Recueil de recherches sur les victimes d’actes criminels, no 10
Le jugement des victimes : des options réparatrices pour les victimes de violence sexuelle
Par Jo-Anne Wemmers, Ph.D.
Jo-Anne Wemmers est professeure titulaire à l’École de criminologie, Université de Montréal et chercheuse régulière au Centre international de criminologie comparée. Ses intérêts en recherche visent les victimes et la justice pénale au sens large. Les principaux thèmes abordés sont les perceptions de la justice et la jurisprudence thérapeutique.
Les victimes d’un crime, en plus de devoir vivre avec le fait d’être victimes, doivent faire face à l’insensibilité des autres. C’est ce qu’on appelle la victimisation secondaire : les réactions insensibles, l’indifférence et les jugements de valeur peuvent augmenter la souffrance des victimes. Lorsque les victimes réagissent à leur victimisation d’une manière qui ne répond pas aux attentes de la société, elles risquent la désapprobation. Ceci s’applique entre autres lorsque les victimes de violence sexuelle choisissent la justice réparatrice au lieu de la justice pénale. Cet article analyse l’importance de faire un choix pour les victimes de violence sexuelle.
La victime soi-disant idéale
La définition du mot victime, comme pour n’importe quel mot, est fondée sur un certain nombre de lieux communs. Retraçons ici l’origine de ce mot afin de mieux comprendre les lieux communs qui y sont reliés. Le mot victime provient du mot latin victima, qui fait référence à une créature vivante offerte à une divinité lors d’un rite religieux. Le premier emploi du mot « victim » dans la langue anglaise remonte à l’année 1497.Note de bas de la page 9 Puis, dès 1781, le mot a commencé à être employé au sens de « celui qui souffre d’un dommage, d’une épreuve ou d’une perte, qui est maltraité ou dont on tire avantage » (traduction de la définition anglaise tirée du Oxford Dictionary, 1989). Selon Van Dijk (2009), l’ancienne connotation de bouc émissaire (celui que l’on sacrifie pour le bien du groupe) est sous-entendue dans la façon dont les victimes d’aujourd’hui sont traitées.
Une femme qui se déclare victime de violence sexuelle doit faire face à des coûts sociaux (Ullman, 2010). La société a tendance à dévaloriser une personne qui se dit victime parce qu’elle y associe des connotations négatives de souffrance et de sacrifice. Certaines personnes, et plus particulièrement les victimes d’agression sexuelle, préféreront plutôt utiliser le terme survivant, ce dernier étant largement considéré comme une étiquette positive (Dunn, 2010). Néanmoins, pour devenir un survivant, l’individu doit d’abord souffrir de victimisation (Wemmers, 2017). Dès qu’une personne définit l’événement en question comme un crime, elle recherche la reconnaissance et la validation des autres et ceci devient une importante étape du processus de guérison (Ruback et Thompson, 2001; Hill, 2009; Strobl, 2010). Le fait d’être une victime n’est toutefois pas un statut permanent et c’est seulement après la reconnaissance de la victimisation que la guérison commence.
La signification d’un objet, dans ce cas-ci d’une victime, n’est pas inhérente à l’objet en lui-même, elle est ce que les autres confèrent à cet objet, selon l’interprétation qu’ils en font (Holstein et Miller, 1990; Wemmers, 2017). Reconnaître qu’une personne est victime est une interprétation subjective fondée sur un certain nombre d’hypothèses (Holstein et Miller, 1990). Le processus de catégoriser une personne en tant que victime et de lui assigner ce rôle peut être décrit comme un processus de communication entre la victime et les représentants de la société (Strobl, 2004). Il est aussi important de comprendre que le fait de traduire une expérience en situation de victimisation est subjectif (Fattah, 2010). Selon Christie (1986), des traits caractéristiques spécifiques de victimes et de victimisations sont considérés comme étant idéaux par la société en général et feront plus facilement en sorte que le statut légitime et à part entière de victime sera accordé (1986, 18). Les agressions sexuelles sont particulièrement associées à plusieurs mythes et stéréotypes, par exemple celui du vrai viol ou du viol légitime par rapport au viol non légitime ou – pire encore – au viol provoqué par la victime (Ullman, 2010).
La société a tendance à penser que les victimes sont des individus faibles, vulnérables et sans défense (Christie, 1986 et Dunn, 2010). Les recherches démontrent que les personnes qui donnent l’impression d’être timides, faibles et vulnérables seront plus souvent considérées comme des victimes que celles qui paraissent agressives, fortes et puissantes. Une personne qui ne fait pas preuve du comportement auquel on s’attendrait d’une victime, par exemple si elle revendique haut et fort des changements, ne sera pas facilement acceptée comme étant une victime (Doe, 2003; Strobl, 2004). Lorsque tel est le cas, la société répondra souvent de manière antipathique plutôt que sympathique et le statut de victime risque de ne pas être accordé (Holstein et Miller, 1990; Shichor, 2007; Van Dijk, 2009).
Le mot victime sous-entend qu’il y a présomption qu’une autre personne est responsable de ce qui est arrivé. Il est également couramment présumé que le contrevenant est plus grand et plus fort que la victime et qu’il lui est étranger (Christie, 1986; Holstein et Miller, 1990). Il est plus facile d’accepter que la victime est non consentante aux mauvais traitements de son agresseur si celui-ci est un étranger, plutôt que lorsque la victime le connaît bien, par exemple dans le cas d’un ami ou d’un partenaire intime (Doe, 2003). Les statistiques démontrent que les femmes vivent plus de victimisation sexuelle que les hommes, que la plupart des agresseurs sont des hommes et que la plupart des victimes connaissent leurs assaillants (Perreault, 2015). Les conclusions de l’Enquête sociale générale sur la victimisation démontrent que, dans la majorité des cas, l’agresseur n’était pas un étranger, mais plutôt un ami ou une connaissance (Brennan et Taylor-Butts, 2008; Perreault, 2015). Par ailleurs, comme Shichor (2007) le souligne, plus le degré de responsabilité attribué à la victime est grand, moins la société lui accordera sa sympathie. Les personnes qui se trouvent en marge de la société ont un très haut risque d’être victimes, en plus du risque de ne pas être reconnues comme des victimes par la société (Fattah, 2003; Ullman, 2010; Wemmers, 2017).
Les réactions à la violence sexuelle
Le mot victime suppose aussi qu’une réponse appropriée est attendue, tant du système de justice pénale que civile. Les agresseurs doivent être punis et les victimes doivent recevoir une quelconque réparation. On s’attend de la victime idéale qu’elle réponde au délit en engageant des poursuites et en soutenant des accusations contre son présumé agresseur. On s’attend de la victime idéale qu’elle accepte les coûts (notamment le temps) et les perturbations (comme les questions embarrassantes) qui sont liés aux procédures policières et judiciaires nécessaires et qu’elle mette de côté ses propres intérêts (Strobl, 2004). Selon la définition première du mot, la société s’attend à ce que les victimes se sacrifient pour un dieu plus grand. Cependant, la plupart des victimes choisissent de ne pas répondre à l’offense au moyen du système de justice pénale et ceci est particulièrement vrai pour les victimes d’agression sexuelle. Alors qu’une victimisation sur trois (31 %) est signalée à la police, seulement une sur vingt (5 %) de toutes les agressions sexuelles au Canada sont signalées à la police (Perreault, 2015). En d’autres mots, la grande majorité des agressions sexuelles demeurent invisibles aux autorités. Ce faible taux de signalement est une entrave aux changements sociaux et permet aux stéréotypes liés à la violence sexuelle de persister.
Pourtant, alors que seulement 5 % des victimes canadiennes d’agression sexuelle signalent leur victimisation à la police, au moins le quart d’entre elles souhaiteraient utiliser la justice réparatrice (Tufts, 2000; Perreault, 2015). L’Enquête sociale générale sur la victimisation de 1999 comprend un module sur les comportements à l’égard des alternatives à la justice pénale. Après avoir présenté aux victimes le programme de réconciliation de l’infracteur et de la victime comme une alternative à la justice pénale, les chercheurs ont demandé aux victimes de réfléchir à l’incident de nature criminelle qu’elles viennent de signaler et d’indiquer à quel point elles seraient intéressées à participer à un programme de réconciliation. Même si 59 % des victimes ont dit qu’elles ne seraient pas intéressées par la justice réparatrice, 17 % d’entre elles ont affirmé qu’elles pourraient être intéressées et 9 % d’entre elles étaient très intéressées (Tufts, 2000). La justice réparatrice n’est certes pas pour toutes les victimes, mais certaines d’entre elles s’y intéressent.
Selon une étude américaine, la majorité des victimes d’agression sexuelle étaient intéressées par la justice réparatrice. Contrairement à l’étude canadienne qui a analysé une victimisation survenue au cours des 12 mois précédents, l’étude américaine s’est penchée sur une victimisation qui est survenue au cours de l’existence. Dans l’étude américaine, 56 % des victimes ont indiqué qu’elles aimeraient avoir la possibilité d’utiliser la justice réparatrice en plus de la justice pénale conventionnelle et 30 % d’entre elles ont dit qu’elles préconiseraient la justice réparatrice comme une alternative à la cour. L’étude a aussi conclu que les victimes qui ont choisi de ne pas signaler leur agression à la police étaient plutôt favorables à la justice réparatrice comme une alternative à la cour (Marsh et Wager, 2015).
La Commission des lois de la Nouvelle-Zélande a étudié le problème du faible taux de signalement des violences sexuelles et en a conclu qu’il y a nécessité d’offrir des réponses alternatives aux cas de violence sexuelle. Le rapport paru en 2015 The Justice Response to Victims of Sexual Violence: Criminal Trials and Alternative Processes (la réponse de la justice aux victimes de violence sexuelle : les poursuites criminelles et les solutions alternatives) a recommandé que la victime décide de la réponse appropriée, peu importe si celle- ci implique une rencontre avec son agresseur et la recherche d’une réparation ou une réconciliation avec la famille et la communauté (consulte la Commission des lois 2015, chapitre 9). La Nouvelle-Zélande a mis en œuvre d’importantes réformes du système de justice pénale et chaque agression est maintenant sujette à des processus de justice réparatrice.Note de bas de la page 10 Bien qu’il soit encore trop tôt pour évaluer toutes les répercussions de ces changements législatifs, il sera important d’observer comment les changements ont été mis en œuvre.
Les avantages pour les victimes
Les études suggèrent que la participation des victimes à une justice réparatrice peut être bénéfique pour leur bien-être psychologique, en réduisant les symptômes de trouble de stress post-traumatique et de stress (Gustafson, 2005; Wager, 2013; Koss, 2014). Le projet pilote RESTORE, qui s’est tenu en Arizona de 2003 à 2007 et qui visait principalement les victimes de violence sexuelle, est probablement l’un des programmes de justice réparatrice les plus connus. En adoptant une approche de justice réparatrice centrée sur la victime, le programme RESTORE offrait aux victimes l’occasion de prendre part à un dialogue avec leurs agresseurs, une alternative aux poursuites criminelles. Ce n’était pas une intervention isolée : les cas étaient scrutés avec soin et les victimes étaient appuyées avant, pendant et après leurs discussions afin d’assurer leur sécurité et leur bien-être. Une évaluation du programme RESTORE a conclu que les victimes ont montré une baisse du trouble de stress post-traumatique de la demande (82 %) jusqu’après la séance (66 %). En plus de voir leur stress diminuer, les victimes qui ont pris part à ce programme se sont senties plus fortes. Toutes les victimes qui ont participé au programme RESTORE se sont dites tout à fait d’accord avec l’idée que « reprendre son pouvoir » était la raison principale qui motivait leur choix de choisir RESTORE par rapport aux autres options judiciaires (Koss, 2014). C’est en 2005 que la Nouvelle-Zélande a mis sur pied un programme similaire, connu sous le nom de Project Restore.
Faire des choix est une partie intégrante du processus de guérison des victimes (Muscat, 2010). Wager (2013), en fondant ses recherches sur une étude préliminaire comportant 58 publications sur la violence sexuelle et la justice réparatrice, dont 10 récits de victimes, a découvert que les victimes sont tentées de voir l’expérience de concertation plutôt stimulante que traumatisante. La concertation implique un dialogue entre la victime et son agresseur en présence de personnes de confiance. Lorsque la victime et l’agresseur ont un rapport déjà existant, la justice réparatrice peut les aider à redéfinir leur rapport et à diminuer la peur des représailles que le signalement pourrait causer (Mercer et Sten-Madsen, 2015). Les victimes gagnent en confiance, car le mal qui leur a été fait est reconnu, ce qui leur permet par la suite de reprendre le contrôle de leur vie et de passer de victimes à survivants (Wager, 2013; Mercer et Sten-Madsen, 2015).
Le jugement des choix des victimes
Le plus gros défi auquel est confrontée la justice réparatrice dans le cadre de violence sexuelle est peut-être l’attitude négative des autres (par exemple des non-victimes). L’incident Facebook lié à la Dalhousie University illustre ce problème. En décembre 2014, la Dalhousie University, à Halifax, a fait les manchettes nationales. Certains étudiants masculins du programme de dentisterie ont créé un groupe privé Facebook ironiquement nommé le « Class of DDS 2015 Gentlemen » (les gentilshommes de la cohorte DDS 2015) et ont publié des commentaires inappropriés à propos d’étudiantes du programme. Une publication du groupe demandait à ses membres masculins de voter pour leurs collègues de classe avec qui ils aimeraient avoir du « hate sex » (rapport sexuel violent). Les étudiantes ciblées par ces propos ont été scandalisées lorsqu’elles en ont pris connaissance. Néanmoins, elles ont décidé de saisir cette occasion pour éduquer plutôt que punir. L’université a eu recours à l’aide de Jennifer Llewllyn, une experte en justice réparatrice et professeure à la Schulich School of Law de Dalhousie.
La décision d’employer une forme de justice réparatrice a été beaucoup critiquée. Partout au Canada, des groupes de femmes se sont élevés contre la justice réparatrice et ont insisté pour que ces étudiants masculins soient expulsés (Llewllyn, Demsey et Smith, 2015). Ces opposantes ont affirmé que les victimes avaient été forcées de prendre part à cette justice réparatrice et se sont dites préoccupées du bien-être de celles-ci (Brownlee, 2015). Les étudiantes ont été étonnées de ces réactions négatives et non favorables. Elles ont senti que l’université leur avait donné le pouvoir de choisir et elles ont ainsi choisi de laisser les hommes en cause poursuivre leurs études tout en les encourageant à tirer une leçon de leur mauvais comportement (Llewllyn, Demsey et Smith, 2015).
Les femmes impliquées dans l’incident Facebook de Dalhousie ont dit qu’elles souhaitaient prévenir la poursuite d’un tel comportement sexiste dans un cadre professionnel, où ces hommes auront à travailler avec elles et peut-être même les superviser. Elles n’auront alors peut-être pas la force de se tenir debout contre eux. Le processus réparateur, en plus de confronter les étudiants masculins aux conséquences de leurs comportements, lève le voile sur la culture misogyne et sexiste qui existait à l’université et qui a déclenché la création de ce groupe Facebook (Llwewllyn, Demsey et Smith, 2015). Grâce au courage de ces femmes, toutes les parties concernées (l’université, les victimes et les agresseurs) ont été en mesure de transformer une situation douloureuse en une occasion d’apprentissage et de guérison.
Le public, par sa levée de boucliers, n’avait pas l’intention de rendre les femmes victimes à nouveau, mais plutôt de les protéger. Plusieurs défenseurs des victimes ont exprimé de sincères préoccupations au sujet de la sécurité des victimes de violence basée sur le genre dans le cadre des programmes de justice réparatrice (Wemmers et Cyr, 2002; McGlynn et collab., 2012; Koss, 2014; Nelund, 2015). Plusieurs professionnels en matière de justice pénale décident, par compassion et parce qu’ils sont préoccupés par les répercussions du traumatisme, de ne pas fournir d’information sur la justice réparatrice aux victimes. En comparant les points de vue du public et des victimes de violence sexuelle, Marsh et Wager (2015) ont constaté que les non-victimes considèrent plus le processus de concertation comme étant dangereux pour les victimes que les victimes elles-mêmes. Alors que nous devons toujours être vigilants face à un déséquilibre des pouvoirs, il est également important de ne pas affaiblir les victimes en prenant les décisions à leur place ou en ne leur donnant pas du tout de choix (Wemmers et Cousineau, 2005; Wemmers et Cyr, 2016).
L'information, pour un choix éclairé
La vulnérabilité des victimes de violence sexuelle est source de préoccupations lorsqu’il est temps de voir si, quand et comment une approche en justice réparatrice est appropriée. Alors que d’aucuns affirment que le risque d’une victimisation secondaire est trop élevé (Wemmers et Cousineau, 2005; Koss, 2014), le fait de ne pas aborder la possibilité d’une justice réparatrice avec les victimes peut leur enlever une possibilité de guérison (McGlynn et collab., 2012).
Bien que certaines victimes soient intéressées par la justice réparatrice, les victimes canadiennes et de partout dans le monde ne sont pas souvent informées du fait que la justice réparatrice peut être possible (Wemmers et Van Camp, 2011). Par exemple, Marsh et Wager (2015) ont réalisé une enquête sur le Web avec 121 résidents du Royaume-Uni. Quarante d’entre eux ont déclaré être des survivants de violence sexuelle. Les auteurs ont découvert que la majorité de ces 40 survivants n’avaient jamais entendu parler de la justice réparatrice avant de participer à cette étude. Les victimes souhaitent être informées afin de connaître quels sont leurs choix et de pouvoir ainsi décider quelle solution judiciaire elles adopteront. En se fondant sur des entrevues qualitatives avec 34 victimes de crimes violents graves, dont 8 cas de violence sexuelle, Van Camp et Wemmers (2016; Wemmers et Van Camp, 2011) ont étudié l’expérience de victimes avec la justice réparatrice, au Canada et en Belgique. En se concentrant sur la manière dont les victimes ont été informées des options de justice réparatrice, les auteurs ont ciblé deux principales approches : la première est centrée sur la protection, la seconde sur la proactivité. Avec l’approche protectrice, les victimes ont été informées au sujet de la justice réparatrice seulement si elles le demandaient de façon explicite. Alors que, selon l’approche proactive, les victimes ont été informées de la possibilité de justice réparatrice. Ceci leur a permis de se faire leur propre opinion sur la décision d’entamer ou non des poursuites. Elles pouvaient même décider de revenir en arrière plus tard si elles n’y étaient pas tout de suite intéressées. Van Camp et Wemmers ont découvert que les victimes préféraient l’approche proactive à l’approche protectrice. La possibilité de faire un choix est essentielle au processus de guérison des victimes et les victimes veulent prendre elles-mêmes leur décision (Morissette et Wemmers, 2016). Toutefois, ceci exige qu’elles soient informées de toutes les options possibles, y compris celle de la justice réparatrice. Comme les survivants nous le rappellent, nous ne devons pas sous-estimer leur force (McGlynn et collab., 2012).
Au Canada, au niveau fédéral, le Code criminel et la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents autorise les processus de justice réparatrice. Par exemple, l’article 717 du Code criminel propose des mesures alternatives qui peuvent être appliquées si le contrevenant se reconnaît responsable de l’offense. L’article 19 de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, quant à lui, décrit la manière et le moment dont les concertations, y compris les concertations réparatrices, peuvent être tenues. Le droit de demander et d’obtenir des renseignements à propos de la justice réparatrice est aussi inclus dans la Charte canadienne des droits des victimes, tout comme dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. En 2015, le Manitoba est devenu la première province à présenter une loi, la Loi sur la justice réparatrice, destinée à augmenter l’utilisation de la justice réparatrice et à promouvoir la sécurité publique, en offrant une résolution qui permet la guérison, la réparation et la réintégration.
Marsh et Wager (2015) ont rapporté que, alors que les survivants de violence sexuelle ont des opinions partagées sur le moment où les autorités devraient proposer la possibilité de justice réparatrice, le meilleur moment serait au premier contact. Il est important que les options de justice réparatrice demeurent souples et accessibles, et ce, à n’importe quelle étape des procédures judiciaires criminelles (Tinsely et McDonald, 2011; Van Camp, 2014; Wemmers, 2017). En considérant les répercussions du traumatisme sur l’apprentissage et la mémoire, il serait alors préférable de donner l’information plusieurs fois, à différentes étapes du processus (voir McDonald, 2016).
En conclusion
Finalement, à voir les faibles taux de signalement de violence sexuelle, les victimes seraient plus intéressées par la justice réparatrice que par la justice criminelle conventionnelle. Les conclusions des études précédentes soulignent l’importance de poursuivre les recherches et, plus particulièrement, l’éducation de la population sur les besoins et les droits des victimes. Les réactions négatives des autres, y compris le grand public, sont la source d’une victimisation secondaire. Le mouvement des femmes a joué un rôle important en encourageant les femmes à parler ouvertement des agressions sexuelles qu’elles ont subies, et ce, pas uniquement à la police, afin de réaliser des changements sociaux et d’attirer l’attention sur les besoins des victimes (Ullman, 2010). Pour parvenir à cet objectif, nous devons nous assurer que les victimes ont accès à un environnement sûr où elles pourront parler et prendre des décisions sans avoir peur d’être jugées.
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