente et lui donner de l’énergie pour participer au système de justice pénale ou solliciter de l’aide. Par contre, d’autres chercheurs ont examiné le syndrome de stress post-traumatique et les fantasmes de colère, de vengeance et de représailles chez les victimes de crimes de violence (Orth et coll. [2008]; Orth et coll. [2006]). Ils ont conclu que les fantasmes de colère et de vengeance peuvent aider dans un premier temps les victimes à se sentir mieux, mais ils peuvent causer des problèmes si la personne continue de songer au crime et si elle ne peut pas faire des progrès. Selon ce point de vue, le moment et le contenu des programmes de maîtrise de la colère peuvent aider dans une grande mesure à améliorer l’état de santé des victimes.

Tableau 1 – Réactions courantes des victimes d’un crime

Humeur et émotions

Social

  • Changements des relations avec les autres 2, 6, 19, 28, 13, 14
  • Évitement 5, 7, 13
  • Aliénation 5, 17

Pensée/ souvenirs

  • Souvenirs envahissants 2
  • Faible auto-efficacité 2, 28
  • Vigilance 2, 13
  • Rappels de l’événement 5, 13
  • Confusion/manque de concentration 4, 5, 13
  • Dissociation 4, 31, 13
  • Remise en question des croyances spirituelles 13

Physique

  • Nausée 1, 13
  • Problèmes d’estomac 1, 13, 21
  • Tension musculaire 1
  • Troubles du sommeil 2, 13
  • Perte de poids 17, 19
  • Maux de tête 17, 19
  • Vertiges 13
  • Sensations corporelles de chaleur ou de froid 13

Références mises à jour:

Cela étant dit, les intervenants doivent éviter de confondre la colère et la prise en charge de soi. La colère, si elle n’est pas maîtrisée correctement, peut causer un tort considérable à la victime. Les intervenants voudront peut-être s’attaquer au problème de la colère s’ils constatent que celle-ci dure et qu’elle nuit au processus de guérison de la personne. Chaque victime doit être traitée comme un individu. L’intervenant doit l’aider à apprendre comment maîtriser toutes ses émotions de manière à pouvoir surmonter ses difficultés tout en maintenant un état de santé sain. C’est ainsi que la victime pourra remonter la pente et réorganiser sa vie. La colère peut être une émotion à laquelle il est difficile de faire face, même pour les meilleurs cliniciens. Tous les intervenants, quelle que soit leur formation, devraient se demander s’ils sont en mesure d’aider les victimes dans ce domaine. S’ils en sont incapables, ils doivent aiguillonner les victimes vers d’autres spécialistes.

3.1  Gravité de la réaction

Les intervenants peuvent être dépassés par les réactions graves qui peuvent se produire chez les victimes. À mesure que ces réactions s’atténuent, elles ne rendent pas nécessairement les choses plus faciles pour la victime. Ce paradoxe constitue un problème tant pour les intervenants que pour les victimes. Des travaux de recherche montrent que la violence qui accompagne un crime augmente la gravité de la réaction; les victimes de crimes sans violence, cependant, craignent elles aussi pour leur sécurité et peuvent éprouver des symptômes psychologiques aggravés (Green et Pomeroy [2007b]; Norris et coll. [1997]). Les caractéristiques du crime peuvent aussi influer sur la gravité de la réaction. Steel et coll. [2004] ont constaté que le nombre de délinquants et la durée des agressions sexuelles commises pendant l’enfance ont un lieu direct avec la détresse psychologique des victimes des deux sexes. Les intervenants doivent porter attention aux déclarations de la victime et utiliser ces renseignements pour évaluer la gravité des réactions de cette dernière.

Même s’il n’y a pas de modèle général établi d’après les types de victimes, toutes les victimes d’actes criminels éprouvent de la détresse. La constatation générale selon laquelle la gravité de la réaction est proportionnelle à la violence du crime fournit à l’intervenant un indice sur les réactions qui pourraient se produire chez le client. C’est pourquoi il faudra peut-être surveiller plus étroitement la victime d’un crime avec violence qui dit n’éprouver aucune détresse. Cette déclaration peut s’avérer vraie, mais elle doit être pesée contre les facultés d’adaptation de la personne, son comportement actuel et son expérience de la vie. L’intervenant doit aider son client à comprendre son propre niveau de détresse, de quelle manière le crime a transformé sa vie et ce qu’il peut faire pour remonter la pente.

La victime demeure la meilleure source d’information sur ce qui se passe dans sa vie. Selon des données canadiennes récentes, 21 p. 100 des victimes d’actes criminels disent que le crime n’a pas eu d’influence sur leur vie (AuCoin et Beauchamp [2007]). D’après ce sondage, qui a été mené auprès des victimes de crime de violence, 60 p. 100 des femmes et 70 p. 100 des hommes ont déclaré que leurs activités quotidiennes n’étaient pas perturbées. Les intervenants devraient savoir que beaucoup de victimes ne font pas état des niveaux de détresse élevés (il faut se souvenir du traumatisme préjugé; Nelson et coll. [2002]). Les travaux de recherche sur les femmes victimes d’agression sexuelle montrent que leurs réactions sont plus graves et qu’il leur faut plus de temps pour se remettre, comparativement aux victimes d’agressions non sexuelles (Gilboa-Schechtman et Foa [2001]). Le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et le degré d’anxiété étaient similaires dans ces deux groupes, mais le degré de dépression était plus élevé dans le groupe des victimes d’agression sexuelle.

Gilboa-Schechtman et Foa [2001] ont aussi examiné les « réactions maximales », qui peuvent intéresser les intervenants. Ce terme désigne le stade où les symptômes qu’éprouve une victime sont les plus vifs. Ces chercheurs ont constaté que plus la réaction maximale tarde à se manifester chez une femme, plus les symptômes qu’elle éprouve sont intenses. En d’autres termes, les victimes qui éprouvent les symptômes les plus intenses peu de temps après l’agression éprouvent aussi le degré de dépression le plus faible et sont le moins atteintes du SSPT. Les intervenants doivent donc surveiller avec soin les symptômes des victimes et porter une attention particulière à celles qui éprouvent des symptômes intenses longtemps après le crime. Ces clientes ont souvent intérêt à suivre un traitement plus intensif sous la direction de spécialistes de la santé mentale.

Les intervenants doivent retenir de cette recherche qu’en raison de l’expérience unique de certaines personnes, l’individualisation du traitement est extrêmement importante. Par conséquent, même dans le cas d’un traitement donné en groupe, les intervenants doivent assurer un suivi de chacun des clients, et non seulement de ceux qui semblent éprouver des problèmes au cours d’une séance en particulier.

Heureusement, les interventions en groupe peuvent s’avérer utiles parce que toutes les victimes ont une réaction quelconque au crime et à ses effets. Les intervenants doivent toutefois prendre garde de mêler les clients ayant des réactions extrêmement graves à ceux qui ont des réactions plus faibles. L’un ou l’autre de ces deux groupes pourrait subir les effets négatifs de la comparaison sociale (Greenberg et Ruback [1992]). Les clients ayant les réactions les plus graves pourraient se sentir les plus « forts », tandis que ceux qui ont des réactions plus faibles pourraient craindre que leur cas s’aggrave. Il n’est pas toujours possible de former des groupes de patients en fonction du degré de gravité de leurs réactions. Les intervenants doivent tenir compte de ce problème et faire en sorte que les victimes comprennent bien que la réaction à la victimisation est un phénomène individuel. Dans une thérapie de groupe, il est important aussi de rappeler que les victimes peuvent toutes apprendre quelque chose les uns des autres.

Un dernier point au sujet de la gravité des réactions. Dans une étude à grande échelle, Pimlott-Kubiak et Cortina [2003] se sont intéressés aux rapports entre les antécédents d’agression et le sexe. Dans leur échantillon composé de 16 000 sujets (8 000 femmes et 8 000 hommes), ils ont constaté que la plupart des hommes et des femmes disaient n’avoir presque jamais été victimes d’une agression. Parmi les sujets ayant été victimes d’une agression, deux groupes comptaient plus de 90 p. 100 de femmes : celles qui avaient été principalement victimes d’agression sexuelle et celles qui avaient été victimes d’actes de violence répétés incluant des agressions sexuelles. Dans ces deux groupes, les réactions étaient généralement graves. Cette étude confirme probablement que les intervenants rencontrent générale­ment des victimes de sexe féminin dans le cadre de leur pratique quotidienne. Les hommes appartenaient la plupart du temps à la catégorie de ceux qui avaient été victimes de violence physique dans leur enfance (67 p. 100) et d’actes de violence répétés excluant les agressions sexuelles (66 p. 100) (Pimlott-Kubiak et Cortina [2003]). Même si toute bonne évaluation exige que l’on pose des questions sur un large éventail de sujets, les intervenants qui s’occupent des femmes doivent leur demander si elles ont été victimes d’une agression sexuelle unique ou d’agressions sexuelles répétées. Chez les hommes, les intervenants doivent plutôt recueillir des renseignements sur les actes de violence physique subis dans l’enfance et sur les actes de violence répétés. Les résultats de cette étude nous rappellent que nous ne devons pas nous limiter aux actes criminels en soi; nous devons poser des questions sur les antécédents de traumatisme et utiliser cette information dans nos interventions.

Adaptation des interventions aux clients

Si nous devons nous intéresser à la gravité des réactions, c’est principalement pour trouver le meilleur moyen d’aider les victimes à réorganiser leur vie. Pour certaines victimes, des interventions relativement mineures, comme la communication d’information, peuvent être le plus utiles. D’autres, qui ont des réactions plus graves, peuvent avoir besoin d’un soutien plus énergique, comme dans le cadre d’un groupe d’entraide. Enfin, certains clients aux prises avec des réactions graves peuvent devoir être aiguillonnés vers des spécialistes de la santé mentale ou même hospitalisés. Il ne serait pas normal de donner simplement de l’information à une victime qui éprouve une détresse profonde, comme il ne serait pas normal non plus de conseiller une thérapie à une victime qui s’adapte bien à sa situation. Le tableau 2 présente un modèle qui aidera les intervenants à réfléchir à ces questions. Ce qu’il faut surtout retenir, c’est que les victimes d’actes criminels constituent un groupe diversifié d’individus qui ont des besoins variés. Cette diversité exige que l’intervenant s’adapte à chaque victime et lui fournisse les services qui correspondent le mieux à ses besoins. Il peut être utile que les services administratifs examinent leurs programmes et leurs documents pour déterminer s’il y a des lacunes dans les services ayant trait aux divers niveaux des besoins (p. ex. stratégies claires pour les clients ayant des niveaux de besoins faibles ou élevés, mais moins pour ceux-là qui ont des besoins de niveau moyen).

Victimisation secondaire

La victimisation secondaire est liée à la gravité des réactions, qui peut empirer une situation déjà difficile. Essentiellement, la victimisation secondaire se produit lorsqu’une victime a des contacts avec des spécialistes et du personnel paraprofessionnel et est traumatisée encore davantage par leur attitude. Elle peut se manifester par exemple quand la victime doit répéter le récit du crime, a le sentiment d’être traitée injustement ou a l’impression, devant le comportement des autres, qu’on ne l’écoute pas ou qu’on ne la croit pas. Il faut souligner ici que les victimes se sentent davantage en contact avec les autres quand elles considèrent que les policiers ont été « bienveillants » (Norris et coll. [1997]). Par contre, les expériences négatives avec des spécialistes aggravent les symptômes du stress post-traumatique (Campbell et coll. [1999]) et diminuent la probabilité de leur signalement (Monroe et coll. [2005]). Heureusement, les victimes qui ont reçu des soins de santé mentale après avoir vécu de telles expériences négatives ont vu leur détresse diminuer (Campbell et coll. [1999]). Certains ont préconisé une formation plus poussée pour les intervenants de première ligne (policiers, personnel des urgences) qui sont susceptibles de devoir traiter avec des victimes d’actes criminels (Cederborg et Lamb [2008]; Hamberger et Phelan [2006]).

Tableau 2 – Genres de service selon la gravité de l’état : modèle propose

Niveau des besoins

Description

Options possibles en matière de service

Faible

La victime se rétablit bien; elle éprouve peu de symptômes, qu’elle maîtrise facilement grâce à ses habiletés d’adaptation naturelles et à son réseau de soutien social. Il se peut que le crime n’ait pas été grave ou que la victime dispose de plusieurs moyens d’adaptation.

Services élémentaires : information, documentation écrite, brochures sur les types de soutiens disponibles et renseignements sur les signes de problèmes plus graves. Ces services peuvent aussi être utiles aux victimes qui ne croient pas avoir de problèmes, mais qui s’efforcent de cacher leur douleur. Ces documents écrits pourraient être remis aux personnes du réseau de soutien de la victime.

Moyen

La victime éprouve quelques symptômes et doit améliorer ses habiletés d’adaptation ou a besoin de partager des émotions trop accablantes. Généralement, ces victimes se rétablissent bien, mais sont très éprouvées par la victimisation.

Groupes d’entraide dirigés par d’autres victimes, soutien fourni par des bénévoles et du personnel paraprofessionnel. La victime peut avoir besoin des services d’un spécialiste, mais seulement pour une courte période.

Élevé

La victime éprouve de nombreux symptômes et ses habiletés d’adaptation sont médiocres. Elle est dépassée par les conséquences de la victimisation et ses soutiens sont peu nombreux. Elle a pu subir un traumatisme grave. Elle souffre probablement de problèmes multiples et a pu subir plusieurs actes criminels.

La victime a besoin d’une thérapie dirigée par un spécialiste, comme une thérapie individuelle ou de groupe de longue durée. L’hospitalisation peut même être nécessaire pour stabiliser son état.

3.2 Victimisation antérieure

Des chercheurs ont constaté que certaines personnes sont victimes d’actes criminels à répétition durant toute leur vie (Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Norris et coll. [1997]; Nishith et coll. [2000]; Peleikis et coll. [2004]). Les relations entre les traumatismes sont très complexes : la revictimisation empêche la victime de bien se rétablir après un traumatisme précédent. De plus, la victimisation antérieure a une influence sur la manière dont la victime s’adapte au nouveau traumatisme. En fait, la victimisation répétée interrompt le processus normal de rétablissement de l’individu, surtout si la revictimisation se produit peu de temps après le premier incident (Winkel et coll. [2003]).

Norris et coll. [1997] ont observé que l’acte criminel remet en question la perception qu’a la victime d’elle-même et du monde qui l’entoure. Plusieurs études ont montré que la victimisation antérieure était un prédicteur très significatif, probablement le plus significatif, de la victimisation subséquente (Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Norris et coll. [1997]; Nishith et coll. [2000]). Selon une étude sur les femmes victimes de violence dans leurs relations, bon nombre avaient été victimes pendant leur enfance et le genre de violence ou de négligence augmentait la probabilité qu’elles éprouvent différents problèmes à l’âge adulte : la violence sexuelle accroît l’anxiété tandis que la négligence affective augmente la dissociation et la dépression (Lang et coll. [2004]). Les femmes ayant subi des agressions sexuelles pendant leur enfance courent un risque accru d’en être encore victimes plus tard (Peleikis et coll. [2004]). De plus, la victimisation antérieure semble aussi influer sur la manière dont la victime réagit au nouvel incident et réduit sa volonté de signaler le crime aux autorités (Buzawa et coll. [2007]). Des chercheurs ont posé l’hypothèse qu’une faible estime de soi, un sentiment d’impuissance acquise, de faibles compétences et de mauvaix choix en relations interperson­nelles, la difficulté à déceler les situations à risque ou la pauvreté peuvent nuire aux choix faits par la personne revictimisée (Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Nishith et coll. [2000]).

Par ailleurs, les victimes qui ont eu une très mauvaise réaction à la suite d’un traumatisme antérieur sont susceptibles de réagir de la même façon à un nouvel incident (Brunet et coll. [2001]). Dans le fond, la revictimisation nuit au cheminement de la victime qui tente de se rétablir et de réorganiser sa vie. Les intervenants doivent donc interroger leurs clients à propos de traumatismes antérieurs (liés ou non à des actes criminels) et porter une attention particulière aux détails qui pourraient leur donner des indices sur la meilleure façon de répondre aux besoins des victimes. De plus, en posant aux victimes des questions sur la manière dont elles gèrent habituellement les situations stressantes, les intervenants pourraient mieux prévoir comment elles réagiront au traumatisme récent.

3.3  Diagnostics courants chez les victimes d’actes criminelss

Les intervenants devraient avoir une connaissance de base des termes diagnostiques qu’ils peuvent trouver dans les dossiers ou entendre quand ils discutent avec des spécialistes de la santé mentale. Les diagnostics qui se rapportent habituellement à la victime d’un acte criminel comprennent l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et la dépression (les définitions sont données aux figures 2 et 3)[4] Des études ont révélé que ces problèmes pouvaient aussi se manifester chez les victimes de violence en milieu de travail (Rogers et Kelloway [2000]), de harcèlement criminel (Löbmann et coll. [2003]; Pimlott-Kubiak et Cortina [2003]), d’agression sexuelle (Byrne et coll. [1999]), d’agression sexuelle dans l’enfance (Hembree et coll. [2004]; McDonagh et coll. [2005]; Merrill, Thomsen, Sinclair, Gold et Milner [2001]; Peleikis et coll. [2004]), de crime avec violence physique dans l’enfance (Hembree et coll. [2004]), de crime avec violence (Byrne et coll. [1999]), de violence liée aux gangs (Ovaert, Cashel et Sewell [2003]) et de violence conjugale (Chemtob et Calson [2004]; Hembree et coll. [2004]; Wolkenstein et Sterman [1998]). On s’intéresse souvent à la question de SSPT chez la victime d’un acte criminel, particulièrement quand la violence est présente (Byrne et coll. [1999]). Plusieurs chercheurs ont constaté que des traitements permettaient d’atténuer les symptômes du SSPT. Les traitements réussis comprennent notamment la possibilité pour la victime de raconter son traumatisme et d’appliquer de nouvelles compétences pour maîtriser ses pensées et ses sentiments (Amstadter et coll. [2007]; Bryant et coll. [2003]; Hembree et Foa [2003]; Nishith et coll. [2002]).

Figure 2 – Anxiété et syndrome de stress post-traumatique (SSPT)

Il faut souligner que le SSPT est une forme particulière d’anxiété. La peur et l’anxiété peuvent prendre la forme d’une crainte intense ressentie dans certaines situations ou certains lieux publics, de crises de panique, de peurs en général, d’anxiété et du SSPT. La plupart des troubles liés à l’anxiété se manifestent par des symptômes comme :

  • la peur, la détresse, les soucis;
  • sur le plan physique, la transpiration, des tremblements, de la difficulté à respirer, des nausées, des douleurs à la poitrine, des étourdissements, etc.);
  • des modifications du comportement, comme l’évitement et les rituels;
  • divers comportements destinés à réduire le stress (American Psychiatric Association [1994]).

Le SSPT se manifeste après un événement traumatisant et ses symptômes sont liés à l’anxiété, comme :

  • la peur;
  • le sentiment d’impuissance;
  • des souvenirs envahissants et récurrents;
  • des rêves angoissants;
  • des retours sur l’événement;
  • une détresse profonde;
  • la réactivité physiologique;
  • l’évitement, la suppression de pensées et de sentiments;
  • d’autres symptômes particuliers comme les troubles du sommeil, l’irritabilité, les explosions de colère, le manque de concentration, l’hypervigilance et la réaction exagérée à la surprise (American Psychiatric Association [1994]).

Figure 3 : La depression

Les symptômes de la dépression peuvent comprendre :

  • la morosité;
  • la perte de poids et d’appétit;
  • l’insomnie;
  • le manque d’énergie;
  • le blâme personnel et la culpabilité;
  • le sentiment d’être inutile et le désespoir;
  • la difficulté de se concentrer;
  • des pensées morbides (American Psychiatric Association [1994]).

 

Par ailleurs, bon nombre de victimes d’actes criminels sont plongés dans le deuil, surtout celles qui ont perdu un être cher dans un délit d’homicide (Miller [1998]). Le deuil est une réaction normale à une perte; toutefois, les manifestations normales et saines du deuil peuvent être compliquées par de nombreux problèmes, dont la victimisation. Miller [1998] indique qu’en plus des sentiments de tristesse, d’anxiété et de culpabilité souvent ressentis pendant le deuil, les survivants des victimes d’homicide peuvent aussi éprouver de la peur et un besoin extrême de se garder et de garder leurs êtres chers en sécurité. Dans le milieu de la santé mentale, on peut parler de deuil ou de deuil compliqué. Pivar et Prigerson [2004] ont décrit le deuil compliqué comme le fait de manifester des symptômes dont l’intensité ou la fréquence ne diminue pas, qui durent plus longtemps (de deux à six mois) et qui nuisent au travail, aux études et à la vie sociale ou familiale de la personne (Pivar et Prigerson [2004]). Chez les personnes qui ont perdu un être cher, les intervenants doivent surveiller a) la solitude; b) les pensées envahissantes au sujet de la personne; c) le vide immense créé par la personne; d) la recherche de la personne. Voici d’autres symptômes qui devraient amener les intervenants à recommander la personne à des spécialistes de la santé mentale :

Il importe de reconnaître que vous ne pouvez pas comparer directement une perte à une autre. Les intervenants doivent en outré être sensibilisé aux normes culturelles de la victime pour comprendre la différence entre un deuil normal et un deuil compliqué (American Psychiatric Association [1994]; Nordanger [2007]; Pivar et Prigerson [2004]).  Une ligne de conduite facile à suivre à ce sujet consiste à utiliser la propre définition de la personne pour déterminer si elle est dépassée par le deuil et si elle a besoin d’aide. Il peut également être utile de consulter des collègues qui ont de l’expérience dans le domaine ou de demander à des membres de la même culture ce qui est normal dans leur groupe. Les intervenants pourraient aussi se fier à ces sources pour recommander des rituels propres à cette culture ou les personnes-ressources appropriées (Nordanger [2007]). Dans ces situations, il faut toujours s’efforcer de protéger l’identité du client.

Des chercheurs ont constaté que les crimes de violence et les mécanismes d’adaptation négatifs étaient des prédicteurs du SSPT, de l’anxiété et de la dépression à des degrés divers (Dempsey [2002]; Green et Pomeroy [2007b]). Daley et coll. [2000] ont observé pour leur part qu’un plus grand nombre d’agents stressants chroniques, comme le stress ressenti par une victime de violence conjugale, sont plus susceptibles de mener à l’épuisement de la victime. D’autre part, un stress intense, comme un épisode unique d’agression par un inconnu, peut aggraver un état dépressif. Dans une étude portant sur des adolescents victimes d’actes de violence, Kilpatrick et coll. [2003] ont constaté que près de 75 p. 100 des adolescents atteints du SSPT avaient aussi un problème d’abus de substances toxiques ou souffraient d’un état dépressif. Certains chercheurs recommandent que les traitements dans ces cas ciblent en même temps le problème d’alcoolisme et de toxicomanie et le SSPT afin d’accroître les chances de succès (Amstadter et coll. [2007]). Gilboa-Schechtman et Foa [2001] ont observé que les victimes d’agression sexuelle, comparativement aux victimes d’agression non sexuelle, étaient plus susceptibles de souffrir de dépression. Selon ces chercheurs, l’anxiété et le SSPT sont communs à tous les traumatismes tandis que la dépression est caractéristique de certains types de traumatismes seulement, comme l’agression sexuelle (Gilboa-Schechtman et Foa [2001]).

Quand on étudie le SSPT, on se demande souvent pourquoi certains individus en sont atteints alors que d’autres ne le sont pas. Des études ont montré que les facteurs suivants augmentent le risque de développer le SSPT ou de nuire au rétablissement :

Les chercheurs ont observé un lien moindre entre l’apparition du SSPT et les facteurs suivants :

Fort heureusement, les spécialistes de la santé mentale peuvent venir en aide aux patients qui éprouvent de tels troubles. Les traitements médicaux et psychologiques peuvent s’avérer efficaces. Les chercheurs collaborent avec les cliniciens afin de concevoir les meilleurs traitements possibles. Ainsi, le traitement du SSPT comprend souvent un élément d’exposition où le sujet doit affronter psychologiquement sa peur et son anxiété en discutant ou en parlant du crime et de tout ce qui lui rappelle le crime (Bryant et coll. [2003]; Hembree et Foa [2003]; Kamphuis et Emmelkamp [2005]; Kubany et coll. [2004]; McDonagh et coll. [2005]; Nishith et coll. [2002]). Les intervenants qui n’ont pas reçu de formation dans ce domaine doivent se rappeler qu’il est important de consulter des spécialistes de la santé mentale et de leur recommander les clients, au besoin. Cela est d’autant plus important que bien des victimes peuvent souffrir d’une combinaison de troubles (SSPT, autres troubles anxieux, dépression, alcoolisme ou toxicomanie, troubles de la personnalité, etc.) qui peuvent nuire à leur réponse aux interventions (Amstadter et coll. [2007]; Chemtob et Calson [2004]; Clarke et coll. [2008]).

Une méthode de traitement relativement récente des traumatismes dont les intervenants peuvent avoir entendu parler est appelée désensibilisation des mouvements oculaires et retraitement ou EMDR (Shapiro [1995]). Même si le présent guide ne vise pas à décrire en détail un traitement en particulier, disons que l’EMDR gagne en popularité, et il se peut que certains clients le suivent déjà. En bref, dans le cadre de l’EMDR, le thérapeute demande au patient de se concentrer sur le traumatisme (images, pensées, etc.), d’évaluer les qualités négatives et de modifier son mode de pensée au sujet du traumatisme ou de la réaction qu’il a eue pendant le traumatisme. Le thérapeute amène alors le patient à suivre son doigt qu’il déplace rapidement de droite à gauche devant son visage (Shapiro [1995]). Un vif débat a cours dans les textes publiés quant à l’efficacité de l’EMDR, mais des études sur des victimes d’actes criminels montrent une réduction des symptômes du SSPT comparativement aux groupes témoins placés sur une liste d’attente ainsi que des résultats comparables pour d’autres traitements du SSPT (Hembree et Foa [2003]).

Les intervenants voudront aussi consulter des spécialistes des soins de santé lorsqu’ils travailleront auprès de familles ou d’enfants victimes d’actes criminels. Les enfants victimes d’actes criminels ont souvent des réactions semblables à celles des adultes (Cohen et coll. [2003]). Toutefois, il peut y avoir des questions de développement importantes que les experts en développement des enfants pourront évaluer (Pine et coll. [2005]). Malgré ces questions, les intervenants peuvent trouver que les traitements que les spécialistes prodiguent aux enfants sont semblables à ceux que les adultes reçoivent (Cohen et coll. [2003]).

3.4  Quand addresser un client à un spécialiste de la santé mentale?

En ce qui concerne la recherche d’aide, Norris et coll. [1997)] ont constaté qu’environ 12 p. 100 des victimes ont eu recours à des services de santé mentale. La plupart avaient été victimes d’un crime de violence. Ces chercheurs ont noté que la violence et la dépression étaient les principaux prédicteurs du besoin d’aide et que, besoin est de le noter, l’aide d’un spécialiste n’était efficace que si elle était prompte et suivie (Norris et coll. [1997]). La plupart des organismes de services d’aide aux victimes au Canada (81 p. 100) indiquent qu’ils peuvent aider les victimes ayant des problèmes de santé mentale, surtout en concertation avec les services de santé mentale (Brzozowski [2007]).

Les intervenants du domaine de la santé mentale peuvent venir en aide aux patients les plus difficiles. Même si beaucoup de victimes peuvent tirer profit des services classiques, certaines d’entre elles ont parfois besoin d’un traitement plus intensif donné par des spécialistes du domaine de la santé mentale. C’est le cas des victimes qui sont atteintes d’une maladie mentale, qui éprouvent une réaction grave au stress, qui sont plongées dans un deuil compliqué, qui ont des antécédents de vie complexes ou qui sont aux prises avec d’autres types de problèmes. Comme le souligne Lawson [2001], la plupart des spécialistes ont reçu la formation nécessaire pour comprendre les différents types d’agression et peuvent aider les clients à maîtriser leurs émotions, à acquérir de nouvelles compétences, à résoudre leurs problèmes et à planifier. Les spécialistes peuvent en outre aider les victimes à entrer en contact avec les services de soutien social et seconder les aidants naturels. En résumé, les spécialistes peuvent aider leurs patients à s’adapter à la situation (Gorman [2001]).

Pour faire un travail efficace comme intervenant, il est important que vous connaissiez vos limites. Pour cela, vous devez consulter vos supérieurs et vos collègues de travail. Par conséquent, il n’y a pas de règles précises pour déterminer quand vous devez diriger un client vers des services plus spécialisés. Cependant, certains facteurs peuvent vous indiquer qu’une telle décision serait à l’avantage de votre client. De toute évidence, les ressources et les mesures de soutien disponibles dans votre région influeront sur les autres mesures de soutien auxquelles vous et la victime pouvez avoir accès. Cela ne signifie pas que vous ne pouvez pas traiter ce client, mais plutôt que vous devez envisager le diriger vers un spécialiste de la santé mentale lorsque vous croyez que vous avez besoin d’aide. Voici une liste de situations qui pourraient vous amener à faire une telle recommandation :

  1. Vous pensez que le client souffre de dépression, d’anxiété, du syndrome du stress post-traumatique, de dissociation continue ou d’autres problèmes de santé mentale (surtout s’il abuse de l’alcool ou de drogues).
  2. Il y a des problèmes de deuil compliqué qui empêchent le client de faire des progrès.
  3. La possibilité d’un suicide ou d’auto-mutilation existe.
  4. Des représailles ou le fait de causer des préjudices à d’autres personnes constituent une préoccupation (ce qui peut vous obliger à contacter la police ou d’autres autorités).
  5. Certaines émotions intenses (colère, tristesse, deuil) dépassent les limites de vos compétences ou de vos ressources.
  6. Le patient s’entête et ne semble pas motivé.
  7. Le patient ne semble pas bénéficier beaucoup d’un effort autonome, de sa participation aux groupes d’entraide ou des autres interventions.
  8. La situation du patient ne semble pas s’améliorer malgré ses efforts et sa motivation.
  9. Le patient a de lourds antécédents complexes de victimisation ou d’agression.
  10. Le patient a de lourds antécédents de problèmes de santé mentale ou d’alcoolisme et de toxicomanie.

Les intervenants qui travaillent dans des régions plus éloignées devraient communiquer avec les spécialistes locaux de la santé afin de connaître les meilleurs moyens de répondre aux besoins des victimes en général. De tels partenariats peuvent s’avérer très utiles pour obtenir de l’information nouvelle et du soutien professionnel. Pour recevoir des conseils ou faire superviser leur travail, les intervenants en régions éloignées peuvent aussi recourir aux consultations à distance, à l’aide du téléphone, du courrier électronique ou des vidéoconférences. Les systèmes de télémédecine peuvent aussi servir à l’exécution de la thérapie, alors que les services de soutien locaux s’occupent de la victime et peuvent participer à la thérapie en collaboration avec un spécialiste établi ailleurs. Il est aussi possible d’inviter des spécialistes à venir animer des ateliers, faire de la supervision ou donner des traitements d’urgence. Les intervenants doivent surtout être très prudents lorsqu’ils analysent en profondeur sans supervision les problèmes complexes des victimes. Cette situation est parfois inévitable, par exemple lorsque la victime est disposée à s’attaquer à de tels problèmes. Lorsqu’une situation dépasse les limites de sa compétence, l’intervenant doit absolument consulter d’autres spécialistes. Le respect du patient et des principes de déontologie exige que l’intervenant reconnaisse ses propres limites.

3.5 Notions de base

Réactions

Tableau 1 – Réactions courantes des victimes d’un crime

Humeur et émotions

Social

  • Changements des relations avec les autres 2, 6, 19, 28, 13, 14
  • Évitement 5, 7, 13
  • Aliénation 5, 17

Pensée/ souvenirs

  • Souvenirs envahissants 2
  • Faible auto-efficacité 2, 28
  • Vigilance 2, 13
  • Rappels de l’événement 5, 13
  • Confusion/manque de concentration 4, 5, 13
  • Dissociation 4, 31, 13
  • Remise en question des croyances spirituelles 13

Physique

  • Nausée 1, 13
  • Problèmes d’estomac 1, 13, 21
  • Tension musculaire 1
  • Troubles du sommeil 2, 13
  • Perte de poids 17, 19
  • Maux de tête 17, 19
  • Vertiges 13
  • Sensations corporelles de chaleur ou de froid 13

Références mises à jour:

Gravité de la réaction

Toutes les victimes d’actes criminels éprouvent une certaine détresse (Norris et coll. [1997]). Les recherches montrent que la violence qui accompagne l’acte criminel rend plus grave la réaction des victimes et qu’environ 50 p. 100 des victimes d’un crime avec violence éprouvent un sentiment de détresse allant de modérée à grave (Norris et coll. [1997]).

Les victimes d’agression sexuelle ont des réactions plus graves et il leur faut plus de temps pour se remettre, comparativement aux victimes d’agression non sexuelle (Gilboa-Schechtman et Foa [2001]).

Les intervenants doivent être prudents quand ils forment des groupes réunissant des clients ayant des réactions graves et d’autres qui ont des réactions plus faibles. La comparaison sociale (se sentir mieux ou pire) avec les autres membres du groupe peut nuire au traitement si elle n’est pas correctement encadrée (Greenberg et Ruback [1992]). Pour le bien de leurs clients, les intervenants doivent s’efforcer d’adapter le mieux possible les traitements aux besoins individuels des premiers (voir le tableau 2).

Tableau 2 – Genres de service selon la gravité de l’état : modèle propose

Niveau des besoins Description Options possibles en matière de service
Faible La victime se rétablit bien; elle éprouve peu de symptômes, qu’elle maîtrise facilement grâce à ses habiletés d’adaptation naturelles et à son réseau de soutien social. Il se peut que le crime n’ait pas été grave ou que la victime dispose de plusieurs moyens d’adaptation. Services élémentaires : information, documentation écrite, brochures sur les types de soutiens disponibles et renseignements sur les signes de problèmes plus graves. Ces services peuvent aussi être utiles aux victimes qui ne croient pas avoir de problèmes, mais qui s’efforcent de cacher leur douleur. Ces documents écrits pourraient être remis aux personnes du réseau de soutien de la victime.
Moyen La victime éprouve quelques symptômes et doit améliorer ses habiletés d’adaptation ou a besoin de partager des émotions trop accablantes. Généralement, ces victimes se rétablissent bien, mais sont très éprouvées par la victimisation. Groupes d’entraide dirigés par d’autres victimes, soutien fourni par des bénévoles et du personnel paraprofessionnel. La victime peut avoir besoin des services d’un spécialiste, mais seulement pour une courte période.
Élevé La victime éprouve de nombreux symptômes et ses habiletés d’adaptation sont médiocres. Elle est dépassée par les conséquences de la victimisation et ses soutiens sont peu nombreux. Elle a pu subir un traumatisme grave. Elle souffre probablement de problèmes multiples et a pu subir plusieurs actes criminels. La victime a besoin d’une thérapie dirigée par un spécialiste, comme une thérapie individuelle ou de groupe de longue durée. L’hospitalisation peut même être nécessaire pour stabiliser son état.

Victimisation antérieure

Des chercheurs ont montré que la victimisation antérieure était un prédicteur très significatif de la victimisation subséquente (Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Norris et coll. [1997]; Nishith et coll. [2000]). Les victimes qui ont eu une mauvaise réaction à la suite d’un traumatisme antérieur sont susceptibles d’avoir une mauvaise réaction à un nouvel incident (Brunet et coll. [2001]).

La victimisation antérieure a tendance à influer sur la manière dont la victime réagit à un nouvel acte criminel, peut-être en raison d’une faible estime de soi, d’un sentiment d’impuissance acquise, de faibles compétences et de mauvaix choix en relations interpersonnelles, de la difficulté à déceler les situations à risque ou de la pauvreté (Byrne et coll. [1999]; Messman et Long [1996]; Nishith et coll. [2000]). Ces résultats de recherche nous rappellent que nous devons aller au-delà des particularités de l’acte criminel et poser des questions sur les antécédents en matière de traumatisme afin d’intégrer cette information à nos interventions.

Diagnostics courants chez les victimes d’actes criminels

Les diagnostics qui se rapportent habituellement à la victimisation comprennent la dépression, l’anxiété et le syndrome de stress post-traumatique (SSPT).

Les symptômes de la dépression peuvent comprendre la morosité, la perte de poids ou d’appétit, l’insomnie, le manque d’énergie, le blâme personnel ou le sentiment de culpabilité, le sentiment d’être inutile ou de désespoir, la difficulté de se concentrer et des pensées morbides (American Psychiatric Association [1994]).

Les symptômes de l’anxiété peuvent comprendre la peur, la détresse, l’inquiétude ou certains symptômes physiques comme la transpiration, les tremblements, la respiration difficile, les nausées, les douleurs thoraciques, les étourdissements, de même que les changements de comportement (évitement, rituels, etc.) et l’adoption de comportements visant à atténuer la détresse (American Psychiatric Association [1994]).

Le SSPT est une forme d’anxiété liée à un événement particulier comme un crime, une catastrophe naturelle ou un accident (American Psychiatric Association [1994]). Les symptômes du SSPT peuvent comprendre la peur, un sentiment d’impuissance, des souvenirs envahissants et récurrents, des cauchemars, des retours sur l’événement, la détresse profonde, l’extrême nervosité, l’évitement ou la suppression de pensées et ou de sentiments et d’autres symptômes particuliers comme les troubles du sommeil, l’irritabilité, les accès de colère, le manque de concentration, l’hypervigilance et la réaction exagérée à la surprise (American Psychiatric Association [1994]).

Le deuil compliqué ou le deuil intense qui dure pendant une longue période peut constituer un problème chez certaines victimes et leurs survivants.

Les facteurs de risque pouvant provoquer le SSPT comprennent les facteurs liés à un traumatisme ou à un acte criminel (Brewin et coll. [2000]; Gilboa-Schechtman et Foa [2001]; Ozer et coll. [2003]), l’absence de soutien social (Brewin et coll. [2000]; Ozer et coll. [2003]), les autres stress de la vie (Brewin et coll. [2000]; Ozer et coll. [2003]), la manifestation antérieure du SSPT (Brunet et coll. [2001]; Ozer et coll. [2003]) et la dissociation pendant la perpétration du crime ou immédiatement après (Ozer et coll. [2003].

Quand faut-il adresser un patient à des spécialistes de la santé mentale?

Les intervenants doivent réfléchir avec soin à la possibilité de recommander des clients à des spécialistes de la santé mentale. S’ils n’ont pas reçu de formation dans le domaine de la santé mentale, ils devraient consulter des spécialistes et leur confier les patients, au besoin. Les partenariats avec les services de santé, la télémédecine, la consultation et les spécialistes itinérants sont des solutions possibles pour les intervenants des régions éloignées.