Aperçu de la consommation à des fins non médicales des médicaments sur ordonnance et des questions de justice pénale au Canada
Sommaire
Au Canada, la consommation des médicaments sur ordonnance à des fins non médicales, en particulier d’opioïdes d’ordonnance (OO) et de benzodiazépines (BD), suscite depuis quelques années une attention croissante. Bien que les données épidémiologiques soient, à l’échelle du pays, actuellement peu abondantes, le tableau que les données des provinces et celles des É.‑U. permettent de brosser est de plus en plus préoccupant. Le présent rapport porte sur les tendances de la consommation d’opioïdes d’ordonnance à des fins non médicales (OOFNM) et de benzodiazépines à des fins non médicales (BDFNM), ainsi que sur les conséquences de cette consommation sur la santé et sur la société et sur certaines questions stratégiques touchant à la justice pénale au Canada.
Les caractéristiques des consommateurs et de la consommation d’OOFNM et de BDFNM
La consommation déclarée d’OO à des fins médicales au Canada a environ doublé en moins d’une décennie et le Canada se classe actuellement au troisième rang après les É.‑U. et l’Allemagne parmi les pays les plus grands consommateurs d’OO par personne. Parallèlement à cette augmentation de la disponibilité générale, les occasions de consommation à des fins non médicales se sont accrues. Malheureusement, l’information sur les OOFNM et les BDFNM au Canada est relativement peu abondante, en raison d’un manque de données longitudinales et de préoccupations méthodologiques (soit, les définitions opérationnelles, la formulation des questions et les taux de réponse).
Les données disponibles font ressortir la consommation des OOFNM dans les groupes d’âge les plus jeunes dans la population générale, sans différence quant au sexe chez les adultes, mais avec une surreprésentation des jeunes adultes (19 à 24 ans) et une consommation déclarée plus importante chez les jeunes filles des écoles secondaires. De plus, des études menées aux É.‑U. révèlent un statut socioéconomique plus bas, ainsi que des variables associées comme la pauvreté, le chômage ou la faiblesse du revenu, comme étant des facteurs de risque pour les OOFNM dans la population générale. Dans les populations de consommateurs de drogues de la rue, certaines observations portent à croire que la prévalence des OOFNM pourrait dépasser celle de l’héroïne. Contrairement aux populations générales de consommateurs d’OOFNM, la moyenne d’âge des populations qui consomment à des fins non médicales des OO obtenus dans la rue tend à être plus élevée que celle des autres consommateurs de drogues de la rue. Selon les données provinciales de l’Ontario, les OO sont de plus en plus fréquemment mentionnés comme substance provoquant la toxicomanie, pour justifier l’admission dans un centre de traitement, plus de 80 % des personnes déclarant avoir consommé des OOFNM l’année précédente. On ne dispose actuellement d’aucune étude portant spécifiquement sur les caractéristiques sociodémographiques des consommateurs d’OO dans les centres de traitement.
Contrairement aux OO, les dépenses par personne au Canada sont demeurées très stables au cours de la dernière décennie pour les BD. Malheureusement, il existe peu d’études sur la consommation des BDFNM dans la population générale au Canada et l’importance de la consommation à des fins non médicales n’est donc pas établie clairement actuellement. Selon les enquêtes effectuées auprès des étudiants des écoles secondaires et des universités, environ 2 % des étudiants ont déclaré avoir consommé des tranquillisants l’année précédente; cependant, ce ne sont pas toutes les études qui comportent des renseignements sur la consommation à des fins non médicales. L’évolution au cours du temps de la prévalence de la consommation de BDFNM dans les populations de consommateurs de drogues de la rue n’est pas établie clairement, en raison de la rareté des comparaisons au fil du temps, les taux de prévalence variant de 6 %, dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, à 31,3 %, à Victoria. La consommation de BDFNM dans les populations en traitement est stable au fil du temps, les BD tendant à être davantage mentionnées comme médicament ayant provoqué la toxicomanie avec l’âge croissant des répondants et étant plus souvent mentionnées par les femmes.
Le détournement
Il n’est pas aisé de déterminer la façon dont les consommateurs se procurent des médicaments sur ordonnance comme les OO et les BD à des fins non médicales, puisqu’il s’agit de produits fabriqués légitimement et qui sont disponibles et distribués légalement dans tout le système médical. Selon les données sur le détournement disponibles aux É.‑U., les sources et les chemins empruntés depuis le lieu de fabrication jusqu’au consommateur sont multiples, ce qui complique davantage la question de savoir où faire porter les interventions.
Nous disposons actuellement de peu de renseignements sur la population canadienne en général en ce qui a trait à la façon dont les consommateurs se procurent des OO à des fins non médicales; les médecins, les amis, la famille, la rue, l’obtention d’ordonnances multiples et les travailleurs de la santé sont toutefois cités comme des sources potentielles. En ce qui concerne les populations de consommateurs de drogues de la rue, les revendeurs habituels, les amis ou partenaires, le commerce et le système médical lui‑même ont été identifiés comme des sources, les revendeurs inhabituels, les médecins et le vol étant moins souvent mentionnés. Les consommateurs d’OOFNM dans les centres de désintoxication identifient les ordonnances de médecin, la rue, ou une combinaison des deux comme des sources.
La prévalence de la consommation de BD est moindre que celle des OO et les taux de consommation de BD sont demeurés relativement stables au cours du temps. Malheureusement, nous disposons de peu de renseignements sur les sources de BDFNM au Canada. Une étude portant sur plusieurs sites a révélé que les sources les plus fréquentes pour les consommateurs de drogues de la rue sont les amis puis les médecins, des sources moins fréquemment mentionnées étant les revendeurs habituels ou non, un partenaire et le vol. Selon des études menées aux É‑U. auprès de la population générale, les jeunes et les étudiants mentionnent surtout les pairs, les amis et les membres de la famille comme sources de BD. De plus, des observations portent à croire que des travailleurs de la santé participent au détournement des BD.
Les impacts sur la santé
Selon certaines estimations, entre 10 % et 33 % des consommateurs d’OOFNM au Canada peuvent devenir dépendants ou souffrir d’autres troubles liés à la consommation de drogues. Quoiqu’il soit fait état de décès expressément attribuables à la consommation d’OO au Canada (p. ex., de fentanyl ou d’oxycodone), l’insuffisance des données à l’échelle nationale sur les décès par surdose d’OOFNM rend difficile de procéder à une quantification exacte; aux É.‑U., le nombre de ces décès a toutefois augmenté depuis les années 1990, l’OOFNM remplaçant l’héroïne et la cocaïne au titre des drogues les plus fréquemment associées à des surdoses ayant causé la mort. En s’appuyant sur le profil épidémiologique du Canada et sur les taux aux É.‑U., on peut prévoir un grand nombre de décès liés aux OOFNM. De plus, les OOFNM sont associés à diverses maladies dont de nombreux troubles liés à la consommation d’une autre substance, des taux élevés de troubles mentaux et des maladies somatiques (en particulier la douleur). Quoique les études canadiennes ayant porté sur les associations entre les blessures et les OOFNM soient peu nombreuses, selon la documentation internationale, des blessures, intentionnelles et non intentionnelles, peuvent être associées à la consommation d’OOFNM. Et enfin, on assiste à l’augmentation constante dans les centres de traitement de l’Ontario du nombre des clients qui déclarent avoir consommé des OO l’année précédente et qui citent ces drogues comme ayant causé leurs problèmes de toxicomanie.
Les données relatives aux impacts sur la santé de la consommation de BDFNM au Canada sont peu abondantes; cependant, les BD, tout comme les OO, présentent des propriétés de renforcement qui peuvent provoquer la dépendance et la toxicomanie. Les enquêtes menées aux É.‑U. indiquent que 9,8 % des répondants ayant déclaré avoir consommé des sédatifs ou des tranquillisants à des fins non médicales l’année antérieure satisfaisaient aux critères de la toxicomanie et de la dépendance, la prévalence étant plus élevée (17,4 %) chez les adolescents. En dépit du manque d’études portant sur les associations possibles entre les BDFNM et les décès par surdose au Canada, des études internationales ont identifié l’empoissonnement consécutif à la consommation de BD dans approximativement 3,8 % des décès provoqués par la consommation d’une seule drogue. Quoique l’on ait fait état d’associations entre la consommation de BD et des blessures (blessures consécutives à un accident routier, suicides et chutes), la relation n’est pas manifeste. Contrairement aux OO, le nombre des admissions pour traitement liées à la consommation de BD est demeuré stable.
Les conséquences sur la société
La santé, le fardeau des maladies et la criminalité liée à la consommation de drogues constituent les plus importants facteurs qui déterminent les « coûts sociaux » directement attribuables à la consommation de drogues. Étant donné l’absence de données canadiennes, on ne dispose actuellement d’aucune évaluation de ces coûts; cependant, en 2001, les coûts sociaux entraînés par la consommation d’OO aux É.‑U. ont été estimés à environ 8,6 milliards de dollars et ces coûts sont probablement plus élevés aujourd’hui étant donné l’augmentation de la consommation d’OO.
Les admissions à des programmes de désintoxication ainsi que les admissions dans les salles d’urgence, qui sont consécutives à la consommation d’OO, constituent des catégories clés qui donnent la mesure des problèmes de santé et du fardeau des maladies associés à la consommation d’OOFNM au cours du temps. Comme l’on ne recueille pas de données sur les admissions dans les salles d’urgence régulièrement ou systématiquement au Canada, les taux de ces admissions ne sont actuellement pas bien connus. Aux É.‑U., des études révèlent que les visites liées à la consommation d’OO dans les salles d’urgence ont augmenté de 120 % dans la période de 1997 à 2002. On estime que le taux des admissions pour traitement liées à la consommation d’OO en Ontario a approximativement doublé en moins d’une décennie (passant de 9,4 % à 15,7 %) et il s’agit probablement d’une sous-estimation, car le système de déclaration ne couvre pas les admissions visant à obtenir un traitement de substitution à la suite de la consommation d’opioïdes.
On connaît peu de choses sur la mortalité attribuable à la consommation d’OO au Canada, car les données sur les décès accidentels attribuables à la consommation de médicaments psychotropes ne sont pas recueillies dans un même centre. Selon une analyse récente effectuée en Ontario, les taux de mortalité attribuables à la consommation d’OO auraient doublé dans la période de 1991 à 2004. Plusieurs études menées aux É.‑U. indiquent en outre que les décès consécutifs à un empoisonnement accidentel causé par la consommation d’OO ont augmenté de manière importante ces dernières années et qu’ils dépassent les décès attribuables à la consommation d’héroïne ou de cocaïne.
Il n’existe actuellement pas d’évaluations empiriques spécifiques des impacts sur la criminalité de la consommation à des fins non médicales de médicaments sur ordonnance au Canada et l’on ne présentera donc de données que relativement à la nature potentielle et à l’étendue des impacts sur la criminalité. Comme les voies de l’offre et les sources des médicaments sur ordonnance diffèrent de celles des drogues illicites, notamment les amis, la famille et l’obtention d’ordonnances multiples, la tâche de définir et de réprimer les crimes liés à l’acquisition de drogues est très complexe. Une analyse d’une cohorte de la population des consommateurs de drogues de la rue au Canada a abouti à des résultats semblables à ceux obtenus aux É.‑U. où les toxicomanes qui ne consomment que des OO sont plus susceptibles d’être mieux intégrés socialement et moins engagés dans la criminalité que les consommateurs de drogues de la rue qui utilisent l’héroïne ou la cocaïne et le crack.
Les questions stratégiques
Comme le Canada en est aux premiers stades de l’élaboration d’une politique, il est crucial de mettre au point la politique la plus appropriée possible en ce qui a trait à la question complexe de la consommation à des fins non médicales d’OO et de BD. À ce titre, toute politique devrait reconnaître que les OO et les BD sont des médicaments importants dans plusieurs domaines de soins médicaux, comme le traitement de la douleur, de l’insomnie et des troubles mentaux, et que l’on devrait, lors de l’élaboration de toute politique ou intervention, prendre garde de ne pas nuire à la prestation de soins de santé efficaces dans ces domaines. Nous présentons diverses questions stratégiques, en faisant ressortir l’utilisation de mesures actives et renforcées d’application de la loi et de contrôles plus serrés des fournisseurs de soins de santé et de médicaments. De plus, nous soulignons certaines des difficultés et des conséquences néfastes qui découlent de telles initiatives, notamment les effets possiblement nocifs sur les jeunes de la criminalisation, l’impact des mesures d’application de la loi sur les dynamiques du marché noir, les difficultés de la surveillance et le phénomène de l’opiophobie et son impact sur l’accès à des soins médicaux efficaces.
Conclusion
Étant donné notre incapacité actuelle à évaluer de manière précise l’étendue de la consommation d’OOFNM et de BDFNM au Canada, nous avons besoin de manière urgente d’effectuer davantage de travaux de recherche avant de pouvoir proposer des politiques sur cette question complexe. Les évaluations, les interventions et les propositions de mesures ayant trait à la consommation à des fins non médicales de médicaments sur ordonnance ont tendance à poser que la racine du problème se situe au niveau individuel. Nous recommandons fortement que l’on adopte une perspective large aux fins de formuler des politiques relatives à la consommation d’OOFNM et de BDFNM au Canada et que l’on reconnaisse les facteurs ou les dynamiques systémiques éventuelles. Nous recommandons, en outre, que la consommation d’OOFNM et de BDFNM soit considérée d’abord et avant tout comme un problème de santé et donne lieu à des interventions fondées sur la santé ou à des améliorations des soins de santé.
1. Méthodologie
Nous avons utilisé AMSTAR, un outil de mesure servant à évaluer la qualité méthodologique des examens systématiques (Shea et al., 2007) ainsi que le survol effectué par Egger et ses collègues (2001) pour orienter la présente recension systématique de la documentation.
Une recherche systématique de la documentation a été effectuée pour établir une liste des études épidémiologiques ayant traité de :
- la prévalence de la consommation à des fins non médicales des OO de même que celle des BD en Amérique du Nord (les termes de la recherche sont en italique; pour rechercher l’Amérique du Nord, les termes utilisés ont été Canada, É.‑U. ou Amérique du Nord)
- la consommation à des fins non médicales des OO et des BD en combinaison avec population générale ou avec consommateur de drogues de la rue
- les conséquences des OO et des BD en Amérique du Nord (nous avons précisé : surdose, douleur, blessure et santé mentale séparément)
dans plusieurs bases de données bibliographiques électroniques dont : Ovid MEDLINE, PubMed, EMBASE, Web of Science (notamment Science Citation Index, Social Sciences Citation Index, Arts and Humanities Citation Index), PsycINFO, CABS (BIDS), WHOLIST, SIGLE, ETOH, Google Scholar, et la base de données Cochrane sur les recensions systématiques. On a recherché la documentation disponible publiée et non publiée jusqu’au mois de juillet 2008 inclusivement. De plus, une recherche effectuée à la main dans les pages bibliographiques d’articles choisis et de diverses recensions ainsi que dans les tables des matières des revues les plus importantes en matière d’épidémiologie et de toxicomanie a été faite. La recherche ne s’est pas limitée aux publications en langue anglaise.
De plus, nous avons cherché des renseignements sur les OOFNM et les BDFNM dans les enquêtes canadiennes d’importance majeure et nous avons analysé les questions respectives dans les enquêtes effectuées en Ontario, où le deuxième auteur est actuellement le principal chercheur (pour l’information technique, voir Adlaf et Paglia-Boak, 2007; Ialomiteanu et al., 2009; Ialomiteanu et Adlaf, 2009).
2. Épidémiologie de la consommation à des fins non médicales de médicaments sur ordonnance au Canada
2.1. La prévalence de la consommation à des fins non médicales d’opioïdes d’ordonnance (OOFNM)
2.1.1. Introduction
Au Canada, le point de vue a été abondamment exprimé selon lequel la consommation à des fins non médicales d’opioïdes d’ordonnance Note de bas de la page 4 (OOFNM) semble avoir augmenté, en suivant des tendances semblables à celles qui existent aux États‑Unis depuis quelques années (Fischer et al., 2008c; Popova et al., 2009; Compton et Volkow, 2006; Hurwitz, 2005; Fischer et al., 2008b). Ce point de vue est en partie soutenu par le fait que la consommation d’OO à des fins médicales – un facteur d’importance primordiale qui influence la consommation à des fins non médicales – au Canada est au plus haut niveau selon une comparaison globale et a approximativement doublé lors de la dernière décennie (Fischer et Rehm, 2008). De ce fait, la dépense au détail par Canadien rajustée en fonction de l’inflation pour les médicaments opioïdes au Canada a également plus que doublé entre 1998 et 2007 (passant de 7 $ à 14,20 $ en dollars de 2007), principalement en raison du choix thérapeutique et des effets de volume (Morgan et al., 2008). Le Canada – après les É.‑U. et l’Allemagne – se classe au troisième rang des pays où il se consomme le plus d’OO par personne, la consommation moyenne en unités de dose thérapeutique quotidienne (DTQ) par million d’habitants par jour totalisant 18 914 (19 965 en Allemagne et 40 604 aux É.‑U.) (Organe international de contrôle des stupéfiants, 2009a).
2.1.2. La population en général
La dernière enquête qui a été effectuée
auprès de la population générale au Canada relativement à la toxicomanie,
l’Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC; Adlaf et al. 2005a), ne
comportait aucune information sur la consommation à des fins non médicales des
médicaments sur ordonnance et on ne dispose par conséquent d’aucune information
épidémiologique actuellement sur la consommation d’OOFNM dans la population
canadienne adulte dans son ensemble. Selon la nouvelle Enquête de surveillance
canadienne de la consommation d’alcool et de drogues (ESCCAD) – menée en 2008
par téléphone auprès d’un échantillon représentatif de la population nationale
canadienne de 16 672 personnes – dont 28,4 % des personnes dans l’échantillon total avaient utilisé des
médicaments pharmaceutiques psychoactifs l’année précédente. De ces
28,4 %, 2,0 % ont déclaré avoir consommé de tels médicaments pour
l’effet euphorique » Note de bas de la page 5.
Environ un cinquième (21,6 %) des consommateurs de médicaments pharmaceutiques
psychoactifs de l’ESCCAD avaient consommé des OO l’année précédente. De ces
21,6 %, 1,5 % (ou 0,3 % de la population totale) les avaient
consommés pour « pour l’effet euphorique
» (Santé Canada, 2009).
Comme il en sera question plus loin, ces chiffres sont largement moindres que
les taux de consommation d’OOFNM déclarés pour la population générale aux
États-Unis (soit, 5,0 % en 2007 (Substance Abuse and Mental Health Administration (SAMHSA), 2008b)).
Selon une méthode différente, qui faisait usage des données canadiennes et des prévisions fondées sur des taux tirés des indicateurs épidémiologiques des É.‑U., il y avait au Canada, en 2003, entre 321 000 et 914 000 consommateurs d’OOFNM parmi les individus âgés de 15 à 49 ans dans la population générale (Popova et al., 2009). Plusieurs indicateurs locaux dans tout le pays ont trait à la prévalence des OOFNM. Par exemple, à Edmonton en 2002, 7,8 % des adultes de plus de 18 ans ont déclaré avoir consommé des médicaments sur ordonnance à des fins non médicales au cours de l’année précédente, les OO étant les médicaments les plus fréquemment consommés (4,9 %) (Wild et al., 2008).
L’Enquête sur les campus canadiens (ECC) a permis de recueillir des données relatives à la consommation d’alcool et d’autres drogues et à d’autres questions de santé dans un échantillon aléatoire de 6 282 étudiants à temps plein de premier cycle provenant de 40 universités en 2004. Quatorze pour cent ont déclaré avoir consommé durant leur vie [traduction] « d’autres médicaments sur ordonnance de type opiacé », 5 % ont déclaré en avoir consommé l’année précédente et 1 % ont déclaré en avoir consommé dans les derniers trente jours. Cependant, quoique ces questions aient figuré parmi d’autres questions sur la consommation de drogues illicites, il n’était pas précisé dans l’ECC si la consommation de ces médicaments était à des fins médicales ou non médicales (Adlaf et al., 2005a). La version antérieure de l’ECC (1998; (Gliksman et al., 2000)) ne contenait aucun élément sur les OOFNM et, par conséquent, il est impossible d’effectuer des comparaisons au fil du temps.
L’étude intitulée Ontario Student Drug Use and Health Survey (OSDUHS) est une enquête représentative menée auprès des étudiants de niveau secondaire dans la province de l’Ontario. Dans la version la plus récente (2007) de l’étude, 21 % des répondants ont déclaré avoir consommé des OOFNM l’année précédente (Adlaf et Paglia-Boak, 2007). Des données sur les tendances n’ont pu être fournies que pour la consommation d’Oxycontin, laquelle a été étudiée pour la première fois en 2005; la consommation à des fins non médicales d’Oxycontin l’année précédente est passée de 1 % (2005) à 1,8 % (2007) (Adlaf et Pagila-Boak, 2005; Adlaf et Paglia-Boak, 2007). De manière analogue à l’OSDUHS, d’autres études provinciales ont mis en évidence des formes de prévalence de la consommation d’OOFNM chez les étudiants des écoles secondaires. L’étude intitulée Student Drug Use Survey in the Atlantic Provinces (SDUSAP), sur la consommation de drogues chez les étudiants des provinces de l’Atlantique, comprenait un nouvel élément sur les OOFNM en 2007 (quoique cette fois-ci encore sans données antérieures pour établir des tendances). Entre 17 % et 20 % des étudiants ayant répondu à l’enquête dans les provinces de la N.‑É., du N.‑B., de T.‑N.‑L. et d’Î.‑P.‑É. ont déclaré avoir consommé de tels médicaments (Poulin et Elliot, 2007). En Alberta, selon l’enquête intitulée 2005 Alberta Youth Experience Survey, menée en 2005 auprès des jeunes, 0,8 % des adolescents des niveaux scolaires allant de la 7e à la 12e année ont déclaré avoir consommé de l’Oxycontin l’année précédente (Lane et AADAC Research Services, 2006). À l’automne de 2007, au Manitoba, un total de 3,5 % des garçons et de 3,9 % des filles de la 7e année jusqu’au secondaire 4 ont déclaré avoir consommé l’année précédente des opioïdes. Cependant, quoiqu’on ait demandé aux étudiants en général s’ils consommaient des médicaments sur ordonnance pour obtenir une sensation d’euphorie, il semble qu’on ne les a interrogés de manière précise que sur le médicament Ritalin (Friesen et al., 2008). Enfin, le groupe de travail sur l’Oxycontin à Terre‑Neuve‑et‑Labrador ainsi que la Cape Breton Victoria Regional School Board ont l’un et l’autre déclaré que la consommation d’Oxycontin était problématique chez les jeunes et qu’elle nécessitait une enquête plus poussée (OxyContin Task Force, 2004; Covell, 2004).
2.1.3. Les populations de consommateurs de drogues de la rue
Selon une étude récente, qui s’appuie sur les données sur les décès par surdose et sur une enquête auprès d’informateurs clés, la population canadienne de consommateurs de drogues de la rue qui fait usage d’OOFNM, d’héroïne ou de ces deux types de drogues est de 72 000 personnes, le nombre des individus consommant des OO à des fins non médicales étant plus élevé que celui des consommateurs d’héroïne en 2003 (Popova et al., 2009). Plusieurs études au Canada portent sur les schémas de consommation de drogues des personnes considérées comme des consommateurs de drogues de la rue, soit les consommateurs de drogues injectables (CDI) ou d’autres consommateurs de drogues à risque élevé, qui obtiennent leurs drogues principalement dans la rue. Selon l’étude OPICAN menée dans plusieurs villes, une étude de cohorte des consommateurs d’opioïdes et d’autres drogues dans sept villes canadiennes (N = 484), en 2005 les OO étaient consommés par 80,6 % de l’échantillon total, avec ou sans héroïne (allant de 29,5 % à 100 % par ville (Fischer et al., 2008a)). Des comparaisons avec les évaluations de référence donnent à penser que la consommation d’OO a nettement augmenté dans la cohorte depuis 2001 et a dans une grande mesure remplacé celle de l’héroïne, laquelle est en baisse (Fischer et al., 2006a). En 2005, la prévalence de la consommation d’OOFNM était supérieure à celle de l’héroïne (lors des derniers trente jours) dans cinq des sept échantillons urbains. La prévalence de la consommation d’héroïne a nettement diminué chez les participants non traités depuis l’année de référence (2001 et les années suivantes) dans tous les sites étudiés, ce qui semble indiquer le remplacement récent de l’héroïne par les OO dans l’échantillon étudié (Fischer et al., 2006b).
L’étude « I‑Track », qui porte sur la consommation de drogues et sur les comportements à risque associés chez les utilisateurs de drogues injectables dans plusieurs villes canadiennes, donne des renseignements sur la consommation de drogues injectables et non injectables des répondants dans les six derniers mois de 2004 (« Phase pilote » (Santé Canada, 2004)) et 2006 (Phase 1 (Santé Canada, 2006)). Pour ce qui est des drogues injectables, la morphine (54,3 % en 2004; 53,7 % en 2006) et le Dilaudid (50,2 %; 32,9 %) sont ressortis comme présentant des niveaux de consommation élevés, quoique relativement stables ou décroissants; en comparaison, la consommation d’héroïne injectable a baissé, de 42,8 % (2004) à 27,6 % (2006). Parmi les drogues non injectables, le Tylénol avec codéine (52,3 % en 2004 et 51,5 % en 2006), le Dilaudid (27,0 %, 23,6 %) et le Demerol (15,8 %, 11,5 %) sont ressortis comme présentant des niveaux stables dans l’ensemble; en comparaison, la consommation d’héroïne non injectable a baissé de 25,6 % (2004) à 15,6 % (2006). Dans l’ensemble, dans les sept sites étudiés en 2006, des proportions plus élevées de répondants s’étaient injectés du Dilaudid plutôt que de l’héroïne dans les six mois précédents (27,6 % contre 32,9 %) et la prévalence de la consommation de Dilaudid était plus élevée dans quatre des sept villes.Dans l’ensemble, dans les sept villes, plus de répondants s’étaient injectés de la morphine non prescrite que de l’héroïne, dans les six mois précédents (27,6 % contre 32,9 %) (Santé Canada, 2006).
D’autres sites étudiés dans le Canada ont permis de mettre en évidence la prévalence de la consommation d’OOFNM chez les consommateurs de drogues de la rue. La comparaison des résultats de la phase 1 (2003) et de la phase 2 (2005) de l’enquête I-Track pour la ville de Victoria fait ressortir un tableau semblable aux données d’ensemble, avec des taux de prévalence de consommation de drogues injectables de 49,8 % et de 52,8 % pour la morphine, et de 40,3 % et 39,6 % pour le Dilaudid, et des taux de prévalence de consommation de drogues non injectables de 47,6 % et 31,3 % pour la combinaison Tylénol/codéine, et de 24,4 % et 24,1 %, pour le Dilaudid (Epidemiology and Disease Control and Population Health Surveillance Unit, 2006). Parmi les clients du site d’injection supervisée de Vancouver (« Insite » : N = 4 764), la consommation, exprimée selon le pourcentage de toutes les visites entre mars 2004 et avril 2005, qui a été déclarée par les minorités était de 13,2 % pour la morphine, de 6 % pour le Dilaudid, et de 0,5 % pour l’Oxycontin; ces taux de consommation étaient toutefois nettement moindres que ceux enregistrés pour l’héroïne (40 %) et la cocaïne (28,2 %) (Tyndall et al., 2006). L’équipe du projet CHASE dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver qui étudiait les schémas de consommation de drogues non injectables a constaté que 6 % des répondants avaient déclaré avoir consommé du Dilaudid (comparativement à 55 % pour le crack et la cocaïne et à 6 % pour les benzodiazépines) (équipe du projet CHASE, 2005). Enfin, selon plusieurs études, Edmonton a une très petite communauté de consommateurs d’héroïne et les OO ont remplacé cette drogue. Dans l’ensemble, selon une enquête auprès des consommateurs de drogues injectables des quartiers défavorisés d’Edmonton, 33,3 % des répondants ont déclaré que leur drogue de prédilection actuelle était la morphine (comparativement à 3,3 % pour la cocaïne et à 10 % pour la cocaïne et les opiacés) (Wild et al., 2003; Strang et Rashiq, 2005). Selon des données plus récentes d’ARC (2007), les consommations spécifiques d’OO au cours du mois précédent par les toxicomanes des quartiers défavorisés d’Edmonton étaient de 60 % pour l’Oxycontin, de 50 % pour le Dilaudid, de 8,9 %, pour la morphine, et de 3,3 % pour le Demerol (Wild et al., 2008).
2.1.4. Les populations en traitement
Certaines données sur les tendances provenant de personnes admises à des services de désintoxication sont disponibles relativement à la consommation problématique d’OO. Pour ce qui est plus particulièrement de la province de l’Ontario, en ce qui a trait aux OO, le système intitulé « Drogue et alcool – système d’information sur le traitement » (DASIT) relève, pour la quasi-totalité des personnes admises dans les services de désintoxication financés par des fonds publics (N = 80 881 en 2003‑2004; N = 103 345 en 2007‑2008, excluant les membres de la famille), la prévalence de la consommation (dans les 12 mois précédents) ainsi que les déclarations relatives aux substances problématiques. Ces deux indicateurs, soit la prévalence de la consommation d’OO (passée de 13,6 % en 2003-2004 à 20,1 % en 2007-2008) et les déclarations selon lesquelles les OO sont les substances problématiques (déclarations qui ont augmenté de 7,6 % à 13,6 % dans la même période), ont presque doublé chez les personnes admises ces dernières années (Drogue et alcool – système d’information sur le traitement (DASIT), 2008). Quatre-vingt-deux pour cent des patients admis, à Toronto, au programme de traitement d’entretien à la méthadone au Centre de toxicomanie et de santé mentale – le plus grand hôpital de traitement de la toxicomanie au Canada – ont déclaré avoir consommé des OOFNM l’année précédente (avec ou sans héroïne (Brands et al. 2004)). Le pourcentage des personnes admises entre 2000 et 2004 à un programme de désintoxication du CAMH, relativement aux opioïdes, et ayant déclaré avoir consommé de l’Oxycontin a augmenté, de 3,8 %, en 2000, à 55,4 %, en 2004 (Sproule et al. 2009).
Les données transversales locales démontrent également une consommation problématique chez les populations en traitement. Ainsi, à Regina, en 2004-2005, 1 192 clients traités dans des centres de désintoxication ont déclaré avoir consommé des narcotiques d’ordonnance et 70 % ont déclaré que cette consommation était problématique (Addictions Services Regina Qu'Appelle Health Region, 2006). En 2003, le groupe de travail sur l’Oxycontin a fait état d’une augmentation de 9,5 % du nombre des personnes admises à un traitement de désintoxication à Terre‑Neuve, relativement à l’Oxycontin, comparativement à l’année précédente (OxyContin Task Force, 2004). Enfin, entre les mois de mai et de décembre 2000, 209 nouveaux clients des services de toxicomanie pour les Autochtones, à Calgary, ont répondu à un questionnaire autoadministré. Sur le total, 48 % ont déclaré avoir consommé de façon inappropriée des médicaments sur ordonnance et 62 % de ce pourcentage ont déclaré avoir consommé des opioïdes ou d’autres analgésiques (Wardman et al., 2002).
2.2. La prévalence de la consommation de benzodiazépines à des fins non médicales (BDFNM)
2.2.1. Introduction
Au Canada en 2007, la dépense par personne, affectée à l’achat au détail de benzodiazépines et des médicaments associés, zopiclone et zaleplon, s’est élevée à 7,50 $ environ. Cependant, contrairement aux OO, la dépense par personne, entre 1998 et 2007, a très peu augmenté, compte tenu de l’inflation (Morgan et al., 2008). De ce fait, selon le rapport le plus récent de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) sur les substances psychotropes, comparativement aux autres pays, la consommation de benzodiazépines au Canada varie selon la catégorie de médicaments, mais a été dans l’ensemble assez stable au cours de la dernière décennie. C’est ainsi que, au Canada, la consommation moyenne en doses thérapeutiques quotidiennes (DTQ), par millier d’habitants et par jour, de sédatifs hypnotiques de type benzodiazépine s’est élevée à 8,74 dans la dernière période étudiée dans le rapport (comparativement à 12,77 en Australie, à 16,47 aux É.‑U., et à 32,44 au R.‑U.). La consommation d’anxiolytiques de type benzodiazépine est, par contre, plus élevée qu’il y a une décennie, à 24,66 (comparativement à 43,03 aux É.‑U., à 12,76 au R.‑U. et à 19,02 en Australie). Enfin, la consommation d’antiépileptiques de type benzodiazépine (en particulier le clonazépam) est considérablement plus basse, à 2,95, bien qu’elle soit plus élevée qu’aux É.‑U. (1,45), au R.‑U. (1,3) et en Australie (0,76) (OICS, 2009b).
2.2.2. La population en général
La dernière enquête qui a été effectuée auprès de la population générale au Canada relativement à la toxicomanie, l’Enquête sur les toxicomanies au Canada (ETC; Adlaf et al. 2005a), ne comportait aucune information sur la consommation des médicaments sur ordonnance et n’est donc d’aucune utilité pour nous renseigner sur l’usage de BDFNM dans la population adulte canadienne dans son ensemble. Selon l’enquête récente ESCCAD, d’envergure nationale, 10,7 % de la population adulte canadienne a consommé des sédatifs pharmaceutiques, surtout des benzodiazépines, au cours de l’année précédente. De cette proportion, 1,4 % - ou 0,2 % du total de la population échantillon – a consommé ces drogues « pour l’effet euphorique » ((Santé Canada, 2009); voir plus haut les réserves méthodologiques relatives à l’ESCCAD).
Les autres informations dont nous disposons donnent une image floue de l’importance de la consommation des BDFNM. Par exemple, selon l’étude intitulée « Seven Addictive Behaviours Study » de l’Addiction and Mental Health Research Laboratory, 0,9 % de la population générale de l’Alberta en 2002 a déclaré avoir consommé des tranquillisants à des fins non médicales (p. ex., l’Ativan, le Valium et le Xanax) au cours des douze mois précédents, comparativement à 4,9 %, pour les analgésiques, et à 3 %, pour les sédatifs (Wild et al., 2008).
L’Enquête sur les campus canadiens (ECC) a permis de recueillir des données relatives à la consommation d’alcool et d’autres drogues et à d’autres questions de santé dans un échantillon aléatoire de 6 282 étudiants à temps plein de premier cycle provenant de 40 universités en 2004. Cinq pour cent des répondants ont déclaré avoir déjà consommé des tranquillisants (des médicaments sur ordonnance comme le Valium, le Librium, le Xanax, l’Ativan et le Klonopin), 2 % ont déclaré en avoir consommé l’année précédente et 1 %, en avoir consommé au cours des derniers 30 jours. Cependant, quoique ces questions aient figuré parmi d’autres questions sur la consommation de drogues illicites, il n’était pas précisé si la consommation de ces médicaments était à des fins médicales ou non médicales (Adlaf et al., 2005b). La version antérieure de l’ECC (1998; (Gliksman et al., 2000)) ne contenait aucun élément sur la consommation à des fins non médicales des tranquillisants sur ordonnance et, par conséquent, il est impossible d’effectuer des comparaisons au fil du temps. Des taux plus élevés ont été constatés dans des enquêtes de plus petite envergure auprès d’étudiants universitaires; par exemple, 8,1 % des répondants à une enquête menée en 2003‑2004 auprès de 149 étudiants de l’université McGill ont déclaré avoir consommé des BDFNM (Barrett et al., 2006).
Plusieurs enquêtes récentes visant des populations d’élèves du niveau secondaire ont montré des taux semblables de consommation de tranquillisants à des fins non médicales au cours de l’année précédente. L’étude intitulée Ontario Student Drug Use and Health Survey (OSDUHS) est une enquête représentative menée auprès des étudiants de niveau secondaire dans la province de l’Ontario. Selon la version la plus récente (2007) de l’enquête, 1,8 % des répondants ont déclaré avoir consommé des tranquillisants (p. ex., le Valium, l’Ativan et le Xanax) au cours de l’année précédente et 2,2 %, ont déclaré en avoir consommé au cours de leur vie. Il ne s’est produit aucun changement significatif au cours de la dernière décennie quant à la consommation au cours de l’année précédente, les pourcentages gravitant autour de 2 % (Adlaf et Paglia-Boak, 2007). D’autres études provinciales ont fait état de résultats comparables : ainsi, entre 2,3 % et 3 % des élèves dans les provinces de la N.‑É., du N.‑B., de T.‑N.‑L et de l’Î.‑P.‑É ont répondu avoir consommé des tranquillisants à des fins non médicales dans l’étude intitulée Student Drug Use Survey in the Atlantic Provinces (SDUSAP). Cela met en évidence une baisse depuis 1998, année où la consommation à des fins non médicales de tels médicaments au cours de l’année précédente variait de 3,4 % à 5,9 % (Poulin et Elliot, 2007). La consommation de tranquillisants au cours de l’année précédente a diminué depuis 2002 jusqu’à 1 % dans l’étude de 2005 intitulée Alberta Youth Experience Survey (Lane and AADAC Research Services, 2006). Enfin, les données sur la consommation de drogues des adolescents révèlent que la consommation d’anxiolytiques (p. ex., le Valium, le Xanax et l’Ativan) au cours des 30 jours précédents se situait entre 0,8 % et 2,3 % dans des régions du cap Breton (Covell, 2004).
2.2.3. Les populations de consommateurs de drogues de la rue
L’étude « I‑Track », qui porte sur la consommation de drogues et sur les comportements à risque associés chez les utilisateurs de drogues injectables dans plusieurs villes canadiennes, donne des renseignements sur la consommation de drogues injectables et non injectables des répondants dans les six derniers mois de 2004 (« Phase pilote » de quatre sites (Santé Canada, 2004)) et 2006 (Phase 1 – total de sept sites au Canada (Santé Canada, 2006)). Pour ce qui est des drogues injectables, la consommation de BDFNM dans la population totale étudiée est demeurée stable, dans tous les sites, entre les deux phases (12,1 % en 2004; 8,4 % en 2006). Pour ce qui est des drogues non injectables, la consommation de BDFNM a nettement augmenté, passant de 13,2 % en 2004, à 49,1 % en 2006. Cependant, il faut noter que des exemples de benzodiazépines (par exemple, le Xanax, le Valium, les calmants) ont été ajoutés comme choix de réponse spécifique à la phase 1 et il convient donc de procéder aux comparaisons au fil du temps en faisant preuve de prudence. Selon l’étude OPICAN menée dans plusieurs villes, une étude de cohorte des consommateurs d’opioïdes et d’autres drogues au Canada, les benzodiazépines étaient les médicaments sur ordonnance les plus fréquemment utilisés, hormis les opioïdes, dans tous les sites étudiés, 36,2 % des personnes de l’échantillon ayant déclaré en avoir consommé au cours des 30 jours précédents (consommation légitime ou à des fins non médicales) (Haydon et al., 2005).
Plusieurs études locales ont mis en évidence la haute prévalence de la consommation de BDFNM chez les consommateurs de drogues de la rue. Lors d’une évaluation faite à Edmonton, des informateurs clés ont confirmé que les BDFNM étaient parmi les médicaments sur ordonnance les plus fréquemment utilisés à des fins non médicales par les consommateurs de drogues de la rue. En outre, 43,7 % des personnes de la cohorte locale des quartiers défavorisés de la ville qui ont répondu à l’enquête OPICAN ont déclaré avoir consommé des BDFNM au cours des 30 jours précédents, ainsi que 45,6 % des répondants dans l’étude intitulée Assessment of Risk Contexts » (ARC) (Wild et al., 2008). Si on examine plus particulièrement les schémas de consommation des drogues non injectables, une comparaison des données disponibles de la phase 1 (2003) et de la phase 2 (2005) de l’étude I‑Track pour le site de Victoria révèle que les taux de prévalence de la consommation de BDFNM étaient de 33,9 %, lors de la phase 1, et de 31,3 %, lors de la phase 2 (Epidemiology and Disease Control and Population Health Surveillance Unit, 2006).Cependant, l’équipe du projet CHASE, dans le quartier Downtown Eastside de Vancouver, qui étudiait les schémas de consommation de drogues non injectables a constaté que 6 % seulement des répondants à l’enquête ont déclaré avoir consommé des BDFNM (équipe du projet CHASE, 2005).
2.2.4. Les populations en traitement
Certaines données longitudinales sur les BDFNM, recueillies auprès de personnes admises à des services de désintoxication, sont disponibles et elles sont généralement stables dans le temps. Pour ce qui est plus particulièrement de la province de l’Ontario, en ce qui a trait aux benzodiazépines, le système DASIT relève, pour la quasi-totalité des personnes admises dans les services de désintoxication financés par des fonds publics (N = 80 881 en 2003‑2004; N = 103 345 en 2007‑2008, excluant les membres de la famille), la prévalence de la consommation (dans les 12 mois précédents) ainsi que des déclarations relatives à des problèmes de consommation. Ces deux indicateurs, soit la prévalence de la consommation de benzodiazépines (passée de 11,2 % en 2003-2004 à 10 % en 2007-2008) et les déclarations selon lesquelles les benzodiazépines sont les substances problématiques (3,9 % en 2003-2004 et 3,4 % en 2006-2007 de même qu’en 2007-2008) chez les personnes admises à des traitements sont demeurés relativement stables au cours de cette période (Drogue et alcool – système d’information sur le traitement (DASIT), 2008). À Toronto, les demandes de traitement qui ont été relevées dans le répertoire intitulé « Drogue et alcool – répertoire des traitements (DART) » révèlent que, en 2002-2003, 1 % des personnes ayant effectué les demandes considéraient les benzodiazépines comme des substances problématiques, alors que le total correspondant pour l’année suivante était < 2 % (Research Group on Drug Use, 2004). Vingt-six pour cent des personnes admises au CAMH pour un traitement d’entretien à la méthadone entre les années 1994 et 1999 ont déclaré avoir un problème de consommation de benzodiazépines, aucun changement significatif n’ayant été observé au fil du temps (Brands et al., 2002). Vingt-huit pour cent des personnes admises pour un traitement à la Addictions Foundation of Manitoba (AFM) ont déclaré avoir déjà consommé des sédatifs/hypnotiques et des tranquillisants au moins une fois au cours de leur vie, dont les plus fréquemment consommés étaient les benzodiazépines. La consommation de sédatifs hypnotiques et de tranquillisants a augmenté de 22,4 % en 2000‑2001, à 31,3 % en 2005‑2006, mais on ne sait pas bien la part de cette augmentation qui est attribuable aux BDFNM (RCCET, 2004; Stevens et The Winnipeg Site Network Team, 2006).
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